AFFAIRE DOMENECH FIGUEROA c. ESPAGNE (Cour européenne des droits de l’homme) Requête no 54696/18

L’affaire concerne une procédure civile entamée par le requérant pour contester la légalité du licenciement collectif mis en œuvre par son employeur. Le requérant se plaint que les juridictions internes aient commis une erreur qui a postérieurement entraîné l’irrecevabilité du pourvoi en cassation formé par lui devant le Tribunal suprême. Il a de ce fait été privé de son droit d’accès à la juridiction suprême. Est en cause l’article 6 § 1 de la Convention. PDF, WORD.


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE DOMENECH FIGUEROA c. ESPAGNE
(Requête no 54696/18)
ARRÊT
STRASBOURG
28 septembre 2021

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Domenech Figueroa c. Espagne,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :

Georgios A. Serghides, président,
María Elósegui,
Andreas Zünd, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 54696/18) dirigée contre le Royaume d’Espagne et dont un ressortissant de cet État, M. Ignacio Domenech Figueroa (« le requérant ») a saisi la Cour le 13 novembre 2018 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Notant que le 2 septembre 2019 la requête a été communiquée au Gouvernement,

Vu les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 septembre 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. L’affaire concerne une procédure civile entamée par le requérant pour contester la légalité du licenciement collectif mis en œuvre par son employeur. Le requérant se plaint que les juridictions internes aient commis une erreur qui a postérieurement entraîné l’irrecevabilité du pourvoi en cassation formé par lui devant le Tribunal suprême. Il a de ce fait été privé de son droit d’accès à la juridiction suprême. Est en cause l’article 6 § 1 de la Convention.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 1973 et réside à Mijas. Il a été représenté par Me A.M. Vázquez Meiriño, avocate.

3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. A. B. Brezmes Martínez de Villareal, avocat de l’État et chef du service juridique des droits de l’homme au ministère de la Justice.

4. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

5. Le requérant était employé dans un établissement bancaire et, au vu de l’annonce de la fermeture de toutes les agences, il décida d’adhérer volontairement au licenciement collectif qui avait été convenu avec l’entreprise. Après un certain temps, aucune agence n’ayant finalement été fermée, le requérant entama une procédure civile ordinaire, demandant à titre principal la nullité de son adhésion au plan de licenciement collectif pour cause de vice de consentement (articles 1265, 1269, 1270 et 1300 du code civil espagnol) et, à titre subsidiaire, l’indemnisation du préjudice subi (article 1101 du code civil espagnol). Au cours de la procédure orale, il renonça expressément à la prétention subsidiaire et maintint la prétention principale.

6. Par un jugement du 23 décembre 2015, le juge des affaires sociales no 13 de Málaga débouta le requérant. Il déclara par erreur que celui-ci avait retiré sa demande en nullité formée à titre principal et qu’il avait maintenu la demande d’indemnisation formée à titre subsidiaire. En tout état de cause, la prétention principale fut également tranchée au fond puisque le juge conclut que l’existence d’un vice de consentement n’avait pas été prouvée.

7. À la suite d’une demande du requérant, le juge des affaires sociales rendit le 26 janvier 2016 une décision qui corrigeait cette erreur et précisait que la prétention que l’intéressé avait maintenue et qui avait été tranchée était bien la demande en nullité formée à titre principal.

8. Le requérant fit appel (suplicación) du jugement de première instance. Il exposa explicitement que la procédure concernait une action en nullité et fit expressément mention de la décision corrigeant l’erreur commise dans le jugement. De même, il indiqua que par son recours devant la juridiction d’appel il entendait bien faire déclarer nulle son adhésion au licenciement collectif et obtenir sa réintégration à son poste.

9. Par un arrêt daté du 11 janvier 2017, le Tribunal supérieur de justice d’Andalousie débouta le requérant de son appel. Il commit la même erreur que celle faite précédemment et exposa que le requérant avait maintenu sa demande subsidiaire et retiré sa demande principale. Le requérant fit une demande de rectification, qui fut rejetée par une décision du 1er février 2017. La juridiction d’appel déclara que l’erreur éventuellement commise était imputable au requérant et qu’en tout état de cause la demande en nullité, à supposer qu’elle eût été maintenue, aurait été rejetée car elle aurait dû être invoquée dans le cadre d’une procédure de règlement des conflits du travail et non d’une procédure ordinaire telle qu’en l’espèce. La demande en nullité introduite ultérieurement par le requérant fut rejetée le 29 mars 2017 par la même juridiction.

10. Le requérant se pourvut en cassation. En faisant une demande d’harmonisation de la jurisprudence, il exposa que l’arrêt rendu par le Tribunal supérieur de justice était en contradiction avec les conclusions formulées par d’autres tribunaux supérieurs de justice espagnols. Selon lui, la question juridique objet de décisions contradictoires était celle de savoir si une demande en nullité d’un licenciement pouvait être formée dans le cadre d’une procédure ordinaire ou si elle exigeait le déclenchement d’une procédure de règlement des conflits du travail.

11. Par une décision rendue le 12 décembre 2017, le Tribunal suprême déclara le pourvoi en cassation irrecevable. Il exposa que, dès lors que les arguments rendus par le Tribunal supérieur de justice dans la décision du 1er février 2017 concernant l’inadéquation de la procédure civile ordinaire étaient des obiter dicta, la contradiction jurisprudentielle n’était pas réelle en l’espèce mais hypothétique. Ainsi, il n’était pas possible d’examiner la contradiction jurisprudentielle alléguée par le requérant.

12. Le requérant forma un recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel. Par une décision rendue le 29 mai 2018, signifiée au requérant le 1er juin 2018, cette haute juridiction déclara irrecevable le recours d’amparo, estimant qu’il n’avait pas de pertinence constitutionnelle particulière.

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

13. Les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 36/2011 du 10 octobre 2011 régissant la juridiction sociale étaient ainsi rédigées à l’époque des faits :

Article 219

« 1. L’objet du pourvoi en cassation est l’harmonisation de la jurisprudence dans le contexte de jugements rendus en appel (suplicación) par les chambres des affaires sociales des tribunaux supérieurs de justice, qui sont soit contradictoires entre eux, soit en contradiction avec ceux rendus par une ou plusieurs chambres des tribunaux supérieurs de justice ou par le Tribunal suprême, à l’égard des mêmes parties au litige ou d’autres parties dans la même situation où, sur la base de faits, de motifs et de prétentions essentiellement identiques, des décisions différentes ont été rendues.

(…) »

14. La jurisprudence pertinente du Tribunal suprême espagnol avait établi ce qui suit :

Arrêt no 3542/2008 du Tribunal suprême (chambre des affaires sociales) du 25 juin 2008

« (…) les arguments contenus dans l’arrêt (…) constituent des obiter dicta qui ne sauraient fonder un recours extraordinaire tel que celui en l’espèce (…) [I]l faut tenir compte de ce que la contradiction ne naît pas de la comparaison abstraite de doctrines (…) mais d’une divergence entre des décisions concrètes rendues dans le cadre de litiges essentiellement identiques (…) »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

15. Le requérant allègue que les tribunaux internes ont rendu des décisions incongrues dès lors qu’ils ont tranché une action en justice à laquelle il avait expressément rénoncé et qu’ils ont omis de statuer à propos de celle qui avait été maintenue. En particulier, cette erreur l’aurait empêché d’obtenir une réponse sur le fond de ses prétentions auprès du Tribunal suprême. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »

A. Sur la recevabilité

16. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

17. Le requérant expose que les juridictions internes ont rendu des décisions incongrues qui l’ont empêché d’obtenir une réponse sur le fond de ses prétentions. En particulier, le Tribunal supérieur de justice d’Andalousie aurait commis une erreur sur le point de savoir quelle action en justice devait être tranchée, et ce en méconnaissant la décision rendue le 26 janvier 2016 par le juge des affaires sociales no 13 de Málaga, qui avait précisé que la demande en nullité formée à titre principal était celle qui avait été tranchée.

18. Le Gouvernement allègue que malgré l’erreur de fait commise par les juridictions internes, la demande principale (l’action en nullité) du requérant a bien été tranchée sur le fond. Il expose qu’une réponse avait en effet été donnée à titre surabondant (obiter dicta) et que l’erreur en question était donc purement formelle et sans incidence sur les droits du requérant. Il ajoute que, même si la question avait été tranchée de façon directe, la juridiction interne n’aurait pas fait droit aux prétentions du requérant car cette même controverse avait déjà été tranchée par les juridictions internes à l’occasion d’autres procédures judiciaires. Le Gouvernement note enfin que le Tribunal supérieur de justice a observé que le requérant avait choisi une procédure judiciaire inadéquate pour formuler sa demande en nullité.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

19. L’article 6 de la Convention n’astreint pas les États contractants à créer des cours d’appel ou de cassation. Cependant, si de telles juridictions existent, les garanties de l’article 6 doivent être respectées, notamment en ce qu’il assure aux plaideurs un droit effectif d’accès aux tribunaux pour les décisions relatives à leurs droits et obligations de caractère civil (Andrejeva c. Lettonie [GC], no 55707/00, § 97, CEDH 2009 ; Zubac c. Croatie [GC], no 40160/12, § 80, 5 avril 2018).

20. Par ailleurs, en ce qui concerne l’application de restrictions légales à l’accès aux juridictions supérieures découlant du taux du ressort, la Cour a pris en considération, à différents degrés, certains facteurs : i) la prévisibilité de la restriction, ii) le point de savoir si c’est le requérant ou l’État défendeur qui doit supporter les conséquences négatives des erreurs commises au cours de la procédure et qui ont eu pour effet de priver le requérant d’un accès à la juridiction suprême, et iii) celui de savoir si les restrictions en question peuvent passer pour révéler un « formalisme excessif » (Zubac, précité, § 85).

21. S’agissant en particulier du deuxième critère, il n’est pas rare que, pour trancher la question de la proportionnalité, la Cour identifie les erreurs procédurales commises au cours de la procédure et qui, en définitive, ont empêché le requérant d’accéder à un tribunal, et qu’elle détermine si l’intéressé a dû supporter une charge excessive en raison de ces erreurs. Lorsque l’erreur procédurale en question n’est imputable qu’à un côté, selon le cas celui du requérant ou celui des autorités compétentes, notamment la juridiction (ou les juridictions), la Cour a habituellement tendance à faire peser la charge sur celui qui a commis l’erreur (Šimecki c. Croatie, no 15253/10, §§ 46-47, 30 avril 2014 ; Egić c. Croatie, no 32806/09, § 57, 5 juin 2014 ; Sefer Yılmaz et Meryem Yılmaz c. Turquie, no 611/12, §§ 72‑73, 17 novembre 2015 ; Zubac, précité, § 90).

22. La Cour rappelle toujours qu’il ne lui appartient pas généralement de connaître des erreurs de fait et de droit prétendument commises par une juridiction nationale, sauf erreur manifeste d’appréciation ayant porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I ; Perez c. France [GC], no 47287/99, § 82, CEDH 2004‑I). Il est extrêmement rare que la Cour remette en cause sous l’angle de l’article 6 § 1 l’appréciation des tribunaux nationaux en estimant que leurs conclusions peuvent passer pour arbitraires ou manifestement déraisonnables (en ce sens, voir Dulaurans c. France, no 34553/97, § 38, 21 mars 2000 ; Khamidov c. Russie, no 72118/01, § 170, 15 novembre 2007 ; Anđelković c. Serbie, no 1401/08, § 24, 9 avril 2013 ; Lazarević c. Bosnie‑Herzégovine, no 29422/17, § 32, 14 janvier 2020 ; Bochan c. Ukraine (no 2) [GC], no 22251/08, §§ 63-65, CEDH 2015).

b) Application de ces principes au cas d’espèce

23. La Cour estime que le cas d’espèce ne concerne pas l’application d’une restriction légale à l’accès à une juridiction supérieure découlant du taux du ressort (paragraphes 20-21 ci-dessus). Elle observe cependant que les principes généraux mentionnés à ce sujet sont pertinents, mutatis mutandis, pour trancher la présente affaire.

24. La Cour note qu’au cours de la procédure la juridiction interne a commis une erreur en déclarant que le requérant avait retiré sa demande en nullité du licenciement, formée à titre principal, et qu’il avait maintenu sa demande d’indemnisation du préjudice, formée à titre subsidiaire, alors que c’était exactement le contraire. La juridiction de première instance a corrigé l’erreur en temps utile et a bien précisé que, en tout état de cause, la demande en nullité du licenciement formée à titre principal avait été tranchée sur le fond. Néanmoins, la juridiction d’appel a par la suite refait la même erreur bien que le recours du requérant fût clair à propos de l’action qu’il entendait engager. De plus, il faisait expressément mention de la décision rendue par le juge de première instance le 26 janvier 2016 (paragraphe 8 ci-dessus). Le Tribunal supérieur de justice n’a pas corrigé l’erreur malgré la demande adressée par le requérant. Il a cependant tranché au fond la demande principale (la demande en nullité du licenciement), exposant que dans tous les cas elle avait été formée au moyen d’une procédure inadéquate.

25. En ce sens, il y a lieu de noter que le refus du Tribunal supérieur de justice de corriger cette erreur a postérieurement entraîné l’irrecevabilité du pourvoi en cassation du requérant. En effet, dès lors que les arguments présentés par la juridiction d’appel pour trancher la demande en nullité formée à titre principal étaient des obiter dicta, le Tribunal suprême a conclu qu’il n’était pas possible d’examiner la contradiction jurisprudentielle alléguée par le requérant (paragraphe 11 ci-dessus).

26. En application des principes généraux exposés ci-dessus, la Cour relève que l’erreur commise par la juridiction interne a eu pour effet de priver le requérant d’un accès à la juridiction suprême. Elle estime que le requérant a dû supporter une charge excessive en raison de cette erreur, d’autant plus que celle-ci était exclusivement imputable à la juridiction en question. En effet, si la juridiction d’appel avait corrigé son erreur, les arguments présentés pour trancher l’action en justice du requérant n’auraient pas été des obiter dicta, et de ce fait le Tribunal suprême aurait tranché différemment le pourvoi en cassation de l’intéressé. Il s’ensuit qu’en raison de cette erreur de fait, imputable à la juridiction interne, une décision indéniablement erronée a été rendue en l’espèce. Ainsi, l’erreur commise par le Tribunal supérieur de justice d’Andalousie a porté atteinte au droit du requérant à un accès effectif au Tribunal suprême (Laskowska c. Pologne, no 77765/01, §§ 60-61, 13 mars 2007 ; Šimecki, précité, §§ 46‑47 ; Sefer Yılmaz et Meryem Yılmaz, précité, §§ 72-73).

27. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

28. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

29. Le requérant demande 30 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il estime avoir subi.

30. Le Gouvernement considère que le requérant n’a pas prouvé la réalité de ce dommage.

31. La Cour rappelle que la forme la plus appropriée de redressement pour une violation de l’article 6 § 1 consiste à faire en sorte que le requérant se retrouve autant que possible dans la situation qui aurait été la sienne si cette disposition n’avait pas été méconnue (Atutxa Mendiola et autres c. Espagne, no 41427/14, § 51, 13 juin 2017). Elle juge que ce principe trouve à s’appliquer en l’espèce. En effet, elle note que le droit interne prévoit la possibilité de réviser les décisions définitives qu’un arrêt de la Cour a déclarées contraires aux droits reconnus dans la Convention.

32. Par conséquent, elle estime que la forme la plus appropriée de redressement serait, pourvu que le requérant la demande, la révision de la procédure conformément aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention.

33. En outre, la Cour estime que le requérant doit avoir subi une certaine détresse, qui ne peut être compensée que par un constat de violation ou par la réouverture de la procédure. Ainsi, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant la somme de 9 600 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû par lui à titre d’impôt sur cette somme.

B. Frais et dépens

34. Le requérant réclame 6 500 EUR au titre des frais et dépens qu’il a exposés dans le cadre de la procédure menée devant les juridictions internes et 1 500 EUR au titre de ceux qu’il a engagés aux fins de la procédure menée devant la Cour. De plus, il réclame la somme de 2 000 EUR pour la procédure de révision (recurso de revisión) qu’il prévoit d’entamer afin de faire rouvrir la procédure.

35. Le Gouvernement expose que le requérant n’est pas censé réclamer à ce stade les frais et dépens qu’il pourrait exposer à l’occasion d’une éventuelle procédure de révision devant le Tribunal suprême.

36. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Concrètement, s’agissant du remboursement des honoraires d’avocat pour la procédure devant elle, la Cour exige des notes d’honoraires et des factures détaillées. Celles-ci doivent être suffisamment précises pour lui permettre de déterminer dans quelle mesure les conditions pertinentes se trouvent remplies (Pişkin c. Turquie, no 33399/18, § 243, 15 décembre 2020). Le requérant n’ayant soumis aucune pièce justificative concernant les honoraires payés ou devant être versés à son représentant, la Cour rejette sa prétention formulée au titre des frais et dépens engagés devant elle. Elle écarte aussi la prétention relative à la procédure de révision que le requérant prévoit d’introduire, étant donné que ces frais n’ont pas été effectivement engagés par lui (Gil Sanjuan c. Espagne, no 48297/15, § 55, 26 mai 2020).

C. Intérêts moratoires

37. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois, la somme de 9 600 EUR (neuf mille six cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 septembre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Olga Chernishova                                 Georgios A. Serghides
Greffière adjointe                                         Président

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Dernière mise à jour le septembre 28, 2021 par loisdumonde

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