AFFAIRE E.V. c. SUISSE (Cour européenne des droits de l’homme) Requête no 77220/16

L’affaire concerne l’expulsion d’un ressortissant chilien né en 1981 et vivant depuis sa naissance en Suisse pour avoir été condamné pour de sérieuses infractions contre l’intégrité sexuelle des victimes.


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE E.V. c. SUISSE
(Requête no 77220/16)
ARRÊT
STRASBOURG
18 mai 2021

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire E.V. c. Suisse,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :

Georgios A. Serghides, président,
Carlo Ranzoni,
Anja Seibert-Fohr, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 77220/16) dirigée contre la Confédération suisse et dont un ressortissant chilien, M. E.V. (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 12 décembre 2016,

la décision de porter à la connaissance du gouvernement suisse (« le Gouvernement ») la requête,

les observations des parties,

la décision d’accorder d’office l’anonymat au requérant (article 47 § 4 du règlement de la Cour),

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 avril 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. L’affaire concerne l’expulsion d’un ressortissant chilien né en 1981 et vivant depuis sa naissance en Suisse pour avoir été condamné pour de sérieuses infractions contre l’intégrité sexuelle des victimes.

EN FAIT

2. Le requérant est un ressortissant chilien né en 1981 et résidant à Arica, au Chili. Il a été représenté devant la Cour par Me M. Buser, avocate à Genève.

3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. A. Chablais, de l’Office fédéral de la justice.

4. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent être résumés comme suit.

5. Le requérant est né en 1981 à Genève, où il effectua sa scolarité obligatoire suivie d’un apprentissage d’étancheur. Jusqu’au 31 juillet 2013, il bénéficiait d’une autorisation d’établissement.

6. Son père et la compagne de celui-ci, ainsi que sa mère et sa sœur vivent en Suisse ; il n’a plus de contact avec ces dernières. Il est célibataire et sans enfant.

7. Le 6 août 2002, le requérant fut condamné à une peine privative de liberté de six mois, avec sursis pendant cinq ans, pour brigandage, vol, dommages à la propriété et violation de domicile, pour avoir, en 1999, avec une responsabilité restreinte, attaqué à main armée un magasin de tabac et cambriolé un club de tennis.

8. Le 4 décembre 2002, l’Office cantonal de la population et des migrants de la République et canton de Genève adressa au requérant un avertissement, attirant son attention sur d’éventuelles sanctions en droit des étrangers.

9. Par la suite, le requérant fit régulièrement l’objet de condamnations pénales. Il fut ainsi sanctionné, le 1er septembre 2006, à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 500 francs suisses (CHF) pour menaces contre son ex-compagne ; le 16 août 2007, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 60 CHF avec sursis pendant quatre ans et à une amende de 1 000 CHF pour lésions corporelles par négligence dues à un accident de la route, conduite en état d’ébriété, conduite sous retrait du permis de conduire et utilisation du permis de circulation sans assurance responsabilité civile, et, le 29 octobre 2009, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 60 CHF avec sursis pendant trois ans et à une amende de 300 CHF pour dommages à la propriété, pour avoir, en état d’ébriété, donné un coup de pied contre un véhicule stationné.

10. Par un arrêt du 18 octobre 2010, la chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève condamna le requérant à une peine privative de liberté de 30 mois pour inceste contre sa sœur adolescente alors qu’il était sous l’emprise de la cocaïne, ainsi que pour délit manqué d’actes d’ordre sexuel avec un enfant qu’il ne connaissait pas (délit perpétré après qu’il se fut subrepticement introduit dans une chambre d’hôpital où se trouvait la victime mineure), vols, dommage à la propriété, violation de domicile et infraction simple à la loi fédérale sur les stupéfiants. La chambre pénale astreignit en outre l’intéressé à une mesure de traitement ambulatoire d’une durée de cinq ans visant l’abus de substances psychotropes et comportant un volet psychothérapeutique de type sexologique. Selon un expert, le requérant souffrait d’un trouble relativement sévère de la personnalité et d’une dépendance à la cocaïne ; il abusait en outre de l’alcool et du cannabis.

11. Le 17 juin 2011, le requérant fut encore condamné à une peine privative de liberté de 124 jours avec sursis pendant cinq ans, pour menaces de mort et contrainte contre son ancienne compagne, et à une amende de 500 CHF pour détention de quatre emballages de boulettes de cocaïne qu’il avait précédemment consommées.

12. Au 12 juillet 2011, le requérant faisait l’objet de poursuites pour plus de 20’000 CHF.

13. Par décision du 31 juillet 2013, le Département de la sécurité de la République et canton de Genève révoqua l’autorisation d’établissement du requérant et prononça son renvoi de Suisse.

14. Par un arrêt du 3 mars 2014, le Tribunal administratif de première instance admit le recours du requérant, jugeant que l’intérêt privé de l’intéressé devait l’emporter sur l’intérêt public à son éloignement.

15. Par un arrêt du 29 septembre 2015, la Cour de justice rejeta le recours du département de la sécurité, après avoir auditionné le requérant ainsi que différents témoins qui attestaient de l’évolution positive de celui‑ci. Elle jugea en substance que les conditions pour la révocation d’une autorisation d’établissement étaient remplies et que l’intérêt public à éloigner l’intéressé ne faisait aucun doute, compte tenu de la gravité des délits commis. L’intérêt privé du requérant à demeurer en Suisse devait toutefois l’emporter compte tenu du fait qu’il avait accompli un travail important sur lui-même afin de contenir ses pulsions, et avait arrêté sa consommation de stupéfiants et d’alcool qui l’avait conduit par le passé à commettre des infractions, qu’il était né en Suisse et qu’il n’avait pas le moindre lien avec le Chili.

16. Par un arrêt du 20 juillet 2016, le Tribunal fédéral admit le recours du Secrétariat d’État aux migrations, annula l’arrêt du 29 septembre 2015 de la Cour de justice et confirma la décision du 31 juillet 2013 du département de la sécurité. Il conclut que les faits reprochés, extrêmement graves, la peine infligée, ainsi que la multiplication des infractions commises par le requérant, célibataire et sans enfant, conduisaient à faire primer l’intérêt public à l’éloigner de Suisse sur son intérêt privé à y demeurer.

17. Les paragraphes pertinents de l’arrêt du Tribunal fédéral sont libellés comme il suit :

« 3.2. La Cour de justice a estimé que, compte tenu de la réitération d’infractions commises entre 1999 et le mois de mai 2011, ainsi que de la gravité particulière de celles qui ont donné lieu à l’arrêt du 18 octobre 2010 de la chambre pénale, à savoir l’inceste et le délit manqué d’actes d’ordre sexuel avec un enfant, l’intérêt à éloigner l’intéressé ne faisait aucun doute. Toutefois, l’intérêt privé de l’intimé à demeurer en Suisse était également important, celui-ci ayant toujours vécu à Genève, ville où il avait tous ses proches, à savoir son père et la famille de la compagne de celui-ci, ainsi que des amis ; il était au bénéfice d’un emploi stable ; il n’avait pas le moindre lien avec le Chili, si ce n’est la nationalité et une grand-mère de 80 ans qu’il n’avait jamais rencontrée ; le dossier attestait d’efforts de réintégration et, à tout le moins depuis le début de l’année 2013, l’intimé avait accompli un important travail sur lui-même, afin notamment de contenir ses pulsions, et avait arrêté sa consommation de stupéfiants et d’alcool qui l’avait conduit par le passé à commettre des infractions.

3.3.1. Le recourant souligne à bon droit que la jurisprudence se montre extrêmement rigoureuse en cas d’infractions contre l’intégrité sexuelle. Or, en l’espèce, l’intimé a été condamné pour inceste sur sa sœur adolescente et a tenté de s’en prendre à un enfant après s’être introduit dans une chambre d’hôpital. Si, lors de la commission de l’inceste, il était sous l’emprise de la cocaïne, tel n’était pas le cas lors du second délit une responsabilité entière a été reconnue même s’il était sous une légère influence de l’alcool. Le jugement du 18 octobre 2010 de la chambre pénale mentionne au demeurant qu’il n’avait fait preuve d’aucune empathie à l’égard de ses victimes et semblait ne pas avoir saisi la nature et la portée de ses agissements. L’intimé s’est, au surplus, rendu coupable d’une attaque à main armée d’un magasin de tabac, avec une responsabilité restreinte, à savoir un type d’infraction avec lequel le Tribunal fédéral se montre également très sévère. De plus, en sus de la lourde condamnation à trente mois de réclusion pour des infractions particulièrement graves et de celle de six mois avec sursis du 6 août 2002 pour l’attaque susmentionnée, l’intimé a fait l’objet de quatre autres condamnations pénales.

Comme le relève le recourant, toutes les condamnations portent sur des faits commis durant le délai d’épreuve fixé dans le jugement pénal précédent, démontrant la difficulté de l’intéressé à s’amender, même si cette difficulté doit être mise en relation avec ses problèmes de dépendance. La prise de conscience par l’intimé de la gravité des faits perpétrés est en outre douteuse puisque, lors de son audition par la Cour de justice le 27 mars 2015, il parlait des « bêtises » commises dont il imputait la responsabilité aux substances consommées. À cet égard, la Cour de justice semble ne pas avoir retenu un risque de récidive, bien que les infractions entrent dans la liste de celles qui imposent d’examiner avec rigueur le risque de récidive. Dans ce cadre, il convient de relever que le bien juridique menacé est extrêmement important puisqu’il s’agit de l’intégrité sexuelle ; or, le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux en présence d’infractions de ce type (cf. ATF 137 II 297 consid. 3.3 p. 303 s. ; cf. également art. 121 al. 3 let. a Cst.) ; le degré de certitude quant à l’évolution positive de l’intimé doit ainsi être d’autant plus élevé. Il faut tout d’abord constater que, si la consommation de drogue et d’alcool ont joué un rôle dans la perpétration des infractions, la responsabilité de l’intimé a été jugée entière en rapport avec le délit manqué d’actes d’ordre sexuel avec un enfant. Ainsi, toutes les infractions commises ne l’ont pas été sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool. Ce fait relativise l’abstinence de l’intéressé, dont celui-ci se prévaut, même si elle est à relever. À cet égard, il faut constater que l’intimé a consommé des stupéfiants en 2012 pendant trois semaines alors qu’il était suivi par une institution médicale et qu’il n’est abstinent que depuis février 2013, ce qui est relativement récent s’agissant de l’abandon d’une addiction. Il bénéficie encore d’un suivi thérapeutique au sein d’un service d’addictologie hospitalier.

Finalement, il faut encore relever que l’évolution positive de l’intimé (et le fait qu’il ait su gérer la séparation d’avec son amie) doit être relativisée compte tenu, d’une part, des contrôles et du suivi thérapeutique imposés et, d’autre part, du fait que le délai d’épreuve fixé à cinq ans dans le jugement du 17 juin 2011 vient d’arriver à échéance. En outre, l’intéressé souligne en vain que l’avertissement qui lui a été adressé remonte à 2002 et qu’il n’en a plus reçu jusqu’à la révocation de son autorisation de séjour ; cela ne signifie notamment pas, comme il le voudrait, que l’intérêt public à l’éloigner de Suisse ne soit plus d’actualité. Au contraire, il ressort des considérations ci-dessus qu’un risque de récidive, même minime, existe, malgré l’amélioration du comportement de l’intéressé, le recul nécessaire pour évaluer cette amélioration sur le long terme faisant défaut. Or, la jurisprudence en matière de droit des étrangers considère que lors d’infractions pénales graves même un risque faible de récidive n’a pas à être toléré, sous réserve de liens personnels ou familiaux prépondérants.

3.3.2. En ce qui concerne l’intérêt privé de l’intimé à demeurer en Suisse, il faut retenir que celui-ci y est né et y séjourne ainsi depuis 34 ans ; il a effectué toute sa scolarité obligatoire en Suisse, ainsi que son apprentissage d’étancheur. Son père, qui est malade et que l’intimé aide dans les tâches de tous les jours, l’amie de celui-ci et la fille de celle-ci, que l’intimé considère comme sa demi-sœur, sont également domiciliés dans notre pays. Il n’a en revanche plus de contact avec sa mère et sa sœur. Il est séparé de son amie, avec laquelle il a néanmoins gardé contact, et n’a pas d’enfant ; il entretient une relation proche avec un ami d’enfance mais ne fréquente plus ses anciens copains pour éviter une rechute dans la drogue et l’alcool. Ainsi, bien que l’intimé soit né en Suisse et y ait vécu toute sa vie, il ne s’y est pas intégré socialement. En revanche, son intégration professionnelle est bonne puisqu’il a achevé une formation professionnelle et est au bénéfice d’un contrat de travail de durée indéterminée, depuis le 18 février 2013, auprès d’une entreprise où il est très apprécié ; son revenu oscille de 5’400 fr. à 6’400 fr. suivant les mois.

On ne saurait sous-estimer les difficultés auxquelles l’intimé serait confronté en cas de renvoi vers le Chili, pays où il ne s’est jamais rendu et où sa seule famille consiste en une grand-mère de 80 ans qu’il n’a jamais rencontrée. Un tel renvoi constituerait, à n’en pas douter, une situation difficile pour celui-ci. Cependant, compte tenu des actes répréhensibles en cause, ces éléments ne sont pas suffisants pour faire obstacle à la révocation de son autorisation d’établissement. Sa grand-mère pourra, le cas échéant, lui apporter le soutien et l’aide nécessaires. De plus, le fait qu’il parle espagnol, même s’il n’écrit pas cette langue, et qu’il a une formation d’étancheur qu’il pourra mettre à profit dans ce pays sont des éléments qui faciliteront son intégration, éléments auxquels il faut ajouter que l’intimé est, à 34 ans, encore jeune, ce qui constitue un élément positif pour entreprendre une vie nouvelle. Il sied de mentionner qu’il pourra néanmoins déposer une nouvelle demande d’autorisation de séjour à l’échéance du délai d’interdiction d’entrée en Suisse commençant à courir à la date d’entrée en force de la décision de révocation de son autorisation d’établissement (art. 67 al. 3 LEtr).

3.4. En conclusion, les faits reprochés, extrêmement graves, la peine infligée, ainsi que la multiplication des infractions commises par l’intimé, célibataire et sans enfant, conduisent à faire primer l’intérêt public à l’éloigner de Suisse sur son intérêt privé à y demeurer. Dans ces conditions, la Cour de justice a violé le droit fédéral en confirmant l’annulation de la révocation de l’autorisation d’établissement de l’intimé. La pesée des intérêts commandée par l’art. 8 par. 2 CEDH étant analogue à celle requise par le droit interne, il apparaît que l’intérêt public à l’éloignement de celui-ci l’emporte aussi sous cet angle.

(…) »

18. Le 23 mars 2017, le requérant fut renvoyé au Chili. Il lui est interdit d’entrer en Suisse jusqu’au 19 juillet 2024.

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE PERTINENTS

19. Dans l’affaire K.A. c. Suisse, no 62130/15, 7 juillet 2020, la Cour a résumé le droit et la pratique internes pertinents (§§ 19-25) ainsi que les instruments pertinents du Conseil de l’Europe (§§ 26-28).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

20. Selon le requérant, son expulsion par les autorités suisses porte atteinte à sa vie privée et familiale et est contraire à l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

21. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

22. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

(a) Le requérant

23. Le requérant ne conteste pas que la révocation de son autorisation d’établissement était fondée sur une base légale suffisante et que la mesure poursuivait des buts légitimes au sens de l’article 8 § 2 de la Convention. En revanche, il affirme que le Tribunal fédéral n’a pas tenu compte des différents critères établis par la jurisprudence de la Cour pour apprécier si son éloignement de Suisse était nécessaire dans une société démocratique.

24. À cet égard, il reconnait avoir commis des infractions graves. Il relève cependant qu’elles ont été perpétrées sous l’emprise de l’alcool et de la drogue, substances dont il est abstinent depuis février 2013. Il indique également avoir été libéré conditionnellement le 29 janvier 2011, le Tribunal d’application des peines et des mesures estimant que le risque de récidive était faible. La dernière infraction ayant été commise le 15 mai 2011, il ferait preuve d’un comportement irréprochable depuis. De 2013 jusqu’à son éloignement de Suisse, il travaillait au sein de la même entreprise, à l’entière satisfaction de son employeur.

25. Concernant sa situation familiale, le requérant affirme qu’il a aidé et soutenu son père qui est malade. Cette aide importante ne peut lui être apportée depuis le Chili. Il allègue également avoir entretenu une relation pendant une année et demie avec une ressortissante suisse, mère d’un enfant de quatre ans. Le couple prévoyait de se marier, mais il était inenvisageable pour sa compagne de le suivre au Chili. Pour ces raisons, la mesure d’éloignement porterait non seulement atteinte à sa vie privée, mais également à sa vie familiale.

26. S’agissant de la solidité de ses liens sociaux, culturels et familiaux avec la Suisse, le requérant rappelle qu’il est né dans ce pays et qu’il y a vécu sans interruption pendant 35 ans. Il y a effectué sa scolarité ainsi que tout son parcours professionnel. L’ensemble de ses amis et connaissances y habitent. Deux d’entre eux ont d’ailleurs témoigné de sa bonne intégration sociale en Suisse devant la Cour de justice.

27. À l’opposé, le requérant fait valoir qu’il n’est jamais allé dans son pays d’origine, pays où il n’a aucune famille à l’exception d’une grand-mère qu’il ne connait pas. Il s’y retrouverait ainsi seul et sans ressources.

(b) Le Gouvernement

28. Le Gouvernement soutient que la révocation de l’autorisation d’établissement du requérant, son renvoi de Suisse et l’interdiction d’entrée étaient prévus par la loi, poursuivaient des buts légitimes et répondaient à un besoin social impérieux. En effet, l’ingérence était basée sur les articles 62, 63, 64 et 67 de la loi fédérale sur les étrangers. Elle poursuivait en outre plusieurs buts énoncés à l’article 8 § 2 de la Convention, en particulier la sécurité publique, la défense de l’ordre, la prévention des infractions pénales ainsi que la protection des droits et libertés d’autrui. Par ailleurs, le Tribunal fédéral aurait soigneusement pesé les intérêts en présence, conformément à l’article 96 alinéa 1 de la loi fédérale sur les étrangers, en tenant compte des exigences de l’article 8 de la Convention.

29. Le Gouvernement souligne le nombre et la gravité des infractions commises par le requérant à l’âge adulte. L’avertissement prononcé en 2002 par les autorités de police des étrangers ne l’aurait pas dissuadé de commettre de nouvelles infractions, dans le délai d’épreuve fixé dans le jugement pénal précédent, ce qui démontrerait ses difficultés à s’amender. Il doute que le requérant ait réellement pris conscience de la gravité de ses actes, celui-ci ayant, lors de son audition devant la Cour de justice, évoqué des « bêtises » commises dont il imputait la responsabilité aux substances qu’il consommait. À cet égard, il souligne que si la consommation de drogue et d’alcool a joué un rôle dans la perpétration des infractions, la responsabilité du requérant a été jugée entière par rapport au délit manqué d’actes d’ordre sexuel avec un enfant. Le Gouvernement relève en outre que le Tribunal fédéral a tenu compte des évolutions positives du requérant, c’est-à-dire son abstinence depuis février 2013 et la gestion positive de la séparation d’avec sa compagne début mars 2015. Cependant, ces évolutions positives ont été relativisées par le fait que l’abstinence était assez récente s’agissant de l’abandon d’une addiction et qu’à cette époque, le requérant bénéficiait encore d’un suivi thérapeutique. Par ailleurs, au moment de la séparation avec son ex‑compagne, le délai d’épreuve de cinq ans fixé dans le jugement du 17 juin 2011 était encore en cours.

30. Le Gouvernement soutient que bien que le requérant soit né en Suisse et qu’il y ait vécu jusqu’à son renvoi au Chili, les éléments du dossier ne permettraient nullement de retenir qu’il y était socialement intégré. Il souligne en effet que le requérant ne fréquentait plus son ancien cercle de connaissances afin d’éviter une rechute dans la drogue et l’alcool. S’agissant du soutien qu’il prétend fournir à son père, le requérant n’aurait pas démontré en quoi il consistait concrètement, ni que lui seul pouvait l’apporter. En somme, les seuls contacts qu’il aurait entretenus en Suisse étaient ceux avec son père, la compagne de celui-ci, la fille de celle-ci, sa nouvelle compagne et quelques amis. Quant à sa relation avec sa compagne, le Gouvernement est d’avis que le Tribunal fédéral n’avait pas à la prendre en compte, ce fait étant survenu après son arrêt. La Cour ne devrait pas non plus en tenir compte, car la relation a commencé après que le droit du requérant de séjourner en Suisse ait pris fin.

31. Concernant la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux qu’entretient le requérant avec son pays d’origine, le Gouvernement relève que l’intéressé n’a jamais séjourné au Chili, où il n’a pas de famille hormis une grand-mère, mais qu’il parle l’espagnol et dispose d’une formation d’étancheur, ce qui est de nature à faciliter son intégration. Relativement jeune, il peut espérer retrouver un emploi sans difficultés insurmontables.

32. Le Gouvernement rappelle également que l’interdiction d’entrée en Suisse est limitée au 19 juillet 2024 et qu’à cette échéance, le requérant pourra déposer une nouvelle demande d’autorisation de séjour.

33. Il affirme enfin que le Tribunal fédéral était conscient que le renvoi du requérant au Chili constitue une situation difficile pour lui. Cependant, les faits reprochés, extrêmement graves, la peine infligée et la multiplicité des infractions commises ont conduit le Tribunal fédéral à faire primer l’intérêt public sur l’intérêt privé du requérant. De l’avis du Gouvernement, cette appréciation ne dépasse pas la marge dont jouissent les autorités nationales.

2. Appréciation de la Cour

(a) Principes généraux

34. Selon la jurisprudence bien établie de la Cour, dans les cas où la personne censée être expulsée est un adulte non marié et sans enfants qui se prévaut en premier lieu de son intégration dans le pays hôte (voir, parmi d’autres, Üner c. Pays-Bas [GC], no 46410/99, §§ 54-58, CEDH 2006-XII ; Maslov c. Autriche [GC], no 1638/03, §§ 68-76, CEDH 2008, et Emre c. Suisse, no 42034/04, §§ 65-71, 22 mai 2008), il convient de prendre en compte notamment les critères suivants :

– la nature et la gravité de l’infraction commise par le requérant ;

– la durée du séjour de l’intéressé dans le pays dont il doit être expulsé ;

– le laps de temps qui s’est écoulé́ depuis l’infraction, et la conduite du requérant pendant cette période ; et

– la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination.

35. L’âge de la personne concernée peut jouer un rôle dans l’application de certains des critères susmentionnés. Par exemple, pour apprécier la nature et la gravité de l’infraction dont le requérant s’est rendu coupable, il y a lieu d’examiner s’il l’a commise alors qu’il était adolescent ou à l’âge adulte (Maslov, précité, § 72).

36. Doivent également être prises en compte, le cas échéant, les circonstances particulières entourant le cas d’espèce, comme par exemple les éléments d’ordre médical ou la nature temporaire ou définitive de l’interdiction de territoire (voir Shala c. Suisse, no 52873/09, § 46, 15 novembre 2012, et les références citées).

37. La Cour rappelle également que, dans des affaires récentes concernant la conformité à l’article 8 de l’éloignement de résidents de longue date, elle a dit que lorsque les juridictions internes ont soigneusement examiné les faits et appliqué la jurisprudence des organes de la Convention et qu’elles ont dûment mis en balance l’intérêt particulier du requérant et l’intérêt public de la collectivité afin de tirer des conclusions qui ne sont ni arbitraires ni manifestement déraisonnables, il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation du fond de l’affaire à celle des autorités nationales compétentes (notamment en ce qui concerne les éléments factuels de la proportionnalité), à moins qu’il n’y ait de bonnes raisons de le faire (Ndid c. Royaume-Uni, no 41215/14, § 76, 14 septembre 2017, Saber et Boughassal c. Espagne, nos 76550/13 et 45938/14, § 41, 18 décembre 2018, Alam c. Danemark (déc.), no 33809/15, § 35, 6 juin 2017, et Hamesevic c. Danemark (déc.), no 25748/15, §§ 31-46, 16 mai 2017). L’appréciation des faits pertinents doit être « acceptable » (Saber et Boughassal, précité, § 41).

38. Dans les cas où un immigré a passé l’intégralité de sa vie dans le pays d’accueil, il y a lieu d’avancer des raisons très solides pour justifier l’expulsion surtout lorsque la personne concernée a commis les infractions à l’origine de la mesure d’expulsion pendant son adolescence (parmi d’autres, Z. c. Suisse, no 6325/15, § 59, 22 décembre 2020, M.M. c. Suisse, no 59006/18, § 57, 8 décembre 2020, Maslov, précité, § 75, et Saber et Boughassal, précité, § 41).

39. Enfin, la Cour rappelle également que les juridictions internes doivent motiver leurs décisions de manière suffisamment circonstanciée, afin notamment de permettre à la Cour d’assurer le contrôle européen qui lui est confié (Z. c. Suisse, précité, § 59, M.M. c. Suisse, précité, § 53, El Ghatet c. Suisse, no 56971/10, § 47, 8 novembre 2016, et X c. Lettonie [GC], no 27853/09, § 107, CEDH 2013). Un raisonnement insuffisant des juridictions internes, sans véritable mise en balance des intérêts en présence, est contraire aux exigences de l’article 8 de la Convention. C’est le cas lorsque les autorités internes ne parviennent pas à démontrer de manière convaincante que l’ingérence dans un droit protégé par la Convention est proportionnée aux buts poursuivis et qu’elle correspond dès lors à un « besoin social impérieux » au sens de la jurisprudence précitée (voir El Ghatet, précité, § 47, et I.M. c. Suisse, no 23887/16, §§ 72 et 77, 9 avril 2019).

a) Application des principes susmentionnés au cas d’espèce

40. La Cour garde à l’esprit, dans l’appréciation de la présente requête, que l’expulsion des immigrants de longue durée doit être l’exception (voir, par exemple, la Recommandation Rec(2000)15 du Comité des ministres sur la sécurité de résidence des immigrés de longue durée, ainsi que la Recommandation 1504 (2001) sur la non-expulsion des immigrés de longue durée de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ; voir aussi l’arrêt Maslov, précité, § 75). La Cour estime également utile de préciser que le terme « immigrant de longue durée » s’applique normalement aux personnes qui, comme le requérant, sont nées dans le pays d’où elles sont censées être expulsées et qui ont vécu dans ledit pays pendant une période considérablement longue. En conséquence, le terme de « résidents de longue durée » ou « résidents établis » est plus approprié à leur égard.

(i) Sur la question de savoir si la vie « privée » ou « familiale » au sens de l’article 8 de la Convention est en jeu

41. La Cour observe ensuite que, dans sa jurisprudence, elle a envisagé l’expulsion de résidents de longue durée aussi bien sous le volet de la « vie privée » que sous celui de la « vie familiale », une certaine importance étant accordée sur ce plan au degré d’intégration sociale des intéressés (I.M. c. Suisse, précité, § 58).

42. La Cour estime qu’en raison de la naissance puis de la très longue durée du séjour du requérant en Suisse, la décision de renvoi constitue une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée (voir, dans ce sens, Z. c. Suisse, précité, § 63, et M.M. c. Suisse, précité, § 45). Dès lors, la Cour peut laisser ouverte la question de savoir si, en sus de la vie privée du requérant, sa vie familiale est également en jeu.

43. Partant, la Cour portera la suite de son examen sur le point de savoir s’il y a eu ingérence dans le droit du requérant au respect de la vie privée et, le cas échéant, si elle était ou non justifiée.

(ii) Sur la justification de l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée

44. Pareille ingérence enfreint la Convention si elle ne remplit pas les exigences du paragraphe 2 de l’article 8. Il faut donc rechercher si elle était « prévue par la loi », justifiée par un ou plusieurs buts légitimes au regard dudit paragraphe, et « nécessaire, dans une société démocratique ».

45. Il n’est pas contesté que les mesures d’éloignement et d’interdiction d’entrée imposées au requérant étaient fondées sur les dispositions pertinentes de la loi fédérale sur les étrangers.

46. Puis, la Cour ne doute pas que l’ingérence en cause visait des fins pleinement compatibles avec la Convention, à savoir notamment « la défense de l’ordre » et la « prévention des infractions pénales » (voir, dans ce sens, M.M. c. Suisse, précité, § 48).

47. Il reste donc à examiner si les mesures litigieuses étaient nécessaires dans une société démocratique.

48. À cet égard, la Cour observe tout d’abord que la décision du département de la sécurité de révoquer l’autorisation d’établissement du requérant faisait suite aux diverses infractions commises par lui entre 1999 et 2011, ainsi qu’à la gravité particulière de celles ayant donné lieu à la condamnation de 2010 à 30 mois de peine privative de liberté pour inceste et délit manqué d’actes d’ordre sexuel avec un enfant.

49. Or la Cour estime que cette dernière condamnation pèse lourdement, dès lors qu’elle punit des infractions contre l’intégrité sexuelle de mineurs (voir, dans ce sens, Z. c. Suisse, précité, § 68, et M.M. c. Suisse, précité, § 58). Elle s’additionne en outre aux autres condamnations du requérant pour des infractions, toutes commises à l’âge adulte, après avoir reçu un avertissement formel des autorités de police des étrangers en 2002 et dans le délai d’épreuve fixé par le jugement pénal précédent, démontrant ainsi sa difficulté à s’amender.

50. Partant, la Cour partage l’avis du Gouvernement et des tribunaux internes que le requérant a commis des infractions graves contre des biens juridiques particulièrement importants, notamment l’intégrité sexuelle des mineurs, et que ses agissements ont entrainée des sanctions pénales sévères. En plus, ses activités criminelles se sont étendues sur une période considérable (1999 à 2011).

51. Il est vrai qu’à la date de l’adoption de l’arrêt du Tribunal fédéral, le 20 juillet 2016, le requérant, alors âgé de presque 34 ans, vivait en Suisse depuis sa naissance et s’était comporté de manière correcte à tout le moins depuis 2013. Cette évolution positive, notamment qu’il ait été remis en liberté conditionnelle après avoir purgé une partie de sa peine prononcée en 2010, qu’il ait été abstinent aux drogues et à l’alcool depuis 2013 et qu’il ait su gérer sa séparation avec son ancienne compagne, doit être prise en compte dans la pesée des intérêts en jeu.

52. Ayant passé toute sa vie en Suisse, le requérant avait indéniablement des liens très forts avec ce pays, où il avait construit tout son réseau social. De plus, il avait fait des efforts d’intégration, en accomplissant une formation professionnelle et en concluant un contrat de travail de durée indéterminée, auprès d’une entreprise où il était très apprécié.

53. Quant aux liens avec son pays d’origine, ils semblaient assez ténus (voir, dans ce sens, M.M. c. Suisse, précité, § 67) ; le requérant ne s’était jamais rendu au Chili avant son renvoi et son réseau familial se limitait à la présence d’une grand-mère qu’il ne connaissait pas. Cependant, comme l’a relevé le Tribunal fédéral, le fait que le requérant, encore jeune (presque 34 à ce moment-là), parle l’espagnol (sans pouvoir l’écrire) et bénéficie d’une formation d’étancheur qu’il pourrait mettre à profit dans son pays d’origine sont des éléments de nature à faciliter son intégration dans son pays d’origine.

54. Par ailleurs, la Cour rappelle que s’il s’avère que les autorités internes ont procédé à un examen suffisant et convaincant des faits et considérations pertinents, y englobant une pesée adéquate entre les intérêts personnels du requérant et les intérêts plus généraux de la société, il n’appartient a priori pas à la Cour de se substituer à l’appréciation faite par celles-ci, y compris par rapport à l’examen de la proportionnalité de la mesure litigieuse, sauf s’il existe des raisons importantes pour le faire (voir la jurisprudence citée ci-dessus, paragraphe 37).

55. Or, dans son analyse, le Tribunal fédéral a certes accordé une grande importance à la gravité et au nombre d’infractions commises par le requérant ; cependant, afin d’apprécier la proportionnalité de la mesure, il a pris en compte, sans pour autant s’y référer expressément, les critères développés par la Cour dans ses arrêts pertinents (voir paragraphe 34 ci‑dessus), dont notamment la situation personnelle du requérant, son degré d’intégration en Suisse ainsi que les difficultés qu’il pourrait rencontrer en cas de retour dans son pays d’origine.

56. Ainsi, le Tribunal fédéral a admis que la décision de renvoi placerait le requérant dans une situation difficile. Il a néanmoins considéré que, malgré l’évolution positive de l’intéressé depuis 2013, cela ne signifiait pas forcément qu’il n’y avait pas de risque de récidive, notamment du fait que la période probatoire de cinq ans fixée dans le jugement du 17 juin 2011 venait d’arriver à échéance et que l’abstinence aux drogues et à l’alcool restait relativement récente. Or, le Tribunal fédéral considérait qu’en cas d’infractions pénales graves, même un risque faible de récidive ne devait pas être toléré, sous réserve de liens personnels ou familiaux prépondérants, qui n’étaient pas démontrés en l’occurrence.

57. La Cour est dès lors satisfaite que les autorités internes, en particulier le Tribunal fédéral, ont procédé à un examen suffisant et convaincant des faits et considérations pertinents et à une mise en balance circonstanciée des intérêts en cause (voir, dans ce sens, Z. c. Suisse, précité, § 74, et M.M. c. Suisse, précité, § 69).

58. De plus, l’éloignement du requérant du territoire suisse ne signifie nullement que les liens familiaux avec ses proches sont définitivement rompus, étant donné que des contacts peuvent être maintenus pas les différents moyens de communication.

59. Sur ce dernier point, la Cour note que le requérant s’est vu interdire l’entrée sur le territoire suisse pour une durée de sept ans, ce qui différencie le cas d’espèce des affaires dans lesquelles le caractère définitif de l’interdiction prononcée a été retenu par la Cour à l’appui de la conclusion que la mesure était disproportionnée (voir, par exemple, Ezzouhdi c. France, no 47160/99, § 34, 13 février 2001, Radovanovic c. Autriche, no 42703/98, § 37, 22 avril 2004, et Emre, précité, § 85). En outre, l’article 67 § 5 de la loi sur les étrangers et l’intégration permet au requérant de demander une suspension provisoire de la décision d’interdiction d’entrée afin qu’il puisse rendre visite à ses proches en Suisse. À cet égard, la Cour observe que le requérant ne l’a pas informée s’il avait tiré parti de la possibilité de soumettre une telle demande.

(iii) Conclusion

60. Les considérations qui précèdent sont suffisantes pour permettre à la Cour de conclure que les mesures litigieuses étaient, dès lors, proportionnées aux buts poursuivis et correspondaient à un « besoin social impérieux » au sens de la jurisprudence précitée. Les tribunaux internes, notamment le Tribunal fédéral, ont procédé à un examen approfondi et sérieux de la situation personnelle du requérant et ont fait une pesée acceptable des différents intérêts en jeu. Même si le Tribunal fédéral, contrairement aux deux instances cantonales, a accordé une importance primordiale à la nature des infractions et la sévérité des sanctions prononcées contre le requérant, l’on ne saurait dire que ce tribunal aurait tiré des conclusions arbitraires ou déraisonnables. Dès lors, confiée dans son contrôle européen limité, la Cour reconnaît que l’État défendeur n’a pas dépassé sa marge d’appréciation dont il jouissait dans le cas d’espèce.

61. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 mai 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Olga Chernishova                               Georgios A. Serghides
Greffière adjointe                                     Président

Dernière mise à jour le mai 18, 2021 par loisdumonde

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