Penati c. Italie – 44166/15 (Cour européenne des droits de l’homme)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 251
Mai 2021

Penati c. Italie44166/15

Arrêt 11.5.2021 [Section I]

Article 2
Article 2-1
Enquête effective

Procédure pénale efficace sur l’infanticide commis lors d’une rencontre entre père et enfant organisée par l’autorité publique : non-violation

Article 34
Victime

Qualité de victime reconnue au regard du grief tiré de l’ineffectivité de l’enquête sur un infanticide, en dépit de l’obtention d’une somme ayant réglé à l’amiable la procédure civile

En fait –

Le fils de la requérante, âgé de huit ans à l’époque des faits, a été tué par son père, lors d’une rencontre dite « protégée » entre père et enfant dans une agence publique de la Mairie. L’enfant était alors confié aux soins des services de l’assistance publique, chargés de règlementer les rencontres entre père et enfant dans un contexte de conflit accru entre les parents.

En droit – Article 2 (procédural) :

a) Recevabilité :

Ayant accepté la somme de 100 000 EUR afin de régler à l’amiable la procédure civile entamée à l’encontre de la coopérative employant S.P., l’éducateur présent lors de l’infanticide, et de la Mairie et ayant renoncé à tout type d’action à l’encontre des contreparties à la transaction, la requérante ne peut plus se prétendre victime du grief qu’elle soulève sous l’angle du volet matériel de l’article 2.

La particularité de la présente affaire réside en ce qu’au moment de l’infanticide, l’enfant de la requérante était confié aux soins d’un organisme étatique, la municipalité, chargé d’organiser des rencontres entre père et enfant en milieu protégé ainsi que de mettre en place les contrôles nécessaires afin d’éviter tout préjudice. La rencontre incriminée, ayant eu lieu dans des locaux publics, était donc issue d’une décision appartenant uniquement à l’autorité publique et organisée exclusivement par celle-ci.

La jurisprudence de la Cour en la matière commande une application rigoureuse de l’obligation de mener une enquête officielle, de nature pénale, répondant aux critères minimums d’effectivité. Et la Cour attribue une importance cruciale au fait que les victimes étaient sous la responsabilité de l’État, cela en dépit de l’obtention d’une somme au civil, qui ne relevait que pour le volet matériel du grief.

Le cas d’espèce relève donc d’une situation dans laquelle la réaction judiciaire exigée était de nature pénale et la requérante n’a pas perdu sa qualité de victime au regard du volet procédural du grief qu’elle soulève sous l’angle de l’article 2.

De surcroît, sa qualité de victime doit être évaluée à la lumière du grief qu’elle soulève sous l’angle du volet procédural de l’article 2. Or, elle ne se plaint pas de la responsabilité dans le décès de son fils de l’un ou l’autre individu ou entité, mais elle dénonce l’inefficacité de l’enquête au sens large, en ce que les investigations n’ont pas permis de reconstituer les faits de l’affaire ni d’en identifier les responsables.

Vu sous cet angle, l’objet de la transaction, dont les contreparties n’étaient que la coopérative employant S.P., acquitté au pénal à tout stade de la procédure, et la Mairie, ne correspond pas aux doléances de la requérante devant la Cour. À l’article 4 de la transaction, celle-ci s’était d’ailleurs réservée le droit de saisir d’autres juges que celui italien « concernant les responsabilités éventuelles imputables aux individus, entités ou institutions différentes de celles faisant partie de l’accord ».

Dans ce contexte, même si elle avait continué par la voie contentieuse, la procédure civile entamée par la requérante, qui avait déjà fait l’objet d’un rejet en première instance et était pendante en appel, aurait pu difficilement avoir comme résultat l’élucidation de l’ensemble des faits et des responsabilités de l’affaire, tel que requis par l’article 2.

Enfin, le Gouvernement a précisé que la renonciation de la requérante à tout droit d’indemnisation suite à la transaction ne comportait pas en soi la perte de la qualité de victime de celle-ci.

b) Au fond :

La requérante a pu soumettre ses doléances devant les juridictions grâce aux recours qui lui étaient ouverts en droit interne afin de faire la lumière sur les causes du décès de son enfant. Elle a saisi le tribunal de sa plainte en mars 2009. Au cours de l’enquête, de nombreux témoins ont été entendus par la police à la demande du procureur. Ces auditions ont été suivies par un rapport d’octobre 2009 et intégrées par les témoignages recueillis par la défense de la requérante. En outre, cette dernière a été entendue personnellement au cours de la procédure et a pu également intégrer sa plainte.

À la lumière de l’ensemble des preuves recueillies, par un jugement de février 2012, le tribunal de première instance a décidé d’acquitter les trois personnes, indiqués par la requérante comme étant principalement les auteurs des faits incriminés, considérant que la prévisibilité de la matérialisation du risque faisait défaut en l’espèce, et que la responsabilité des opérateurs des services sociaux était limitée au développement adéquat de l’enfant et ne s’étendait pas à sa sécurité physique.

Après l’arrêt de la cour d’appel de juillet 2013, concluant à la responsabilité pénale d’une seule personne, en mars 2015, la Cour de cassation a annulé sans renvoi ledit arrêt et, sur la base essentiellement des mêmes arguments du tribunal de première instance, a conclu à l’acquittement.

La procédure pénale en examen, ayant duré environ quatre ans pour trois degrés de juridiction, a satisfait à exigence de promptitude prévue par l’article 2.

Quant à l’effectivité de l’enquête, les autorités ont pris les mesures raisonnables dont elles disposaient pour obtenir les preuves relatives aux faits de l’affaire. Des nombreux témoins ont été entendus, une autopsie a été exécutée sur les corps de l’enfant et du père, un examen toxicologique quant au père a été mené et les autorités ont disposé des rapports nécessaires à l’évaluation des faits, notamment ceux des services sociaux, ainsi que d’une expertise psychologique concernant la requérante et le père.

Dans la mesure où les obligations de l’État défendeur sont de moyens et non pas de résultat, le fait que les trois accusés ont été acquittés ne permet pas en soi de conclure que la procédure pénale concernant le décès de l’enfant n’a pas répondu aux exigences de l’article 2.

En outre, l’action civile entamée par la requérante a été clôturée par la signature en octobre 2017 d’un règlement amiable entre les parties et une somme substantielle lui a été octroyée.

Conclusion : non-violation (unanimité).

Dernière mise à jour le mai 17, 2021 par loisdumonde

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