Antonopoulou c. Grèce (déc.) (Cour européenne des droits de l’homme)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 248
Février 2021

Antonopoulou c. Grèce (déc.)46505/19

Décision 19.1.2021 [Section I]

Article 1 du Protocole n° 1
Obligations positives
Article 1 al. 1 du Protocole n° 1
Respect des biens

Disponibilité des voies de recours adéquates pour faire face à la modification du taux de change entre l’euro et la devise du prêt, lors d’une période de crise financière: irrecevable

En fait – La requérante avait contracté un prêt immobilier en francs suisses afin de bénéficier d’un taux de change favorable et stable. Une clause du contrat prévoyait que tout remboursement du prêt devait se faire sur la base du taux de change au moment du remboursement et pas au moment où le prêt avait été contracté. Ayant dû cesser son activité professionnelle pour des raisons de santé, la requérante demanda à rembourser le prêt. Ce qu’elle fût dans l’incapacité de faire car, le renforcement du franc suisse par rapport à l’euro avait augmenté le montant du prêt d’environ 60%.  Devant les juridictions nationales, la requérante a soutenu que la clause en question devait s’analyser en une clause abusive. Elle fût déboutée de ses actions.

En droit – Article 1 du Protocole n° 1 :

La modification du taux de change entre l’euro et le franc suisse est intervenue à une période de crise financière qui a touché toute l’Europe, et particulièrement la Grèce, et qui n’a cessé de s’aggraver pendant une longue période. Un tel changement des circonstances était sans doute imprévisible tant pour les banques que pour les emprunteurs et pour ces derniers a atteint un degré tel qui dépassait le risque assumé par un emprunteur lorsque celui-ci, à l’occasion d’un prêt immobilier dans des circonstances normales, fait un choix entre un prêt à taux fixe ou à taux variable. Face à une crise financière d’une telle envergure, l’État se doit prendre des mesures afin d’éviter que des milliers de personnes ayant contracté des prêts immobiliers aient à subir, sans qu’ils en soient responsables, une charge disproportionnée au risque de perdre leurs biens.

Toutefois, la requérante n’a pas été dans l’ignorance quant aux risques liés à la conclusion d’un contrat de prêt en francs suisses et à la fluctuation vers le haut de cette devise aussi forte pendant la durée du remboursement du prêt qui s’élevait à 25 ans.

Ainsi la requérante, assurée pendant trois ans contre le risque d’une augmentation des mensualités de ses remboursements due à une éventuelle hausse du taux de change, n’a pas opté pour le prolongement de cette assurance. En outre, elle n’a pas non plus opté pour la possibilité de demander à tout moment la conversion de la devise du prêt en euros, prévue par le contrat de prêt. Enfin, entre décembre 2010 et janvier 2015, elle conclut avec sa banque quatre conventions de modification du contrat initial prévoyant la réduction du montant des versements, des extensions des délais de paiement, voire la suspension provisoire du paiement de certaines mensualités.

De 2007 à 2015, la requérante a payé ses mensualités sans invoquer l’impossibilité de s’acquitter de ses obligations en raison de la fluctuation du taux de change. Or, si ses capacités de remboursement étaient diminuées en raison d’un fait imprévu indépendant d’elle ou de la banque, telle la modification brutale sur le plan international de la parité euro/franc suisse, le droit interne offrait à la requérante des voies de recours adéquates pour faire valoir ses droits relatifs au respect des biens : le recours en annulation devant les juridictions civiles de la clause du contrat de prêt qu’elle estimait abusive, voie qu’elle a utilisée ; la possibilité de demander en justice la renégociation ou même la résiliation du contrat. À cela s’ajoutent les possibilités offertes par le contrat lui-même, d’une part, de demander à tout moment à la banque la conversion de la devise du prêt en euros et de s’assurer contre le risque de l’augmentation des mensualités des remboursements. Quant à l’effectivité de la voie de droit pour laquelle elle a opté, la requérante a eu l’opportunité de développer tous ses arguments devant les juridictions compétentes et d’obtenir un arrêt motivé de manière détaillée et rendu par la formation plénière de la Cour de cassation.

Enfin, la Cour de cassation, sans se référer explicitement à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, a interprété le droit interne de manière conforme à celle-ci : une clause contractuelle qui n’est pas négociée individuellement, mais qui reflète une règle laquelle, selon le droit interne, s’applique aux parties contractantes, ne peut pas être soumise à un examen quant à son caractère abusif. En effet, la législation nationale a déjà établi un équilibre entre les droits et obligations des parties dans ce type de contrats.

Ainsi, le cadre légal mis en place par l’État offrait à la requérante un mécanisme lui permettant de faire respecter les droits que lui garantissait l’article 1 du Protocole no 1. Dès lors, l’État défendeur a satisfait aux obligations positives découlant pour lui de cette disposition, et ceci à supposer même que cette dernière s’appliquait en l’espèce.

Conclusion : irrecevable (manifestement mal fondé).

Dernière mise à jour le février 11, 2021 par loisdumonde

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