Les présentes affaires concernent des ressortissants étrangers. À leur demande, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse enjoignit à l’État de les mettre à l’abri au titre de l’hébergement d’urgence. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de l’inexécution des ordonnances du juge des référés par l’administration. Invoquant en outre l’article 3 de la Convention, ils affirment avoir été contraints de vivre à la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs semaines. Sous l’angle de l’article 13 de la Convention, ils font également valoir que leur droit à un recours effectif a été méconnu. Sous l’angle de l’article 34 de la Convention, la requête présentée par A.C. et autres soulevait enfin une question relative à l’exécution de la mesure provisoire indiquée au Gouvernement français.
La Cour européenne des droits de l’homme relève la passivité des autorités administratives compétentes en ce qui concerne l’exécution des décisions de la juridiction administrative dans le ressort de laquelle elles se trouvaient, en particulier pour des litiges portant sur la protection de la dignité humaine.
En conclusion, la Cour tient à souligner que les autorités administratives de l’État ont opposé non pas un retard mais un refus caractérisé de se conformer aux injonctions du juge interne et que l’exécution n’a pas, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, revêtu de caractère spontané mais n’a pu avoir lieu qu’à la suite de mesures provisoires prononcées par la Cour (paragraphes 25 (S.A. et F.A.) et 44 (A.C. et autres) ci-dessus). La Cour tient à souligner que revêt, pour l’appréciation du respect des exigences de l’article 6 § 1, une importance particulière le fait qu’en l’espèce les ordonnances non exécutées étaient le fruit d’une procédure d’urgence portant sur l’hébergement d’urgence. La Cour en conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE S.A. ET AUTRES c. FRANCE
(Requêtes nos 40429/19 et 53466/21)
ARRÊT
STRASBOURG
23 novembre 2023
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire S.A. et autres c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en un comité composé de :
Stéphanie Mourou-Vikström, présidente,
Lado Chanturia,
Mattias Guyomar, juges,
et de Sophie Piquet, greffière adjointe de section f.f.,
Vu :
les requêtes nos 40429/19 et 53466/21 dirigées contre la République française et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») par les requérants dont les noms et renseignements figurent dans le tableau joint en annexe (« les requérants »), aux dates qui y sont indiquées,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement français (« le Gouvernement ») représenté par son agent, M. D. Colas, directeur des Affaires juridiques au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, d’une part, pour les requérants S.A. et F.A., les griefs concernant les articles 3 et 6 § 1 de la Convention et de déclarer le surplus de leur requête irrecevable, et, d’autre part, pour les requérants A.C. et autres, les griefs concernant les articles 3, 6 § 1, 13 et 34 de la Convention,
la décision de ne pas communiquer la requête présentée par A.C. et autres à la Bosnie-Herzégovine eu égard aux conclusions de la Cour dans l’affaire I c. Suède (no 61204/09, §§ 40‑46, 5 septembre 2013),
la décision de ne pas dévoiler l’identité des requérants (article 47 § 4 du règlement de la Cour (« le règlement »)),
la décision de traiter en priorité les requêtes (article 41 du règlement),
les mesures provisoires indiquées au gouvernement défendeur en vertu de l’article 39 du règlement,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 octobre 2023,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
OBJET DE L’AFFAIRE
1. Les présentes affaires concernent des ressortissants étrangers, déboutés de l’asile, se trouvant sans hébergement à l’époque des faits. À leur demande, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse (ci-après tribunal administratif) enjoignit à l’État de les mettre à l’abri au titre de l’hébergement d’urgence. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de l’inexécution des ordonnances du juge des référés par l’administration. Invoquant en outre l’article 3 de la Convention, ils affirment avoir été contraints de vivre à la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs semaines. Sous l’angle de l’article 13 de la Convention, ils font également valoir que leur droit à un recours effectif a été méconnu. Sous l’angle de l’article 34 de la Convention, la requête présentée par A.C. et autres soulevait enfin une question relative à l’exécution de la mesure provisoire indiquée au Gouvernement français.
I. REQUÊTE NO 40429/19 (S.A. ET F.A.)
2. Les requérants sont un couple de ressortissants syriens nés respectivement en 1947 (S.A.) et 1961 (F.A.).
3. Ils arrivèrent en France où ils sollicitèrent l’asile le 24 octobre 2016.
4. Leurs demandes d’asile furent rejetées par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) au motif qu’ils étaient déjà bénéficiaires de la protection subsidiaire en Espagne.
5. Du 9 mai 2019 au 14 juillet 2019, les requérants sollicitèrent les services de la veille sociale à quinze reprises, sans résultat.
6. Le 20 mai 2019, ils sollicitèrent la délivrance d’un titre de séjour en raison de leur état de santé et obtinrent des rendez-vous en préfecture les 5 et 12 septembre 2019.
7. Le 24 mai 2019, un médecin envoya un mail à la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) et aux services de l’hébergement d’urgence afin d’indiquer que l’état de santé du couple était inquiétant et qu’il était indispensable qu’ils puissent bénéficier d’une mise à l’abri.
8. Du 4 au 8 juillet 2019, les époux furent hospitalisés.
9. Le 11 juillet 2019, les requérants alertèrent les services de la préfecture de la Haute-Garonne de l’urgence de leur mise à l’abri. Aucune réponse ne leur fut apportée.
10. Ce même jour, le médecin susmentionné renvoya un mail aux services préfectoraux en appelant leur attention sur leur situation, après leur sortie d’hospitalisation.
11. Ce même jour également, l’assistante sociale suivant le couple attesta avoir contacté les services de l’hébergement d’urgence à quatre reprises depuis l’arrivée du couple à Toulouse.
12. Le 15 juillet 2019, les requérants saisirent le tribunal administratif d’un référé liberté afin qu’il soit enjoint à l’administration de les héberger.
13. Par une ordonnance du 18 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif enjoignit au préfet de la Haute-Garonne, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), de fournir aux requérants un hébergement d’urgence, dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l’ordonnance. Le juge des référés releva en particulier que les requérants, qui avaient sollicité leur admission au séjour en France en qualité d’étrangers malades justifiaient, outre d’une situation d’urgence et de détresse au sens des dispositions de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles, de circonstances exceptionnelles. Il en conclut qu’il existait une carence de l’État à procurer aux intéressés un hébergement d’urgence, constitutive, dans les circonstances particulières de l’espèce, d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
14. Le jour même, les requérants adressèrent un courriel aux services de la DDCS de la préfecture de la Haute-Garonne sollicitant l’exécution de l’ordonnance du juge des référés.
15. Le 19 juillet 2019, ils contactèrent de nouveau les services de l’hébergement d’urgence et se virent opposer un refus. Ils se rendirent en outre à la plateforme d’accueil, d’orientation et d’insertion pour remettre une copie de l’ordonnance du juge des référés.
16. Le 22 juillet 2019, les requérants sollicitèrent l’ouverture d’une procédure d’exécution de l’ordonnance du 18 juillet 2019 au titre des articles L. 911-4 et suivants du code de justice administrative. Ce même jour, le tribunal administratif demanda à la préfecture de la Haute‑Garonne de procéder à l’exécution de ladite ordonnance, dans un délai de cinq jours.
17. Le 24 juillet 2019, les requérants introduisirent un nouveau référé liberté afin que soit constaté le refus d’exécution du préfet et qu’il lui soit enjoint de les orienter vers une structure d’hébergement d’urgence.
18. Le même jour, l’assistante sociale des requérants attesta avoir contacté les services de l’hébergement d’urgence à deux reprises depuis l’ordonnance du juge des référés du 18 juillet 2019, sans résultat.
19. Le 25 juillet 2019, les requérants sollicitèrent les services de l’hébergement d’urgence, sans résultat.
20. Par une ordonnance du 29 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA, releva que le préfet, en refusant d’exécuter l’ordonnance du 18 juillet 2019 portait une atteinte grave et manifestement illégale au droit des requérants à un recours effectif et lui enjoignit de désigner dans les vingt-quatre heures suivant la notification de son ordonnance un lieu d’hébergement d’urgence au foyer familial, sous une astreinte de cent euros par jour de retard. Dans cette instance, le préfet, qui n’avait présenté aucun mémoire, n’était ni présent ni représenté à l’audience.
21. L’État ne releva appel d’aucune des deux ordonnances susmentionnées du tribunal administratif.
22. Le 30 juillet 2019, les requérants sollicitèrent les services de l’hébergement d’urgence, sans résultat.
23. Le 31 juillet 2019, les requérants demandèrent à la Cour d’enjoindre au gouvernement français d’exécuter les ordonnances du tribunal administratif des 18 et 29 juillet 2019 et de les prendre en charge en qualité de demandeurs d’asile et au titre de l’hébergement d’urgence.
24. Selon le Gouvernement, produisant pour l’établir une attestation d’hébergement de l’association ayant assuré la gestion des nuitées d’hôtel, ce même jour, la direction départementale de la cohésion sociale de la Haute‑Garonne prit en charge les requérants au titre de l’hébergement d’urgence.
25. Le 1er août 2019, la Cour prit une mesure provisoire à l’encontre du gouvernement français, dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant elle, lui demandant d’assurer l’hébergement d’urgence des requérants.
26. Selon les requérants, produisant pour l’établir les registres des services de l’hébergement d’urgence, leur prise en charge au titre de cet hébergement ne débuta que le 1er août 2019.
27. Le 6 juin 2020 survint le décès de F.A.
28. Le Gouvernement soutient que le requérant S.A. serait parti volontairement du lieu d’hébergement le 16 juin 2020, sans qu’il soit possible d’établir sa situation d’hébergement.
II. REQUÊTE NO 53466/21 (A.C. ET AUTRES)
29. La famille, composée d’un couple et de dix enfants, dont deux présentant un handicap, arriva en France en 2019.
30. Le 28 août 2020, l’OFPRA rejeta leurs demandes d’asile.
31. Le 7 octobre 2020, le préfet de la Haute-Garonne prit à l’encontre de chacun des membres du couple une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à destination du pays dont ils possèdent la nationalité ou de tout autre pays non-membre de l’Union européenne ou avec lequel ne s’applique pas l’acquis Schengen, où ils seraient légalement admissibles.
32. Par un jugement du 11 janvier 2021, le tribunal administratif rejeta les recours formés contre ces décisions, puis, par une ordonnance du 13 août 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux rejeta l’appel formé à l’encontre de ce jugement.
33. Le 13 septembre 2021, alors qu’ils étaient pris en charge au titre de l’hébergement d’urgence, le centre communal d’action sociale, agissant pour le compte de l’État dans le cadre du dispositif de la veille sociale et de l’hébergement d’urgence institué par le préfet de la Haute-Garonne, mit fin à cet hébergement à compter du lendemain, au motif que de multiples incidents rendaient inadapté l’accueil de la famille au sein du dispositif hôtelier.
34. Le 23 septembre 2021, les requérants saisirent le tribunal administratif d’un référé liberté afin qu’il soit enjoint à l’administration de les héberger avec leurs enfants.
35. Par une ordonnance du 1er octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif enjoignit au préfet de la Haute-Garonne, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du CJA, de fournir aux requérants un hébergement d’urgence, dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l’ordonnance, sous une astreinte de trente euros par jour de retard. Le juge des référés releva en particulier que les requérants ne bénéficiaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français mais qu’ils faisaient état de circonstances exceptionnelles justifiant de regarder l’absence de prise en charge par l’État comme une carence caractérisée des autorités administratives dans l’application des dispositions de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles portant une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit à l’hébergement d’urgence. Dans cette instance, le préfet, qui n’avait présenté aucun mémoire en défense, n’était ni présent ni représenté à l’audience.
36. Le 19 octobre 2021, le dernier enfant du couple, né le 27 septembre 2021, décéda à l’hôpital où il avait été placé en service de réanimation peu après sa naissance.
37. Par un courriel du 20 octobre 2021, les requérants adressèrent l’ordonnance du 1er octobre 2021 à la DDCS de la préfecture de la Haute‑Garonne en sollicitant son exécution.
38. Le 21 octobre 2021, les requérants saisirent de nouveau le tribunal administratif afin que soit constaté le refus d’exécution du préfet et qu’il lui soit enjoint de les orienter, avec leurs enfants, vers une structure d’hébergement d’urgence.
39. Par une ordonnance du 22 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA, releva que l’ordonnance du 1er octobre 2021 restait inexécutée et enjoignit de nouveau au préfet de la Haute-Garonne de prendre en charge les requérants dans le cadre du dispositif d’hébergement d’urgence, dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de l’ordonnance, sous une astreinte de cent euros par jour de retard. Dans cette instance, le préfet, qui n’avait présenté aucun mémoire, n’était ni présent ni représenté à l’audience.
40. Le 27 octobre 2021, les requérants demandèrent au tribunal administratif l’exécution des deux ordonnances rendues par le juge des référés, dont l’État n’avait pas relevé appel.
41. Le 28 octobre 2021, les requérants déposèrent auprès du préfet de la Haute-Garonne une demande préalable tendant à l’indemnisation des préjudices subis résultant du défaut d’exécution des ordonnances des 1er et 22 octobre 2021.
42. Du 16 septembre 2021 au 2 novembre 2021, les requérants sollicitèrent les services de l’hébergement d’urgence à vingt reprises, sans résultat.
43. Le 3 novembre 2021, les requérants demandèrent à la Cour d’enjoindre au gouvernement français d’exécuter les décisions du juge des référés en vue de leur reprise en charge au titre de l’hébergement d’urgence.
44. Le 4 novembre 2021, la Cour prit une mesure provisoire à l’encontre du gouvernement français, dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant elle, lui demandant de prendre en charge les requérants au titre de l’hébergement d’urgence, conformément aux ordonnances du juge des référés du tribunal administratif des 1er et 22 octobre 2021.
45. Par une ordonnance du 22 novembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif procéda à la liquidation des astreintes prononcées dans les ordonnances des 1er et 22 octobre 2021.
46. À compter du 10 décembre 2021, la famille bénéficia d’une réservation hôtelière au sein d’un camping à Toulouse, hébergement accordé par l’État.
47. Le 29 juin 2022, la directrice adjointe du service intégré d’accueil et d’orientation de la Haute-Garonne attesta qu’aucune proposition d’orientation n’avait pu être faite du 19 septembre 2021 au 9 décembre 2021 du fait de l’absence de place adaptée à la composition de la famille sur cette période.
APPRÉCIATION DE LA COUR
I. JONCTION DES REQUÊTES
48. Eu égard à la similarité de l’objet des requêtes, la Cour juge opportun de les examiner ensemble dans un arrêt unique.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
49. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de l’inexécution des ordonnances rendues par le juge des référés du tribunal administratif enjoignant leur prise en charge dans le cadre de l’hébergement d’urgence. Invoquant en outre l’article 13 combiné à l’article 3, les requérants A.C. et autres déplorent l’absence de voies de recours effectives permettant d’obtenir l’exécution des décisions de justice.
50. Maîtresse de la qualification juridique des faits (Tarakhel c. Suisse [GC], no 29217/12, § 55, CEDH 2014 (extraits)), la Cour estime plus approprié d’examiner ces griefs uniquement sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention.
A. Sur la recevabilité
1. Sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention
51. Le Gouvernement fait valoir qu’en application d’une jurisprudence bien établie de la Cour, les décisions relatives à l’immigration, à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur les droits ou obligations de caractère civil d’un requérant ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre lui. Il ajoute que le Conseil d’État a rappelé que les ressortissants étrangers qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d’asile a été définitivement rejetée et qui doivent ainsi quitter le territoire en vertu des dispositions de l’article L. 743-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’ont pas vocation à bénéficier du dispositif d’hébergement d’urgence et qu’une carence constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne saurait être caractérisée, à l’issue de la période strictement nécessaire à la mise en œuvre de leur départ volontaire, qu’en cas de circonstances exceptionnelles. Il mentionne que les conditions d’attribution d’une place en hébergement d’urgence en cas de circonstances exceptionnelles ne sont pas clairement définies par les dispositions de droit interne et par la jurisprudence et que les autorités disposent ainsi d’un plus grand degré de discrétion que dans le cadre des affaires d’aides sociales dont la Cour a eu à connaître. Il relève que la Cour considère que le contentieux sous-jacent n’acquiert pas une nature civile du seul fait que son exécution est poursuivie en justice et donne lieu à une décision judiciaire. Il en conclut que l’article 6 § 1 de la Convention n’est pas applicable aux litiges.
52. Les requérants soutiennent que l’article 6 § 1 de la Convention est applicable aux présents litiges, dès lors notamment que les juridictions internes ont reconnu qu’ils faisaient état de circonstances exceptionnelles leur permettant de bénéficier d’un hébergement d’urgence.
53. La Cour rappelle avoir déjà reconnu, dans des conditions similaires, que l’octroi ou le refus d’une place en hébergement d’urgence constitue un droit civil qui ne saurait être regardé comme une décision relative à l’immigration, à l’entrée, au séjour ou à l’éloignement des étrangers au sens de la jurisprudence de la Cour et avoir conclu à l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention à de tels litiges (M.K. et autres c. France, nos 34349/18 et 2 autres, §§ 109-118, 8 décembre 2022).
54. Si, en l’espèce, les requérants avaient vu leurs demandes d’asile rejetées, le juge des référés a reconnu que leurs situations étaient constitutives de circonstances exceptionnelles justifiant d’enjoindre à l’administration de leur octroyer une place en hébergement d’urgence. À cet égard, ils ne peuvent être regardés comme ayant été exclus du champ d’application du dispositif d’hébergement d’urgence tel que défini par le Conseil d’État dans la décision du 13 juillet 2016, no 399829, dont se prévaut le Gouvernement. La Cour considère dans ces conditions, qu’une fois accordé, le bénéfice de ce dispositif a créé en leur chef un droit civil (Regner c. République tchèque [GC], no 35289/11, § 105, 19 septembre 2017).
55. En conséquence, l’article 6 § 1 est applicable aux présents litiges.
2. Sur l’épuisement des voies de recours internes
56. Le Gouvernement oppose une irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes, se prévalant de la jurisprudence de la Cour. Il soutient que les violations alléguées par les requérants ont cessé à la date de leur hébergement par les autorités françaises et qu’il leur appartenait de former un recours indemnitaire, effectif et non dépourvu de perspectives raisonnables de succès, afin d’obtenir réparation du préjudice qu’ils estimaient avoir subi. Le Gouvernement se fonde à cette fin sur des jugements rendus par les juridictions françaises dans le cadre de la réparation des préjudices causés par une carence de l’administration à prendre en charge des personnes dans le cadre de l’hébergement d’urgence de droit commun et de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice. Concernant plus particulièrement les requérants A.C. et autres, le Gouvernement soutient que si les requérants se prévalent de l’envoi d’une demande indemnitaire à la préfecture, d’une part, ils n’apportent pas la preuve du dépôt de cette demande, et, d’autre part, ils n’ont formé aucun recours indemnitaire devant le tribunal administratif.
57. Les requérants S.A. et F.A. font valoir qu’ils n’ont été hébergés que postérieurement à l’indication de la mesure provisoire par la Cour et qu’à la date de l’introduction de leur requête les violations alléguées n’avaient donc pas cessé. Se prévalant de l’arrêt N.H. et autres c. France, nos 28820/13 et 2 autres, 2 juillet 2020, ils contestent la nécessité de devoir introduire un recours indemnitaire préalablement à la saisine de la Cour. Ils soutiennent qu’ayant épuisé l’ensemble des voies de recours effectives et utiles à leur disposition sur cette période, la seule question est de savoir s’ils ont été placés, du 20 mai 2019 au 1er août 2019, dans une situation contraire à l’article 6 § 1 de la Convention et non s’ils auraient pu obtenir une indemnisation en raison du préjudice subi auprès des juridictions internes.
58. Les requérants A.C. et autres soutiennent que si le Gouvernement fait valoir qu’ils sont hébergés à titre gracieux dans un camping depuis le 10 décembre 2021, il ne saurait en être déduit, en l’absence de pièce probante et d’information de leur conseil sur la nature de cet hébergement, en tout état de cause inadapté à la situation de la famille, que la violation alléguée aurait cessé alors que l’administration persiste à refuser d’exécuter les décisions de justice. Ils font valoir que l’objet de la requête tendait à obtenir l’exécution des décisions concernant l’hébergement d’urgence et non l’indemnisation d’un préjudice. Ils relèvent avoir déjà exercé une action indemnitaire.
59. Les principes applicables ont été exposés dans l’arrêt M.K. et autres c. France, précité, §§ 128-130.
60. La Cour relève que les requérants ont finalement obtenu la mise à l’abri que le juge du référé liberté avait ordonné de leur accorder (paragraphe 26 (S.A. et F.A.) et 46 (A.C. et autres) ci-dessus). Dès lors que la violation continue qu’ils dénonçaient avait cessé, les requérants auraient en principe dû engager le recours indemnitaire à leur disposition pour satisfaire à l’exigence de l’article 35 § 1 de la Convention (M.K. et autres c. France, précité, §§ 88-89).
61. Néanmoins, la Cour relève qu’en l’espèce, avant même l’introduction de leurs requêtes devant elle, les requérants ont saisi le tribunal administratif d’une demande d’exécution des ordonnances enjoignant leur hébergement d’urgence sur le fondement des dispositions de l’article L. 911‑4 du code de justice administrative (paragraphes 16 (S.A. et F.A.) et 40 (A.C. et autres) ci-dessus) et ont formé un second référé liberté, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative, aux fins d’obtenir l’exécution de la première ordonnance rendue en leur faveur (paragraphes 17 (S.A. et F.A) et 38 (A.C. et autres) ci‑dessus). Au demeurant, les requérants A.C. et autres ont présenté une demande indemnitaire auprès de l’administration et une demande de liquidation des astreintes auprès du juge administratif (paragraphes 41 et 45 ci-dessus).
62. Dans ces conditions, la Cour considère, eu égard aux diligences effectuées par les requérants pour obtenir l’exécution des décisions de justice qui avaient fait droit à leur demande d’hébergement d’urgence et compte tenu des pouvoirs dont dispose le juge administratif tant en phase administrative d’exécution qu’en procédure de référé liberté aux fins de contraindre l’administration à exécuter ses décisions (M.K. et autres c. France, précité, §§ 83-87), qu’imposer aux requérants de saisir en outre le juge de l’indemnisation constituerait un obstacle disproportionné à l’exercice efficace de leur droit de recours individuel, tel que défini à l’article 34 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Veriter c. France, no 31508/07, §§ 58‑60, 14 octobre 2010).
63. La Cour en conclut que, dans ces circonstances particulières, les requérants doivent être dispensés de l’obligation d’épuiser le recours indemnitaire disponible en droit interne. Il s’ensuit que l’exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée.
64. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
65. Les requérants S.A. et F.A. soutiennent avoir été diligents en vue de l’exécution de l’ordonnance enjoignant leur hébergement en contactant les services de la préfecture, ceux de l’hébergement d’urgence avec l’aide de leur assistante sociale et en saisissant de nouveau le tribunal administratif en phase d’exécution. Ils font valoir que le préfet, qui n’a jamais défendu dans les contentieux engagés, a de nouveau refusé d’exécuter la seconde ordonnance de référé jusqu’à ce que la Cour demande au Gouvernement français de les héberger dans le cadre d’une mesure provisoire. Ils indiquent qu’ils ne sont pas en mesure de vérifier les chiffres avancés par le Gouvernement concernant la saturation du dispositif d’accueil d’hébergement d’urgence et répètent qu’ils n’avaient pas sollicité d’hébergement en qualité de demandeurs d’asile. Ils font valoir que l’État, qui n’indique pas le budget national alloué à l’hébergement d’urgence, ne met pas la Cour en position d’apprécier son caractère suffisant ni la politique de priorisation pour l’octroi des places. Ils font valoir que l’hébergement d’urgence représente un problème structurel en France. Ils soutiennent enfin que la circonstance selon laquelle certaines personnes ont été prises en charge au titre de l’hébergement d’urgence ne saurait exonérer l’État de ses obligations concernant des personnes à la rue, vulnérables, sans ressources, malades et isolées.
66. Les requérants A.C. et autres soutiennent que les ordonnances du juge des référés demeurent inexécutées, le Gouvernement ne pouvant justifier de l’effectivité des démarches entreprises par les services de l’État, et que si le juge statue en majorant l’astreinte prononcée, cela demeure sans effet, le manque de places en hébergement d’urgence étant structurel et relevant d’un choix politique. Ils font valoir que le comportement du préfet de la Haute-Garonne est empreint de mauvaise foi dès lors qu’il a refusé de se défendre puis d’exécuter les ordonnances du juge des référés, au prix d’une astreinte journalière. Ils soutiennent avoir dû vivre à la rue dans une caravane ou être accueillis dans un gymnase municipal consécutivement à la fin de leur prise en charge. Ils font valoir ne jamais avoir fait obstacle à l’exécution des décisions du juge administratif.
67. Le Gouvernement soutient que le juge administratif a fait usage des pouvoirs dont il disposait pour faire exécuter les décisions de justice qu’il a rendues. Il considère qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir exécuté les décisions litigieuses, les requérants ayant obtenu la désignation, par le préfet, d’un hébergement le lendemain de l’ordonnance du juge des référés pour S.A. et F.A. et une proposition d’hébergement à compter du 10 décembre 2021 pour A.C. et autres, dont il n’est pas établi qu’elle ne serait pas adaptée à leur situation. Il ajoute, concernant ces derniers requérants, qu’ils avaient déjà été hébergés ponctuellement dans un gymnase puis une maison où ils avaient reçu la visite d’une maraude. Le Gouvernement se prévaut, d’autre part, d’une saturation du dispositif d’hébergement d’urgence, renvoyant à des éléments chiffrés concernant la situation de S.A. et F.A.. Il souligne, concernant A.C. et autres, les nombreuses démarches entreprises par les services de l’État ayant assuré un suivi continu de la famille tenant compte du comportement de cette dernière, de sa composition et de la situation de handicap de deux des enfants.
68. Les principes applicables ont été exposés dans l’arrêt M.K. et autres c. France, précité, §§ 151-154.
69. La Cour entend, en premier lieu, analyser la complexité de la procédure d’exécution des ordonnances de référé. À cet égard, elle note que si le Gouvernement se prévaut d’une saturation des structures d’accueil dans le département de la Haute-Garonne et d’un défaut de crédits pour recourir à des prestations hôtelières privées, il ne fournit pas les sources des informations sur lesquelles il se fonde, contrairement à ce que sollicitaient les requérants. Il ne précise pas plus si l’hébergement dans d’autres départements était envisageable. En tout état de cause, il ne se prévaut d’aucune action positive de la préfecture de la Haute-Garonne pour signaler à l’administration centrale les difficultés rencontrées concernant l’hébergement d’urgence des personnes à la rue, en particulier dans le cadre de l’exécution des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif. La Cour retient également qu’il n’établit pas qu’il ne pouvait s’acquitter du montant des prestations d’hébergement auprès du secteur privé. La Cour en conclut que le Gouvernement ne parvient pas à caractériser l’existence de la complexité de la procédure d’exécution des ordonnances de référé dont bénéficiaient les requérants.
70. En deuxième lieu, la Cour, analysant le comportement des requérants, ne peut que noter leur diligence particulière en ce qui concerne leurs démarches tendant à obtenir l’exécution des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif. En particulier, ils ont multiplié les appels auprès de la veille sociale (paragraphes 15, 18, 19 et 22 (S.A. et F.A.) et 42 (A.C. et autres) ci-dessus). Ils ont contacté la préfecture en vue de l’exécution des ordonnances (paragraphes 14 (S.A. et F.A.) et 37 (A.C. et autres) ci-dessus). Ils ont également introduit de nouvelles procédures juridictionnelles en vue de l’exécution des premières ordonnances portant injonction d’hébergement, dans le cadre de la phase administrative d’exécution prévue par l’article L. 911-4 du CJA (paragraphes 16 (S.A. et F.A.) et 40 (A.C. et autres) ci-dessus) et dans le cadre d’un nouveau référé liberté (paragraphes 17 (S.A. et F.A.) et 38 (A.C. et autres) ci-dessus). Il ne saurait ainsi leur être reproché une quelconque négligence alors au demeurant que le caractère exécutoire de ces ordonnances de référé impliquait leur exécution d’office par l’État, tant en vertu du droit interne que des exigences attachées à l’article 6 § 1 de la Convention (voir en ce sens M.K. et autres c. France, précité, § 159).
71. En troisième lieu, la Cour doit évaluer le comportement des autorités compétentes. Elle relève à cet égard que, postérieurement aux premières ordonnances enjoignant l’hébergement des requérants, le préfet, représentant de l’État dans le département, ne semble pas avoir apporté les explications sollicitées par le tribunal administratif en phase administrative d’exécution (paragraphes 16 (S.A. et F.A.) et 40 (A.C. et autres) ci-dessus), n’a pas défendu dans le cadre du référé liberté tendant à l’exécution des premières ordonnances (paragraphes 20 (S.A. et F.A.) et 39 (A.C. et autres) ci-dessus), n’a pas répondu aux sollicitations des requérants (paragraphes 14 (S.A. et F.A.) et 37 (A.C. et autres) ci-dessus) et, au vu des pièces versées au dossier, ne peut être regardé comme ayant exécuté ces ordonnances avant l’intervention des mesures provisoires prononcées par la Cour (paragraphes 26 (S.A. et F.A.) et 46 (A.C. et autres) ci-dessus). Enfin, la Cour note que l’État n’a jamais fait appel desdites ordonnances (paragraphes 21 (S.A. et F.A.) et 40 (A.C. et autres) ci-dessus).
72. La Cour relève la passivité des autorités administratives compétentes en ce qui concerne l’exécution des décisions de la juridiction administrative dans le ressort de laquelle elles se trouvaient, en particulier pour des litiges portant sur la protection de la dignité humaine (M.K. et autres c. France, précité, § 161).
73. En conclusion, la Cour tient à souligner que les autorités administratives de l’État ont opposé non pas un retard mais un refus caractérisé de se conformer aux injonctions du juge interne et que l’exécution n’a pas, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, revêtu de caractère spontané mais n’a pu avoir lieu qu’à la suite de mesures provisoires prononcées par la Cour (paragraphes 25 (S.A. et F.A.) et 44 (A.C. et autres) ci-dessus). La Cour tient à souligner que revêt, pour l’appréciation du respect des exigences de l’article 6 § 1, une importance particulière le fait qu’en l’espèce les ordonnances non exécutées étaient le fruit d’une procédure d’urgence portant sur l’hébergement d’urgence.
164. La Cour en conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
74. Invoquant l’article 3 de la Convention, les requérants se plaignent de leurs conditions de vie en l’absence d’hébergement.
75. Le Gouvernement soulève, concernant ce grief, une exception d’irrecevabilité tenant au défaut d’épuisement des voies de recours internes, en se fondant sur les mêmes motifs que ceux mentionnés au paragraphe 56 ci-dessus.
76. Les requérants soutiennent quant à eux avoir épuisé les voies de recours internes concernant ce grief, étant précisé que durant la période litigieuse ils ont mis à même les autorités compétentes de faire cesser la violation alléguée. Ils répètent que la seule question est de savoir s’ils ont été placés durant cette période dans une situation contraire à l’article 3 de la Convention et non s’ils auraient pu obtenir une indemnisation auprès des juridictions internes en raison du préjudice subi. Les requérants A.C. et autres ajoutent que la violation alléguée n’a pas cessé les concernant.
77. Les principes applicables ont été exposés dans l’arrêt M.K. et autres c. France, précité, § 168 et rappelés dans l’arrêt Camara c. Belgique, no 49255/22, §§ 130 et 134.
78. En l’espèce, la violation continue que dénonçaient les requérants a cessé à compter de leur hébergement par les autorités françaises (paragraphes 26 et 46 ci-dessus). À cet égard, elle retient que, contrairement à ce que soutiennent les requérants A.C. et autres, ils ont pu bénéficier d’une proposition d’hébergement à compter du 10 décembre 2021, qui n’était pas manifestement inadaptée à leur situation. La Cour en conclut qu’ils auraient dû exercer un recours en responsabilité de l’État devant les juridictions administratives afin de demander réparation du préjudice qu’ils allèguent avoir subi du fait de la période pendant laquelle ils se sont retrouvés sans abri et ce, alors même qu’il ne se serait avéré effectif qu’après l’introduction de leurs requêtes devant la Cour.
79. Dans ces conditions, la Cour considère que le grief tiré de l’article 3 de la Convention doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
IV. SUR LA VIOLATION DE L’ARTICLE 34 DE LA CONVENTION
80. Les requérants soutiennent que la mesure provisoire indiquée au Gouvernement n’a pas été exécutée et renvoient à l’appréciation de la Cour concernant le grief tiré d’une violation de l’article 34 de la Convention.
81. Le Gouvernement fait valoir que, contrairement à leurs allégations, les requérants bénéficient d’une prise en charge hôtelière au sein d’un camping depuis le 10 décembre 2021, financée par l’État et assortie d’un accompagnement social. Il produit une attestation des services de l’État aux fins d’établir que ces derniers ont immédiatement cherché à exécuter la mesure provisoire indiquée par la Cour. Il ajoute que le retard pris dans l’exécution de la mesure s’explique par la saturation du dispositif d’hébergement d’urgence, la situation particulière de la famille et son comportement ayant conduit à exclure un certain nombre de solutions d’hébergement.
82. Les principes applicables ont été rappelés dans l’arrêt N.B. et autres c. France, no 49775/20, §§ 59-61, 31 mars 2022.
83. La Cour considère que les éléments versés au dossier par le Gouvernement permettent de retenir que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la mesure provisoire indiquée le 4 novembre 2021 a été exécutée sans retard excessif (paragraphe 46 ci-dessus).
84. Partant, le grief relatif à l’article 34 de la Convention doit être rejeté comme manifestement mal fondé au sens de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
85. Eu égard à la conclusion à laquelle est parvenue la Cour dans la présente décision, elle note que la mesure provisoire indiquée au Gouvernement en vertu de l’article 39 du règlement pour chaque foyer familial est désormais sans objet.
APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
86. Les requérants S.A. et F.A. demandent 15 000 euros (EUR) et les requérants A.C. et autres 40 000 EUR au titre du dommage moral qu’ils estiment avoir subi.
87. Les requérants S.A. et F.A. sollicitent qu’il soit statué « ce que de droit » sur les frais et dépens et les requérants A.C. et autres ne présentent pas de demande à ce titre.
88. Le Gouvernement soutient, concernant les requérants A.C. et autres, que la demande de satisfaction équitable est infondée, puis, concernant l’ensemble des requérants que si la Cour devait conclure à une violation des articles de la Convention invoqués par les requérants, ces constats de violation représenteraient une satisfaction équitable suffisante. À titre subsidiaire, il estime que le versement d’une somme de 5 000 EUR apparaîtrait raisonnable au titre du dommage moral, compte-tenu de la jurisprudence de la Cour.
89. La Cour estime qu’eu égard à la nature de la violation constatée en l’espèce, il est équitable d’accorder à chaque foyer familial une somme globale de 5 000 EUR.
90. Par ailleurs, compte tenu de sa jurisprudence et en l’absence de tout justificatif fourni par les requérants S.A. et F.A, la Cour rejette la demande qu’ils ont présentée au titre des frais et dépens.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare le grief relatif à l’article 6 § 1 de la Convention recevable et le surplus des requêtes irrecevable ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au foyer de S.A. et au foyer de A.C. respectivement une somme de 5 000 EUR (cinq mille euros) dans un délai de trois mois, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette le surplus des demandes de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 novembre 2023, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Sophie Piquet Stéphanie Mourou-Vikström
Greffière adjointe f.f. Présidente
__________
AnNExE
Liste des requêtes
No. | Requêtes No | Introduites le | Requérants Année de naissance |
Représentés par | Nationalités |
1. | 40429/19 | 31/07/2019 | S.A. 1947 F.A. 1961 |
Camille POUGAULT | de Syrie |
2. | 53466/21 | 03/11/2021 | A.C. [1] 1966 R. I. 1988(enfants) A.C. [2] 2008 C.C. 2011 E.C. [1] 2007 E.C. [2] 2015 H.C. [1] 2014 H.C. [2] 2009 H.C. [3] 2012 I.C. 2018 R.N.C. 2005 R.C. 2016 |
Sylvain LASPALLES | de la Bosnie-Herzégovine |
Dernière mise à jour le novembre 23, 2023 par loisdumonde
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