INTRODUCTION. La requête concerne l’inspection par les autorités d’investigation de la cour de la maison des requérants et de la chambre froide s’y trouvant. Elle soulève des questions sur le terrain de l’article 8 de la Convention quant à la qualification de « domicile » des lieux inspectés et quant au respect des exigences de cette disposition.
DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE BOSTAN c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
(Requête no 52507/09)
ARRÊT
Art 8 • Domicile • Inspection par la police de la cour d’une maison et de la chambre froide s’y trouvant • Notion de « domicile » • Lieux inspectés non incompatibles avec un usage résidentiel ou à des fins personnelles et maison non clairement distincte et séparée • Fouille et saisie sans l’accord des requérants et sans autorisation préalable d’un juge • Loi permettant de procéder à ces mesures avec le seul accord d’un des résidents du domicile • Autorités d’investigation seules compétentes à apprécier la nécessité et l’ampleur des perquisitions • Absence de contrôle judiciaire effectif a posteriori de la mesure contestée • Absence de garanties procédurales suffisantes pour prévenir le risque d’abus de pouvoir des autorités • Ingérence « non prévue » par la loi
STRASBOURG
8 décembre 2020
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Bostan c. République de Moldova,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une Chambre composée de :
Jon Fridrik Kjølbro, président,
Marko Bošnjak,
Aleš Pejchal,
Valeriu Griţco,
Branko Lubarda,
Carlo Ranzoni,
Pauliine Koskelo, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu :
la requête (no 52507/09) dirigée contre la République de Moldova et dont deux ressortissants de cet État, Mme Silvia Bostan et M. Veaceslav Bostan (« les requérants ») ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 15 septembre 2009,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement moldave (« le Gouvernement ») le grief tiré de l’article 8 de la Convention et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 novembre 2020,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
inTRODUCTION
1. La requête concerne l’inspection par les autorités d’investigation de la cour de la maison des requérants et de la chambre froide s’y trouvant. Elle soulève des questions sur le terrain de l’article 8 de la Convention quant à la qualification de « domicile » des lieux inspectés et quant au respect des exigences de cette disposition.
EN FAIT
2. Les requérants sont nés respectivement en 1962 et en 1960 et résident à Chișinău. Ils ont été représentés d’abord par Me P. Guțan et ensuite par Me G. Ionaş, avocats.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. L. Apostol.
4. Les requérants habitent une maison sise à Chișinău, dont ils sont les seuls propriétaires.
5. Le 6 novembre 2008, la police interpella M.C., le gendre des requérants, au volant d’une fourgonnette à proximité de la maison de ces derniers. Le véhicule était chargé de viande de volaille. Interrogé sur l’origine de la viande, M.C. aurait déclaré qu’il l’avait achetée en Transnistrie et qu’il ne disposait pas de certificats d’origine. Selon la police, M.C. indiqua que davantage de viande se trouvait dans la chambre froide installée dans la cour de la maison.
6. Selon une autorisation manuscrite signée par M.C., celui-ci indiqua qu’il résidait à l’adresse en question et qu’il donnait son accord à ce que les policiers procèdent à l’inspection de la chambre froide située dans la cour.
7. À la suite de l’inspection effectuée en l’absence des requérants, la police saisit 4 924 kg de viande surgelée.
8. Les requérants soutiennent que, même si leur maison était enregistrée comme étant le lieu de résidence de M.C., celui-ci résidait, depuis 2005, à une autre adresse.
9. Selon le Gouvernement, M.C. habitait à l’époque des faits dans la maison des requérants.
10. Par une décision du 20 novembre 2008, la police estima que M.C. avait commis la contravention administrative de pratique illégale de l’activité commerciale. Elle lui infligea une amende de 500 lei moldave (38 euros selon le taux de change en vigueur à l’époque) et confisqua la viande surgelée.
11. Entre-temps, le 17 novembre 2008, les requérants avaient déposé une plainte pénale contre les policiers, arguant que ceux-ci avaient commis l’infraction de violation de domicile. Ils indiquaient qu’ils étaient les seuls propriétaires et résidents de l’immeuble ayant été fouillé et que M.C. habitait à une adresse différente. Ils se plaignaient que l’inspection effectuée en leur absence, sans leur accord et sans mandat judiciaire était contraire à l’article 8 de la Convention et aux articles 12 et 118 du code de procédure pénale (paragraphe 14 ci-dessous).
12. Par une ordonnance du 1er décembre 2008, le parquet de Chișinău rejeta leur plainte. Il releva que, selon les informations figurant sur la carte d’identité de M.C., le lieu de résidence de celui-ci était bien l’adresse de la maison des requérants. Il estima que les policiers avaient agi conformément à la loi et que l’infraction de violation de domicile n’était pas caractérisée dans ses éléments.
Les requérants contestèrent cette décision.
13. Le 20 mars 2009, un juge d’instruction du tribunal de Rîșcani examina le recours en l’absence des intéressés et de leur représentant, et le rejeta comme mal fondé. Il nota que l’inspection de la maison des requérants avait été effectuée avec l’accord de M.C. qui y résidait et qu’il n’y avait donc pas de motifs de croire que cette inspection était contraire aux articles 12 et 118 du code de procédure pénale.
LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT
14. Les dispositions pertinentes, en l’espèce, du code de procédure pénale, telles qu’elles étaient en vigueur au moment des faits, étaient libellées comme suit :
« Article 12. L’inviolabilité du domicile
1. L’inviolabilité du domicile est garantie par la loi. Pendant la procédure pénale, personne n’est en droit de pénétrer dans le domicile contre le gré des personnes qui y habitent (…), sauf dans les cas et selon la modalité prévus par le présent code.
2. Les perquisitions [et] les inspections au domicile (…) peuvent être ordonnées et effectuées sur la base d’un mandat judiciaire, sauf dans les cas et selon la modalité prévus par le présent code. Lorsque les mesures d’investigation sont effectuées sans mandat judiciaire, l’autorité habilitée à effectuer ces mesures fournit au juge immédiatement, ou au plus tard 24 heures après la fin des mesures, les documents pertinents pour le contrôle de leur légalité.
Article 118. L’inspection des lieux
1. Afin de découvrir les traces de l’infraction [et] les éléments matériels de preuve (…), l’autorité de poursuite pénale procède à l’inspection des terrains, des locaux, des objets, des documents (…).
2. L’inspection du domicile sans l’accord de la personne dont le droit garanti à l’article 12 est limité, est effectuée sur le fondement de l’ordonnance motivée de l’autorité de poursuite pénale, avec l’autorisation du juge d’instruction.
(…)
Article 279. L’exécution des mesures de poursuite pénale
(…)
3. L’inspection, la perquisition, la saisie des objets et autres mesures procédurales dans un domicile peuvent être effectuées seulement avec le consentement de la personne résidant à l’adresse concernée ou avec l’autorisation correspondante.
(…) »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
15. Invoquant l’article 8 de la Convention, les requérants allèguent que, sans leur accord et en l’absence d’un mandat judiciaire ou d’un contrôle judiciaire a posteriori, la fouille de leur domicile était illégale. Ils se plaignent, en outre, de l’absence d’un recours interne effectif, au sens de l’article 13 de la Convention, pour faire valoir leur grief tiré de l’article 8 de la Convention.
La Cour rappelle qu’elle peut décider de la qualification juridique à donner aux faits d’un grief en examinant celui-ci sur le terrain d’articles ou de dispositions de la Convention autres que ceux invoqués par le requérant (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 126, CEDH 2018). En l’espèce, elle estime qu’il convient d’examiner les griefs des requérants sous l’angle du seul article 8 de la Convention (Heino c. Finlande, no 56720/09, § 55, 15 février 2011, et DELTA PEKÁRNY a.s. c. République tchèque, no 97/11, § 103, 2 octobre 2014). Cette disposition est ainsi libellée :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Sur la recevabilité
16. Constatant que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
17. Les requérants soutiennent que l’inspection effectuée par la police dans la cour de leur maison constitue une ingérence évidente dans leur droit au respect de leur domicile. Ils arguent que la base légale qui a fondé cette ingérence avait des failles, en l’occurrence son manque de clarté, et qu’elle ne protégeait pas de manière suffisante contre les abus. Ils affirment également que, contrairement à ce qu’auraient exigé les dispositions internes pertinentes en l’espèce, aucun contrôle judiciaire de la régularité des actions de la police n’a été effectué dans la présente affaire.
18. Le Gouvernement admet qu’il y a eu ingérence dans les droits des requérants garantis par l’article 8 de la Convention. Il fait remarquer que l’inspection de la cour de la maison des requérants a été effectuée avec l’accord de M.C. qui résidait à cette adresse et que la loi ne prévoyait pas expressément qu’un tel accord soit donné par tous les propriétaires ou par tous les occupants d’un immeuble. Il soutient que l’accord de M.C. rendait inutile l’examen ultérieur par un juge d’instruction de la légalité de la mesure litigieuse. Le Gouvernement argue dès lors que l’ingérence était prévue par la loi et que cette loi était prévisible. Il affirme enfin que l’ingérence était nécessaire dans une société démocratique pour prévenir et combattre les activités criminelles.
19. La Cour relève d’emblée que les agents de police ne sont pas entrés dans la maison des requérants, mais ont pénétré dans la cour de cette maison et fouillé la chambre froide qui s’y trouvait. Elle précise que les lieux inspectés n’étaient pas ouverts au public. Elle rappelle avoir déjà eu l’occasion de juger que l’interprétation extensive de la notion de « domicile » au sens de l’article 8 de la Convention devait trouver des limites et que cette qualification ne pouvait pas être attribuée, par exemple, à des bâtiments abritant du bétail (Leveau et Fillon c. France (déc.), nos 63512/00 et 63513/00, 6 septembre 2005) ou des bâtiments et équipements industriels, tels que moulin, boulangerie ou entrepôts utilisés à des fins exclusivement professionnelles (Khamidov c. Russie, no 72118/01, § 131, 15 novembre 2007). Ce faisant, elle estime que les circonstances de la présente affaire se distinguent de celles des deux affaires précitées. Or, il ne ressort pas avec certitude des pièces dont elle dispose dans le cas d’espèce que la cour de la maison et la chambre froide étaient affectées à une utilisation purement professionnelle, rendant incompatible tout usage résidentiel ou à des fins personnelles de la part des requérants. Rien ne permet non plus d’affirmer que la maison de ces derniers était clairement distincte et séparée des lieux inspectés par la police. Par conséquent, la Cour estime qu’elle ne saurait exclure ces lieux de la protection offerte par l’article 8 de la Convention et qu’ils peuvent être considérés comme faisant partie du « domicile » des requérants, au sens de cette disposition (comparer avec Işıldak c. Turquie, no 12863/02, § 48, 30 septembre 2008, et voir, a contrario, Faruggia c. Malte (déc.), no 67557/10, § 29, 6 mars 2012).
20. En même temps, elle souligne qu’il n’est pas contesté entre les parties que l’inspection de la cour de la maison et de la chambre froide, le 6 novembre 2008, a constitué une ingérence dans le droit des requérants au respect de leur domicile. Elle ne voit aucune raison de déroger à cette conclusion (comparer avec Varga c. Roumanie, no 73957/01, § 67, 1er avril 2008, et Gutsanovi c. Bulgarie, no 34529/10, § 217, CEDH 2013 (extraits)). Pareille ingérence enfreint l’article 8 de la Convention, sauf si elle satisfait aux conditions du paragraphe 2, c’est-à-dire si elle est « prévue par la loi », poursuit un ou plusieurs buts légitimes et est « nécessaire », « dans une société démocratique », à la réalisation de ce ou ces buts.
21. La Cour rappelle qu’en vertu de sa jurisprudence constante les mots « prévue par la loi » impliquent qu’une ingérence aux droits garantis par l’article 8 de la Convention doit reposer sur une base légale interne, que la législation en question doit être suffisamment accessible et prévisible, et que celle-ci doit être compatible avec le principe de la prééminence du droit (voir, parmi beaucoup d’autres, Heino, précité, § 36, Gutsanovi, précité, § 218, et Halabi c. France, no 66554/14, § 57, 16 mai 2019).
22. Se tournant vers les faits de l’espèce, elle observe que les parties s’opposent sur la question de savoir si, en l’espèce, la loi était suffisamment prévisible. Cependant, elle estime qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur ce point, car, de toute manière et pour les motifs exposés ci-dessous, la condition qualitative à laquelle devait répondre la législation interne, à savoir la compatibilité avec le principe de la prééminence du droit, n’avait pas été remplie en l’espèce. Pour des raisons similaires, elle considère qu’il n’est pas non plus nécessaire de trancher une autre question qui prête à controverse entre les parties, qui est celle de savoir si M.C. résidait effectivement ou non dans la maison des requérants.
23. La Cour rappelle que, dans le contexte des saisies et perquisitions, elle exige que le droit interne offre des garanties adéquates et suffisantes contre l’arbitraire. Nonobstant la marge d’appréciation qu’elle reconnaît en la matière aux États contractants, elle doit redoubler de vigilance lorsque le droit national habilite les autorités à conduire une perquisition sans mandat judiciaire : la protection des individus contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis par l’article 8 de la Convention réclame un encadrement légal et une limitation des plus stricts de tels pouvoirs (Gutsanovi, précité, § 220 et les affaires qui y sont citées, et Stoyanov et autres c. Bulgarie, no 55388/10, § 126, 31 mars 2016).
24. Dans la présente affaire, la perquisition et la saisie au domicile des requérants ont été effectuées sans l’autorisation préalable d’un juge. En effet, les articles 12 § 1, 118 § 2 et 279 § 3 du code de procédure pénale (paragraphe 14 ci-dessus) permettaient aux autorités d’investigation de procéder à de telles mesures avec l’accord de la personne résidant à l’adresse concernée. Cela étant, la Cour observe que, dans les hypothèses comme celle du cas d’espèce où seulement une personne parmi les autres résidants avait donné son accord à la fouille, ces dispositions ne limitaient nullement la marge de manœuvre des autorités d’investigation, qui étaient les seules compétentes à apprécier la nécessité et l’ampleur des perquisitions.
25. Elle redit que, dans de telles situations, l’absence d’un mandat de perquisition et saisie peut être contrebalancée par un contrôle judiciaire a posteriori sur la légalité et la nécessité de ces mesures d’instruction. Encore faut-il que ce contrôle soit efficace dans les circonstances particulières de l’affaire en cause (Gutsanovi, précité, § 222, DELTA PEKÁRNY a.s., précité, § 87, et Modestou c. Grèce, no 51693/13, § 49, 16 mars 2017).
26. En l’espèce, la Cour note d’abord que le Gouvernement ne cite aucune base légale ou jurisprudence interne pour étayer son argument selon lequel l’accord donné par M.C. rendait inutile le contrôle a posteriori de la part d’un juge d’instruction. Sur ce point, elle relève que la rédaction de l’article 12 § 2 du code de procédure pénale (paragraphe 14 ci-dessus), qui exige des autorités d’enquête la saisie d’un juge dans les vingt-quatre heures qui suivent les mesures d’investigation effectuées dans un domicile sans mandat judiciaire, laisse à penser le contraire.
27. Quoi qu’il en soit, elle fait remarquer que, en l’absence d’un contrôle judiciaire sur la base de l’article 12 § 2 du code de procédure pénale, il lui appartient de se prononcer en l’espèce sur l’étendue du contrôle effectué à la suite de la plainte pénale des requérants.
28. La Cour observe que la procédure déclenchée par cette plainte avait pour but principal d’établir s’il y avait eu faute pénale ou non de la part des policiers et que celle-ci ne visait pas directement la régularité de l’inspection en elle-même. Par ailleurs, il apparaît que les requérants ne disposaient d’aucun recours en contestation du déroulement de l’inspection. La Cour note que, dans sa décision relative à la plainte pénale (paragraphe 13 ci-dessus), le juge d’instruction s’est penché sur la question de la légalité des actions des policiers, en mettant surtout l’accent sur l’accord donné par M.C. et sur le fait que celui-ci résidait dans la maison des requérants. Cependant, le juge en question n’a pas examiné l’exercice par les autorités d’investigation de leur pouvoir d’apprécier l’opportunité, la durée et l’ampleur de l’inspection. La Cour conclut dès lors qu’il n’y a pas eu en l’espèce un examen efficace de la nécessité de la mesure contestée (comparer avec Gutsanovi, précité, § 223, DELTA PEKÁRNY a.s., précité, § 91, et Stoyanov et autres, précité, § 130).
29. À la lumière de ce qui précède, elle considère qu’en l’absence d’une autorisation préalable d’un juge et d’un contrôle judiciaire effectif a posteriori de la mesure d’instruction contestée, tels que prévus par la loi moldave, les requérants n’ont pas bénéficié de garanties procédurales suffisantes pour prévenir le risque d’abus de pouvoir de la part des autorités d’investigation.
30. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, elle considère que l’ingérence dans le droit au respect du domicile des requérants n’était pas « prévue par la loi » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention. Ce constat rend superflu l’examen du respect des autres exigences exposées dans cette disposition.
31. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
32. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
33. Les requérants ne formulent aucune prétention au titre des dommages matériel et moral. Par conséquent, la Cour ne leur alloue rien à ce titre.
B. Frais et dépens
34. Les requérants réclament 1 542,44 euros (EUR) au titre des frais et dépens qu’ils ont engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour. La somme de 1 500 EUR correspond, selon eux, aux honoraires de leur représentant pour vingt-cinq heures de travail à raison de 60 EUR l’heure. Ils fournissent copie du contrat signé avec leur représentant, ainsi qu’un décompte horaire détaillé. Les requérants présentent, en outre, copie des taux horaires recommandés par l’Union des avocats de la République de Moldova, qui sont compris entre 40 et 150 EUR.
Enfin, ils indiquent que le reste de la somme réclamée, à savoir 42,44 EUR, constitue des frais postaux. Ils fournissent copie de la facture délivrée à ce titre par la poste moldave.
35. Le Gouvernement soutient que le montant demandé est excessif.
36. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer aux requérants la somme qu’ils demandent pour la procédure menée devant elle, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par eux à titre d’impôt.
C. Intérêts moratoires
37. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
3. Dit
a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 1 542,44 EUR (mille cinq cent quarante-deux euros et quarante-quatre cents) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par les requérants à titre d’impôt, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement,
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 décembre 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley Naismith Jon Fridrik Kjølbro
Greffier Président
Dernière mise à jour le décembre 8, 2020 par loisdumonde
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