La requête concerne l’imposition d’une amende administrative au requérant pour avoir porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations non effectuées et des prestations non conformes à la loi et à ses arrêtés d’exécution. Invoquant l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, le requérant se plaint d’avoir été poursuivi deux fois à raison de faits identiques ou en substance les mêmes, nonobstant un acquittement préalablement prononcé par la juridiction pénale.
Texte intégral du document.
Cour européenne des droits de l’homme
DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE C.Y. c. BELGIQUE
(Requête no 19961/17)
ARRÊT
Art 4 P7 • Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois • Procédures pénale et administrative parallèles pour avoir porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations non effectuées ainsi que non conformes à la législation • Art 4 P7 inapplicable à la répétition de l’indu • Art 4 P7 applicable à l’amende administrative revêtant un caractère pénal au sens autonome de la Convention • Requérant ayant été poursuivi, dans les deux procédures, pour des faits étant en substance les mêmes au sens de la jurisprudence de la Cour • Procédure pénale ayant donné lieu à une décision définitive d’acquittement de la cour d’appel • Procédures pénale et administrative unies par un lien matériel suffisamment étroit • Deux procédures poursuivant des objectifs complémentaires et différents • Mixité des procédures constituant une conséquence prévisible, tant en droit qu’en pratique, du comportement reproché • Éléments recueillis lors de l’enquête administrative repris dans la procédure pénale, évitant de la sorte une répétition dans le recueil et l’appréciation des éléments de preuve • Chambre de recours ayant expressément tenu compte de l’arrêt de la cour d’appel • Procédures pénale et administrative unies par un lien temporel suffisamment étroit
STRASBOURG
14 novembre 2023
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire C.Y. c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Arnfinn Bårdsen, président,
Jovan Ilievski,
Egidijus Kūris,
Pauliine Koskelo,
Frédéric Krenc,
Diana Sârcu,
Davor Derenčinović, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier de section,
Vu :
la requête (no 19961/17) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet État, M. C.Y. (« le requérant »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 7 mars 2017,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement belge (« le Gouvernement ») le grief concernant l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,
la décision de ne pas dévoiler l’identité du requérant,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 octobre 2023,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne l’imposition d’une amende administrative au requérant pour avoir porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations non effectuées et des prestations non conformes à la loi et à ses arrêtés d’exécution. Invoquant l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, le requérant se plaint d’avoir été poursuivi deux fois à raison de faits identiques ou en substance les mêmes, nonobstant un acquittement préalablement prononcé par la juridiction pénale.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1965 et réside à Waterloo. Il a été représenté par Me A. Chomé, avocat à Bruxelles.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agente, Mme I. Niedlispacher, du service public fédéral de la Justice.
I. Le contexte de l’affaire et le procès-verbal d’infraction
4. Le requérant est un infirmier indépendant effectuant des soins à domicile.
5. En 2007, une enquête fut initiée à son encontre par le Service d’évaluation et de contrôle médicaux (« SECM ») de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (« INAMI »).
6. Après avoir entendu le requérant ainsi que huit de ses patients, un procès-verbal d’infraction fut établi le 29 mai 2007. Il était reproché au requérant d’avoir, entre le 1er avril 2005 et le 6 décembre 2006, porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, des prestations non effectuées ainsi que des prestations non conformes à la loi et à ses arrêtés d’exécution.
7. Lors de son audition, le requérant a expressément reconnu les erreurs de facturation et sa négligence. Il s’est par ailleurs engagé à rembourser à l’INAMI l’indu pour un montant total de 124 902,23 euros (EUR).
II. La procédure pénale
8. Le 10 janvier 2008, le SECM dénonça les faits auprès du Procureur du Roi. Des poursuites furent engagées à l’encontre du requérant pour les infractions de faux, usage de faux et escroquerie en application des dispositions pertinentes du code pénal (voir paragraphe 23 ci-dessous).
9. Par un jugement du 28 avril 2010, le tribunal correctionnel de Nivelles condamna le requérant à une peine d’emprisonnement d’un an et à une amende de 550 EUR, avec sursis durant cinq ans. Le tribunal réserva à statuer à l’égard des demandes formulées par les organismes assureurs, parties civiles.
10. Le requérant et le ministère public interjetèrent, l’un et l’autre, appel de cette décision.
11. Par un arrêt du 27 janvier 2015, la cour d’appel de Bruxelles acquitta le requérant des préventions de faux, usage de faux et escroquerie et se déclara dès lors incompétente pour connaître des demandes des organismes assureurs. Elle constata, s’agissant des préventions de faux et usage de faux, que la preuve de l’intention frauduleuse n’était pas rapportée au-delà de tout doute. S’agissant de la prévention d’escroquerie, la cour d’appel releva qu’elle n’avait décelé à charge du requérant aucun des éléments constitutifs de l’infraction, l’enquête préparatoire et les débats ne faisant apparaître ni manœuvres frauduleuses, ni fausse qualité.
12. Les organismes assureurs introduisirent un pourvoi en cassation lequel fut déclaré inadmissible par une ordonnance du 18 mai 2015, en sorte que l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles devint définitif.
III. La procédure administrative
13. Parallèlement à sa plainte pénale, le SECM saisit, le 14 juillet 2008, la Chambre de première instance auprès du SECM (« la chambre de première instance ») afin d’obtenir le remboursement des prestations indûment perçues et d’imposer le paiement d’amendes administratives.
14. Par une décision du 3 décembre 2009, la chambre de première instance condamna le requérant à rembourser les sommes indûment perçues (soit 124 902,23 EUR) et au paiement d’amendes administratives de 243 850,40 EUR et de 4 465,54 EUR, en application de l’article 141 § 5 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994 (« loi AMI ») (paragraphe 24 ci-dessous). Cette décision était notamment fondée sur le fait que le requérant avait reconnu la réalité des griefs reprochés, qu’il s’était engagé à rembourser les sommes indument perçues et qu’il résultait de manière explicite des pièces du dossier que les faits étaient établis. S’agissant du montant des amendes administratives, la chambre de première instance justifia la hauteur des amendes prononcées eu égard à la gravité des faits, leur nombre considérable, la période infractionnelle, le montant important de l’indu, la volonté de fraude dans le chef du requérant, l’absence de tout remboursement malgré l’engagement pris par le requérant et le principe général d’application de la loi pénale la plus douce. S’agissant du grief tiré du principe ne bis in idem, la chambre de première instance estima que ce principe n’était pas d’application dès lors qu’aucune décision répressive définitive n’avait encore été adoptée.
15. Le requérant introduisit un recours auprès de la Chambre de recours auprès du SECM (« la chambre de recours »).
16. Par une décision du 15 juillet 2011, celle-ci décida de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale (paragraphes 8 et suivants ci‑dessus).
17. Suite à l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 27 janvier 2015 (paragraphe 11 ci-dessus), l’INAMI sollicita, le 26 février 2015, la poursuite de la procédure devant la chambre de recours.
18. Celle-ci se prononça par une décision du 17 mars 2016. Elle estima tout d’abord que le principe ne bis in idem ne trouvait pas à s’appliquer aux motifs suivants :
« En l’espèce, la cour d’appel a acquitté [le requérant] des préventions retenues à son encontre, à savoir faux et usage de faux et escroquerie, en ce qui concerne les attestations de soins données faisant l’objet de la présente procédure. La cour d’appel a acquitté [le requérant], non pas parce que les attestations de soins données correspondaient à des soins réellement effectués mais parce que les intentions frauduleuses, le dessein de nuire, les manœuvres frauduleuses ou de fausses qualités n’étaient pas établies. La présente chambre relève du reste que la cour d’appel considère que [le requérant] reconnaît avoir facturé des prestations non réalisées. La présente chambre constate que les faits et infractions faisant l’objet des présents débats ne sont pas les mêmes que ceux soumis à la cour d’appel. Il ne s’agit nullement, en la présente cause, de se prononcer sur des faits ou des infractions d’escroquerie et de faux ou d’usage de faux requérant un dol particulier ou spécial ou impliquant une intention frauduleuse mais simplement et sans plus de savoir si [le requérant] a :
– porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations qui ne furent pas exécutées,
– porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations non conformes à la loi ou à ses arrêtés d’exécution.
La circonstance que les attestations de soins données sont les mêmes, dans la présente cause, que celles visées dans la procédure pénale, en aucune manière ne permet de penser que [le requérant] est poursuivi dans la présente procédure pour les mêmes faits, les mêmes infractions ou le même comportement que ceux soumis aux juridictions répressives. La présente chambre examine la réalité de faits, un comportement et des infractions n’impliquant aucun dol spécial ou particulier ou intention frauduleuse et ne pouvant se confondre avec des faux, usage de faux ou escroquerie.
Les infractions, faits et comportements n’étant pas les mêmes que ceux soumis à la juridiction pénale, le principe « non bis in idem » n’est pas applicable en l’espèce (Cf. Cass., arrêt du 25 mai 2011, RG no P.11.0199. F Juridat).
(…)
L’INAMI comme la présente chambre est certes tenu par la décision pénale et les motifs déterminant l’acquittement. En ce qui concerne la hauteur de la sanction, la présente chambre ne pourra retenir d’intention frauduleuse, l’absence de celle-ci ayant justifié l’acquittement. Par contre, la présente chambre se prononcera sur la réalité et la conformité des soins donnés faisant l’objet des attestations en litige, l’acquittement n’ayant pas été prononcé en raison de ce que l’absence des soins donnés ou la non‑conformité n’était pas établie. »
19. La chambre de recours estima ensuite que le montant total de l’indu suite aux prestations non effectuées ou non conformes à la loi ou à ses arrêtés d’exécution s’élevait à la somme de 113 048,48 EUR et condamna le requérant au remboursement de ce montant. Elle condamna par ailleurs le requérant à une amende administrative de 200 EUR, majorée des centimes additionnels, soit 1 200 EUR. Sa décision est motivée en ces termes :
« La récupération de l’indu
Conformément à l’article 141, § 5 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, tel qu’en vigueur au moment des faits, [le requérant] est tenu de rembourser l’indu du fait des infractions commises. La présente Chambre relève que les infractions en l’espèce sont des infractions « matérielle » ou « réalité » ou « conformité » ne nécessitant aucun dol particulier. Le fait d’avoir été négligent ou surchargé de travail ou dépassé par un logiciel en aucun cas ne peut constituer un cas de force majeure ou une cause d’excuse, [le requérant] devant s’assurer que les attestations de soins étaient conformes à la réalité.
[Le requérant] est donc redevable de la somme de 124.902,23 €, sous déduction de la somme de 11.853,75 €, soit 113.048,48 €.
Depuis mai 2007, à tout le moins, [le requérant] connaît les faits qui lui sont reprochés et il reconnaît depuis cette date ne pas avoir donné tous les soins qu’il a attestés. Il sait depuis mai 2007 qu’il sera tenu de rembourser un indu important. Vu l’ancienneté de la dette, il ne s’indique pas d’accorder des termes et délais.
La sanction
Plusieurs dispositions pénales ou répressives se sont succédées dans le temps depuis la date de la commission des infractions jusqu’à la date où les infractions sont jugées. En ce cas, conformément à l’article 2 du Code pénal, la loi pénale la moins sévère doit s’appliquer. Il s’agit en l’espèce de la sanction de niveau 2 prévue à l’article 101 du Code pénal social, soit une amende administrative de 25 à 250 € à majorer des décimes additionnels (fois 6).
Les différents faits relevés à charge [du requérant] se sont déroulés au cours d’une même période et sont le résultat de la même intention, à savoir une négligence coupable consécutive à une désorganisation générale, un état de fatigue et un non suivi de son matériel informatique de facturation. En vertu de la règle de l’absorption une seule peine sera appliquée.
La présente Chambre relève que la période infractionnelle est longue, s’étendant sur 19 mois. Les agissements [du requérant] ont provoqué un indu important de 113.048,48 €. La négligence coupable [du requérant] a donc été de longue durée et fut totalement désinvolte. La présente Chambre considère dès lors qu’une amende administrative de 200,00 € à majorer des décimes additionnels (fois 6), soit une amende de 1.200,00 €, doit être infligée [au requérant].
Vu la durée de la période infractionnelle et la grave négligence [du requérant] ayant entraîné un indu important, la présente Chambre estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder un sursis. »
20. Par une requête du 20 avril 2016, le requérant demanda la cassation de la décision prise par la chambre de recours devant le Conseil d’État.
21. Dans son rapport, l’auditeur du Conseil d’État proposa de casser la décision de la chambre de recours. Il estima que cette dernière, bien qu’ayant considéré que les faits dont elle était saisie n’étaient pas les mêmes que ceux pour lesquels le requérant avait été acquitté par la cour d’appel en raison de l’absence d’élément moral, n’avait cependant pas exposé les raisons pour lesquelles elle avait jugé que les faits pour lesquels le requérant était poursuivi par le SECM n’étaient pas indissociablement liés dans le temps et l’espace à ceux pour lesquels il avait été acquitté par la cour d’appel de Bruxelles.
22. Par un arrêt du 28 octobre 2016, le Conseil d’État rejeta le recours en cassation. Il écarta le moyen pris de la violation du principe ne bis in idem, en ces termes :
« (…)
En l’espèce, la chambre de recours a jugé que les faits pour lesquels le requérant a été acquitté par la cour d’appel de Bruxelles ne sont pas les mêmes que ceux pour lesquels il est poursuivi par le SECM. Elle indique notamment que « la cour d’appel a acquitté [le requérant], non pas parce que les attestations de soins donnés correspondaient à des soins réellement effectués mais parce que les intentions frauduleuses, le dessein de nuire, les manœuvres frauduleuses ou de fausses qualités n’étaient [pas] établies », alors qu’ « il ne s’agit nullement, en la présente cause de se prononcer sur des faits ou des infractions d’escroquerie et de faux ou d’usage de faux requérant un dol particulier ou spécial, ou impliquant une intention frauduleuse mais simplement et sans plus de savoir si [le requérant] a : – porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations qui ne furent pas exécutées ; – porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations non conformes à la loi ou à ses arrêtés d’exécution ». Elle précise que si les mêmes attestations de soins donnés sont visées dans les deux procédures, il ne s’agit pas pour autant de poursuites fondées sur les mêmes faits, les mêmes infractions ou le même comportement que ceux soumis aux juridictions répressives, dès lors qu’elle « examine la réalité de faits, un comportement et des infractions n’impliquant aucun dol spécial ou particulier ou intention frauduleuse et ne pouvant se confondre avec des faux, usage de faux ou escroquerie ».
Ce faisant, la chambre de recours a constaté souverainement que les circonstances factuelles concrètes dont l’existence doit être démontrée pour qu’une sanction puisse être prononcée ou que des poursuites puissent être engagées, ne sont pas identiques dans les deux causes. Elle a dès lors valablement pu constater que l’une des composantes de la notion de ‘faits identiques ou substantiellement les mêmes’ faisait défaut en l’espèce, en sorte que le principe non bis in idem ne trouvait pas à s’appliquer. Il importe peu, à cet égard, qu’il y ait, par ailleurs, identité de personnes, de temps et d’espace. »
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
I. Le code pénal
23. Les dispositions pertinentes du code pénal se lisent comme suit :
Article 2
« (…) Si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l’infraction, la peine la moins forte sera appliquée. »
Article 196
« Seront punis de réclusion de cinq ans à dix ans les autres personnes qui auront commis un faux en écritures authentiques et publiques, et toutes personnes qui auront commis un faux en écritures de commerce, de banque ou en écritures privées,
soit par fausses signatures,
soit par contrefaçon ou altération d’écritures ou de signatures,
soit par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges ou par leur insertion après coup dans les actes,
soit par addition ou altération de clauses, de déclaration ou de faits que ces actes avaient pour objet de recevoir ou de constater. »
Article 197
« Dans tous les cas exprimés dans la présente section, celui qui aura fait usage de l’acte de faux ou de la pièce fausse sera punis comme s’il était l’auteur du faux. »
Article 213
« L’application des peines portées contre ceux qui auront fait usage des monnaies, effets, coupons, billets, sceaux, timbres, poinçons, marques, dépêches télégraphiques et écrits contrefaits, fabriqués ou falsifiées, n’aura lieu qu’autant que ces personnes auront fait usage de la chose fausse, dans une intention frauduleuse, ou à dessein de nuire. »
Article 496
« Quiconque, dans le but de s’approprier une chose appartenant à autrui, se sera fait remettre ou délivrer des fonds, meubles, obligations, quittances, décharges, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence de fausses entreprises, d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire, pour faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accident ou de tout autre événement chimérique, ou pour abuser autrement de la confiance ou de la crédulité, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende de vingt-six euros à trois mille euros. »
II. La loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994 (« loi AMI »)
24. L’article 141 de la loi AMI, tel qu’applicable au moment des faits, prévoyait ce qui suit :
« § 5. (…) le Comité peut infliger des amendes administratives selon les modalités suivantes :
a) lorsqu’un dispensateur de soins a porté en compte à l’assurance soins de santé des prestations non effectuées, le Comité peut lui infliger une amende administrative égale au minimum à 50 % et au maximum à 200 % de la valeur des prestations indues ;
b) lorsque les prestations portées en compte ne sont pas conformes à la présente loi ou à ses arrêtés d’exécution, l’amende peut être égale au minimum à 1 % et au maximum à 150 % de la valeur des prestations concernées ;
c) lorsque, à plusieurs reprises, et après avertissement, le dispensateur n’a pas rédigé les documents administratifs ou médicaux conformément aux règles de la présente loi ou de ses arrêtés d’exécution, l’amende peut être de 10 euros à 125 euros par document incorrect. Elle ne peut être prononcée à charge du médecin qui fait l’objet, pour le même fait, d’une mesure énoncée à l’article 77bis.
Le dispensateur est également tenu de rembourser la valeur des prestations concernées dans les cas visés aux points a) et b) précités. »
III. Le code pénal social
25. Le code pénal social a été introduit par la loi du 6 juin 2010. Il est entré en vigueur le 1er juillet 2010. Ses dispositions pertinentes, telles qu’applicables au moment des faits, se lisaient comme suit :
Article 101
« Les infractions visées au Livre 2 sont punies d’une sanction de niveau 1, de niveau 2, de niveau 3 ou de niveau 4.
La sanction de niveau 1 est constituée d’une amende administrative de 10 à 100 euros.
La sanction de niveau 2 est constituée soit d’une amende pénale de 50 à 500 euros, soit d’une amende administrative de 25 à 250 euros.
La sanction de niveau 3 est constituée soit d’une amende pénale de 100 à 1000 euros, soit d’une amende administrative de 50 à 500 euros.
La sanction de niveau 4 est constituée soit d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende pénale de 600 à 6000 euros ou de l’une de ces peines seulement, soit d’une amende administrative de 300 à 3000 euros. »
Article 102
« Les décimes additionnels visés à l’article 1er, alinéa 1er de la loi du 5 mars 1952 relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales sont également applicables aux amendes administratives visées dans le présent Code.
L’administration compétente indique dans sa décision la multiplication en vertu de la loi précitée du 5 mars 1952 ainsi que le chiffre qui résulte de cette majoration. »
Article 225
« Sont punis d’une sanction de niveau 2 :
(…)
3.oles praticiens de l’art de guérir, les kinésithérapeutes, les praticiens de l’art infirmier et les auxiliaires paramédicaux qui délivrent une attestation de soin alors qu’il n’est pas satisfait aux dispositions de la loi précitée du 14 juillet 1994 et de ses arrêtés et règlements d’exécution. »
26. S’agissant des amendes administratives, les travaux préparatoires de la loi introduisant le code pénal social précisaient notamment ce qui suit :
« 24. Le présent projet accorde une place plus importante aux amendes administratives (…)
Le Code pénal social propose tout d’abord d’assortir l’ensemble des comportements relevant des quatre niveaux d’incriminations d’une amende administrative. Toutes les infractions, les infractions légères, les infractions de gravité moyenne, les infractions graves et les infractions très graves, peuvent désormais faire l’objet d’un traitement administratif. Dans un souci d’harmonisation, le présent projet ne réserve plus l’amende administrative aux seules infractions au droit du travail. Les incriminations relevant du droit de la sécurité sociale sont comprises dans le champ d’application de la répression administrative.
Ensuite, le projet reproduit le mécanisme prescrit par la loi du 30 juin 1971 applicable en cas d’infraction à certaines lois sociales aux infractions relevant des niveaux 2, 3 et 4. Les infractions très graves, les infractions graves ainsi que les infractions de gravité moyenne peuvent faire l’objet soit d’une peine, soit d’un traitement administratif. Le procès-verbal constatant une infraction dressé par l’agent qualifié est transmis au ministère public ; une copie de celui-ci est envoyée à l’administration compétente pour infliger les amendes administratives. Priorité est donnée aux poursuites pénales.
Enfin, la politique de dépénalisation mise en œuvre par le Code pénal social acquiert tout son sens dans le cas des infractions de niveau 1. Le Code pénal social propose de dépénaliser ces infractions légères et de les assortir d’une seule amende administrative.
(…)
B.1.3 Une échelle des incriminations :
25. La gradation des incriminations et des sanctions pénales que comportent les lois sociales peut utilement s’effectuer sur la base de l’intérêt que ces dispositions protègent et, le cas échéant, en fonction de l’élément moral qui accompagne les infractions pénales.
En effet, la classification des infractions pénales en fonction de l’intérêt protégé ou de l’élément moral permet d’appréhender celles-ci sur la base des comportements punissables et non plus de façon cloisonnée dans chaque loi sociale. L’analyse des critères précités permet de rapprocher les comportements interdits. Ainsi, un même comportement incriminé doit être sanctionné de la même sanction.
C’est ainsi que quatre catégories ont été dégagées, selon leur gravité. Parmi celles-ci, la catégorie des infractions de gravité moyenne constitue une catégorie résiduaire.
26. Les infractions très graves sont les suivantes : (…)
27. Les infractions graves sont les suivantes : (…)
28. Les infractions de gravité moyenne sont les suivantes :
(…)
b) pour le droit de la sécurité sociale :
– les atteintes aux droits des assurés sociaux
– les atteintes à la vie privée des assurés sociaux
– les atteintes au financement de la sécurité sociale. On observera toutefois que seule une sanction de gravité moyenne a été retenue pour ce type d’infractions en raison du fait que des mesures civiles renforcent déjà considérablement le respect des obligations que le soutien répressif peut donc être relativement léger au regard des enjeux financiers dont il s’agit.
29. Les infractions légères sont constituées de manquements à des obligations purement administratives, telles que documents à remplir, informations à transmettre entre administrations, etc. » (projet de loi introduisant le Code pénal social, 2008-2009, DOC 52, 1666/01)
27. S’agissant plus particulièrement de l’infraction visée à l’article 225, 3o du code pénal social, les travaux préparatoires justifiaient l’objectif poursuivi et le niveau de sanction comme suit :
« Ces dispositions assurent l’efficacité du système d’assurance soins de santé et indemnités. En effet, ces normes protègent le financement du régime général de sécurité sociale des travailleurs salariés et, plus particulièrement du système de remboursement des prestations à charge de l’INAMI afin que celui-ci ne rembourse pas indûment les bénéficiaires des soins. Les incriminations prescrites par l’article 229 du projet sont de gravité moyenne et assorties d’une sanction de niveau 2. » (projet de loi introduisant le Code pénal social, 2008-2009, DOC 52, 1666/01)
28. Le code pénal social incrimine distinctement le faux et l’usage de faux (article 232) ainsi que l’escroquerie (article 235) en droit pénal social. Ces infractions sont punies d’une sanction de niveau 4. L’article 231 du code pénal social précise que ces sanctions sont appliquées à l’exclusion de l’application des articles 196, 197 et 496 du code pénal (paragraphe 23 ci‑dessus).
IV. La jurisprudence interne pertinente
29. La mesure de répétition de l’indu au bénéfice de l’organisme assureur prévue dans le cadre de la loi AMI est considérée comme ayant un caractère purement civil (Cour constitutionnelle, no 102/2000, 11 octobre 2000, considérant B.3.2).
30. Dans un arrêt du 19 décembre 2013 (no 181/2013), la Cour constitutionnelle a été appelée à statuer sur la question de savoir si l’article 233 du code pénal social interprété en ce sens qu’il conduirait le juge pénal à sanctionner des personnes qui ont déjà été punies par des sanctions administratives à caractère répressif pour des faits qui sont en substance les mêmes, viole les articles 10 et 11 de la Constitution (consacrant les principes d’égalité et de non-discrimination), lus séparément ou en combinaison avec notamment l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention. L’article 233 du code pénal dispose que des infractions en rapport à des déclarations inexactes ou incomplètes concernant les avantages sociaux sont assorties d’une sanction de niveau 4 (soit une peine d’emprisonnement et/ou une amende pénale, soit encore une amende administrative) ou d’une sanction de niveau 3 (soit une amende pénale, soit une amende administrative). Les parties pertinentes de l’arrêt se lisent comme suit :
« B.3.2. Le principe non bis in idem interdit « de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde ‘ infraction ‘ pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes » (CEDH, grande chambre, 10 février 2009, Zolotoukhine c. Russie, § 82).
B.4. Il ressort du dossier de procédure transmis à la Cour par la juridiction a quo que les prévenus dans l’affaire pendante devant elle se sont vu imposer les sanctions administratives prévues par les articles 153, 154 et 155 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 « portant réglementation du chômage » ou les sanctions administratives prévues par l’arrêté royal du 10 janvier 1969 « déterminant les sanctions administratives applicables aux bénéficiaires du régime d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.
B.5. La juridiction a quo a jugé que ces sanctions « ont un caractère répressif prédominant dès lors qu’elles visent à sanctionner, en privant durant un certain temps les allocataires sociaux, de revenus de remplacement ».
La Cour répond à la question préjudicielle en tenant compte de cette appréciation du juge a quo.
B.6.1. La circonstance que la disposition en cause exige que le prévenu ait commis l’infraction sciemment et volontairement, alors que les sanctions administratives à caractère répressif précitées ne requièrent pas, en règle, cet élément moral particulier, n’enlève rien au constat que le même comportement peut être puni par deux sanctions de nature répressive. Dans l’hypothèse où les prévenus se verraient appliquer la disposition en cause après avoir subi les sanctions visées en B.4, le même comportement serait dès lors sanctionné deux fois, ce qui serait contraire au principe non bis in idem tel qu’il est défini en B.3.2.
B.6.2. La disposition en cause, interprétée comme imposant au juge pénal de prononcer la sanction qu’elle prévoit à l’encontre de prévenus qui ont déjà subi une sanction administrative présentant un caractère répressif prédominant pour des faits identiques à ceux qui sont à l’origine des poursuites ou qui sont en substance les mêmes, n’est pas compatible avec le principe non bis in idem.
Dans cette interprétation, la question préjudicielle appelle une réponse positive.
(…) »
31. Enfin, en ce qui concerne l’aspect « idem » du principe non bis in idem, la Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts ce qui suit :
« Le principe général du droit non bis in idem et l’article 4.1 du Protocole additionnel no 7 à la Convention prohibent la prononciation de deux sanctions de même nature à charge d’une même personne du chef de faits identiques ou de faits qui sont substantiellement les mêmes.
La notion de faits identiques ou substantiellement les mêmes vise un ensemble de circonstances concrètes concernant un même suspect, lesquelles sont indissociablement liées entre elles dans le temps et dans l’espace. » (voir, parmi d’autres, Cass. 2 mars 2016, P.15.0929.F, en matière fiscale ; voir également Cass. 17 juin 2014, P.13.1747.N, en matière disciplinaire). »
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE de l’article 4 du protocole no 7 à LA CONVENTION
32. Le requérant allègue une violation du principe ne bis in idem en raison de sa condamnation au remboursement des prestations indûment perçues et au paiement d’une amende administrative et ce, malgré son acquittement au pénal par la cour d’appel de Bruxelles. Il invoque l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, dont la partie pertinente en l’espèce est ainsi libellée :
« 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État. »
A. Sur la recevabilité
1. Arguments des parties
33. Le Gouvernement fait valoir que tant la récupération d’indu que l’amende administrative auxquelles le requérant a été condamné n’ont pas de caractère pénal au sens autonome de la Convention. Ainsi, à son estime, le remboursement de l’indu ne constitue ni une sanction administrative, ni une sanction pénale mais une action purement civile liée au remboursement d’une prestation indument perçue. Le Gouvernement estime, par ailleurs, que l’amende administrative n’a pas de caractère pénal dès lors qu’elle ne vise pas à protéger les intérêts généraux de la société et qu’elle est peu sévère. Le Gouvernement fait en outre valoir, s’agissant de la répétition d’indu, que le requérant n’a pas épuisé toutes les voies de recours internes, le requérant ayant admis devant le Conseil d’État que la violation du principe ne bis in idem portait uniquement sur l’amende administrative et non l’indu.
34. Le requérant fait valoir que le remboursement d’indu et le paiement de l’amende administrative tirent leur origine des mêmes faits et qu’ils ne peuvent être dissociés l’un de l’autre. S’agissant de la sévérité de la sanction administrative, le requérant fait valoir que la faiblesse relative de l’enjeu ne peut retirer à une infraction son caractère pénal intrinsèque (Jussila c. Finlande [GC], no 73053/01, § 31, CEDH 2006-XIV). Enfin, s’agissant de l’épuisement des voies de recours internes, il précise que la répétition d’indu était évoquée dans sa requête en cassation administrative.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
35. La Cour rappelle que pour que l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention s’applique, il faut que le requérant ait été poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été définitivement acquitté ou condamné.
36. Comme la Cour l’a déjà dit à de nombreuses reprises, la Convention doit se lire comme un tout et s’interpréter de manière à promouvoir sa cohérence interne et l’harmonie entre ses diverses dispositions (A et B c. Norvège [GC], nos 24130/11 et 29758/11, § 133, 15 novembre 2016). La Cour estime ainsi que les termes « procédure pénale » employés dans le texte de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention doivent être interprétés à la lumière des principes généraux applicables à l’expression « accusation en matière pénale » (criminal charge) figurant à l’article 6 de la Convention (Sergueï Zolotoukhine c. Russie [GC], no 14939/03, § 52, CEDH 2009).
37. Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur la base de trois critères (Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, § 82, série A no 22). Le premier est la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le second la nature même de l’infraction et le troisième le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé. Les deuxième et troisième critères sont alternatifs, et pas nécessairement cumulatifs. Cela n’empêche pas l’adoption d’une approche cumulative si l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire quant à l’existence d’une accusation en matière pénale (Vegotex International S.A. c. Belgique [GC], no 49812/09, § 67, 3 novembre 2022).
b) Application de ces principes au cas d’espèce
38. Dans le cas d’espèce, le caractère « pénal » de la procédure menée devant les juridictions de l’ordre judiciaire contre le requérant pour faux, usage de faux et escroquerie (paragraphes 8-12 ci-dessus) n’est ni contestable ni contestée.
39. En revanche, les parties sont en désaccord sur le point de savoir si le remboursement de l’indu, d’une part, et l’amende administrative, d’autre part, auxquels le requérant a été condamné dans le cadre de la procédure administrative, avaient un caractère « pénal » au sens autonome de la Convention.
i. Quant à la répétition de l’indu
40. S’agissant de la répétition de l’indu, la Cour constate que le requérant a été condamné à rembourser la somme de 113 048,48 EUR (paragraphe 19 ci-dessus). Cette somme représente le montant des prestations indument perçues des organismes assureurs du fait des prestations non effectuées ou non conformes à la loi et/ou ses arrêtés d’exécution. Visant à récupérer des sommes indûment perçues, la répétition de l’indu ne poursuit aucun but dissuasif et répressif, et revêt un caractère civil en droit belge (voir paragraphe 29 ci-dessus).
41. L’article 4 du Protocole no 7 à la Convention n’est dès lors pas applicable à la répétition de l’indu. Il s’ensuit que le grief à cet égard est incompatible rationae materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4 de la Convention. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur l’exception de non‑épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement.
ii. Quant à l’amende administrative
42. S’agissant de l’amende administrative, la Cour constate que le requérant avait initialement été condamné par la chambre de première instance au paiement d’amendes administratives de 243 850,40 EUR et de 4 465,54 EUR. Sur recours, le requérant a été condamné au paiement d’une amende administrative de 1 200 EUR en application des articles 101 et 225, 3o du code pénal social (paragraphes 18 et 23 ci-dessus).
43. Quant au premier critère « Engel », la Cour observe que l’amende à laquelle le requérant a été condamné par la chambre de recours était prévue par le code pénal social et qu’il a été fait application, en l’espèce, des principes généraux de droit pénal, notamment l’article 2 du code pénal, pour déterminer la loi applicable et le montant de l’amende administrative (paragraphe 19 ci‑dessus).
44. S’agissant du deuxième critère, la Cour relève que l’amende administrative en cause poursuit un but à la fois dissuasif et répressif (paragraphe 26 ci-dessus). Par ailleurs, même si elle ne s’adresse qu’aux catégories de personnes visées par l’article 225, 3o du code pénal social (comparer avec Sergueï Zolotoukhine, précité, § 55, et Prina c. Roumanie, no 37697/13, §§ 53-54, 8 septembre 2020), elle vise à assurer l’efficacité du système d’assurance soins de santé et indemnités et à protéger le financement général de la sécurité sociale (paragraphe 27 ci-dessus). En l’occurrence, l’amende administrative s’est ajoutée à la mesure de la répétition de l’indu et visait à sanctionner le requérant négligent.
45. Enfin, pour ce qui concerne le troisième critère « Engel » et la sévérité de la sanction, à savoir la peine maximale possible prévue par la loi applicable (Demicoli c. Malte, 27 août 1991, § 34, série A no 210, et Mihalache c. Roumanie [GC], no 54012/10, § 61, 8 juillet 2019), la Cour relève que la chambre de recours a appliqué l’article 225, 3odu code pénal social qui prévoyait l’application d’une sanction de niveau 2. Selon l’article 101 du code pénal social, les sanctions d’un tel niveau sont constituées soit d’une amende pénale de 50 à 500 EUR, soit d’une amende administrative de 25 à 250 EUR. Ces sommes doivent être multipliées par six (étant les décimes additionnelles applicables au moment des faits) (voir paragraphe 25 ci-dessus). Si le montant maximal de l’amende administrative est relativement limité, cela ne peut ôter à l’infraction son caractère pénal intrinsèque (Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal [GC], nos 55391/13 et 2 autres, § 122, 6 novembre 2018, et Gestur Jónsson et Ragnar Halldór Hall c. Islande [GC], nos 68273/14 et 68271/14, § 78, 22 décembre 2020). En outre, la Cour observe que ce niveau 2 de sanction a été déterminé par le législateur en ayant à l’esprit que la personne condamnée devra en outre rembourser les sommes indûment perçues au niveau civil (paragraphe 26 ci-dessus).
46. Ayant évalué le poids respectif des éléments susmentionnés, la Cour note la prédominance de ceux qui présentent une coloration pénale. Additionnés et combinés entre eux, ils confèrent à la procédure administrative ayant mené à l’imposition de l’amende administrative litigieuse un caractère « pénal » au sens autonome de la Convention. Au surplus, le caractère « pénal » au sens autonome de la Convention de cette amende n’a pas été remis en question ni par la chambre de recours ni par le Conseil d’État lorsqu’ils se sont prononcés sur le respect du principe ne bis in idem. Il en ressort que l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention trouve à s’appliquer en l’espèce.
47. Constatant, pour le surplus, que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
48. Le requérant estime qu’il a été poursuivi deux fois pour la même infraction. Il fait valoir que les faits pour lesquels il a été poursuivi dans le cadre de la procédure pénale et dans le cadre de la procédure administrative sont les mêmes et que l’on ne peut avoir égard à la qualification juridique donnée ou aux éléments constitutifs de l’infraction (Sergueï Zolotoukhine, précité, §§ 82-84), tels l’élément moral. Il estime, par ailleurs, que les deux procédures ne présentent pas un lien suffisamment étroit afin d’être considérées comme faisant l’objet d’une procédure mixte. Il fait valoir qu’elles ne poursuivaient pas des objectifs complémentaires, que la seconde procédure ne reposait pas directement sur la première, les procédures parallèles n’étaient pas prévisibles et enfin que la sanction prononcée n’a pas été prise en compte vu qu’il a fait l’objet d’un acquittement.
49. Le Gouvernement objecte que les faits et infractions pour lesquels le requérant a été poursuivi dans les deux procédures ne sont pas les mêmes. Ainsi, les infractions de faux, usage de faux et escroquerie nécessitent un dol particulier, un dol spécial ou une intention frauduleuse, tandis que l’infraction à la loi AMI (avoir porté en compte des prestations non effectuées ou non conformes) ne nécessite aucun élément intentionnel. Par ailleurs, le Gouvernement estime qu’en tout état de cause, il existe un lien suffisamment étroit entre les deux procédures, matériellement et temporellement, pour qu’elles soient considérées comme faisant partie de la même procédure (A et B c. Norvège, précité, § 130). Il fait valoir à cet égard la complémentarité des objectifs poursuivis par les deux procédures. Il souligne que les poursuites administratives, visant les contestations entre les dispensateurs de soins et l’INAMI, prévoient des sanctions spécifiques qui ne visent que les dispensateurs de soins et qui ne relèvent pas du « noyau dur du droit pénal », à l’inverse des poursuites pénales pour faux, usage de faux et escroquerie telles que prévues par le code pénal et ayant fait l’objet des poursuites pénales. Il explique que la sanction administrative ne vise pas tant à protéger les intérêts généraux de la société tels que généralement protégés par le droit pénal, mais à protéger les intérêts de l’INAMI en sanctionnant un comportement qui, s’il n’a pas été jugé pénalement répréhensible, n’en complique pas moins la bonne organisation et le bon fonctionnement de cet organisme. Le Gouvernement met également en exergue la prévisibilité des procédures pénale et administrative, l’interaction entre les différentes autorités compétentes notamment dans l’administration de la preuve et le fait qu’en l’espèce, la chambre de recours, dans la détermination de l’amende administrative, a tenu compte de l’acquittement du requérant pour faux, usage de faux et escroquerie.
2. Appréciation de la Cour
50. La Cour rappelle que l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention consacre un droit fondamental en vertu duquel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif (Sergueï Zolotoukhine, précité, § 58). Tel qu’il est libellé, le premier paragraphe de l’article 4 du Protocole no 7 énonce les trois composantes du principe ne bis in idem : les deux procédures doivent être de nature « pénale » (1) elles doivent viser les mêmes faits (« idem »), (2) et il doit s’agir d’une répétition des poursuites (« bis ») (3) (Mihalache, précité, § 49).
a) Les procédures étaient-elles de nature « pénale » au sens autonome de la Convention ?
51. Comme déjà exposé (paragraphes 38 et 42 à 46 ci-dessus), tant la procédure menée devant les juridictions de l’ordre judiciaire pour faux, usage de faux et escroquerie (« procédure pénale ») que la procédure administrative ayant mené à la condamnation du requérant au paiement d’une amende administrative (« procédure administrative ») ont un caractère pénal au sens autonome de la Convention.
b) Le requérant a-t-il été poursuivi dans les deux procédures pour les mêmes faits (« idem ») ?
i. Principes généraux
52. S’agissant du point de savoir si le requérant a été poursuivi deux fois pour une même infraction (« idem »), la Cour a considéré dans l’affaire Sergueï Zolotoukhine (précité, § 82) que l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention devait être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde « infraction » pour autant que celle-ci avait pour origine des faits identiques ou des faits qui étaient en substance les mêmes (voir également A et B c. Norvège, précité, § 108, et Goulandris et Vardinogianni c. Grèce, no 1735/13, § 68, 16 juin 2022). La Cour doit par conséquent faire porter son examen sur les faits concernés dans les deux procédures afin de vérifier s’ils constituent un ensemble de circonstances factuelles concrètes qui impliquent le même contrevenant et qui sont indissociablement liées entre elles dans le temps et l’espace (Sergueï Zolotoukhine, précité, § 84).
53. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les faits des deux infractions représentent le seul point de comparaison, indépendamment de la qualification juridique des infractions (ibidem, § 81), de la gravité de la peine qu’elles emportent (ibidem, § 97) ou de leurs éléments constitutifs (Butnaru et Bejan-Piser c. Roumanie, no 8516/07, § 36, 23 juin 2015), y compris l’élément intentionnel (Ruotsalainen c. Finlande, no 13079/03, § 56, 16 juin 2009).
54. Ainsi, dans l’affaire Ruotsalainen (ibidem), dans laquelle le requérant avait été condamné à deux reprises pour des infractions aux lois relatives aux taxes, la Cour a conclu que les faits reprochés à l’intéressé lors des procédures en cause étaient essentiellement les mêmes, bien que l’élément intentionnel n’ait été retenu que dans le cadre de la première procédure.
55. La Cour rappelle également que, dans l’affaire A. et B. c. Norvège (précité, § 141), elle a estimé à la suite de la Cour suprême norvégienne que les circonstances factuelles sur lesquelles reposaient la majoration d’impôt et la condamnation pénale litigieuses – c’est-à-dire dans les deux cas l’omission dans la déclaration fiscale de certaines informations concernant des revenus – étaient suffisamment similaires pour satisfaire à la condition tenant au « bis », malgré l’élément factuel supplémentaire de fraude qui caractérise l’infraction pénale.
ii. Application au cas d’espèce
56. La Cour relève que la procédure pénale et la procédure administrative reposaient sur un même complexe factuel lié dans le temps et dans l’espace, à savoir le fait reproché au requérant d’avoir, entre le 1er avril 2005 et le 6 décembre 2006, rédigé de fausses attestations, en ce qu’elles attestaient de prestations non effectuées (au nombre de 4 030) et de prestations non conformes (au nombre de 128) créant respectivement un préjudice à l’assurance maladie invalidité de 121 925,20 EUR et de 2 977,03 EUR. La seule distinction entre les deux procédures réside dans l’élément intentionnel requis par les incriminations pénales, à savoir le fait d’avoir agi avec une intention frauduleuse. En l’espèce, le requérant était poursuivi pénalement pour faux, usage de faux et escroquerie, ces incriminations dépassant le simple fait d’avoir porté en compte des prestations non effectuées ou non conformes. Cependant, il ressort de la jurisprudence de la Cour que cet élément intentionnel n’est pas pertinent aux fins d’examiner si le requérant a été poursuivi pour les mêmes faits (bis) (A. et B. c. Norvège, précité, § 141, Ruotsalainen, précité, § 56, et Goulandris et Vardinogianni, précité, § 69). En conséquence, la Cour considère que le requérant a été poursuivi, dans la procédure pénale et la procédure administrative, pour des faits qui sont en substance les mêmes au sens de sa jurisprudence.
c) Y a-t-il eu une répétition des poursuites (« bis ») ?
i. Principes généraux
57. En ce qui concerne la répétition des poursuites (« bis »), les principes généraux concernant les critères de compatibilité des procédures mixtes (pénales et administratives) avec l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention ont été exposés dans l’affaire A et B c. Norvège (précité, §§ 130-134). À cet égard, la Cour rappelle que si cette disposition a pour objet d’empêcher l’injustice que représenterait pour une personne le fait d’être poursuivie ou punie deux fois pour le même comportement délictueux, il ne bannit toutefois pas les systèmes juridiques qui traitent de manière « intégrée » le méfait néfaste pour la société en question, notamment en réprimant celui-ci dans le cadre de phases parallèles, menées par des autorités différentes et à des fins différentes (ibidem, § 123). Dans une telle hypothèse, l’État défendeur doit établir de manière probante que les procédures mixtes en question étaient unies par un « lien matériel et temporel suffisamment étroit ». Autrement dit, il doit être démontré que celles-ci se combinaient de manière à être intégrées dans un tout cohérent. Cela signifie non seulement que les buts poursuivis et les moyens utilisés pour y parvenir doivent être en substance complémentaires et présenter un lien temporel, mais aussi que les éventuelles conséquences découlant d’une telle organisation du traitement juridique du comportement en question doivent être proportionnées et prévisibles pour le justiciable (ibidem, § 130). Les éléments pertinents pour statuer sur l’existence d’un lien suffisamment étroit du point de vue matériel sont notamment les suivants (ibidem, § 132) :
« – le point de savoir si les différentes procédures visent des buts complémentaires et concernent ainsi, non seulement in abstracto mais aussi in concreto, des aspects différents de l’acte préjudiciable à la société en cause ;
– le point de savoir si la mixité des procédures en question est une conséquence prévisible, aussi bien en droit qu’en pratique, du même comportement réprimé (idem) ;
– le point de savoir si les procédures en question ont été conduites d’une manière qui évite autant que possible toute répétition dans le recueil et dans l’appréciation des éléments de preuve, notamment grâce à une interaction adéquate entre les diverses autorités compétentes, faisant apparaître que l’établissement des faits effectué dans l’une des procédures a été repris dans l’autre ;
– et, surtout, le point de savoir si la sanction imposée à l’issue de la procédure arrivée à son terme en premier a été prise en compte dans la procédure qui a pris fin en dernier, de manière à ne pas faire porter pour finir à l’intéressé un fardeau excessif, ce dernier risque étant moins susceptible de se présenter s’il existe un mécanisme compensatoire conçu pour assurer que le montant global de toutes les peines prononcées est proportionné. »
58. La mesure dans laquelle la procédure administrative présente les caractéristiques d’une procédure pénale ordinaire est un élément important. Des procédures mixtes satisferont plus vraisemblablement aux critères de complémentarité et de cohérence si les sanctions imposables dans la procédure non formellement qualifiée de « pénale » sont spécifiques au comportement en question et ne font donc pas partie du « noyau dur du droit pénal » (pour reprendre les termes des arrêts Jussila, précité, § 43 et Vegotex International S.A., précité, § 76). Si, à titre additionnel, cette procédure n’a pas de caractère véritablement infamant, il y a moins de chances qu’elle fasse peser une charge disproportionnée sur l’accusé. À l’inverse, plus la procédure administrative présente de caractéristiques infamantes la rapprochant dans une large mesure d’une procédure pénale ordinaire, plus les finalités sociales poursuivies par la punition du comportement fautif dans des procédures différentes risquent de se répéter (« bis ») au lieu de se compléter (A et B c. Norvège, précité, § 133).
59. Enfin, la condition du lien temporel n’exige, quant à elle, pas nécessairement que les deux procédures soient menées simultanément du début à la fin. L’État doit avoir la faculté d’opter pour la conduite des procédures progressivement si ce procédé se justifie par un souci d’efficacité et de bonne administration de la justice, poursuit des finalités sociales différentes et ne cause pas un préjudice disproportionné à l’intéressé. Toutefois, il doit toujours y avoir un lien temporel suffisamment étroit pour que le justiciable ne soit pas en proie à l’incertitude et à des lenteurs, et pour que les procédures ne s’étalent pas trop dans le temps, même dans l’hypothèse où le régime national pertinent prévoit un mécanisme « intégré » comportant un volet administratif et un volet pénal distincts. Plus le lien temporel est ténu, plus il faudra que l’État explique et justifie les lenteurs dont il pourrait être responsable dans la conduite des procédures (ibidem, § 134).
ii. Application au cas d’espèce
60. La Cour constate que la procédure menée devant les juridictions de l’ordre judiciaire relatives aux infractions de faux, usage de faux et escroquerie a donné lieu à une décision définitive de la cour d’appel de Bruxelles (paragraphe 11 ci-dessus).
1) L’existence d’un lien matériel
‒ Complémentarité des buts poursuivis
61. La Cour relève que les deux procédures (pénale et administrative) visaient des buts complémentaires et concernaient non seulement in abstracto mais aussi in concreto des aspects différents de l’acte préjudiciable à la société.
62. En effet, tel que cela ressort des explications du Gouvernement (paragraphe 49 ci-dessus) mais aussi des travaux préparatoires (paragraphe 27 ci-dessus), l’objectif poursuivi par la procédure administrative n’est pas de protéger les intérêts généraux de la société tels que ceux-ci sont ordinairement protégés par le droit pénal. Il consiste plus spécialement à protéger les intérêts de l’INAMI, garantir son bon fonctionnement et assurer plus largement le financement général de la sécurité sociale. En revanche, les incriminations de faux, d’usage de faux et d’escroquerie ont un caractère général et visent à protéger la société dans son ensemble en réprimant des actes intentionnellement posés qui s’avèrent nuisibles à celle-ci (voir mutatis mutandis A et B c. Norvège, précité, § 144). Ainsi, l’incrimination des infractions de faux et d’usage de faux visées aux articles 196 et 197 du code pénal (paragraphe 23 ci-dessus) a pour objectif de garantir le respect de la foi publique, tandis que l’incrimination d’escroquerie visée à l’article 496 du code pénal (paragraphe 23 ci-dessus) tend, quant à elle, à lutter contre l’utilisation de manœuvres frauduleuses en vue de se faire remettre une chose. Ces infractions, qui relèvent du « noyau dur du droit pénal », supposent une intention frauduleuse dans le chef de leur auteur.
63. En l’occurrence, la Cour observe que le requérant a été acquitté par la juridiction pénale au motif que cette intention frauduleuse n’était pas établie (paragraphe 11 ci-dessus). Elle relève également que le requérant a expressément reconnu, au cours des procédures internes, avoir porté en compte des prestations de soins non réalisées ou non conformes pour un montant de 124 902,23 EUR (voir paragraphe 7 ci-dessus). Dans ce contexte, la Cour constate que l’amende administrative imposée par la chambre de recours (d’un montant sensiblement inférieur à celui imposé par la chambre de première instance) visait, en l’espèce, à sanctionner la négligence du requérant à l’égard de l’INAMI, cette négligence étant indépendante d’une quelconque intention frauduleuse dans son chef.
64. Au vu de ce qui précède, la Cour peut dès lors admettre que les procédures administrative et pénale en cause poursuivent des objectifs complémentaires et différents, et que la complémentarité et la différence de ces objectifs se sont révélées dans la présente affaire. Conclure autrement reviendrait à considérer au regard de l’article 4 du Protocole no 7 qu’un acquittement prononcé par la juridiction pénale pour des infractions de faux, d’usage de faux et d’escroquerie en l’absence d’une intention frauduleuse empêcherait toute imposition ultérieure d’une quelconque sanction administrative revêtant un caractère pénal au sens autonome de la Convention à un individu qui a méconnu la législation pertinente par négligence et bénéficié du système de la sécurité sociale à des fins étrangères à celles qui lui sont assignées.
‒ Prévisibilité
65. En l’espèce, il ne ressort d’aucun élément du dossier, et le requérant ne démontre pas, que la mixité des procédures ne constituait pas une conséquence prévisible, tant en droit qu’en pratique, du comportement qui lui était reproché.
‒ Absence d’une répétition dans le recueil et dans l’appréciation des éléments de preuve
66. La Cour note que la procédure pénale et la procédure administrative reposent toutes deux sur l’enquête administrative menée par le SECM sur la base de listings de prestations (attestations de soins) transmis par les organismes-assureurs, de l’audition du requérant et de huit de ses patients, de la reconnaissance par le requérant de la matérialité des faits reprochés (attestations erronées), ainsi que du procès-verbal d’infraction établi le 29 mai 2007. Les éléments recueillis lors de l’enquête administrative ont été repris dans la procédure pénale, évitant de la sorte une répétition dans le recueil et l’appréciation des éléments de preuve.
‒ Prise en compte de la sanction imposée dans la première procédure
67. La Cour relève que la chambre de recours a expressément tenu compte de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 27 janvier 2015 acquittant le requérant des préventions de faux, usage de faux et escroquerie. Elle avait d’ailleurs décidé de surseoir à statuer dans l’attente de cet arrêt. Une fois celui-ci rendu, la chambre de recours a indiqué être tenue par la décision pénale et les motifs déterminant l’acquittement. Elle a explicitement tenu compte de l’absence d’intention frauduleuse pour déterminer la hauteur de la sanction (1 200 EUR), qui fut sensiblement moindre que celle infligée initialement par la chambre de première instance (243 850,40 EUR et 4 465,54 EUR) (paragraphes 18 et 19 ci-dessus).
‒ Conclusion concernant l’existence d’un lien matériel
68. Eu égard aux éléments qui précèdent (paragraphes 61 à 67), la Cour estime que les procédures pénale et administrative étaient unies par un lien matériel suffisamment étroit dans les circonstances de l’espèce (A et B c. Norvège, précité, § 132).
2) L’existence d’un lien temporel
69. La Cour observe que l’existence d’un lien temporel suffisamment étroit en l’espèce n’est pas contestée par le requérant. Elle note que les deux procédures ont commencé et se sont déroulées en parallèle jusqu’au 15 juillet 2011, date à laquelle la chambre de recours décida de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Bruxelles (paragraphe 16 ci‑dessus). Suite à l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 27 janvier 2015 (paragraphe 11 ci-dessus), la procédure administrative a poursuivi son cours. La chambre de recours a rendu sa décision le 17 mars 2016 (paragraphes 18 et 19 ci-dessus), soit un peu plus d’un an après l’arrêt de la cour d’appel. Dans ces circonstances, la Cour considère qu’il existait en l’espèce un lien temporel suffisamment étroit entre les deux procédures.
3) Conclusion
70. Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, la Cour considère qu’il n’y a pas eu violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare le grief au titre de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention relatif à l’amende administrative recevable et le surplus de la requête irrecevable ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 novembre 2023, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Hasan Bakırcı Arnfinn Bårdsen
Greffier Président
Dernière mise à jour le novembre 14, 2023 par loisdumonde
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