AFFAIRE ARGALIOTI c. GRÈCE – 46882/16

La requête concerne principalement la suppression du droit de la requérante à une pension de vieillesse par une décision du Conseil d’État appliquant rétroactivement une disposition législative.


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE ARGALIOTI c. GRÈCE
(Requête no 46882/16)
ARRÊT
STRASBOURG
18 juillet 2023

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Argalioti c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :
Yonko Grozev, président,
Ioannis Ktistakis,
Andreas Zünd, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 46882/16) contre la République hellénique et dont une ressortissante, Mme Marıa Argalioti (« la requérante »), née en 1929 et résidant à Athènes, représentée par Me I. Kourtovik, avocate à Athènes, a saisi la Cour le 2 août 2016 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement grec (« le Gouvernement »), représenté par la déléguée de son agent, Mme A. Dimitrakopoulou, assesseure au Conseil juridique de l’État,

les observations des parties,

le fait que le Gouvernement s’est opposé à l’examen de la requête par un comité et que, après avoir examiné cette objection, la Cour l’a rejetée

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 juin 2023,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

OBJET DE L’AFFAIRE

1. La requête concerne principalement la suppression du droit de la requérante à une pension de vieillesse par une décision du Conseil d’État appliquant rétroactivement une disposition législative.

2. La requérante, née à Imbros en 1929, où elle travailla comme infirmière de 1949 à 1965, s’est installée en Grèce en 1972.

3. En 1984, la requérante déposa auprès de l’Organisme de sécurité sociale (ci-après « l’IKA ») une demande tendant à obtenir une pension de vieillesse au titre de la reconnaissance de ses années de travail en Turquie, moyennant validation en Grèce après rachat des annuités d’assurance versées par elle dans ce pays. Sa demande fut rejetée comme tardive, ayant été déposée après l’expiration du délai d’un an à compter de la date de son installation définitive en Grèce, prévu par la législation. Le Conseil d’État confirma ce rejet.

4. L’article 23 de la loi nº 2079/1992, entrée en vigueur le 27 août 1992, supprima le délai prévu par la législation précédente.

5. Le 22 décembre 1992, la requérante déposa une nouvelle demande auprès de l’IKA. Elle ne reçut aucune réponse.

6. L’article 9 de la loi nº 2187/1994, publiée le 8 février 1994, porta rétroactivement modification de l’article 23 de la loi nº 2079/1992. Selon la nouvelle disposition, seules les personnes résidant de manière permanente en Turquie pouvaient bénéficier de la suppression du délai susmentionné.

7. Le 27 mai 1999, la requérante déposa auprès de l’IKA une demande complémentaire à celle introduite en 1992.

8. Le 25 juin 1999, le directeur de l’IKA rejeta ses demandes.

9. Le 13 juillet 1999, la requérante saisit d’un recours hiérarchique le comité administratif local de l’IKA.

10. N’ayant reçu aucune réponse, la requérante saisit le 8 décembre 1999 le tribunal administratif du Pirée d’un recours en annulation contre le rejet implicite de son recours hiérarchique. Entretemps, le 11 avril 2000, le comité administratif local rejeta expressément ce recours.

11. Par un jugement no 593/2001 du 30 mars 2001, le tribunal administratif du Pirée rejeta le recours en annulation, estimant que la requérante ne remplissait pas la condition posée par l’article 9 de la loi nº 2187/1994 qui couvrait rétroactivement son cas.

12. Le 8 août 2001, la requérante saisit la cour administrative d’appel du Pirée.

13. Par un arrêt no 1978/2003 du 30 octobre 2003, cette cour accueillit l’appel. Elle jugea que l’article 9 de la loi nº 2187/1994 ne pouvait pas écarter de manière rétroactive un droit acquis sous l’empire de la loi nº 2079/1992, seule applicable à la date d’introduction de la demande litigieuse (22 décembre 1992).

14. En vertu de cet arrêt, l’IKA reconnut à la requérante le droit à une pension de vieillesse rétroactivement à compter du 22 décembre 1992.

15. Le 30 janvier 2004, l’IKA se pourvut en cassation.

16. Par un arrêt no 1361/2008 du 5 mai 2008, le Conseil d’État accueillit le pourvoi. Il jugea qu’en raison du caractère rétroactif de l’article 9 de la loi nº 2187/1994, la demande de la requérante – introduite le 22 décembre 1992, donc postérieurement au 27 août 1992, date à laquelle remontait l’entrée en vigueur de la disposition susmentionnée – devait être appréciée au regard de cette disposition. Constatant que la requérante était déjà installée en Grèce à la date de sa demande, il conclut qu’elle ne remplissait pas les conditions requises par la loi pour bénéficier d’une pension de vieillesse. Il annula l’arrêt no1978/2003 de la cour d’appel et lui renvoya l’affaire.

17. Dans son mémoire soumis à la cour d’appel le 29 juin 2009, la requérante invoquait l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Ichtigiaroglou c. Grèce (no 12045/06, 19 juin 2008).

18. Par un arrêt no 1880/2009 du 13 novembre 2009, la cour d’appel, statuant sur renvoi, rejeta l’appel. Relevant que dans son arrêt no 1361/2008 le Conseil d’État avait jugé que l’article 9 de la loi nº 2187/1994 revêtait un caractère rétroactif, elle jugea que les moyens d’appel fondés sur l’article 1 du Protocole nº 1 étaient invoqués de manière inopérante (προβάλλονται αλυσιτελώς).

19. Le 28 novembre 2010, la requérante se pourvut en cassation. Elle avançait que la cour d’appel aurait dû examiner le moyen fondé sur l’article 1 du Protocole nº 1 à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Ichtigiaroglou c. Grèce.

20. Au mois d’août 2013, l’IKA interrompit le versement de la pension de vieillesse de la requérante.

21. Par un arrêt no 2178/2015 du 8 juin 2015, la section du Conseil d’État décida de renvoyer le litige à sa formation de sept membres en raison de son importance majeure.

22. Par un arrêt no 417/2016 du 8 février 2016, le Conseil d’État rejeta le pourvoi. Il estima que dans son arrêt no 1361/2008 il avait jugé que l’article 9 de la loi nº 2187/1994 était applicable rétroactivement et que, par conséquent, avait aussi tacitement tranché la question, examinée d’office, de la compatibilité de cette disposition avec des normes de valeur supra-législative. Il en conclut que la cour d’appel ne pouvait pas s’écarter de son appréciation et refuser l’application de la disposition litigieuse en raison de son incompatibilité, le cas échéant, avec l’article 1 du Protocole nº 1. Deux membres de la formation exprimèrent un avis dissident.

23. Le 16 juin 2022, le directeur de l’EFKA, l’organisme de sécurité sociale ayant succédé à l’IKA, se fondant sur l’arrêt no 417/2016 du Conseil d’État somma la requérante de rembourser les sommes qu’elle avait indûment perçues au titre de pension du 22 décembre 1992 à août 2013, majorées d’intérêts, soit un montant de 58 477,50 euros (EUR).

24. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante allègue que la durée des procédures administratives suivies en l’espèce a été excessive. Elle estime en outre que l’application rétroactive de l’article 9 de la loi no 2187/1994 par le Conseil d’État constitue une ingérence injustifiable, d’une part, dans l’administration de la justice, ce qui méconnait son droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, et d’autre part, dans son droit au respect de ses biens garanti par l’article 1 du Protocole no 1.

APPRÉCIATION DE LA COUR

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION À RAISON DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

25. Concernant la seconde procédure devant le Conseil d’État, la Cour note que l’arrêt no 417/2016 a été publié après l’entrée en vigueur de la loi no 4055/2012. La requérante n’ayant pas exercé le recours prévu par ladite loi pour se plaindre de la durée de la procédure en cause, la Cour rejette cette partie du grief pour non-épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention (voir Techniki Olympiaki A.E. c. Grèce (déc.), no 40547/10, § 58, 1er octobre 2013).

26. Concernant la procédure achevée avant l’entrée en vigueur de la loi no 4055/2012 (Techniki Olympiaki A.E., précité, § 60), la Cour note que la période à considérer a débuté le 13 juillet 1999, avec la saisine du comité administratif local de l’IKA (voir Ichtigiaroglou, précité, § 38) et a pris fin le 13 novembre 2009 avec l’arrêt no 1880/2009 de la cour d’appel. Cette période a donc duré plus de dix ans, dont quatre ans et quatre mois environ devant le Conseil d’État. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant justifier une telle situation. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière (Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, 21 décembre 2010), elle estime que, en l’espèce, la durée des procédures litigieuses n’a pas répondu à l’exigence du délai raisonnable. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention par rapport à cette partie du grief.

II. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION ET DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À RAISON DE L’APPLICATION RÉTROACTIVE DE LA LOI No 2187/1994

27. La Cour estime approprié d’examiner les griefs de la requérante sous l’angle du seul article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

A. Sur la recevabilité

28. Le Gouvernement soulève une première exception tirée du caractère tardif des griefs de la requérante. Il soutient que le délai des six mois, applicable à l’époque des faits, avait commencé à courir à compter de l’arrêt no 1361/2008, par lequel le Conseil d’État avait tranché la question juridique litigieuse, à savoir l’applicabilité rétroactive de la loi nº 2187/1994, et non pas à compter de l’arrêt no 417/2016, qui ne contenait aucune nouvelle appréciation sur ce point.

29. La Cour estime que le point tranché par le Conseil d’État en 2008 n’était pas tout à fait identique à celui tranché par la haute juridiction en 2016. Dans cette dernière procédure, il s’agissait de savoir si la cour d’appel, statuant sur renvoi, aurait dû examiner les moyens tirés de l’incompatibilité de la suppression rétroactive du droit de la requérante à une pension avec l’article 1 du Protocole no 1, à la lumière notamment de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Ichtigiaroglou (précité). Cette question revêtait manifestement un caractère distinct dont l’importance majeure avait d’ailleurs justifié son renvoi à la formation de sept membres du Conseil d’État (paragraphe 21 ci-dessus). Il convient dès lors de rejeter l’exception du Gouvernement.

30. Le Gouvernement soulève également deux autres exceptions étroitement liées, estimant que la requérante n’avait pas épuisé les voies de recours internes et qu’elle ne saurait se prétendre victime d’une violation de ses droits. Il soutient que l’intéressée, alors qu’elle avait introduit sa première demande en 1992 quand le cadre juridique lui était favorable, n’a pas saisi les autorités compétentes après le rejet implicite de celle-ci. En revanche, elle a attendu 1999 pour introduire une nouvelle demande, alors qu’à l’époque la loi nº 2187/1994 était déjà en vigueur depuis plusieurs années. L’inertie de la requérante pendant une longue période aurait donc eu pour effet que son affaire soit jugée sur la base de l’article 9 de ladite loi.

31. La Cour relève que la demande de la requérante soumise à l’IKA en 1999 ne constituait pas une nouvelle demande, mais était simplement destinée à compléter et à relancer sa demande introduite en 1992. Il ressort clairement du dossier que les procédures internes portaient sur l’applicabilité rétroactive de l’article 9 de la loi nº 2187/1994 à l’égard de cette dernière demande. Il y a dès lors lieu de rejeter ces exceptions.

B. Sur le fond

32. Concernant le droit interne pertinent en l’espèce, la Cour renvoie à son arrêt rendu dans l’affaire Ichtigiaroglou (précité, §§ 29-35).

33. La Cour rappelle que dans cette affaire (précité, §§ 49-58) elle a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole nº 1. Elle a estimé que quand la requérante a demandé auprès de l’IKA une pension de vieillesse, elle détenait une créance conformément à l’article 23 de la loi nº 2079/1992 et partant une espérance légitime suffisamment établie au regard du droit interne. Avant l’arrêt du Conseil d’État appliquant rétroactivement l’article 9 de la loi nº 2187/1994, elle avait ainsi disposé pendant près de douze ans d’un bien. La Cour a aussi relevé que, même si le pouvoir législatif peut réglementer des droits découlant de lois antérieures, une telle intervention législative doit être justifiée par d’impérieux motifs d’intérêt général. Soulignant que même si la légitimité et la conformité de l’article 9 de la loi nº 2187/1994 avec ce principe lui paraissaient fort contestables, elle a considéré que la loi litigieuse n’avait pas en elle-même privé la requérante de ses biens car les juridictions administratives de fond avaient refusé de lui donner un effet rétroactif. En revanche, le juste équilibre voulu entre l’intérêt général et le respect des biens de la requérante a été rompu par l’arrêt du Conseil d’État, qui avait purement et simplement supprimé, en appliquant rétroactivement la loi, son droit d’obtenir la pension litigieuse.

34. La Cour ne saurait retenir l’argument du Gouvernement selon lequel la présente affaire est différente de l’affaire qui vient d’être mentionnée.

35. En premier lieu, la Cour observe que les deux affaires reposent sur un cadre factuel et juridique très similaire. En particulier, les requérantes respectives s’étaient déjà installées en Grèce avant l’entrée en vigueur de la loi nº 2079/1992 et leurs demandes introduites sur le fondement de cette loi étaient pendantes devant les autorités administratives au moment de la publication de la loi nº 2187/1994. En outre, elles ont saisi les tribunaux administratifs après la publication de cette dernière loi. Surtout, les intéressées ont pu bénéficier d’une pension pendant une longue période grâce aux décisions des juridictions de fond, infirmées par le Conseil d’État appliquant rétroactivement l’article 9 de ladite loi.

36. En second lieu, la Cour ne saurait suivre la thèse du Gouvernement qui affirme que l’intéressée n’avait aucune espérance légitime puisque la jurisprudence relative à l’application rétroactive de l’article 9 de la loi nº 2187/1994 était déjà bien établie quand elle a formé son pourvoi contre l’arrêt no 1880/2009 de la cour d’appel. Elle attache une importance particulière au fait que la requérante avait invoqué devant les juridictions internes l’arrêt rendu – quelques semaines après la publication de l’arrêt no 1361/2008 du Conseil d’État – dans l’affaire Ichtigiaroglou. L’intéressée pouvait dès lors s’attendre à ce que celles-ci prennent en compte cet arrêt où la Cour avait constaté la violation de l’article 1 du Protocole no 1 en raison, précisément, d’un arrêt cristallisant cette jurisprudence interne.

37. Par conséquent, la Cour conclut qu’en jugeant que la cour d’appel ne pouvait pas examiner le moyen fondé sur la méconnaissance de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, alors même que la requérante avait invoqué l’arrêt rendu par elle dans l’affaire Ichtigiaroglou, le Conseil d’État a confirmé une solution contraire à la Convention. La requérante a été ainsi non seulement privée de ses biens, mais elle a aussi subi une charge disproportionnée, car à l’heure actuelle elle doit restituer la totalité des sommes qu’elle avait perçues bona fide à titre de pension.

38. Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole nº 1.

APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

39. La requérante réclame au moins 100 000 euros (EUR) pour dommage matériel. Cette somme correspond aux sommes qu’elle aurait dû percevoir à titre de pension depuis 2013 (estimées à environ 40 000 EUR), quand l’IKA interrompit le versement de sa pension, ainsi qu’aux sommes que l’IKA lui réclame actuellement comme indûment versées entre 1992 et 2013, à savoir 58 477,50 EUR. Dans l’hypothèse où la Cour déciderait de lui allouer des sommes uniquement au titre de son dommage moral, la requérante réclame 100 000 EUR de ce chef. En outre, elle réclame pour les frais et dépens exposés devant les juridictions internes une somme d’au moins 4 800 EUR.

40. Le Gouvernement invite la Cour à écarter la demande relative au dommage matériel, conformément au principe de subsidiarité. Il relève que l’ordre juridique grec (article 16 de la loi no 4446/2016) prévoit un moyen de redressement approprié, la requérante pouvant demander la réouverture de la procédure au cas où la Cour constaterait la violation de la Convention en raison d’un arrêt du Conseil d’État. Quant au dommage moral, il estime que le constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante. Le Gouvernement considère qu’en tout cas les sommes réclamées sont excessives et entièrement injustifiées.

41. Concernant la réouverture de la procédure, la Cour relève que le Gouvernement ne cite pas de décisions internes qui auraient permis à une personne placée dans la même situation que la requérante d’obtenir réparation de son préjudice matériel découlant d’un arrêt du Conseil d’État rendu en méconnaissance de la Convention. Surtout, compte tenu de l’issue incertaine de la demande de réouverture, dont la recevabilité obéit à certaines conditions posées par le Conseil d’État (cf. Aggloupas c. Grèce (déc.) [Comité], no 28616/17, §§ 7 et 13, 23 mai 2023), ainsi que de l’âge avancé de la requérante, ce moyen de redressement ne constitue pas, de l’avis de la Cour, une mesure propre à réparer le préjudice matériel subi par elle.

42. La Cour considère que la requérante a indéniablement subi un préjudice matériel dont il n’est toutefois pas aisé d’établir l’ampleur avec précision. Elle estime qu’elle a également subi, du fait des violations constatées, un tort moral certain qui ne saurait être réparé par un simple constat de violation. Évaluant globalement la demande, elle conclut, statuant en équité, qu’il y a lieu d’accorder à la requérante, tous chefs de préjudice confondus, une somme de 50 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt (voir Ichtigiaroglou, précité, §§ 65-66).

43. S’agissant des frais et dépens, la Cour note que la requérante n’a produit aucune facture ou note d’honoraires. Il y a donc lieu de rejeter sa demande.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare recevables les griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention concernant la durée de la procédure de 1999 à 2009 et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention concernant l’application rétroactive de la loi no 2187/1994, et le surplus de la requête irrecevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention à la raison de la durée de la procédure de 1999 à 2009 ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans un délai de trois mois 50 000 EUR (cinquante mille euros), tous chefs de préjudice confondus, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 juillet 2023, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Olga Chernishova                Yonko Grozev
Greffière adjointe                    Président

Dernière mise à jour le juillet 18, 2023 par loisdumonde

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