AFFAIRE ROCCELLA c. ITALIE – Le requérant reproche à la juridiction d’appel de ne pas avoir entendu directement les témoins avant de le condamner pour la première fois à des fins civiles

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE ROCCELLA c. ITALIE
(Requête no 44764/16)
ARRÊT

Art 6 § 1 (civil) • Procédure contradictoire • Juridiction pénale d’appel ayant condamné le requérant aux fins civiles sans entendre au préalable les témoins déterminants dans son acquittement en première instance • Ensemble des témoins à charge et à décharge entendus pendant les débats de première instance • Équité de la procédure considérée dans son ensemble non affectée

STRASBOURG
15 juin 2023

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Roccella c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambrecomposée de :
Marko Bošnjak, président,
Péter Paczolay,
Alena Poláčková,
Lətif Hüseynov,
Gilberto Felici,
Erik Wennerström,
Raffaele Sabato, juges,
et de Renata Degener, greffière de section,

Vu la requête (no 44764/16) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. Armando Giovanni Roccella (« le requérant »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 27 juillet 2016,

Vu la décision de porter la requête, qui concerne l’équité de la procédure pénale menée contre le requérant, à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement »),

Vu les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 mai 2023,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. Le requérant reproche à la juridiction d’appel de ne pas avoir entendu directement les témoins avant de le condamner pour la première fois à des fins civiles.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 1941 et réside à Gênes. Il a été représenté par Me A. Torri, avocat.

3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. L. D’Ascia.

4. Le requérant, qui exerce la profession d’avocat, fut renvoyé en jugement devant le juge de paix de Sestri Levante pour répondre du délit d’injure. Il était accusé d’avoir insulté M., un dentiste, lors de l’exécution d’une saisie judiciaire effectuée au cabinet médical de celui-ci.

5. Pendant les débats, le 2 mai 2013, le juge de paix entendit deux témoins à charge, R.P. et M.P. (respectivement l’assistante et une patiente de M.), et deux témoins à décharge, B.P. et A.D. (respectivement un huissier de justice et un chauffeur qui avaient assisté le requérant lors de la saisie).

6. Par un jugement du 4 juillet 2013, le juge de paix acquitta le requérant au motif que les éléments recueillis pendant les débats n’étaient pas de nature à prouver au-delà de tout doute raisonnable la responsabilité pénale de l’intéressé. Le juge estima en particulier que le témoignage du principal témoin à décharge, B.P., contredisait la version des faits des témoins à charge. En outre, les débats avaient fait apparaître entre la version des faits de M. et celle de l’un des témoins à charge, R.P., des divergences relatives notamment aux insultes que le requérant aurait proférées.

7. Le jugement fut attaqué en appel devant le tribunal de Gênes par le ministère public et par M., lequel s’était constitué partie civile dans le procès. Tant le ministère public que la partie civile contestaient les considérations du juge de paix relatives à la portée des différents témoignages et mettaient en doute la crédibilité du principal témoin à décharge, B.P.

8. Par un jugement du 31 octobre 2014, le tribunal de Gênes déclara l’appel du ministère public irrecevable au regard des articles 593 et 608 du code de procédure pénale, lesquels disposent que ce n’est que par la voie d’un recours en cassation que le ministère public peut attaquer un jugement d’acquittement rendu par le juge de paix.

9. Le tribunal accueillit en revanche l’appel de la partie civile aux seules fins civiles et condamna le requérant à verser à M. des dommages-intérêts dont le montant devait être déterminé par le juge civil compétent. Il jugea parfaitement crédibles les déclarations des témoins à charge, lesquelles corroboraient selon lui la version des faits de la partie civile. Il estima qu’en revanche on ne pouvait voir en B.P. un témoin totalement impartial et que les déclarations à décharge qu’elle avait faites n’étaient par conséquent pas dignes de foi. Il considéra en effet que le témoin en question avait un intérêt personnel à minimiser les faits reprochés au requérant en raison du rôle que cette personne avait joué pendant la saisie et du fait qu’elle était partie dans une procédure civile menée contre M.

10. Le 8 janvier 2015, le requérant se pourvut en cassation, contestant sa condamnation sous plusieurs angles. Le 17 novembre 2015, il déposa des observations supplémentaires dans lesquelles, invoquant l’article 6 de la Convention et se référant spécifiquement à l’arrêt Dan c. Moldova, il reprochait entre autres au tribunal de l’avoir condamné en se livrant à une réévaluation de la crédibilité des témoins sans avoir ordonné une nouvelle audition de ceux-ci, circonstance qui constituait selon lui un motif de cassation au regard de l’article 606 § 1 e) du code de procédure pénale.

11. Par un arrêt du 17 février 2016, la Cour de cassation débouta le requérant de son pourvoi. À l’égard notamment du défaut allégué d’audition des témoins, elle jugea que les griefs du requérant étaient irrecevables au motif qu’ils impliquaient une nouvelle appréciation des preuves et un nouvel établissement des faits, visées qui ne pouvaient selon elle être exposées dans des observations supplémentaires.

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

I. Sur l’appel de la partie civile dans le procès pénal

12. En ce qui concerne le rapport entre procès civil et procès pénal, le système interne repose sur les principes de l’autonomie (autonomia) de l’action en responsabilité civile devant la juridiction civile et du caractère accessoire (accessorietà) de l’action civile dans le procès pénal (Marinoni c. Italie, no 27801/12, §§ 15 et suivants, 18 novembre 2021).

A. Les dispositions du code civil

13. Les articles pertinents du code civil se lisent ainsi :

« Titre IX – Des faits illicites

Article 2043 – Dédommagement pour fait illicite

Tout fait illicite qui cause à autrui un dommage oblige celui qui en est l’auteur à le réparer.

Article 2059 – Dommages non pécuniaires

Les dommages non pécuniaires ne font l’objet d’une indemnisation que dans les cas prévus par la loi. »

B. Les dispositions du code de procédure pénale

14. Aux termes de l’article 573 du code de procédure pénale (« le CPP ») :

« 1. L’appel concernant les seuls intérêts civils est introduit, traité et tranché selon les formes ordinaires du procès pénal. (…) »

15. Selon l’article 576 du CPP :

« La partie civile peut interjeter appel d’un jugement de condamnation dans sa partie relative à l’action civile ; elle ne peut attaquer un jugement d’acquittement qu’aux fins d’établissement de la responsabilité civile [de l’auteur des faits]. (…) »

C. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle

16. La Cour constitutionnelle s’est exprimée sur la constitutionnalité de l’article 576 du CPP dans son arrêt no 176 de 2019. Elle a jugé que la possibilité pour la partie civile d’introduire un appel aux seules fins civiles, telle que cette disposition la prévoit, est compatible avec le système normatif régissant l’exercice de l’action civile dans le procès pénal. La Cour constitutionnelle a rappelé notamment ceci :

« L’action civile dans le procès pénal est de nature incidente et subordonnée à l’action publique, de telle sorte qu’elle est destinée à subir toutes les conséquences et à s’adapter à la fonction et à la structure du procès pénal, c’est-à-dire aux exigences, d’intérêt public, liées à l’établissement des infractions et à la conclusion rapide des procès (ex plurimis, arrêt no 12 de 2016) (…).

L’autonomie et le caractère incident de l’action civile ressortent de la lecture du système normatif régissant l’exercice de celle-ci (…) ».

La Cour constitutionnelle a en outre jugé que le fait que la partie civile puisse attaquer devant le juge pénal un jugement d’acquittement aux seules fins civiles n’était déraisonnable ni du point de vue formel, ni du point de vue substantiel. Elle a notamment affirmé ce qui suit :

« (…) En toute cohérence avec le système tel qu’il a été décrit, le législateur a choisi de ne pas déroger à la règle selon laquelle, si la décision de première instance a été prise par le juge pénal dans le respect des règles du procès pénal, l’appel est attribué au juge pénal (d’appel) selon les règles du même code de procédure.

Et de fait, le juge d’appel, loin d’être détourné de la fonction qui est la sienne dans l’exercice de la juridiction pénale, est surtout appelé justement à réexaminer – même si ce n’est qu’aux fins civiles – la responsabilité pénale de la personne mise en cause (…)

L’exception que constitue par rapport à ce principe le cas, prévu à l’article 622 du CPP, de la cassation avec renvoi au juge d’appel civil, se justifie par la particularité de la phase de la procédure qui suit la cassation de la décision au fond (…) ».

17. Dans son récent arrêt no 182 de 2021 relatif aux règles applicables à l’action civile dans un procès pénal en cas de non-lieu pour prescription, la Cour constitutionnelle a indiqué, à propos de l’article 576 du CPP, que l’appel de la partie civile confère au juge d’appel, dans les limites correspondant à une telle demande, c’est-à-dire à la seule fin d’établir la responsabilité civile de l’auteur de l’infraction, le pouvoir de confirmer ou de réformer la décision d’acquittement pour autant que sont en jeu les effets civils de ladite infraction.

Dans ce cadre, le juge « doit établir (…) si les éléments fondamentaux de la responsabilité civile (illecito aquiliano) sont réunis ». Quant au « fait », que l’acte d’accusation en matière pénale envisage « historiquement », la Cour constitutionnelle a expliqué que le juge est appelé à déterminer ses effets juridiques en cherchant non pas s’il présente les éléments constitutifs d’un délit (se esso presenti gli elementi costitutivi della condotta criminosa tipica (commissiva od omissiva) contestata all’imputato come reato), mais si la conduite en cause était de nature à provoquer un dommage (danno ingiusto) au sens de l’article 2043 du code civil, c’est-à-dire si, dans le cadre du préjudice qui en est résulté pour autrui, elle a porté à une situation juridique subjective des torts dont découlerait pour l’auteur du dommage une obligation de réparation.

De même, elle a indiqué que l’appréciation du lien de causalité et de l’élément subjectif se fait selon les règles de la responsabilité civile. La Cour constitutionnelle a expliqué que le système interne assure ainsi un équilibre entre le « caractère accessoire » de l’action civile et les exigences de protection de l’intérêt de la victime qui s’est constituée partie civile. Elle a en outre souligné la compatibilité d’une telle démarche avec le souci de préserver l’efficacité de l’ensemble du système juridique.

Dans ce contexte, le juge doit apprécier le lien de causalité entre l’événement et la conduite de la personne mise en cause non pas selon le critère du « degré de probabilité logique élevé » propre au droit pénal, mais selon le critère du « plus probable qu’improbable » ou de la « probabilité prévalente » caractéristique du droit de la responsabilité civile.

D. La jurisprudence de la Cour de cassation

18. La Cour de cassation statuant en chambres réunies (arrêt no 6509 du 8 février 2013 ; voir aussi l’arrêt no 27614/2007) a affirmé ce qui suit :

« Lorsque le juge d’appel est saisi d’une requête spécifique de la partie civile, la circonstance que l’acquittement de l’accusé n’ait pas été contesté par le ministère public ne dispense pas ledit juge de statuer sur les demandes de restitution ou d’indemnisation, puisque celui-ci doit en pareil cas, incidemment (in via accessoria [incidentale]) et uniquement aux fins civiles, établir la responsabilité ; mais la décision qu’il rend à cet égard ne peut que rester liée (et subordonnée) à la constatation (incidente) de la responsabilité pénale. (…) Comme il a été indiqué, la partie civile, nonobstant la modification de l’article 576 du CPP (…), conserve le pouvoir de contester les décisions d’acquittement, et le juge d’appel a, dans les limites et aux fins de l’appel, le pouvoir d’établir la responsabilité civile de l’intimé et de le condamner au versement d’une indemnité ou à la restitution (…) ».

19. Par la suite, la Cour de cassation, affinant ces principes (arrêt no 10638 du 30 janvier 2020), a précisé qu’est recevable sans préjudice du principe de la force de chose jugée l’appel formé par la partie civile contre un jugement d’acquittement rendu en première instance (voir aussi l’arrêt no 22170/2019). Elle a notamment indiqué ceci :

« La partie civile conserve un intérêt à faire appel de la décision d’acquittement (…), les dispositions de l’article 652 du CPP relatives à la force de chose jugée d’une telle décision ne privant pas ladite partie du droit de recours que lui reconnaît en termes généraux (…) l’article 576 du CPP. Raisonner autrement reviendrait à imposer à la partie civile de renoncer à invoquer les conclusions de l’enquête menée dans le cadre du procès pénal et de solliciter la reprise « ab initio » de l’examen de l’affaire litigieuse par la juridiction civile, ce qui entraînerait un allongement des délais ».

II. Sur la réouverture de l’instruction en appel

A. Les dispositions du code de procédure pénale

20. L’article 603 § 3 du CPP dispose que le juge d’appel ordonne d’office la réouverture de l’instruction s’il l’estime absolument nécessaire.

21. La loi no 103 du 23 juin 2017 a ajouté à l’article 603 du CPP le paragraphe 3 bis selon lequel « lorsque le ministère public attaque un jugement d’acquittement pour des raisons ayant trait à l’évaluation de la preuve orale, le juge ordonne la réouverture de l’instruction ».

Cette disposition a été ensuite modifiée par le décret législatif no 150 du 10 octobre 2022. L’article 603 § 3 bis du CPP est désormais ainsi libellé :

« Lorsque le ministère public attaque un jugement d’acquittement pour des raisons ayant trait à l’évaluation de la preuve orale, le juge (…) ordonne la réouverture de l’instruction seulement si les preuves orales ont été recueillies pendant les débats de première instance ou à l’occasion de la production de nouvelles preuves (integrazione probatoria) ordonnée dans le cadre de la procédure abrégée ».

22. L’article 606 du CPP expose les motifs de pourvoi en cassation contre une décision judiciaire, parmi lesquels figurent, au paragraphe 1 e) de cette disposition, « l’absence de motivation ou le caractère contradictoire ou manifestement illogique de la motivation, dès lors que le défaut ressort du texte de la décision attaquée ou d’autres actes du procès spécifiquement indiqués dans les moyens d’appel ».

B. La jurisprudence de la Cour de cassation

23. L’arrêt no 27620 de l’assemblée plénière (« Sezioni unite ») de la Cour de cassation, déposé au greffe le 6 juillet 2016, a énoncé le principe selon lequel le juge d’appel ne peut pas infirmer un jugement d’acquittement rendu au pénal « sans avoir au préalable ordonné, même d’office, conformément à l’article 603 § 3 du CPP, l’audition des témoins dont les déclarations ont été décisives » en première instance. La haute juridiction italienne y a précisé que ce principe trouve à s’appliquer également lorsque le jugement d’acquittement en question a acquis force de chose jugée au pénal et n’est attaqué par la partie civile qu’à des fins civiles.

Elle y a dit par ailleurs que le non-respect par le juge d’appel de l’obligation de procéder à une nouvelle audition des témoins avant d’infirmer un acquittement relève d’une « absence de motivation » aux termes de l’article 606 § 1 e) du code de procédure pénale.

24. L’assemblée plénière de la Cour de cassation a récemment confirmé cette jurisprudence dans l’arrêt no 22065 du 4 juin 2021, où elle a précisé que la réouverture de l’instruction doit être ordonnée par le juge aussi bien en cas d’appel introduit par la partie civile qu’en cas d’appel du ministère public.

Elle y a en outre énoncé le principe de droit selon lequel l’annulation, pour défaut d’audition directe des témoins à charge, d’un arrêt de condamnation rendu sur appel formé par la partie civile contre un acquittement prononcé en première instance entraîne le renvoi de l’affaire devant le juge civil compétent.

EN DROIT

I. OBJECTION PRÉLIMINAIRE

25. Le requérant demande à la Cour de ne pas prendre en compte les observations du Gouvernement, lesquelles ont été selon lui communiquées au-delà du délai prévu pour leur dépôt. Il affirme que le Gouvernement a manqué aux obligations de coopération que fait peser sur lui l’article 38 de la Convention.

26. La Cour observe que le Gouvernement a transmis ses observations sur la recevabilité et le fond de la requête via le système de communication électronique de la Cour (« eComms ») le 5 mars 2020, date correspondant au dernier jour du délai imparti par la Cour à cet effet. Par ailleurs, rien ne permet de considérer que le Gouvernement ne se soit pas acquitté de ses obligations au regard de l’article 38 de la Convention.

27. Il convient dès lors de rejeter l’objection du requérant.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

28. Le requérant se plaint de ce que le juge pénal d’appel l’a condamné aux fins civiles sans entendre au préalable les témoins dont les déclarations avaient été déterminantes dans la décision d’acquittement rendue en sa faveur en première instance. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, lequel est ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…) qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

A. Sur la recevabilité

1. Sur l’applicabilité de l’article 6 sous son volet pénal

29. Le Gouvernement conteste l’applicabilité de l’article 6 sous son volet pénal. Il soutient que l’affaire en cause ne relevait pas de la matière pénale, la procédure d’appel ne concernant pas selon lui le bien-fondé d’une accusation pénale dirigée contre le requérant mais la détermination de l’obligation de nature civile à laquelle celui-ci était tenu à l’égard de la victime constituée partie civile. Il explique que le fait que la condamnation du requérant aux seuls fins civiles ait été prononcée par le juge pénal selon les dispositions du code de procédure pénale n’a pas d’effet sur la nature de l’enjeu de la procédure.

30. De son côté, le requérant affirme que la procédure menée contre lui était de nature pénale tant en appel qu’en première instance. Il en veut pour preuve tout d’abord le fait que l’appel a été décidé par le juge pénal, conformément à l’article 573 § 1 du CPP, lequel prévoit que les procédures ayant trait aux effets civils de la condamnation soient réglées selon les dispositions du code de procédure pénale. Il ajoute qu’il est resté formellement accusé pendant toute la procédure. Enfin, il soutient que le raisonnement fondant la condamnation aux fins civiles ne saurait être dissocié de l’accusation pénale qui avait été dirigée contre lui.

31. La Cour rappelle que la manière dont l’article 6 § 1 s’applique dépend des particularités de la procédure dont il s’agit et qu’il faut à cette fin tenir compte de l’ensemble de la procédure menée au plan national et du rôle qu’y a joué la juridiction d’appel (Botten c. Norvège, 19 février 1996, § 39, Recueil des arrêts et décisions 1996-I). Elle réaffirme à cet égard que l’« accusation en matière pénale » telle que la conçoit l’article 6 § 1 étant une notion autonome (entre autres Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal [GC], nos 55391/13 et 2 autres, § 122, 6 novembre 2018), la Cour n’est pas liée par les qualifications données par le droit interne, celles-ci n’ayant qu’une valeur relative (Meftah et autres c. France [GC], nos 32911/96 et 2 autres, § 40, CEDH 2002-VII).

32. En ce qui concerne en particulier le système italien, la Cour a déjà eu l’occasion d’examiner la nature de l’appel de la partie civile dans le cadre du procès pénal (Marinoni c. Italie, no 27801/12, 18 novembre 2021).

Elle a constaté que la personne qui s’estime victime d’une infraction pénale peut choisir, pour obtenir une réparation ou une restitution, entre l’action en responsabilité civile devant le juge civil et la constitution de partie civile dans le procès pénal. Lorsque la victime choisit de participer au procès pénal en tant que partie civile, elle peut, selon la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, faire appel aux seules fins civiles d’une décision d’acquittement prononcée en première instance. La procédure se poursuit alors en appel devant le « juge pénal », lequel statue sur les seuls effets civils de l’infraction. En pareil cas, le juge d’appel doit établir la responsabilité civile en réexaminant les éléments de l’infraction pénale. La Cour a d’ailleurs observé que l’appel de la partie civile ne peut aboutir qu’à une constatation accessoire (incidentale) et limitée aux effets civils et qu’un tel appel ne remet pas en cause la partie pénale de la décision d’acquittement, laquelle conserve à cet égard l’autorité de la chose jugée (ibidem, §§ 34-38).

33. Certes, l’établissement des éléments constitutifs de l’infraction pénale est un préalable à la détermination de la responsabilité civile de l’auteur de l’infraction. Néanmoins, la Cour a déjà jugé que le fait qu’un acte pouvant donner lieu à une demande d’indemnisation en vertu du droit de la responsabilité civile réunisse également les éléments constitutifs objectifs d’une infraction pénale n’est pas, nonobstant la gravité de l’acte en question, un motif suffisant de considérer que la personne présentée comme en étant responsable dans le cadre de l’affaire civile est « accusée d’une infraction ». Le fait que les éléments de preuve soumis lors du procès pénal soient utilisés pour la détermination des conséquences de l’acte dans le domaine civil ne justifie pas davantage pareille conclusion (Ringvold c. Norvège, no 34964/97, § 38, CEDH 2003-II).

34. En l’espèce, il n’est pas contesté qu’en raison de l’irrecevabilité de l’appel introduit par le ministère public, la décision d’acquittement prononcée en première instance par le juge de paix était passée en force de chose jugée pour ce qui est du volet pénal de la procédure. Par conséquent, étant donné que le requérant n’encourait plus aucun risque d’être condamné au pénal, seule la question de sa responsabilité civile était en jeu devant le tribunal d’appel.

35. Se penchant sur les arguments du requérant, la Cour considère tout d’abord que le fait que l’action civile se soit poursuivie devant le juge pénal, c’est-à-dire devant la juridiction qui avait eu à connaître de l’affaire dès son origine, ne constitue pas en soi un élément déterminant pour évaluer la nature de la procédure (voir, mutatis mutandis, Pasquini c. Saint-Marin (no 2), no 23349/17, § 38, 20 octobre 2020). Quant à l’argument que tire le requérant du fait que le juge a appliqué les dispositions du code de procédure pénale, la Cour note que le juge est néanmoins tenu en pareil cas de respecter les principes propres au droit de la responsabilité civile en ce qui concerne l’appréciation du lien de causalité et de l’élément subjectif. Elle fait observer en outre que, si l’administration des preuves est réglée par le code de procédure pénale, la responsabilité civile de l’accusé est établie sur la base de preuves appréciées selon des critères moins stricts que ceux applicables au pénal (paragraphe 17 ci-dessus).

36. Au vu de tout ce que précède, la Cour considère que le requérant ne faisait pas l’objet d’une accusation en matière pénale devant le tribunal de Gênes. Il s’ensuit que l’article 6 de la Convention trouve à s’appliquer en l’espèce sous son seul volet civil.

2. Sur le non-épuisement allégué des voies de recours internes

37. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il considère que dans son pourvoi en cassation, le requérant ne s’est pas plaint de la non-audition des témoins par le tribunal de Gênes ni n’a invoqué à cet égard l’article 6 de la Convention, mais a plutôt génériquement contesté l’appréciation des preuves et essayé d’obtenir un nouveau jugement sur le bien-fondé de l’accusation. Il explique par ailleurs, quant aux observations supplémentaires du 17 novembre 2015, que le requérant n’a pas démontré qu’elles fussent recevables au regard du code de procédure pénale et que la Cour de cassation les eût par conséquent indûment rejetées.

38. Le requérant, de son côté, soutient qu’il a expressément allégué devant la Cour de cassation une violation de son droit à un procès équitable et invoqué à cet égard l’article 6 de la Convention tel qu’interprété par la jurisprudence pertinente de la Cour. Il explique qu’il a respecté ce faisant les termes de l’article 606 § 1 e) du code de procédure pénale, lequel, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, constitue l’angle privilégié pour contester le non-respect par le juge d’appel de l’obligation qui est la sienne d’auditionner directement les témoins.

39. La Cour ne peut que constater que dans les moyens d’appel supplémentaires qu’il a avancés pour contester l’arrêt du tribunal de Gênes, le requérant s’est expressément plaint devant la Cour de cassation d’une violation de l’article 6 de la Convention résultant selon lui de la non-audition des témoins par le tribunal. Il ressort par ailleurs de l’examen par la Cour de la jurisprudence de la Cour de cassation qu’une telle omission relève d’un défaut de motivation des décisions judiciaires au regard de l’article 606 § 1 e) du CPP, c’est-à-dire de la disposition au titre de laquelle le requérant a formulé son moyen d’appel (paragraphe 23 ci-dessus). Enfin, la Cour n’a relevé ni dans les actes versés au dossier ni dans les observations du Gouvernement aucun élément pouvant conduire à considérer que le requérant n’aurait pas respecté les règles de procédure internes lorsqu’il a porté devant la haute juridiction nationale son grief relatif à un défaut d’équité de la procédure pénale.

40. Partant, l’exception du Gouvernement tirée d’un non-épuisement des voies de recours internes ne saurait être retenue.

41. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Observations des parties

42. Le requérant soutient que les principes qui se dégagent de la jurisprudence bien établie de la Cour en matière de reformatio in pejus trouvent à s’appliquer à l’ensemble des procédures menées devant le juge pénal italien, y compris lorsqu’elles aboutissent à une condamnation aux seules fins civiles. Il fait valoir à cet égard que la Cour de cassation a expressément reconnu que l’article 603 du CPP s’applique à ce type de procédures et qu’elle a précisé que le juge d’appel est tenu d’ordonner une nouvelle audition des témoins même si seule est en jeu la responsabilité civile de l’accusé.

43. Le Gouvernement, de son côté, relève que les précédents de la Cour en la matière concernent tous des procès conclus par la condamnation au pénal des requérants et affirme que la jurisprudence de la Cour citée par le requérant n’est pas pertinente en l’espèce.

44. Il soutient à cet égard que la jurisprudence de la Cour de cassation italienne établissant l’applicabilité de l’article 603 du CPP aux procédures relatives à un jugement d’acquittement attaqué par la seule partie civile (paragraphe 23 ci-dessus) ne devrait pas amener la Cour à s’écarter de ses précédents, ladite jurisprudence n’ayant en effet selon lui d’autre but que d’imposer, dans un souci d’harmonisation, que l’ensemble des procédures menées devant le juge pénal ­– y compris, donc, celles qui ne portent que sur les aspects civils de la responsabilité – respectent les mêmes règles procédurales.

2. Appréciation de la Cour

45. La Cour rappelle que les impératifs inhérents à la notion de « procès équitable » ne sont pas nécessairement les mêmes dans les litiges relatifs à des droits et obligations de caractère civil que dans les affaires concernant des accusations en matière pénale. En témoigne l’absence, pour les premiers, de clauses détaillées semblables à celles qu’énoncent les paragraphes 2 et 3 de l’article 6 de la Convention. Partant, et bien que ces dispositions aient une certaine pertinence en dehors des limites étroites du droit pénal, les États contractants jouissent d’une latitude plus grande dans le domaine du contentieux civil que dans celui des poursuites pénales. L’article 6 § 1 de la Convention se révèle donc moins exigeant pour les contestations relatives à des droits de caractère civil que pour les accusations en matière pénale (König c. Allemagne, 28 juin 1978, § 96, série A no 27).

46. Pour autant, lorsqu’elle examine une procédure relevant du volet civil de l’article 6 de la Convention, la Cour peut estimer nécessaire de s’inspirer de l’approche qu’elle a appliquée en matière pénale (Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) [GC], no 19867/12, § 67, 11 juillet 2017 ; Peleki c. Grèce, no 69291/12, § 55, 5 mars 2020 ; Jokela c. Finlande, no 28856/95, § 68, ECHR 2002‑IV ; et Pitkänen c. Finlande, no 30508/96, § 59, 9 mars 2004). C’est ainsi que les principes du contradictoire et de l’égalité des armes, étroitement liés entre eux, sont des éléments fondamentaux de la notion de « procès équitable » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention et valent en principe aussi bien au civil qu’au pénal (Regner c. République tchèque [GC], no 35289/11, § 146, 19 septembre 2017).

47. Dans les litiges opposant des intérêts privés, le principe de l’« égalité des armes » implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause – y compris ses preuves – dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, 27 octobre 1993, série A no 274, §§ 32-33 ; De Haes et Gijsels c. Belgique, 24 février 1997, § 58, Recueil des arrêts et décisions 1997-I ; Wierzbicki c. Pologne, no 24541/94, § 39, 18 juin 2002). En ce qui concerne en particulier l’appréciation des témoignages dans les procédures civiles, la Cour a affirmé que le refus du juge de citer un témoin doit être suffisamment motivé et dénué d’arbitraire, ce qui implique qu’un tel refus ne restreigne pas de façon disproportionnée le droit pour les parties de présenter les arguments qu’elles estiment nécessaires au succès de leurs prétentions (Dombo Beheer B.V., précité, § 35 ; Wierzbicki, précité, § 45). En effet, une différence de traitement quant à l’audition des témoins des parties peut être de nature à enfreindre le principe de l’égalité des armes (Ankerl c. Suisse, 23 octobre 1996, § 38, Recueil des arrêts et décisions 1996-V).

48. En l’espèce, le requérant allègue que la juridiction d’appel aurait dû ordonner une nouvelle audition des témoins avant de le condamner pour la première fois. Il se réfère à cet égard à la jurisprudence de la Cour selon laquelle lorsqu’une instance d’appel est amenée à connaître d’une affaire en fait et en droit et à étudier dans son ensemble la question de la culpabilité ou de l’innocence du justiciable mis en cause, l’équité du procès commande qu’elle ne décide pas de ces questions sans apprécier directement les témoignages décisifs qui ont été faits oralement devant le juge de première instance et qu’elle s’apprête à interpréter pour la première fois d’une manière défavorable à l’accusé (voir, parmi d’autres, Dan c. Moldova, no 8999/07, 5 juillet 2011 ; Hanu c. Roumanie, no 10890/04, 4 juin 2013 ; Lorefice c. Italie, no 63446/13, § 36, 29 juin 2017 ; Di Martino et Molinari c. Italie, nos 15931/15 et 16459/15, 25 mars 2021).

49. La Cour fait observer tout d’abord que ladite jurisprudence a été développée dans le contexte d’affaires relatives à des accusations en matière pénale. Dans les requêtes précitées ainsi que d’autres précédents similaires, elle a énoncé le principe selon lequel ceux qui ont la responsabilité de décider de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé doivent entendre en personne les témoins et évaluer leur crédibilité (Dan, précité, § 33, et Lorefice, précité, § 43). La Cour précise que ce principe de jurisprudence est étroitement lié à celui selon lequel l’une des exigences d’un procès pénal équitable est la possibilité pour l’accusé de confronter entre eux les témoins en présence du juge qui doit finalement trancher l’affaire, les observations dudit juge sur le comportement et la crédibilité de tel ou tel témoin pouvant avoir des conséquences pour l’accusé (Hanu, précité, § 40 ; Dan c. République de Moldova (no 2), no 57575/14, § 51, 10 novembre 2020). La Cour a néanmoins souligné qu’il ne s’agit pas là d’une règle automatique dont l’application conduirait à conclure, du seul fait que la juridiction concernée n’ait pas entendu un témoin dont elle a dû apprécier la crédibilité, à l’iniquité d’un procès pénal. Il convient en effet de prendre en compte la valeur probante des témoignages en jeu (voir, parmi d’autres, Chiper c. Roumanie, no 22036/10, § 63, 27 juin 2017), et les preuves sur lesquelles repose le procès contesté à ce titre doivent être orales et non documentaires (voir Di Martino et Molinari, précité, §§ 36 et 37, pour la renonciation aux preuves orales dans le cadre d’une procédure abrégée, et Tripodo c. Italie (déc.), no 2715/15, § 29, 25 janvier 2022, pour l’utilisation des éléments de prévues recueillis lors d’un incident probatoire pendant les investigations préliminaires).

50. La Cour est d’avis que les principes établis dans la jurisprudence précitée ne sont pas exactement pertinents dans le contexte des procédures civiles, dans lesquelles les juges ne sont pas appelés à évaluer la culpabilité de l’accusé « au-delà de tout doute raisonnable » mais doivent établir l’existence d’une responsabilité civile sur la base de critères moins stricts d’appréciation des preuves.

Il résulte de sa jurisprudence que la tâche de la Cour en l’espèce est plutôt d’examiner si les principes du contradictoire et de l’égalité des armes ont été ou non enfreints dans leur substance. Pareil examen doit tenir compte de la procédure considérée dans son ensemble et doit établir si lesdits principes, tels qu’applicables dans la procédure civile, ont été ou non suffisamment respectés (paragraphes 46 et 47 ci-dessus).

51. La Cour observe que l’ensemble des témoins à charge et à décharge du requérant ont été entendus pendant les débats de première instance. Elle constate que le requérant était représenté par un avocat et qu’il a eu la possibilité de les interroger et d’être interrogé à son tour. Celui-ci n’allègue pas une différence de traitement quant à l’audition des témoins des parties.

Elle note par ailleurs que l’appel de la partie civile portait précisément sur la question de la crédibilité du témoin à décharge, B.P., et sur l’appréciation de l’ensemble des témoignages produits en première instance. Le requérant a donc pu présenter sur ces points ses arguments en réponse devant le tribunal de deuxième instance.

52. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que le requérant a bénéficié d’une procédure contradictoire et que son droit de présenter ses arguments à l’appui de sa cause n’a pas été restreint. En effet, le requérant a pu produire devant les juges de son affaire les éléments qu’il jugeait pertinents pour le succès de ses prétentions et n’a pas été placé dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Dans ces conditions, le fait que la juridiction d’appel ait jugé le volet civil du contentieux sur la base de la transcription des témoignages rendus pendant les débats de première instance ne saurait être jugé contraire au droit du requérant à un procès équitable.

53. En conclusion, la Cour estime qu’eu égard à sa jurisprudence selon laquelle les États contractants jouissent d’une latitude plus grande dans le domaine du contentieux civil qu’en matière de poursuites pénales, l’équité de la procédure litigieuse considérée dans son ensemble n’a pas été affectée.

54. La Cour note que la Cour de cassation italienne a considéré que l’article 603 du CPP fait obligation aux juridictions d’appel d’ordonner l’audition de témoins même lorsque la décision en cause est un jugement d’acquittement que la partie civile ne conteste qu’à des fins civiles (paragraphes 23 et 24 ci-dessus). Elle souligne à cet égard que la Convention ne fait pas obstacle à ce que les États parties accordent aux droits et libertés qu’elle garantit une protection juridique plus étendue que celle qu’elle met en œuvre, que ce soit par le biais du droit interne, d’autres traités internationaux ou du droit de l’Union européenne. Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le souligner, par son système de garantie collective des droits qu’elle consacre, la Convention vient renforcer, conformément au principe de subsidiarité, la protection dont ces droits bénéficient au niveau national. Rien n’interdit aux États contractants d’adopter une interprétation plus large garantissant dans leurs ordres juridiques internes respectifs une protection renforcée des droits et libertés en question (article 53 de la Convention) (voir, mutatis mutandis, Di Martino et Molinari, précité, § 39).

55. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

56. Le requérant se plaint de ne pas avoir disposé d’un recours effectif pour soulever son grief de violation de l’article 6 § 1. Il invoque l’article 13 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés (…) a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

57. La Cour rappelle d’emblée que l’article 6 § 1 est la lex specialis par rapport à l’article 13 ; en d’autres termes, les exigences de l’article 6 § 1, qui impliquent toute la panoplie des garanties propres aux procédures judiciaires, sont plus strictes que celles de l’article 13, qui se trouvent absorbées par elles (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 146, CEDH 2000-XI, avec d’autres références à la jurisprudence de la Cour). Les seules exceptions à ce principe sont constituées par les griefs tirés de l’article 13 qui portent sur un manquement à l’exigence du « délai raisonnable » (Kudła, précité, § 147 et Menecheva c. Russie, no 59261/00, § 105, CEDH 2006 III). La Cour constate que le requérant a eu la possibilité de saisir la Cour de cassation de son grief relatif au manque allégué d’équité de la procédure qui avait été menée contre lui et de présenter les arguments qu’il estimait utiles pour sa défense. Elle observe que la Cour de cassation a rejeté le recours par une décision motivée. L’absence de recours contre des violations alléguées imputables directement à la Cour de cassation ne saurait en principe poser problème au regard de l’article 13 de la Convention, dans la mesure où c’est précisément la décision de la haute juridiction italienne, dernière instance sur le plan interne, qui constitue la « décision interne définitive » au sens de l’article 35 § 1 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Ferré Gisbert c. Espagne, no 39590/05, § 39, 13 octobre 2009).

58. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare les griefs de violation de l’article 6 § 1 recevables et la requête irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 juin 2023, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Renata Degener                   Marko Bošnjak
Greffière                         Président

Dernière mise à jour le juin 15, 2023 par loisdumonde

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