AFFAIRE BACHT AE c. GRÈCE (Cour européenne des droits de l’homme) 49215/18

La présente affaire concerne l’octroi d’une indemnité d’expropriation réduite par rapport à celle que devait être en raison du retard avec lequel la cour d’appel a fixé le montant définitif de celle-ci et alors que les prix de l’immobilier avaient entretemps subi une baisse drastique du fait de la crise financière.


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE BACHT AE c. GRÈCE
(Requête no 49215/18)
ARRÊT
STRASBOURG
2 juin 2022

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire BACHT AE c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

Krzysztof Wojtyczek, président,
Erik Wennerström,
Ioannis Ktistakis, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 49215/18) dirigée contre la République hellénique et dont une société anonyme, BACHT AE (« la requérante ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 12 octobre 2018,

la décision de porter à la connaissance du gouvernement grec (« le Gouvernement ») le grief relatif à l’article 1 du Protocole no 1,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 mai 2022,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. La présente affaire concerne l’octroi d’une indemnité d’expropriation réduite par rapport à celle que devait être en raison du retard avec lequel la cour d’appel a fixé le montant définitif de celle-ci et alors que les prix de l’immobilier avaient entretemps subi une baisse drastique du fait de la crise financière.

EN FAIT

2. La requérante, une société anonyme d’import-export des produits agricoles, est représentée par Me D. Paitari, avocate.

3. Le Gouvernement est représenté par la déléguée de son agent, Mme A. Magrippi, auditrice au Conseil juridique de l’État.

4. Par une décision commune du 29 janvier 2008, le ministre de l’Économie et le ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Travaux publics procédèrent à l’expropriation d’une superficie de 106 681,92 m², appartenant à plus de 230 propriétaires des terrains, en vue de la construction de l’autoroute Corinthe-Patras. Cette superficie incluait aussi des parties des trois propriétés de la requérante qui servaient comme espaces de stockage ou de parking pour de grands camions dans le cadre de son activité commerciale.

5. La superficie totale de la partie expropriée était de 2 228,03 m², dont 1 692,31 m² pour le premier terrain, 344,94 m² pour le deuxième et 190,78 m² pour le troisième.

6. Le 1er octobre 2008, l’État saisit le tribunal de première instance de Corinthe d’une demande de fixation de l’indemnité provisoire d’expropriation. La requérante saisit aussi le tribunal d’une même demande mais par laquelle elle demandait, en plus d’une indemnité pour les terrains et les bâtiments, une indemnité spéciale pour les parties non-expropriées qui subissaient une baisse de valeur en raison de leur amputation de l’ensemble et de la nature de l’ouvrage visé par l’expropriation.

7. L’audience devant le tribunal eut lieu le 11 novembre 2009.

8. Par un jugement no 135/2010 du 6 mai 2010, le tribunal fixa un montant de l’indemnité commun à toutes les propriétés concernées, qui s’élevait à 30 euros/m². Le tribunal ne prit pas en compte la destination et la nature des propriétés expropriées ni les revenus provenant de l’activité commerciale de la requérante. En outre, en ce qui concernait les propriétés de la requérante, le tribunal accorda une indemnité spéciale pour la dépréciation des parties non-expropriées avec un taux de 24% pour deux des trois terrains et avec un taux de 10% pour le troisième. Le tribunal accorda aussi le montant de 70,000 euros (EUR) pour le toit métallique d’un des bâtiments.

9. Estimant que le montant des indemnités était particulièrement bas et en vue de la fixation de l’indemnité définitive, la requérante saisit, le 29 octobre 2010, la cour d’appel de Nauplie. Elle soutenait que l’indemnité pour le terrain et les bâtiments devait dépasser le montant de 100 euros/m² et que celle pour les parties non-expropriées devaient être fixée avec un taux de 80%.

10. L’audience fut initialement fixée au 7 décembre 2011, date à laquelle l’action de la requérante devait être examinée avec 14 autres actions du même type et ayant pour origine la même décision d’expropriation. Toutefois, à la demande des avocats des propriétaires intéressés, l’audience fut reportée au 3 avril 2013, puis à la demande du représentant de l’État au 17 septembre 2014, puis, à la demande des avocats des intéressés, au 5 novembre 2014. À cette dernière date, l’audience eut lieu, la cour d’appel ayant au préalable rejeté une nouvelle demande d’ajournement déposée cette fois par l’avocate de la requérante et à laquelle le représentant de l’État s’y opposa.

11. La cour d’appel rendit son arrêt no 347/2015 le 21 septembre 2015.

12. Elle considéra que l’indemnité définitive d’expropriation devait être calculée à la date de l’audience du 5 novembre 2014 devant elle et non à la date de l’audience devant le tribunal de première instance de Corinthe (le 11 novembre 2009). Elle ne tint pas compte des documents fournis par la requérante qui établissaient la valeur de ses propriétés entre 2007-2009 et se fonda sur des éléments plus rapprochés de la date d’audience devant elle. Elle estima que la valeur des propriétés à la date du 5 novembre 2014 avait diminué en raison de la crise économique et de celle du marché immobilier. Elle fixa le montant de l’indemnité définitive d’expropriation à 12,50 euros/m² et elle accorda 70,000 EUR pour le toit métallique, conformément à l’octroi du tribunal.

13. Le 19 septembre 2016, la requérante se pourvut en cassation. Elle soutenait, entre autres, que le mode de calcul de l’indemnité définitive par la cour d’appel violait son droit au respect des biens, garanti par l’article 1 du Protocole no 1. Elle affirmait aussi que l’arrêt attaqué avait interprété les articles 17 de la Constitution et 13 du code des expropriations de manière allant à l’encontre du but de ceux-ci. Elle soulignait qu’en tenant compte comme date critique pour la détermination de la valeur du bien exproprié la date de l’audience devant elle alors qu’à cette date la valeur des biens avaient été réduite drastiquement en raison de la crise économique, la cour d’appel avait transformé une disposition favorable au propriétaire du bien exproprié en disposition défavorable : cette interprétation aboutissait en fait à transférer les conséquences économiques de la crise au propriétaire du bien exproprié et lui faisait supporter une charge en lui allouant une indemnité moindre que celle qui lui était due.

14. En outre, la requérante soulignait que la cour d’appel :

– avait fixé la valeur des propriétés expropriées plus de 8 ans après l’expropriation alors que les valeurs des biens immobiliers étaient en train de chuter ;

– avait pris en considération des éléments qui se rapportaient à une période éloignée et non à l’époque de la privation de propriété ;

– avait méconnu les dispositions du droit interne ;

– n’avait pas tenu compte de la destination, la nature et le fonctionnement de l’entreprise en tant qu’outil de travail (arrêt Lallement c. France, no 46044/99, 11 avril 2002).

15. Par un arrêt no 148/2018, du 22 janvier 2018, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. Réitérant l’arrêt de la cour d’appel, elle conclut que l’article 1 du Protocole no 1 n’avait pas été violé en l’espèce. Elle considéra que les motifs de l’arrêt de la cour d’appel étaient exhaustifs, claires et sans contradiction et que l’arrêt exposait avec précision toutes les caractéristiques de la superficie concernée par l’expropriation.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

16. Les dispositions pertinentes de l’article 17 de la Constitution se lisent ainsi :

« 2. Nul n’est privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique dûment prouvée, dans les cas et de la manière prévus par la loi, et toujours moyennant une indemnité préalable et complète, qui doit correspondre à la valeur du bien exproprié au moment de l’audience sur sa fixation provisoire devant le tribunal. Dans le cas d’une demande tendant à faire fixer directement l’indemnité définitive, est prise en considération la valeur du bien au moment de l’audience à cet effet. Si l’audience pour la fixation de l’indemnité a lieu plus d’un an après l’audience pour la fixation de l’indemnité provisoire, c’est la valeur au moment de l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive qui est prise en compte. (…)

3. Le changement éventuel de la valeur du bien exproprié, survenu après la publication de l’acte annonçant l’expropriation et dû exclusivement à celle-ci, n’est pas pris en compte. »

17. Les dispositions susmentionnées se reflètent aussi dans l’article 13 §§ 1 et 2 du code des expropriation qui dispose :

« 1. L’expropriation doit être complète et correspondre à la valeur du bien exproprié au moment de l’audience devant le tribunal pour la fixation de l’indemnité provisoire, ou, en cas de demande tendant à faire fixer directement l’indemnité débitive, au moment de l’audience à cet effet. Si l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive a lieu plus d’un an de l’audience pour la fixation de l’indemnité provisoire, c’est la valeur au moment de l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive qui est prise en compte. Le critère pour l’évaluation du bien exproprié est notamment la valeur, au moment décisif, des biens voisins et similaires qui est calculé d’après la valeur fiscale, les prix mentionnés dans les contrats de transfert de propriété établis au moment de l’annonce de l’expropriation, ainsi que les revenus générés par le bien exproprié.

2. Le changement éventuel de la valeur du bien exproprié, survenu après la publication de l’acte annonçant l’expropriation et dû exclusivement à celle-ci, n’est pas pris en compte. En outre, n’est pas prise en compte une revalorisation due à des travaux du propriétaire sur le bien exproprié qui ont eu lieu après l’acte annonçant l’expropriation et due exclusivement à celui-ci. »

18. Selon le rapport explicatif de la loi no 2985/2002 qui a introduit l’article 13 § 1 du code des expropriations susmentionné, cette disposition est intégrée au code précité « au bénéfice de l’ayant-droit de l’indemnité ( σε όφελος του δικαιούχου ) ».

19. Aux termes de l’article 20 §§ 3 et 6 du code des expropriations :

« 3. Le président de la cour d’appel fixe l’audience dans un délai qui n’est ni inférieur à 30 jours ni supérieur à 40 jours à compter de l’introduction de l’acte d’appel.

6. L’arrêt définitif ne doit pas être rendu dans un délai supérieur à un an à compter de l’introduction de l’acte d’appel. »

20. L’article 241 § 1 du code de procédure civile prévoit :

« À la demande d’une des parties, (…) l’audience peut être ajournée seulement une fois devant chaque instance de juridiction, et lorsque le tribunal considère qu’un motif sérieux le justifie (…) »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

21. La requérante se plaint que le fait que la cour d’appel a tardé à tenir audience pour la fixation du montant de l’indemnité définitive d’expropriation et le fait qu’elle n’a pas tenu compte de ce retard dans la fixation de ce montant lui ont imposé une charge excessive et ont violé l’article 1 du Protocole no 1, qui est ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

A. Sur la recevabilité

22. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour non‑épuisement des voies de recours internes. La requérante n’a pas soulevé devant la cour d’appel les allégations qu’elle a par la suite soulevé devant la Cour de cassation et maintenant devant la Cour, c’est-à-dire la question de savoir si la date de l’audience effective doit être prise en considération seulement lorsqu’elle profite à la requérante et elle ne lui porte pas préjudice. Cette omission de la requérante a privé : a) la cour d’appel de la possibilité d’examiner si les biens expropriés de la requérante ont effectivement subi un dommage ainsi que la nature du dommage ; b) la Cour de cassation de juger s’il y a eu en l’espèce rupture du juste équilibre.

23. D’autre part, le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête comme étant manifestement mal fondée. Il souligne que la requérante n’a pas présenté ses prétentions de manière fondée et spécifique afin de prouver qu’elle devait recevoir des sommes plus importantes en raison de l’usage commercial du bien litigieux : les sommes qu’elle a revendiquées ont été rejetées par la cour d’appel comme non-prouvées, point sur lequel elle ne peut plus revenir devant la Cour. Le seul fait que la cour d’appel n’a pas entériné les sommes vagues et non-prouvées sollicitées par la requérante dans son rapport technique ne signifie pas que la cour d’appel s’est trompée dans son analyse.

24. La requérante soutient que devant la cour d’appel elle avait soutenu que la date à laquelle celle-ci devait se placer pour évaluer la propriété expropriée devait être celle de l’audience relative à la fixation de l’indemnité provisoire, celle-ci étant la date la plus proche de la privation de propriété. Au contraire, le Gouvernement soutenait que cette date devait être celle de l’audience relative à la fixation de l’indemnité définitive. La cour d’appel a pris position sur deux thèses contradictoires et a retenu la date de l’audience relative à la fixation de l’indemnité définitive. La cour d’appel a aussi refusé de prendre en considération tous les documents et éléments de preuve produits par la requérante qui se rapportaient à la valeur de sa propriété à des dates plus proches de l’expropriation.

25. Les principes généraux relatifs à la règle de l’épuisement des voies de recours internes sont exposés dans l’arrêt Vučković et autres c. Serbie ((exception préliminaire) [GC], nos 17153/11 et 29 autres, § 69‑77, 25 mars 2014).

26. La Cour note qu’en l’espèce, le grief principal de la requérante concerne la date à laquelle la valeur de son bien exproprié a été calculée par la cour d’appel, ce qui a entraîné l’allocation d’une indemnité réduite. Or, ce grief, ainsi que ceux relatifs aux conséquences du choix de cette date sur le montant de l’indemnité ont été développés in extenso dans le pourvoi en cassation de la requérante (paragraphes 13-14 ci-dessus). La requérante soutenait, entre autres, que la cour d’appel avait erré en se fondant sur la date de l’audience relative à la fixation de l’indemnité définitive et lui avait ainsi fait assumer une charge excessive sur son droit de propriété.

27. La Cour considère que le requérant a fait usage des voies de recours que le droit interne lui offrait et a soulevé devant elles le grief qu’il présente maintenant devant la Cour.

28. Il s’ensuit que la requête ne saurait être écartée pour non-épuisement des voies de recours internes et qu’il y a lieu en conséquence de rejeter l’exception formulée par le Gouvernement.

29. Quant à la deuxième exception, tirée du défaut manifeste de fondement, la Cour note que la requérante ne se plaint ni de l’appréciation des preuves par la cour d’appel ni le montant en tant que tel de l’indemnité accordée par la cour d’appel. La Cour rejette alors aussi cette exception du Gouvernement.

30. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

31. La requérante souligne qu’elle disposait d’une propriété ayant une grande valeur en 2008, année à laquelle l’expropriation de celle-ci a été décidée, qu’elle a été indemnisée en 2015 sur le fondement de la valeur de cette propriété telle que calculée en cette année lorsque le marché immobilier était en grande crise, et que l’État a bénéficié de cette expropriation d’un enrichissement indu de l’ordre 60% sur la valeur de la propriété.

32. La requérante souligne aussi que le rapport explicatif de la loi no 2985/2002 qui a introduit l’article 13 § 1 du code des expropriations, déclare expressément que cette disposition est intégrée au code précité « au bénéfice de l’ayant-droit de l’indemnité (« σε όφελος του δικαιούχου »). Comme plusieurs juristes et professeurs d’université l’ont affirmé, le seul but de cette loi était d’éviter que les propriétaires de biens expropriés soient pénalisés du fait d’une augmentation éventuelle de la valeur du bien. Or, en l’espèce, l’article 13 § 1 a été utilisé dans un but contraire à celui énoncé aux travaux préparatoires. En l’interprétant comme elle l’a fait, la cour d’appel a sapé la prévisibilité de cet article et la confiance du justiciable dans la loi.

33. Se prévalant a contrario des arrêts Lyubomir Popov c. Bulgarie (no 69885/01, § 119, 7 janvier 2010), et Šimaitienė c. Lituanie (no 55056/10, § 46, 21 février 2017), la requérante soutient que si le droit interne prévoit des délais pour l’octroi d’une indemnité, un retard pour accorder cette indemnité peut ne pas être conforme aux garanties offertes par la Convention. Or, en l’espèce, aucun des délais prévus par les articles 13 § 1 et 20 §§ 3 et 6 du code des expropriations et de l’article 241 § 1 du code de procédure civile n’ont été respectés.

34. Le Gouvernement soutient que la requérante ne peut pas se plaindre de bonne foi d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1, en raison de la date prise en compte par la cour d’appel pour calculer l’indemnité définitive d’expropriation, dans la mesure où la requérante elle-même a contribué à retarder cette date par ses demandes d’ajournement de l’audience devant la cour d’appel.

35. Le Gouvernement affirme qu’en considérant comme date critique pour la détermination de la valeur du bien exproprié et le versement d’une indemnité complète, la date de l’audience devant elle, la cour d’appel a statué conformément aux dispositions du droit interne pertinent (paragraphes 16‑17 ci-dessus), mais aussi aux conclusions de la Cour dans l’arrêt Tsigaras c. Grèce (no 12576/12, 14 novembre 2019).

36. Le Gouvernement souligne aussi que la cour d’appel a calculé la valeur du bien exproprié à la date de l’audience devant elle indépendamment de la question de l’augmentation ou de la diminution de cette valeur en raison des conditions économiques. Le choix de cette date est le plus juste car ainsi la valeur réelle du bien est concomitante à la date de l’arrêt, mais aussi celui qui garantit le mieux la sécurité juridique car cette date est stable et ne change pas en fonction des intérêts étatiques ou privés. La proposition de la requérante de prendre en compte la date de l’audience devant la cour d’appel seulement lorsque cette date la favorise rompt le juste équilibre.

37. Enfin, le Gouvernement soutient que la requérante a demandé ou consenti à deux ajournements de l’audience devant la cour d’appel et a même sollicité un troisième le jour même où l’audience s’est finalement tenue. La tentative de la requérante d’éluder ces faits incontestés en arguant que sa requête ne concerne pas une violation du « délai raisonnable » de l’article 6 de la Convention contredit et affaiblit sa thèse selon laquelle la violation de l’article 1 du Protocole no 1 est causée par le retard avec lequel l’audience a eu lieu.

2. Appréciation de la Cour

38. En l’espèce, la Cour note, dans la mesure où la requérante se plaint de la manière dont la cour d’appel a déterminé la valeur du bien exproprié et a fixé l’indemnité d’expropriation, que la situation litigieuse relève de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, qui énonce de manière générale le principe du respect des biens (Poulimenos et autres c. Grèce, no 41230/12, § 43, 20 juillet 2017, et Tsigaras, précité, § 33). Dès lors, la Cour doit rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (voir, parmi d’autres, Nastou c. Grèce (no 2), no 16163/02, § 31, 15 juillet 2005).

39. Afin de déterminer si la mesure litigieuse respecte le juste équilibre voulu et, notamment, si elle ne fait pas peser sur la requérante une charge disproportionnée, il y a lieu de prendre en considération les modalités d’indemnisation prévues par la législation interne. À cet égard, la Cour a déjà dit que, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive au droit au respect des biens (Malama c. Grèce, no 43622/98, § 48, CEDH 2001‑II). En particulier, le caractère adéquat d’un dédommagement se trouverait diminué si son paiement faisait abstraction d’éléments susceptibles d’en réduire la valeur, tel l’écoulement d’un laps de temps que l’on ne saurait qualifier de raisonnable (Angelov c. Bulgarie, no 44076/98, § 39, 22 avril 2004, et Almeida Garrett, Mascarenhas Falcão et autres c. Portugal, nos 29813/96 et 30229/96, § 54, CEDH 2000‑I). Dans pareil cas, la Cour recherche principalement si l’administration a procédé à la réactualisation de la somme due pour compenser sa dépréciation en raison du laps du temps écoulé (voir, parmi d’autres, Akkuş c. Turquie, 9 juillet 1997, §§ 29-31, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, et Zacharakis c. Grèce, no 17305/02, § 31, 13 juillet 2006).

40. En l’occurrence, la Cour note d’emblée que, d’après l’article 17 § 2 de la Constitution, si l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive a lieu plus d’un an après l’audience sur la fixation de l’indemnité provisoire, il convient de prendre en compte la valeur à la date de l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive. Elle en déduit que le but de cette disposition est de faire en sorte que la date critique pour la fixation de l’indemnité soit la date la plus proche de celle de son versement aux ayants droit, afin que la compensation soit « intégrale » comme l’exige ce même article (Poulimenos et autres, précité, § 46, et Tsigaras, précité, § 35). Elle prend note aussi du rapport explicatif de la loi no 2985/2002 qui a introduit ladite disposition au code des expropriations, qui stipule expressément qu’elle est intégrée au code précité « au bénéfice de l’ayant-droit de l’indemnité ».

41. Or, en l’espèce, l’audience devant le tribunal de première instance pour la fixation de l’indemnité provisoire a eu lieu le 11 novembre 2009. Estimant que le montant de cette indemnité était trop bas par rapport à la valeur de son bien et en vue de la fixation de l’indemnité définitive, la requérante a saisi, le 29 octobre 2010, la cour d’appel de Nauplie. Alors que l’article 20 § 3 du code des expropriations prévoit un délai entre 30 et 40 jours à compter de la saisine, pour que le président de la cour d’appel fixe la date de l’audience, ce dernier la fixa au 7 décembre 2011 afin que plusieurs actions concernant la même décision d’expropriation soient examinées en même temps. À cette date, même le délai que fixe l’article 20 § 6 du code des expropriations pour l’adoption de l’arrêt, s’était déjà écoulé.

42. La Cour note aussi que l’audience a été ajournée à trois reprises : deux fois à la demande des avocats des propriétaires concernés et une fois à la demande du représentant de l’État, pour avoir finalement lieu le 5 novembre 2014. Force est de constater que le nombre d’ajournements d’audience accordés ne correspond pas à celui que prévoit l’article 241 § 1 du code de procédure civile.

43. Pour justifier le retard dans la tenue de l’audience, le Gouvernement invoque les ajournements demandés et obtenus par les avocats des propriétaires expropriés, dont fait partie l’avocat de la requérante. Au sujet de celui-ci, le Gouvernement déclare que s’il n’a pas demandé ces ajournements il y a consenti. De son côté, la requérante souligne que la seule demande d’ajournement qu’elle a présentée en son nom était celle du 5 novembre 2014 que la cour d’appel a rejetée.

44. Quoiqu’il en soit, comme la Cour l’a déjà affirmé dans un autre contexte, celui de la durée de la procédure, même dans les systèmes juridiques consacrant le principe de la conduite du procès par les parties, leur attitude ne dispense pas les juges d’assurer la célérité voulue par l’article 6 § 1 (Pafitis et autres c. Grèce, 26 avril 1998, § 93, Recueil 1998 I, Tierce c. Saint-Marin, no 69700/01, § 31, 17 juin 2003, et Sürmeli c. Allemagne [GC], no 75529/01, § 129, CEDH 2006-VII).

45. Suite à ces ajournements, la cour d’appel a tenu une audience le 5 novembre 2014 et a fixé l’indemnité définitive à 12,50 euros/ m², estimant que la valeur des propriétés à la date de l’audience avait diminué en raison de la crise économique et de celle du marché immobilier, alors que le tribunal de première instance avait fixé l’indemnité provisoire à 30 euros/m².

46. La Cour estime qu’il ne lui appartient pas de s’exprimer sur le montant exact de l’indemnité définitive que la requérante devait percevoir en fonction des fluctuations des prix du marché, de l’inflation ou de toute autre éventuelle cause. Toutefois, compte tenu du laps de temps écoulé entre la saisine de la cour d’appel (le 29 octobre 2010) ou entre la date d’audience initialement fixée (le 7 décembre 2011) et celle à laquelle l’audience a effectivement eu lieu (le 5 novembre 2014) la Cour note que la cour d’appel a fait abstraction de tout écart qui pouvait exister entre la valeur de la créance des requérants entre ces dates. Or, la Cour considère que la cour d’appel a failli de prendre en considération que le temps qui s’est écoulé entre les dates susmentionnées était excessif et en dehors des délais fixés par la loi interne, ceci ayant eu pour répercussion une baisse importante des prix immobiliers. Elle considère aussi qu’en désignant le 5 novembre 2014 comme date critique pour la détermination de la valeur du bien exproprié, l’arrêt de la cour d’appel (confirmé par celui de la Cour de cassation) n’a respecté ni la lettre des articles 20 §§ 3 et 6 du code des expropriations et 241 § 1 du code de procédure civile, ni l’esprit des articles 17 de la Constitution et 13 du code des expropriations qui tendent à garantir que les propriétaires expropriés puissent recevoir une indemnité calculée au prix le plus juste pour l’expropriation de leur bien (voir Poulimenos et autres, précité, § 46). Elle rappelle aussi que, selon le rapport explicatif de la loi no 2985/2002, l’article 13 du code des expropriations a été introduit « au bénéfice de l’ayant-droit de l’indemnité ».

47. Aussi la Cour considère-t-elle que la requérante ait dû supporter une charge disproportionnée et excessive qui a rompu le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général. Or, la cour d’appel, chargée de fixer le montant définitif, a examiné l’affaire sans prendre en considération le temps qui s’est écoulé entre la saisine de la cour d’appel et la date à laquelle l’audience a effectivement eu lieu en violation des dispositions de la loi interne, et sans tenir compte de la baisse des prix immobiliers pendant ce délai d’audience excessif (voir, mutatis mutandis, Poulimenos et autres, précité, § 53, et Tsigaras, précité, § 39). La Cour constate que ce retard, qui était injustifié et hors des délais fixés par la loi, a eu pour conséquence la fixation d’un montant particulièrement bas et l’octroi d’une indemnité d’expropriation à la requérante qui ne respectait pas le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général.

48. Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

49. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage matériel

50. La requérante demande la somme totale de 396 737,74 EUR au titre du dommage matériel qu’elle estime avoir subi.

51. La requérante précise, qu’afin d’éviter de spéculer, son calcul est fondé sur la méthode utilisée par le tribunal de première instance pour fixer le montant de l’indemnité provisoire d’expropriation, ce qui s’analyse comme suit : 66 840,90 EUR pour la partie expropriée, ainsi que 223 777,50 EUR, 8 555,97 EUR et 5 117,61 EUR respectivement pour la dépréciation de la valeur de la partie non expropriée des trois terrains, plus 70 000 EUR pour le toit métallique des bâtiments. Elle calcule la dépréciation des parties non‑expropriées selon les taux fixés par le tribunal de première instance, c’est‑à‑dire un taux de 24% pour deux des trois terrains et avec un taux de 10% pour le troisième.

52. La requérante demande une somme qui correspond au total des montants précités (374 291,98 EUR) auquel elle déduit la somme qu’elle a déjà reçue à la suite de la fixation du montant définitif de l’indemnité par la cour d’appel et qui s’élevait à 121 592,75 EUR. Elle demande donc une somme totale de 252 699,23 EUR. Sur cette somme, elle demande aussi des intérêts pour la période 2010-2021 qu’elle calcule à 144 038,51 EUR (sur la base d’un taux d’intérêt de 6 % pour la période 2010-2018 et de 3 % pour la période 2018-2021).

53. Enfin, la requérante conteste l’exactitude du document produit par le Gouvernement et qui serait, selon celui-ci, le document le plus fiable pour le calcul de l’indemnité d’expropriation. Elle souligne à cet égard que ce document a été établi par les autorités et confond plusieurs catégories des dommages et qu’il omet de mentionner l’indemnité provisoire qu’a accordée le tribunal de première instance pour l’un des trois terrains. En outre, elle conteste avec force certains frais qui sont mentionnés dans ce document et qui seraient à sa charge, dits « frais de réquisition ». Selon la requérante, ces frais sont demandés par les autorités à tout propriétaire exproprié afin que celui-ci puisse percevoir l’indemnité d’expropriation et lesquels, dans le cas de la requérante, s’élèveraient à 78 895,87 EUR. Ainsi, la requérante souligne alors que non seulement elle a reçu une indemnité dérisoire mais que l’État lui impose également des frais sur cette indemnité.

54. Le Gouvernement conteste la manière dont le tribunal de première instance a calculé la valeur du bien et l’indemnité d’expropriation. Il soutient que la seule description et l’évaluation valables du bien de la requérante sont celles faites par la cour d’appel et celle qui ressort d’un tableau qu’il produit en annexe à ses observations.

55. Le Gouvernement soutient aussi que la Cour ne devrait pas, en méconnaissance du principe de subsidiarité, se substituer aux juridictions nationales et procéder à un nouveau calcul du montant de l’indemnité d’expropriation. Par ailleurs, il souligne que le fait que la requérante réclame un montant excessif d’intérêts en plus de l’indemnité, démontre sa réelle intention de se servir de la Cour comme une troisième juridiction nationale de fond. En ce qui concerne les frais de réquisition, le Gouvernement souligne qu’il s’agit de la différence entre les sommes allouées par le tribunal de première instance et celles allouées par la cour d’appel, et qui, de toute façon, n’ont pas été demandées à la requérante.

56. S’agissant du dommage matériel, la Cour rappelle qu’elle a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à raison du fait que, pour fixer l’indemnité définitive d’expropriation, la cour d’appel s’est placée à une date très éloignée non seulement de celle de l’expropriation mais aussi de celle de la fixation de l’indemnité provisoire par le tribunal de première instance. Ce faisant, la cour d’appel a pris en considération de facteurs qui avaient apparu entretemps et qui avaient pour conséquence d’influer considérablement la valeur du bien exproprié mais sans qu’elle fasse répercuter sur le montant de l’indemnité définitive les effets du retard constaté dans la tenue de l’audience.

57. Eu égard au principe de subsidiarité, la Cour ne saurait procéder elle‑même à un nouveau calcul de l’indemnité auquel aurait droit la requérante. En revanche, elle peut se fonder sur un élément objectif qu’elle estime pouvoir aboutir à un résultat raisonnable et qui a été établi par les juridictions nationales : le montant de l’indemnité provisoire d’expropriation tel que calculé par le tribunal de première instance.

58. La Cour estime donc raisonnable d’accorder à la requérante 252 699,23 EUR, somme qui résulte de la déduction de la somme reçue au titre de l’indemnité définitive d’expropriation (121 592,75 EUR) de celle qui a été fixée par le tribunal de première instance comme l’indemnité provisoire (374 291,98 EUR).

59. En outre, la Cour rappelle que le caractère adéquat d’un dédommagement risque de diminuer si le paiement de celui-ci fait abstraction d’éléments susceptibles d’en réduire la valeur, tel l’écoulement d’un laps de temps considérable (Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, 9 décembre 1994, § 82, série A no 301‑B, et, mutatis mutandis, Motais de Narbonne c. France (satisfaction équitable), no 48161/99, §§ 20-21, 27 mai 2003, ainsi que Guiso Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 58858/00, § 105, 22 décembre 2009). Il faudra alors assortir la somme octroyée d’intérêts susceptibles de compenser le long laps de temps qui s’est écoulé depuis la dépossession des terrains. Aux yeux de la Cour, ces intérêts doivent correspondre à l’intérêt légal simple applicable à l’État, soit 6 % l’an pour les années 2010-2018 et 3 % l’an pour les années 2019-2021. Sur la base de ce calcul, le montant s’élèverait à 144 038,51 EUR.

60. En ce qui concerne les frais de réquisition demandés par la requérante, la Cour note que selon les documents à sa disposition et les informations fournies par les parties, la somme de 78 895,87 EUR correspond à la différence entre la somme accordée par le tribunal de première instance et celle accordée par la cour d’appel et qu’il ne s’agit pas d’une taxe ou d’une pratique administrative comme le prétend la requérante. De toute façon, la requérante n’a pas prouvé qu’on lui avait demandé de payer une certaine somme correspondant à des frais de réquisition. Il convient donc de rejeter cette demande.

61. En conclusion, la Cour décide d’allouer pour dommage matériel à la requérante, la somme totale de 396 737,74 EUR.

B. Dommage moral

62. La requérante demande aussi 10 000 EUR pour dommage moral. Elle soutient que la violation de l’article 1 du Protocole no 1 a eu des conséquences négatives importantes sur son activité professionnelle et qu’elle a vécu de manière prolongée dans l’incertitude avec des sentiments d’impuissance et de frustration.

63. Le Gouvernement soutient que la requérante ne prouve pas de dommage moral qu’elle aurait subi en tant que personne morale. Il considère, en outre, que la somme réclamée est excessive et injustifiée et que le constat éventuel de la violation constituerait une satisfaction suffisante.

64. En ce qui concerne la réparation du préjudice moral, la Cour a déjà dit que le préjudice autre que matériel peut comporter, pour une personne morale, des éléments plus ou moins « objectifs » et « subjectifs ». Parmi ces éléments, il faut reconnaître la réputation de l’entité juridique, mais également l’incertitude dans la planification des décisions à prendre, les troubles causés à la gestion de l’entité juridique elle-même, dont les conséquences ne se prêtent pas à un calcul exact, et enfin, quoique dans une moindre mesure, l’angoisse et les désagréments éprouvés par les membres des organes de direction de la société (voir, entre autres, Sine Tsaggarakis A.E.E. c. Grèce, no 17257/13, § 71, 23 mai 2019, et la jurisprudence citée).

65. La Cour estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face à la dépossession de ses biens a causé à la requérante un préjudice moral, qu’il y a lieu de réparer de manière adéquate. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle décide de lui allouer 2 000 EUR de ce chef.

C. Frais et dépens

66. La requérante réclame 2 380,80 EUR au titre des frais et dépens qu’elle a engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour. Elle précise que son avocate a travaillé 24 heures pour rédiger la requête et les observations et évalue le coût horaire du travail de celle-ci à 80 EUR l’heure (1 920 EUR plus TVA de 24%).

67. Le Gouvernement soutient que la somme réclamée est excessive et non nécessaire, compte tenu du fait que la procédure devant la Cour s’est déroulée uniquement par écrit. En outre, le Gouvernement prétend que la requérante n’apporte pas la preuve qu’elle s’est déjà acquitté de cette somme et elle ne prouve pas non plus qu’elle se rapporte directement à la présente affaire.

68. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer à la requérante la somme réclamée pour la procédure menée devant elle, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par la requérante à titre d’impôt.

D. Intérêts moratoires

69. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;

3. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans un délai de trois mois les sommes suivantes :

i. 396 737,74 EUR (trois cent quatre-vingt-seize mille sept cent trente-sept euros et soixante-quatorze centimes), pour dommage matériel ;

ii. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;

iii. 2 380,80 EUR (deux mille trois cent quatre-vingts euros et quatre-vingt centimes), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par la requérante à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 juin 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Liv Tigerstedt                        Krzysztof Wojtyczek
Greffière adjointe                        Président

Dernière mise à jour le juin 2, 2022 par loisdumonde

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