La requête concerne le droit du requérant de s’opposer, devant un tribunal national, à la décision de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA), qui a autorisé le transfert du domicile de sa fille à l’étranger, au domicile de sa mère qui en avait la garde exclusive, tout en exerçant l’autorité parentale conjointement avec le requérant, et a décidé de l’absence d’effet suspensif d’un éventuel recours. Suite au déménagement de la mère et l’enfant, les juridictions suisses se sont déclarées incompétentes pour traiter du recours du requérant au fond et décider du rétablissement de l’effet suspensif, car le transfert du domicile de l’enfant en Allemagne a aussi entraîné le transfert de la compétence internationale à cet État.
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE ROTH c. SUISSE
(Requête no 69444/17)
ARRÊT
Art 6 § 1 (civil) • Accès à un tribunal • Décision d’une autorité administrative de retirer l’effet suspensif du recours du père, suivi du départ à l’étranger de l’enfant avec sa mère, ayant entraîné l’incompétence des tribunaux nationaux • Transfert de la compétence internationale à l’État de destination • Exclusion d’un contrôle effectif ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction national • Nécessité de prévoir la possibilité de s’adresser à un juge avant l’entrée en vigueur du retrait de l’effet suspensif dans des procédures relevant du droit de la famille • Raison de l’urgence invoquée pas assez grave pour justifier l’absence d’une telle possibilité • Proportionnalité
STRASBOURG
8 février 2022
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Roth c. Suisse,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :
Georges Ravarani, président,
Georgios A. Serghides,
María Elósegui,
Darian Pavli,
Anja Seibert-Fohr,
Peeter Roosma,
Andreas Zünd, juges,
et de Milan Blaško, greffier de section,
Vu :
la requête (no 69444/17) dirigée contre la Confédération suisse et dont un ressortissant de cet État, M. Tschan Josef Roth (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 14 septembre 2017,
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement suisse (« le Gouvernement »),
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 30 novembre 2021 et 11 janvier 2022,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne le droit du requérant de s’opposer, devant un tribunal national, à la décision de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA), qui a autorisé le transfert du domicile de sa fille à l’étranger, au domicile de sa mère qui en avait la garde exclusive, tout en exerçant l’autorité parentale conjointement avec le requérant, et a décidé de l’absence d’effet suspensif d’un éventuel recours. Suite au déménagement de la mère et l’enfant, les juridictions suisses se sont déclarées incompétentes pour traiter du recours du requérant au fond et décider du rétablissement de l’effet suspensif, car le transfert du domicile de l’enfant en Allemagne a aussi entraîné le transfert de la compétence internationale à cet État.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1975 et réside à Bremgarten, dans le canton de Berne, en Suisse. Il est représenté par Me Joset, avocat.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. A. Chablais, de l’Office fédéral de la justice.
4. F.L., la mère de la fille du requérant L.L., est une ressortissante allemande originaire de la ville de Bonn. L.L. est née en 2008, en Suisse. Depuis la séparation du couple en 2009, elle vécut avec sa mère en Suisse jusqu’à son déménagement en Allemagne en 2016.
5. Le 16 septembre 2014, sur demande du requérant, l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) du canton de Berne attribua l’autorité parentale aux deux parents et la garde à la mère. Le droit de visite du requérant fut fixé à un week-end sur deux, du vendredi soir au dimanche soir, ainsi qu’une fois par mois un jour et trois nuits durant la semaine.
6. Ayant trouvé un emploi à Bonn, F.L. demanda à l’APEA, le 9 décembre 2015, l’autorisation de déplacer la résidence habituelle de L.L. dans cette ville à compter du 1er février 2016 et une nouvelle réglementation des contacts entre L.L. et son père. Le requérant s’opposa à cette demande, sans pour autant solliciter pour lui-même la garde et la prise en charge de l’enfant. Le requérant se prononça sur cette demande le 22 décembre 2015, la curatrice de L.L. prit position le 6 janvier 2016, et les parties furent chacune entendues le 26 janvier 2016, soit cinq jours après que la Cour suprême cantonale de Berne (ci-après « la Cour suprême bernoise ») eut statué sur le recours du requérant concernant son droit de garde.
7. Par une décision du 27 janvier 2016, l’APEA autorisa le déplacement du domicile de L.L. en Allemagne, régla transitoirement la question des vacances et des contacts téléphoniques de l’enfant avec son père et retira l’effet suspensif à un éventuel recours contre sa décision en application de l’article 450c du code civil.
8. F.L. expliqua devant l’APEA qu’elle disposait de meilleures perspectives professionnelles en Allemagne qu’en Suisse et qu’en particulier son nouvel emploi lui permettait de collaborer avec une université. Elle mentionna aussi être originaire de cette ville ; que L.L. âgée de 7 ans était en contact régulier avec ses grands-parents, dont le domicile était proche de son nouveau domicile et pouvait être atteint à pied, ainsi que celui de son frère, le parrain de L.L., et d’autres proches. En outre, une école se serait déclarée prête à accueillir L.L. F.L. prévoyant de travailler dans une école, ses horaires seraient compatibles avec ceux de L.L. et elle ne devrait recourir à des tiers, tels que les grands-parents ou plus tard les parents de camarades d’école, pour s’occuper de sa fille que de manière occasionnelle voir exceptionnelle. L.L. laissa elle-même entendre devant l’APEA qu’elle pouvait aussi bien imaginer un déménagement vers l’Allemagne que de rester en Suisse.
9. Le requérant fit valoir, qu’après le déménagement, L.L. perdrait les contacts étroits entretenus avec lui durant des années, ceux avec ses grands‑parents paternels et sa marraine, ses amitiés scolaires, sa relation au dialecte suisse, aux traditions de ce pays ; qu’il serait mieux à même de la soutenir dans sa scolarité, que de brèves rencontres spontanées ne seraient plus possibles ; que l’autorité parentale commune serait impossible ; et qu’elle ne pourrait pas poursuivre la thérapie qu’elle aurait débutée chez un psychiatre. Le requérant ne demanda pas à exercer seul la garde de L.L. Il fit valoir qu’il pourrait s’occuper d’elle avec l’aide de la grand-mère de L.L. jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue. La seule solution définitive envisagée par lui fut que F.L. renonce à son déménagement.
10. L’APEA considéra que les circonstances ne justifiaient pas un refus du déplacement de la résidence habituelle, qui n’entrait en ligne de compte que si celui-ci devait mettre gravement en danger le bien-être de l’enfant. L’APEA estima que si elle avait renoncé à retirer l’effet suspensif d’un éventuel recours, l’impact aurait été difficile pour L.L. : elle aurait pu se sentir responsable des désagréments causés à sa mère si elle n’avait pas pu déménager pour continuer à exercer la garde ; ou elle aurait été exposée à des changements plus incisifs et répétés dans son cadre de vie si elle avait dû rester en Suisse.
11. La décision prise par l’APEA a été communiquée aux parties le jour même, soit le 27 janvier 2016, par télécopie. F.L. et L.L. ont probablement déménagé en Allemagne l’après-midi du vendredi 29 janvier 2016, L.L. était à l’école le matin, ou durant le week-end, car F.L. devait y débuter son nouveau travail le lundi 1er février 2016.
12. Le 22 février 2016, le requérant recourut contre la décision de l’APEA, pour se plaindre du transfert du domicile de sa fille à l’étranger et de l’absence d’effet suspensif à un éventuel recours, auprès de la Cour suprême bernoise. Celle-ci rejeta le recours par jugement du 23 juin 2016. Elle ne procéda pas à un examen au fond des demandes du requérant, constatant qu’en vertu de l’article 5 alinéa 2 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 (Convention de La Haye de 1996), les autorités suisses n’étaient plus compétentes pour se prononcer suite au déplacement du lieu de résidence de L.L. vers l’Allemagne. La Cour suprême bernoise procéda néanmoins à un examen du recours au fond dans une motivation subsidiaire de son jugement, démontrant pour quelles raisons les demandes auraient dû être rejetées même si elles avaient été recevables. Elle rappela la pratique selon laquelle les demandes de déplacement du lieu de résidence d’un enfant sont en principe approuvées, dans la mesure où elles sont compatibles avec l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour suprême bernoise releva que le déménagement de L.L. vers l’Allemagne permettrait de maintenir la prise en charge principale par la mère de celle-ci ; que les déménagements d’enfants avec un seul ou les deux parents sont courants et ne mettent pas, en soi, en danger le bien de l’enfant ; que F.L. avait passé la majorité de son enfance à Bonn et qu’elle y avait de la parenté, des amis et un emploi ; que le déménagement reposait ainsi sur des motifs objectifs et qu’il ne s’agissait pas d’un acte chicanier à l’encontre du requérant ; qu’une prise en charge principale de L.L. par le requérant serait plus incisive pour l’enfant que le déménagement avec sa mère, qui s’occupait déjà majoritairement d’elle ; et que les désavantages pour F.L., si elle était tenue de rester en Suisse, seraient plus importants que ceux que subirait le requérant en raison du déménagement (consid. 13‑17).
13. Le requérant contesta cet arrêt auprès du Tribunal fédéral. Il invoqua les articles 29a et 30 de la Constitution (paragraphe 15 ci-dessous), l’article 301a du code civil (paragraphe 16 ci-dessous) et l’article 6 de la Convention pour se plaindre de l’impossibilité de saisir un tribunal national contre la décision de l’APEA, autorité administrative, ayant autorisé le transfert du domicile de sa fille à l’étranger, au domicile de sa mère, qui a entraîné le transfert de la compétence internationale à cet État, et décidé de l’absence d’effet suspensif d’un éventuel recours. Il invoqua aussi l’article 13 de la Convention et l’article 301a du code civil pour se plaindre de l’absence d’un recours effectif en Suisse. Et il contesta la légalité de la modification du lieu de résidence de sa fille.
14. Le Tribunal fédéral rejeta le recours du requérant le 23 mars 2017. Comme la Cour suprême bernoise, le Tribunal fédéral constata que les autorités suisses n’avaient plus la compétence internationale pour se prononcer et examina, dans un raisonnement subsidiaire, si la suppression de l’effet suspensif dans les cas de transfert de la compétence internationale est possible et si les critères pour approuver le déménagement de L.L. étaient remplis. Le Tribunal fédéral mentionna la nécessité de l’urgence pour décider de l’absence d’effet suspensif à un éventuel recours (consid. 4). Il reconnut que l’APEA est une autorité administrative, et non un tribunal au sens de la loi, mais que cela ne signifiait pas en soi la violation du droit d’accès à un tribunal étant donné qu’il existait une possibilité de recours auprès de la Cour suprême bernoise (consid. 5.4). Le Tribunal fédéral souligna en outre l’urgence du déménagement de F.L. (consid. 6.3). Le Tribunal fédéral nota que le requérant aurait pu contester la décision de l’APEA dès sa notification, demander l’octroi de l’effet suspensif à titre superprovisionnel avec une motivation succincte et promettre un exposé détaillé des motifs du recours dans le délai de 30 jours (consid. 6.3). Il constata aussi que le requérant disposait toujours d’un recours en Allemagne pour soumettre la question du lieu de résidence le plus approprié pour l’enfant (consid. 6.3). Le Tribunal fédéral rappela que, conformément à sa jurisprudence afférente à l’article 301a du code civil, la liberté d’établissement interdisait de retenir F.L. en Suisse. En l’espèce, celle-ci détenant la garde de L.L. et s’occupant majoritairement d’elle, le déménagement devrait être approuvé, puisqu’il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant de continuer à vivre avec sa principale personne de référence. Le Tribunal fédéral rappela également que L.L. avait des proches parents à Bonn et que sa thérapie pouvait y être poursuivie sans difficulté (consid. 7).
LE CADRE JURIDIQUE PERTINENT
I. LE DROIT INTERNE PERTINENT
15. La Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (« la Constitution fédérale », Recueil systématique du droit fédéral suisse (« RS ») 101) :
Article 29a – Garantie de l’accès au juge
« 1 Toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l’accès au juge dans des cas exceptionnels. »
Article 30 – Garantie de procédure judiciaire
« 1 Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compètent, indépendant et impartial. Les tribunaux d’exception sont interdits.
2 La personne qui fait l’objet d’une action civile a droit à ce que sa cause soit portée devant le tribunal de son domicile. La loi peut prévoir un autre for.
(…). »
16. Le code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210) en vigueur à l’époque des faits :
Article 301a – Détermination du lieu de résidence
« 1 L’autorité parentale inclut le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant.
2 Un parent exerçant conjointement l’autorité parentale ne peut modifier le lieu de résidence de l’enfant qu’avec l’accord de l’autre parent ou sur décision du juge ou de l’autorité de protection de l’enfant dans les cas suivants :
a. le nouveau lieu de résidence se trouve à l’étranger ;
b. le déménagement a des conséquences importantes pour l’exercice de l’autorité parentale par l’autre parent et pour les relations personnelles.
(…)
5 Si besoin est, les parents s’entendent, dans le respect du bien de l’enfant, pour adapter le régime de l’autorité parentale, la garde, les relations personnelles et la contribution d’entretien. S’ils ne peuvent pas s’entendre, la décision appartient au juge ou à l’autorité de protection de l’enfant. »
Article 314 – Général
« 1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie.
(…) »
Article 450 – Objet du recours et qualité pour recourir
« 1 Les décisions de l’autorité de protection de l’adulte peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge compètent.
(…) »
Article 450a – Motifs
« 1 Le recours peut être formé pour :
1. violation du droit ;
2. constatation fausse ou incomplète des faits pertinents ;
3. inopportunité de la décision.
(…) »
Article 450c – Effet suspensif
« Le recours est suspensif, à moins que l’autorité de protection de l’adulte ou l’instance judiciaire de recours n’en décide autrement. »
17. L’article 265 du code de procédure civile suisse (CPC) du 19 décembre 2008 règlemente les mesures superprovisionnelles :
« 1 En cas d’urgence particulière, notamment lorsqu’il y a risque d’entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse.
2 Le tribunal cite en même temps les parties à une audience qui doit avoir lieu sans délai ou impartit à la partie adverse un délai pour se prononcer par écrit. Après avoir entendu la partie adverse ; le tribunal statue sur la requête sans délai
(…) »
II. LE DROIT INTERNATIONAL PERTINENT
18. Les dispositions pertinentes de la Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, adoptée dans le cadre de la Conférence de La Haye de Droit international privé (la Convention de la Haye de 1996), ratifiée par la Suisse le 27 mars 2009 et entrée en vigueur le 1er juillet 2009, se lisent comme suit :
Article 5
« 1. Les autorités, tant judiciaires qu’administratives, de l’État contractant de la résidence habituelle de l’enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens.
2. Sous réserve de l’article 7, en cas de changement de résidence habituelle de l’enfant dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l’État de la nouvelle résidence habituelle. »
Article 7
« 1. En cas de déplacement ou de non-retour illicite de l’enfant, les autorités de l’État contractant dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour conservent leur compétence jusqu’au moment où l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État et que :
(…)
3. Tant que les autorités mentionnées au paragraphe premier conservent leur compétence, les autorités de l’État contractant où l’enfant a été déplacé ou retenu ne peuvent prendre que les mesures urgentes nécessaires à la protection de la personne ou des biens de l’enfant, conformément à l’article 11. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
19. Le requérant se plaint que le fond de l’affaire n’a été examiné que par une autorité administrative, l’APEA, qui a autorisé le transfert du domicile de l’enfant à l’étranger et a décidé de l’absence d’effet suspensif d’un éventuel recours.
20. De plus, le requérant se plaint de ne pas avoir eu accès à un tribunal national pour contester au fond la décision de l’APEA et rétablir l’effet suspensif du recours. Les juridictions suisses étaient incompétentes pour traiter de ses recours car le transfert du domicile de l’enfant en Allemagne a aussi entraîné le transfert de la compétence internationale à cet État.
21. Le requérant invoque l’article 6 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (…), par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, (…). »
A. Sur la recevabilité
1. Sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention
22. La Cour note d’emblée que les parties ne contestent pas l’applicabilité du volet civil de l’article 6 de la Convention. La Cour estime que cette disposition trouve manifestement à s’appliquer.
2. Sur l’exception d’irrecevabilité tirée du défaut manifeste de fondement
23. Le Gouvernement soulève l’exception d’irrecevabilité tirée du défaut manifeste de fondement du grief.
24. La Cour estime que les arguments présentés concernant cette exception soulèvent des questions appelant un examen au fond du grief tiré de l’article 6 de la Convention et non un examen de la recevabilité de ce grief (Gürbüz et Bayar c. Turquie, no 8860/13, § 26, 23 juillet 2019, Önal c. Turquie (no 2), no 44982/07, § 22, 2 juillet 2019, et Mart et autres c. Turquie, no 57031/10, § 20, 19 mars 2019).
25. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Argument des parties
a) Le requérant
26. Pour le requérant, l’APEA est une autorité administrative. Ceci a été établi par le Tribunal fédéral dans son arrêt en l’espèce du 23 mars 2017 (paragraphe 13 ci‑dessus).
27. Le requérant soutient qu’il n’a pas eu accès à un tribunal suite à la décision de l’autorité administrative « APEA » du 27 janvier 2018, déclarée immédiatement exécutoire. Pour le requérant, l’APEA n’aurait pas dû décider de l’absence d’effet suspensif d’un éventuel recours.
28. Le requérant expose qu’il n’y avait pas d’urgence manifeste pour la mère. L’urgence évoquée par le Gouvernement est uniquement basée sur le court délai dont disposait l’APEA pour rendre sa décision sachant que F.L. lui avait soumis sa requête le 9 décembre 2015 soit sept semaines avant son départ en Allemagne planifié pour le 1er février 2016 au plus tard, jour du début de son nouveau travail.
29. Pour le requérant, ce court délai prouve que F.L. n’avait pas pris sa décision d’accepter son nouveau travail dans cet État en considération du bien-être de son enfant et de la relation de celle-ci avec son père. Le 6 janvier 2016, la curatrice de L.L avait écrit qu’elle déconseillait fortement que L.L. déménage.
30. En outre, le requérant soutient que la décision de l’APEA a été rendue immédiatement exécutoire dans le seul intérêt de la mère de pouvoir commencer son nouveau travail. L’absence d’effet suspensif appliquée à ce type de situation est pour le requérant extrêmement préoccupant et inacceptable, en dehors du fait que l’APEA ne fournit aucune raison pour le justifier.
31. Pour le requérant, il n’y avait pas de circonstances qui permettaient à la Suisse de restreindre le droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 6 de la Convention.
32. En outre, le requérant soutient que le départ rapide de F.L. a créé de nouveaux faits, tels que l’entrée à l’école de L.L. dans une nouvelle école dans son nouveau lieu de résidence, ses nouveaux contacts et liens sociaux, qui auraient porté préjudice à toute nouvelle procédure judiciaire et mis en péril la situation juridique du requérant. Ainsi ces faits, considérés comme un « fait accompli », ont sérieusement compromis les chances du requérant d’être entendu par un tribunal en Allemagne. Le requérant estime donc qu’il avait le droit à ce qu’un tribunal suisse examine la légalité du départ de F.L. à l’étranger dans le contexte d’un contentieux classique de droit civil.
33. Le requérant considère que dès lors que les deux parents ont prouvé être capables de prendre soin de l’enfant, et qu’ils souhaitent continuer de le faire, comme en l’espèce, le principe de continuité prévaut. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un changement de résidence, sauf dans des circonstances spéciales, ne doit pas se produire durant les procédures et les enfants doivent être autorisés à rester dans leur environnement familier jusqu’à ce qu’une décision en appel soit rendue (ATF 142 III 498 E consid. 4.5, 143 III 193 consid. 4, et 5A 520/2017 consid. 3.2).
34. Enfin, le requérant soutient que l’effet suspensif n’aurait pas pu être rétabli par la Cour suprême bernoise s’il avait fait de suite son recours. La décision prise par l’APEA a été communiquée aux parties le mercredi 27 janvier 2016. F.L. et L.L. ont probablement déménagé en Allemagne l’après-midi du vendredi 29 janvier 2016, L.L. était à l’école le matin, ou durant le week-end, car F.L. devait y débuter son nouveau travail le lundi 1er février 2016. Même si son avocat avait soumis une demande injonctive exigeant le rétablissement de l’effet suspensif dans l’après-midi du jeudi 28 janvier 2016 ou le vendredi 29 janvier 2016 matin, une injonction n’aurait pas pu raisonnablement avoir été émise par la Cour suprême bernoise avant le week-end. Le président de la juridiction aurait d’abord dû consulter et étudier le dossier avant de rendre sa décision, et cela aurait nécessité plus que les quelques heures du vendredi après-midi. En outre, l’injonction aurait aussi dû être communiquée à la mère avant que celle-ci ne parte en Allemagne.
b) Le Gouvernement
35. Le Gouvernement ne conteste pas le caractère d’autorité administrative de l’APEA.
36. Le Gouvernement considère que, bien que la compétence internationale pour le fond du litige ait été déplacée vers l’Allemagne, le requérant a pu contester la décision de l’APEA auprès de la Cour suprême bernoise, laquelle bénéficiait d’un pouvoir d’examen complet en fait et en droit en application de l’article 314 alinéa 1 en relation avec l’article 450a alinéa 1 du code civil, puis saisir le Tribunal fédéral. Ces deux juridictions constituent des tribunaux au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
37. Ces juridictions ont constaté qu’elles ne disposaient pas de la compétence internationale pour se prononcer sur le fond de l’affaire. Néanmoins, dans une motivation subsidiaire circonstanciée, elles ont examiné les griefs du requérant et précisé pourquoi, si elles avaient été compétentes pour se prononcer, les recours auraient dû être rejetés. Ainsi, pour le Gouvernement, le requérant a tout de même bénéficié d’une appréciation matérielle de ses griefs par les juridictions de recours internes.
38. Le Gouvernement soutient que le déplacement de la compétence internationale vers l’Allemagne dans la présente affaire découle directement des règles de droit international privé applicables, à savoir de l’article 5 alinéa 2 de la Convention de La Haye de 1996. Selon cette disposition, en cas de changement de résidence habituelle de l’enfant dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l’État de la nouvelle résidence habituelle.
39. Il ne fait pas de doute pour le Gouvernement que la résidence habituelle de L.L. avait changé puisque celle-ci avait déménagé avec F.L. Il soutient que pour le Tribunal fédéral, la résidence peut devenir habituelle au sens de l’article 5 de la Convention de La Haye de 1996 immédiatement après le déplacement lorsque, comme en l’espèce, il est prévu qu’elle dure et qu’elle remplace la résidence précédente, et si l’enfant déménage avec le parent qui en exerce la garde.
40. Ainsi, le Gouvernement considère que la Suisse avait donc l’interdiction, en vertu d’une règle parfaitement claire figurant dans une convention internationale, de poursuivre l’examen de l’affaire dès le changement de résidence habituelle de la mère et de son enfant. Le Gouvernement demande donc que la Convention s’interprète en l’espèce en tenant compte de la Convention de La Haye de 1996.
41. Le Gouvernement soutient que l’APEA a motivé son choix d’absence d’effet suspensif d’un éventuel recours dans sa décision. L’APEA a considéré que « comme le temps presse – F.L. souhaite débuter son nouvel emploi à Bonn déjà lundi prochain – l’effet suspensif doit être retiré à un éventuel recours ». Elle a ainsi expressément mentionné les motifs de l’urgence particulière qui commandaient, en l’espèce, de procéder de la sorte. De plus, si elle peut paraître brève, cette motivation est parfaitement compréhensible au vu de l’ensemble des circonstances telles qu’elles ressortent de la décision.
42. Pour le Gouvernement, au moment de la décision de l’APEA en l’espèce, le Tribunal fédéral ne s’était pas encore prononcé sur l’interprétation de l’article 301a du code civil, entré en vigueur le 1er juillet 2014. Il avait toutefois considéré sous l’ancien droit que le déménagement de l’enfant avec le parent qui en exerçait seul la garde ne pouvait pas être refusé pour la seule raison que cela rendrait plus difficile l’exercice du droit de visite de l’autre parent. Plusieurs auteurs avaient également souligné que le bien-être de l’enfant n’est pas le seul déterminant dans l’application de l’article 301a du code civil, les intérêts du parent qui en détient la garde devant être pris en compte. Selon eux, un refus du déménagement n’entre en ligne de compte que lorsque celui-ci mettrait gravement en danger le bien-être de l’enfant. Cet argument a été repris par l’APEA dans sa décision (paragraphe 10 ci‑dessus). Le Gouvernement estime que le recours du requérant était voué à l’échec en l’absence de danger en l’espèce. Si l’APEA avait renoncé à retirer l’effet suspensif, l’impact aurait été difficile pour L.L. (paragraphe 10 ci‑dessus).
43. Le Gouvernement explique que rien n’indique qu’après avoir obtenu son nouveau poste de travail, F.L. ait tardé à déposer sa demande à l’APEA. Son contrat de travail n’a été signé que le 7 janvier 2016. En outre l’APEA n’a pas indûment retardé la procédure (paragraphe 7 ci‑dessus). En tout état de cause, même si la procédure avait été menée avec encore plus de diligence, cela n’aurait pas suffi pour que tous les recours disponibles soient épuisés avant le début du nouvel emploi de F.L.
44. Pour le Gouvernement, la demande du requérant selon laquelle les autorités internes auraient dû accorder l’effet suspensif à ses recours afin d’éviter que F.L. ne puisse transférer la résidence habituelle de L.L. avant l’entrée en force de l’autorisation du déplacement, n’avait pour seul objectif d’assurer la compétence des autorités suisses pour toute la durée de la procédure et donc d’éviter les conséquences de l’application de l’article 5 alinéa 2 de la Convention de La Haye de 1996. De l’avis du Gouvernement, une telle démarche n’aurait pas été cohérente avec l’esprit de la Convention de La Haye de 1996 qui offre un cadre international s’agissant des aspects transfrontières de la protection des enfants, en particulier afin d’offrir une meilleure protection aux enfants concernés et le sens de cette disposition.
45. En outre, le Gouvernement soutient que si les juridictions suisses n’avaient plus la compétence internationale pour examiner les recours du requérant, celui-ci pouvait néanmoins engager une nouvelle procédure auprès des autorités allemandes compétentes, dans sa langue. Certes, une telle démarche peut nécessiter davantage d’efforts en raison de la distance et de différences quant au droit et à la procédure applicables. De tels obstacles ne sont toutefois pas insurmontables et, dans la pratique, il arrive régulièrement que, dans des litiges transfrontières, une personne se voie contrainte d’agir dans un autre État pour faire valoir ses droits. Aussi, la garantie d’un accès sans lacune à un tribunal dans des situations transnationales constitue un objectif principal de la Convention de La Haye de 1996.
46. D’une manière générale, le Gouvernement considère que la Convention des droits de l’homme ne saurait être interprétée de sorte qu’il fasse obstacle à l’application de l’article 5 alinéa 2 de la Convention de la Haye de 1996. Ces deux dispositions doivent au contraire être interprétées de manière harmonisée, de façon à pouvoir se concilier en pratique.
47. Pour le Gouvernement, la Convention de La Haye de 1996 offre un cadre international s’agissant des aspects transfrontaliers de la protection des enfants pour leur offrir la meilleure des protections. Le transfert de la compétence internationale en cas de déplacement de la résidence habituelle de l’enfant en cas d’affaire pendante a été considéré comme la meilleure des solutions pour répondre à cet objectif. La proximité des autorités avec le lieu dans lequel évolue l’enfant leur permet de mieux apprécier l’ensemble des circonstances qui se rapportent à la demande de protection.
48. Le Gouvernement considère qu’en agissant avec la diligence requise, le requérant aurait pu soumettre la question de l’effet suspensif à la Cour suprême bernoise le jour même de la notification de la décision de l’APEA, soit le 27 janvier 2016, et non attendre le 22 février 2016, sachant que F.L. commençait son nouveau travail en Allemagne le 1er février 2016. En effet, il estime qu’il aurait pu déposer immédiatement un recours, même sommairement motivé, étant entendu qu’il lui aurait été possible de compléter la motivation de ce recours durant le délai de recours ordinaire de 30 jours. Dès le moment où un recours est interjeté contre la décision de l’APEA, la compétence pour statuer sur l’effet suspensif passe à la juridiction de recours, en l’espèce la Cour suprême bernoise. Au vu de l’urgence, la juridiction aurait pu rétablir l’effet suspensif sans tarder avec une mesure superprovisionnelle en application de l’article 265 alinéa 1 du CPC (paragraphe 17 ci‑dessus). En agissant le jour même, le requérant aurait ainsi pu soumettre la question de l’effet suspensif à un tribunal avant le départ de L.L. et de F.L. vers l’Allemagne. Si la Cour suprême bernoise avait demandé en référé le rétablissement de l’effet suspensif avec effet ex tunc, le déménagement de l’enfant aurait été considéré comme illicite et la compétence des autorités suisses à statuer aurait été maintenue en vertu de l’article 7 alinéa 3 de la Convention de La Haye de 1996 (paragraphe 18 ci‑dessus). Une telle possibilité de saisine à titre superprovisionnel n’a pas à figurer expressément dans l’indication des voies de droit figurant dans la décision attaquée et ne saurait du reste être déduite de l’article 6 § 1 de la Convention (Avotiņš c. Lettonie [GC], no 17502/07, § 123, CEDH 2016).
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
49. La Cour rappelle que le droit d’accès à un tribunal – c’est‑à‑dire le droit de saisir un tribunal en matière civile – constitue un élément inhérent au droit énoncé à l’article 6 § 1 de la Convention, qui pose les garanties applicables en ce qui concerne tant l’organisation et la composition du tribunal que la conduite de la procédure. Le tout forme le droit à un procès équitable protégé par l’article 6 § 1 (Golder c. Royaume‑Uni, 21 février 1975, § 36, série A no 18). Toutefois, le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu. Il peut être soumis à des limitations pour autant que celles-ci ne restreignent ni ne réduisent l’accès de l’individu au juge d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, ces limitations ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Nicolae Virgiliu Tănase c. Roumanie [GC], no 41720/13, § 195, 25 juin 2019, Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 230, CEDH 2012, et Markovic et autres c. Italie [GC], no 1398/03, § 99, CEDH 2006‑XIV).
b) Application des principes au cas d’espèce
50. La Cour estime approprié d’aborder le grief tiré du droit d’accès en répondant successivement aux questions qui suivent : (i) Quel est l’objet du litige à trancher par la Cour ? (ii) Le requérant a-t-il subi une limitation du droit d’accès à un tribunal ? (iii) La limitation de ce droit était-elle justifiée ?
51. À titre liminaire, la Cour constate que le requérant affirme que l’APEA est une autorité administrative, et non un tribunal au sens de la loi (paragraphe 26 ci‑dessus), ce que le Gouvernement ne conteste pas d’ailleurs (paragraphe 35 ci‑dessus). En outre, le Tribunal fédéral l’a confirmé dans son arrêt du 23 mars 2017 (paragraphe 13 ci‑dessus). Ainsi, la Cour ne voit pas de motif d’en décider autrement.
i. Définition de l’objet du litige pendant
52. La Cour constate que le requérant a tenté de contester la décision de l’APEA devant la Cour suprême bernoise et le Tribunal fédéral. Cependant, l’APEA avait décidé de l’absence d’effet suspensif d’un éventuel recours en application de l’article 450c du code civil (paragraphes 7‑16 ci-dessus). Ainsi, la décision de l’APEA étant immédiatement exécutoire, F.L. a déménagé avec L.L. en Allemagne dans les jours qui suivirent cette décision (paragraphe 11 ci‑dessus). Le changement de lieu de résidence a entraîné le transfert de la compétence internationale à cet État et donc l’incompétence des juridictions suisses pour connaître des recours du requérant en application de l’article 5 de la Convention de La Haye de 1996 (paragraphe 18 ci‑dessus). Par conséquent, suite au recours du requérant contre la décision de l’APEA, la Cour suprême bernoise a constaté dans son arrêt du 23 juin 2016 qu’elle n’était plus compétente pour se prononcer sur le recours, traiter de la demande de rétablissement de l’effet suspensif et du fond de l’affaire (paragraphe 12 ci‑dessus). Le 23 mars 2017, le Tribunal fédéral confirma la décision de la Cour suprême bernoise (paragraphe 13 ci‑dessus).
53. La question qui se pose à la Cour dans ce contexte est de savoir si le requérant a été privé d’un accès effectif à un tribunal au sens de l’article 6 § 1 de la Convention par le biais du retrait de l’effet suspensif à un éventuel recours qui a entraîné l’incompétence des tribunaux suisses.
ii. Limitation du droit d’accès à un tribunal
54. La Cour est amenée à examiner si le requérant a subi une limitation de son droit d’accès à un tribunal. Elle rappelle, à cet égard, que chaque justiciable a droit à ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. C’est ainsi que l’article 6 § 1 de la Convention consacre le droit à un tribunal, dont le droit d’accès, à savoir le droit de saisir un tribunal en matière civile, constitue un aspect particulier (Naït‑Liman c. Suisse [GC], no 51357/07, § 113, 15 mars 2018, avec autres références). La Cour estime que le requérant a en effet subi une limitation de son droit d’accès à un tribunal qui a été causée par le retrait par l’APEA de l’effet suspensif à un éventuel recours et a été matérialisée par la déclaration d’incompétence des tribunaux nationaux.
iii. Justification de la limitation
55. La question suivante que la Cour est amenée à trancher est celle de savoir si la restriction du droit d’accès à la Cour suprême bernoise poursuivait un but légitime. La Cour observe qu’il se dégage des observations du Gouvernement (paragraphe 42 ci‑dessus) que l’absence d’effet suspensif d’un éventuel recours avait pour but légitime de protéger les droits et libertés de la mère et de l’enfant du requérant.
56. Quant au rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, une décision portant incompétence d’un tribunal n’enfreint pas le droit d’accès à un tribunal si les arguments de l’intéressé en faveur de la compétence du tribunal ont fait l’objet d’un examen réel et effectif et si le tribunal a motivé de manière adéquate les raisons sur lesquelles sa décision est fondée (dans ce sens, Obermeier c. Autriche, 28 juin 1990, § 68, série A no 179, et Konkurrenten.no AS c. Norvège (déc.), no 47341/15, §§ 46‑47, 5 novembre 2019).
57. C’est dans le cadre d’un contrôle européen limité que la Cour appréciera la décision de la Cour suprême bernoise, entérinée par le Tribunal fédéral.
58. Le Gouvernement considère que le requérant a pu contester la décision de l’APEA auprès de la Cour suprême bernoise, puis saisir le Tribunal fédéral qui constituent des tribunaux au sens de l’article 6 § 1 de la Convention et bénéficiaient d’un pouvoir d’examen complet en fait et en droit en application de l’article 314 alinéa 1 en relation avec l’article 450a alinéa 1 du code civil (paragraphe 36 ci‑dessus). En outre, le Gouvernement estime que le requérant a bénéficié d’une appréciation matérielle de ses griefs dans les motivations circonstanciées subsidiaires des juridictions de recours internes à leurs déclarations d’incompétence (paragraphe 37 ci‑dessus).
59. Cependant, la Cour est d’avis que ces juridictions, s’étant déclarées incompétentes, n’ont pas pu réaliser un examen effectif et complet en fait et en droit, lors d’un examen contradictoire de l’affaire au cours d’un procès équitable respectant les garanties de l’article 6 § 1 de la Convention.
60. La Cour reconnaît, en outre, que l’étendue de la marge d’appréciation accordée à l’État peut dépendre notamment du droit international pertinent en la matière (Naït‑Liman c. Suisse [GC], précité, §§ 173‑174).
61. Les arrêts de la Cour suprême bernoise et du Tribunal fédéral se fondent sur la Convention de La Haye de 1996, qui est incorporée au droit suisse (paragraphe 18 ci‑dessus), suite au déplacement de la résidence habituelle de L.L. en Allemagne par l’APEA.
62. La Convention de La Haye de 1996 ne s’applique qu’aux situations dans lesquelles il y a eu un déplacement du lieu de résidence habituelle d’un enfant au sens de l’article 5 de ladite convention (paragraphe 18 ci‑dessus).
63. La Cour considère donc que les arrêts de ces juridictions ayant déclaré leur incompétence, en application de l’article 5 de la Convention de La Haye de 1996, n’étaient pas arbitraires et peuvent être justifiés si l’on considère seulement l’aspect du changement accompli de la résidence habituelle (comparer Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], no 42527/98, §§ 62-65, 12 juillet 2001).
64. Cependant, le retrait de l’effet suspensif à un éventuel recours a été décidé par l’APEA, qui est une autorité administrative, sans que la Cour suprême bernoise puis le Tribunal fédéral n’aient pu remédier à cette situation.
65. La Cour rappelle que l’article 6 § 1 exige que, dans la détermination des droits et obligations civils, les décisions prises par les autorités administratives qui ne satisfont pas elles-mêmes aux exigences de cet article – comme c’est le cas en l’espèce avec l’APEA (paragraphe 51 ci‑dessus) – doivent faire l’objet d’un contrôle ultérieur par un « organe judiciaire de pleine juridiction », y compris le pouvoir d’annuler à tous égards, sur des questions de fait et de droit, la décision contestée (voir Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal [GC], nos 55391/13 et 2 autres, § 132 in fine, 6 novembre 2018).
66. Dans le cas d’espèce, la Cour estime que le contrôle effectif ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction national a été exclu par l’APEA qui a décidé de l’absence d’effet suspensif à un éventuel recours contre sa décision. La Cour suprême bernoise puis le Tribunal fédéral se sont en effet déclarés incompétents pour traiter des recours du requérant.
67. La Cour est bien consciente qu’il existe des situations exceptionnelles, dûment justifiées par l’intérêt supérieur de l’enfant, dans lesquelles l’urgence particulière commande que le parent concerné puisse changer le domicile de l’enfant sans devoir attendre le jugement définitif au fond. Dans de tels cas, il est suffisant mais nécessaire qu’une procédure effective de recours avec des mesures provisionnelles soit à disposition. Il n’est dès lors pas exclu que les autorités administratives retirent exceptionnellement l’effet suspensif à un éventuel recours. Toutefois, dans de telles circonstances, il faut qu’il soit assuré que le parent concerné ait la possibilité de s’adresser à un juge avant que le retrait de l’effet suspensif n’entre en vigueur et qu’il soit rendu attentif à la procédure à suivre.
68. L’APEA dans sa décision du 27 janvier 2016 (paragraphe 10 ci‑dessus) et le Gouvernement (paragraphe 41 ci‑dessus) ont justifié l’urgence qui commandait le retrait de l’effet suspensif à un éventuel recours à savoir l’intérêt supérieur de L.L. pour laquelle l’APEA souhaitait éviter l’impact difficile qu’aurait pu avoir un éventuel recours. La Cour estime que les raisons de l’urgence invoquées en l’espèce n’étaient pas assez graves pour justifier que le requérant n’ait pas eu la possibilité de s’adresser à un juge avant que le retrait de l’effet suspensif n’entre en vigueur. Cela d’autant plus s’agissant d’une procédure relevant du droit de la famille, susceptible d’avoir des conséquences très graves et délicates pour le requérant dans la mesure où des questions du future rapport avec son enfant ainsi que ses droits vis-à-vis de ce dernier étaient directement en jeu (voir, mutatis mutandis, Gajtani c. Suisse, no 43730/07, § 75, 9 septembre 2014, et Assunção Chaves c. Portugal, no 61226/08, § 82, 31 janvier 2012).
69. Le Gouvernement (paragraphe 48 ci-dessus), tel que le Tribunal fédéral (consid. 6.3, paragraphe 13 ci-dessus), considère que le requérant aurait pu demander la restitution de l’effet suspensif à la Cour suprême bernoise, le jour même de la notification de la décision de l’APEA, soit le 27 janvier 2016, et non attendre le 22 février 2016, sachant que F.L. commençait son nouveau travail en Allemagne le 1er février 2016. En effet, il estime que si la Cour suprême bernoise avait accédé à la demande du requérant, la compétence internationale de la Suisse pour le fond de l’affaire aurait été maintenue. En tout état de cause, ce moyen lui aurait permis de faire examiner par une autorité judiciaire le risque d’un transfert de la compétence internationale vers l’Allemagne. Selon le Gouvernement, la possibilité de saisine à titre superprovisionnel n’a pas à figurer expressément dans l’indication des voies de droit figurant dans la décision attaquée et ne saurait du reste être déduite de l’article 6 § 1 de la Convention (paragraphe 48 ci‑dessus).
70. Selon le requérant, il n’aurait pas pu demander la restitution de l’effet suspensif préalablement au départ de L.L. au regard du temps dont le président de la Cour suprême bernoise devait disposer pour rendre sa décision et donc de l’impossibilité de la communiquer à la mère avant son départ en Allemagne (paragraphe 34 ci‑dessus).
71. En l’espèce, la Cour peut donc se poser la question du temps que le requérant a pris pour réaliser son recours devant la Cour suprême bernoise, soit presque un mois, au regard de la date de la notification de la décision et de sa connaissance de la date de début du nouveau travail de F.L. en Allemagne. Le requérant n’a donc a priori pas utilisé une voie de recours existante en théorie dans un délai raisonnable.
72. La Cour reconnaît qu’il incombait au requérant après qu’il eut pris connaissance de la décision litigieuse de s’enquérir lui-même, en s’entourant au besoin de conseils éclairés, des recours disponibles (Avotiņš, précité, § 123). Cependant, la recherche des recours disponibles contre la décision de l’APEA, après avoir eu connaissance de celle-ci le jour de sa notification le mercredi 27 janvier 2016, en présence d’une situation juridique complexe, a pu demander un certain temps au requérant et à son avocat. Tout en admettant que ce ne soit pas un argument valable en soi, la Cour reconnaît qu’il ne leur restait donc que trop peu de temps pour introduire la demande de saisine à titre superprovisionnel et a fortiori obtenir une décision juridictionnelle, préalablement au départ de F.L. avec L.L en Allemagne qui s’est probablement réalisé l’après-midi du vendredi 29 janvier 2016 (paragraphes 11 et 34 ci-dessus) sachant que F.L. commençait son nouveau travail en Allemagne le lundi 1er février 2016.
73. Autrement dit, il n’est pas entièrement exclu, mais peu probable qu’une réaction précipitée et sans aucune réflexion du requérant pour saisir la Cour suprême bernoise aurait permis de sauvegarder la juridiction de la Suisse et l’accès à un tribunal. Dans ces circonstances, la Cour est donc d’avis que le requérant n’a pas été assuré d’avoir la possibilité de s’adresser à un juge avant que le retrait de l’effet suspensif n’entre en vigueur et qu’il n’a pas été rendu attentif à la procédure à suivre (paragraphe 67 ci-dessus).
74. Aussi, le Gouvernement, en l’espèce, n’a pas fait la preuve de la mise en œuvre et de l’efficacité pratique des recours qu’il suggère dans les circonstances particulières de la cause, avec des exemples de jurisprudence pertinente des tribunaux nationaux dans une affaire analogue (Karácsony et autres c. Hongrie [GC], nos 42461/13 et 44357/13, §§ 75-82, 17 mai 2016, Parrillo c. Italie [GC], no 46470/11, §§ 87‑105, CEDH 2015, et Scoppola c. Italie (no 2) [GC], no 10249/03, § 71, 17 septembre 2009).
75. La Cour estime que, dans les circonstances de l’espèce, il y a donc lieu de rejeter l’argument du Gouvernement (paragraphe 69 ci-dessus).
76. La Cour considère par conséquent que le requérant n’a pas pu avoir accès à un tribunal national, avant le départ en Allemagne de F.L. avec L.L., pour demander le rétablissement de l’effet suspensif et pour contester, le cas échéant, effectivement la décision de l’autorité administrative « APEA » au fond.
77. Compte tenu de ce qui précède, le droit d’accès à un tribunal était atteint dans sa substance même par la décision de l’APEA de retirer l’effet suspensif au recours du requérant, suivi du départ en Allemagne de F.L. avec L.L., qui a entrainé l’incompétence des tribunaux suisses à travers le transfert de la compétence internationale vers l’Allemagne. Cette limitation au droit d’accès à un tribunal était disproportionnée au but poursuivi, à savoir la protection des droits et libertés de la mère et de l’enfant du requérant, au regard de l’importance pour le requérant des questions soulevées par la procédure litigieuse.
78. La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention quant au droit d’accès à un tribunal.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
79. Le requérant se plaint de ne pas avoir disposé d’un recours effectif devant une instance nationale pour se plaindre de la décision de l’APEA, autorité administrative, étant donné l’absence d’effet suspensif du recours contre cette décision qui a entraîné le déplacement de la compétence internationale à l’Allemagne, suite au déménagement de son enfant dans cet État.
80. Il invoque l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 8, qui sont ainsi libellés :
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Article 8
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (…).
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (…) à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
81. Le Gouvernement considère que, bien que la compétence internationale pour le fond du litige ait été déplacée vers l’Allemagne, le requérant a pu contester la décision de l’APEA auprès de la Cour suprême bernoise, laquelle bénéficiait d’un pouvoir d’examen complet en fait et en droit en application de l’article 314 alinéa 1 en relation avec l’article 450a alinéa 1 du code civil, puis saisir le Tribunal fédéral.
82. La Cour rappelle que l’article 13 de la Convention n’entre en ligne de compte que lorsqu’un requérant a un « grief défendable » sous l’angle d’une autre disposition de la Convention ou de ses Protocoles (voir, parmi d’autres, Gebremedhin c. France, no 25389/05, § 53, CEDH 2007-II).
83. La Cour doit donc rechercher si le grief que le requérant tire de l’article 8 était « défendable ». Elle rappelle qu’un grief peut être considéré comme étant défendable dès lors qu’il n’est pas manifestement mal fondé et qu’il nécessite un examen au fond (Çelik et İmret c. Turquie, no 44093/98, § 57, 26 octobre 2004).
84. Au vu de l’ensemble des faits et des arguments avancés par le requérant devant les tribunaux nationaux et réitérés devant elle, la Cour estime que l’intéressé a formulé un grief défendable sur le terrain de l’article 8 de la Convention. Ses allégations de méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée garanti par cette disposition appelaient manifestement un examen circonstancié et l’intéressé devait pouvoir les défendre devant les instances nationales conformément aux exigences de l’article 13, lequel trouve donc à s’appliquer (Stelian Roşca c. Roumanie. no 5543/06, § 95, 4 juin 2013).
85. À la lumière de ces éléments, la Cour constate que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et relève qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
86. Compte tenu des conclusions auxquelles elle est parvenue sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention (paragraphe 78 ci‑dessus), la Cour ne décèle pas de question distincte dans ce grief. Il n’y a donc pas lieu de l’examiner séparément.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
87. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
88. Le requérant demande 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi à raison des désagréments endurés, notamment de nombreux voyages à Bonn afin de rendre visite à sa fille, et pour l’impact psychique du départ de F.L. et de L.L. avec le soutien du Tribunal fédéral. Le départ précipité de L.L. l’aurait privé de la possibilité d’exercer son rôle de père de manière adéquate et de continuer à entretenir des contacts étroits avec sa fille. Il n’aurait plus pu exercer son droit de visite de manière appropriée et, inévitablement, une distance se serait établie entre lui et L.L. De plus, des droits procéduraux élémentaires auraient été violés.
89. Le Gouvernement argue que les conséquences du déménagement de L.L. vers l’Allemagne sont sans lien avec la violation alléguée. À son avis, même si le requérant avait pu contester la décision de l’APEA devant les autorités internes, rien n’indique que celles-ci n’auraient pas autorisé le déménagement litigieux. Le Gouvernement estime donc qu’un constat de violation représenterait, le cas échéant, une satisfaction équitable suffisante au titre du préjudice moral dans la présente affaire.
90. La Cour octroie au requérant 12 000 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.
B. Frais et dépens
91. Le requérant réclame 21 203,35 francs suisses (CHF) au titre des frais et dépens soit 7 045,60 CHF qu’il a engagés dans le cadre de la procédure menée devant les juridictions internes et 14 157,75 CHF au titre de ceux qu’il a engagés aux fins de la procédure menée devant la Cour.
92. Le Gouvernement relève que les factures du représentant du requérant du 7 septembre 2016 et du 31 décembre 2017 ont été adressées non pas au requérant, mais à l’association Interessengemeinschaft geschiedener & getrennt lebender Manner, qui soutient notamment des procédures juridiques de ses membres lorsqu’elles concernent des questions de principe dans le domaine des thèmes pour lesquels elle s’engage. Les frais en question, à hauteur de 11 964,45 CHF, n’ont ainsi pas été supportés par le requérant. Pour le Gouvernement, ils ne sauraient être pris en compte, le cas échéant, pour le calcul de la satisfaction équitable. Pour le cas où la Cour devait reconnaître une violation de la Convention, le Gouvernement estime qu’il conviendrait par conséquent d’accorder au requérant un montant de 11 238,90 CHF.
93. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, eu égard au fait que la violation constatée concerne l’absence d’un recours contre la mesure litigieuse et compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer au requérant la somme de 10 000 EUR tous frais confondus, plus tout montant pouvant être dû par lui sur cette somme à titre d’impôt.
C. Intérêts moratoires
94. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief formulé sur le terrain de l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i. 12 000 EUR (douze mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii. 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 février 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Milan Blaško Georges Ravarani
Greffier Président
Dernière mise à jour le février 8, 2022 par loisdumonde
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