AFFAIRE DĂNOIU ET AUTRES c. ROUMANIE (Cour européenne des droits de l’homme) 54780/15 et 2 autres

La requête concerne la réduction ordonnée par les tribunaux internes des honoraires des requérants alors qu’ils étaient avocats commis d’office de plusieurs milliers de parties civiles dans une procédure pénale. Les intéressés invoquent les articles 4, 13 et 14 de la Convention, ainsi que l’article 1 du Protocole no 1.


QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE DĂNOIU ET AUTRES c. ROUMANIE
(Requête no 54780/15 et 2 autres – voir liste en annexe)
ARRÊT

Art 1 P1 • Réglementer l’usage des biens • Réduction ordonnée par la cour d’appel des honoraires d’avocats commis d’office de plusieurs milliers de parties civiles dans une procédure pénale • Manque d’une base légale claire et prévisible, entourée de garanties suffisantes contre l’arbitraire

STRASBOURG
25 janvier 2022

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Dănoiu et autres c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une Chambre composée de :
Yonko Grozev, président,
Faris Vehabović,
Iulia Antoanella Motoc,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Pere Pastor Vilanova,
Jolien Schukking,
Ana Maria Guerra Martins, juges,
et de Andrea Tamietti, greffier de section,

Vu :

les requêtes (nos 54780/15, 55220/15 et 55226/15) dirigées contre la Roumanie et dont trois ressortissants de cet État, Mme Daniela Lorelay Dănoiu (« la première requérante »), Mme Carmen Mariana Agache (« la deuxième requérante ») et M. Cosmin-Gabriel Scărlatescu (« le troisième requérant ») ont saisi la Cour, le 28 octobre 2015, en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision de porter à la connaissance du gouvernement roumain (« le Gouvernement ») les griefs concernant l’atteinte alléguée aux droits des requérants au respect de leurs biens (article 1 du Protocole no 1 à la Convention) et à un recours effectif (article 13 de la Convention), ainsi que ceux relatifs à l’interdiction de discrimination combinée avec l’interdiction du travail forcé (article 14 combiné avec l’article 4 de la Convention) et de déclarer irrecevables les requêtes pour le surplus,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 décembre 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. La requête concerne la réduction ordonnée par les tribunaux internes des honoraires des requérants alors qu’ils étaient avocats commis d’office de plusieurs milliers de parties civiles dans une procédure pénale. Les intéressés invoquent les articles 4, 13 et 14 de la Convention, ainsi que l’article 1 du Protocole no 1.

EN FAIT

2. Les requérants sont nés respectivement en 1970, 1978 et 1975 et résident à Bucarest. Les noms des représentants des requérants figurent dans l’annexe.

3. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agents, en dernier lieu Mme O. Ezer, du ministère des Affaires étrangères.

I. la REPRÉSENTATION DES PARTIES CIVILES PAR LES REQUÉRANTS

4. En 2005, le tribunal de première instance du deuxième arrondissement de Bucarest fut saisi dans le cadre d’une affaire pénale des chefs d’escroquerie dont cinq personnes avaient été inculpées pour avoir organisé et promu un « système de vente pyramidale » auquel avaient participé plusieurs milliers de personnes. Initialement, 6 871 personnes se constituèrent parties civiles.

5. Les 30 octobre 2007 et 28 mars 2008, le tribunal enjoignit au barreau de Bucarest de désigner trois avocats pour assurer l’assistance d’office des parties civiles (paragraphe 24 ci-dessous). En raison du nombre important de parties civiles, celles-ci furent réparties en trois groupes dont chaque groupe devait être représenté par l’un des avocats désignés par le barreau.

6. Le barreau accéda à la demande formulée par le tribunal et désigna les trois requérants en tant qu’avocats commis d’office des parties civiles dans la procédure pénale.

7. Le 27 mai 2008, le tribunal attribua à chacun des requérants la tâche qui consistait à représenter les parties civiles de l’un des trois groupes.

8. Entre mai 2008 et octobre 2014, les requérants participèrent en leur qualité d’avocats à quarante-six audiences. Tel qu’il ressort des copies des procès-verbaux d’audience versées au dossier par les parties, les requérants formulèrent plusieurs demandes qui visaient à la protection des droits de leurs clients et acceptèrent le transfert de l’un des inculpés en Roumanie. Ils avaient ainsi sollicité la traduction de certains documents, demandé la localisation de l’un des inculpés, prié le tribunal d’effectuer des recherches d’informations au sujet de la succession d’un autre inculpé. Ils avaient également sollicité le transfert de la procédure relative à l’un des inculpés, demandé la notification des successeurs de l’un des inculpés, prié le tribunal de faire vérifier la solvabilité d’une entreprise utilisée par les inculpés lors de la mise en place du système pyramidal en question, et sollicité des informations quant à la mise en liberté de l’un des inculpés par les autorités allemandes. Ils s’étaient opposés à une demande formulée par l’avocat des inculpés tendant à faire renvoyer l’affaire devant le parquet et avaient demandé au tribunal d’infliger une amende aux institutions qui ne répondaient pas aux demandes d’information, d’identifier le dernier domicile de chacun des inculpés, d’établir la pertinence de certaines preuves et d’apprécier l’opportunité de faire analyser d’autres preuves. Ils s’étaient opposés enfin à la requalification juridique des faits reprochés aux inculpés.

9. Par un jugement du 7 octobre 2014, le tribunal constata la prescription de la responsabilité pénale des inculpés et mit fin aux poursuites. Il décida de ne pas statuer sur les demandes formulées par les parties civiles et ordonna ce qui suit :

« (…) Les honoraires des avocats commis d’office pour les inculpés C.E. et P.M. ainsi que les honoraires des avocats des parties civiles seront pris en charge par le ministère de la Justice et feront l’objet d’un virement sur les comptes du barreau de Bucarest pour les avocats (…) A.C. [la deuxième requérante], S.C. [le troisième requérant] et D.D.L. [la première requérante]. »

10. Les requérants ont produit quatre documents intitulés « Rapport sur le paiement des honoraires par le ministère de la Justice », signés par B.C., président de la formation de jugement ayant statué dans l’affaire pénale en l’espèce et président du tribunal de première instance du deuxième arrondissement de Bucarest. Tel qu’il ressort de la lecture des rapports établis les 9 et 21 octobre 2014, le montant total des honoraires calculés s’élevait à 428 400 lei roumains (RON) (soit 97 142 euros (EUR)) en faveur de la première requérante, pour la représentation des 2 856 parties civiles. Les rapports établis le 8 octobre 2014 indiquaient des honoraires d’une valeur de 436 200 RON (soit 98 911 EUR) en faveur de la deuxième requérante, pour la représentation des 2 908 parties civiles, et des honoraires d’une valeur de 426 450 RON (soit 96 700 EUR) en faveur du troisième requérant pour la représentation des 2 843 parties civiles. Ces trois documents, qui attestent que les trois requérants avaient accompli leur mission de représentation des 8 607 parties civiles contre rémunération d’honoraires d’un montant de 150 RON (soit environ 34 EUR) pour la représentation de chaque partie civile, portent le cachet du tribunal de première instance du deuxième arrondissement de Bucarest, ainsi que les signatures et les cachets de chacun des requérants.

11. Les 18 et 19 novembre 2014, le tribunal départemental de Bucarest et le ministère des Finances interjetèrent appel du jugement du 7 octobre 2014 (paragraphe 9 ci-dessus). Devant la cour d’appel de Bucarest, les représentants des deux organes judiciaire et administratif sollicitèrent la réduction des honoraires d’avocat validés par le tribunal de première instance, au motif que l’intervention des requérants n’avait été nécessaire que d’un point de vue strictement procédural, pour assurer la célérité de la procédure, que leur défense commune avait profité, en réalité, à toutes les parties civiles et qu’en tout état de cause les demandes des parties civiles n’avaient pas été analysées par les juges du fond. Le tribunal départemental plaida que le montant de 150 RON déterminé pour assurer la représentation d’office de chaque partie civile, tel que prévu par le Protocole conclu le 1er décembre 2008 entre l’Union nationale des barreaux de Roumanie (ci‑après « l’UNBR ») et le ministère de la Justice (paragraphe 28 ci-dessous), représentait un montant maximal qui pouvait être réduit en fonction de plusieurs critères, tels que la complexité de l’affaire, le nombre d’audiences et le temps nécessaire aux avocats pour étudier l’affaire. Le représentant du ministère des Finances insista quant à lui sur l’absence de motifs ayant justifié la validation des rapports d’honoraires pour des montants maximaux et disproportionnés par rapport à la prestation effective assurée par les requérants, qui avait profité selon lui à toutes les parties civiles. Il suggéra qu’un montant de 10 000 RON (soit environ 2 267 EUR) fût versé à ce titre à chacun des intéressés.

12. Les requérants déposèrent devant la cour d’appel de Bucarest un mémoire tendant à faire constater par la juridiction d’appel que le tribunal départemental n’avait pas qualité pour agir et qu’il ne pouvait pas demander la réduction des honoraires des avocats commis d’office, établis par le Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessous). Ils faisaient valoir que le président du tribunal de première instance avait vérifié et ensuite validé les rapports d’honoraires, conformément aux dispositions du Protocole du 1er décembre 2008, car, selon eux, le montant de 150 RON déterminé pour assurer la représentation de chaque partie civile représentait un montant fixe qui ne pouvait être réduit, mais seulement augmenté au besoin (paragraphe 26 ci‑dessous). Ils contestèrent les allégations du représentant du tribunal départemental selon lesquelles leur rôle aurait été seulement d’assurer la célérité de la procédure et indiquèrent avoir participé activement, au nom de tous leurs clients, à quarante-six audiences pendant plus de six ans de procédure (paragraphe 8 ci-dessus).

II. LES demandes formulées par les REQUÉRANTS TENDANT À FAIRE MENTION DU MONTANT DES HONORAIRES DANS LE DISPOSITIF DU JUGEMENT DU 7 OCTOBRE 2014

13. Le 15 octobre 2014, les requérants formulèrent une demande tendant à faire interpréter et rectifier le dispositif du jugement du 7 octobre 2014 (paragraphe 9 ci-dessus). Ils demandèrent que les noms de toutes les parties civiles qu’ils avaient représentées dans la procédure ainsi que le montant forfaitaire de 150 RON, déterminé à titre d’honoraires d’avocat pour chacune des parties civiles, figurent dans le dispositif dudit jugement. À l’appui de leur demande, ils invoquaient les dispositions du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessous), instaurant des honoraires d’une valeur fixe de 150 RON pour chacune des parties civiles représentées d’office lors d’une procédure pénale. Ils faisaient également valoir que ces honoraires avaient déjà été validés par le juge du premier degré.

14. Par un jugement avant dire droit du 17 avril 2015, le tribunal de première instance rejeta la demande des requérants en motivant sa décision comme suit :

« (…) le tribunal estime que les demandes sont mal fondées, les arguments des intéressés ne peuvent être invoqués pour ordonner la rectification d’une erreur matérielle ou interpréter le dispositif d’un jugement, le tribunal ayant déjà statué sur le paiement des honoraires en faveur des avocats respectifs ; le montant concret à titre d’honoraires est fixé en vertu du Protocole susmentionné [conclu entre le ministère de la Justice et l’UNBR], cela étant une question qui relève de l’exécution d’un jugement en matière pénale et non d’une erreur matérielle ou d’une omission (…) »

15. Les requérants formèrent un appel contre ce jugement avant dire droit au motif que le tribunal n’avait pas accédé à leur demande, mais s’était seulement limité à préciser que le Protocole du 1er décembre 2008 était applicable en l’espèce.

16. L’appel interjeté par les requérants fut joint à ceux formés par le tribunal départemental et le ministère des Finances contre le jugement du 7 octobre 2014 (paragraphe 11 ci-dessus). Le 26 juin 2015, lors d’une audience qui eut lieu devant la cour d’appel de Bucarest, les requérants demandèrent le rejet de l’appel interjeté par le ministère des Finances, au motif que cette institution n’avait pas qualité pour agir en l’espèce. Quant à l’appel formé par le tribunal départemental, les requérants demandèrent à la cour d’appel de constater que les honoraires fixés par le Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessous) ne pouvaient pas faire l’objet d’une réduction validée par les tribunaux et qu’en tout état de cause lesdits honoraires n’étaient pas disproportionnés. Ils firent valoir que le fait d’avoir représenté les parties civiles dans la procédure en question avait facilité la tâche du tribunal de première instance, qui n’était plus dans l’obligation de notifier aux quelques milliers de parties civiles chaque acte de procédure, ou des décisions de justice, ce qui avait permis à l’État de faire une économie d’environ 1 500 000 RON (soit environ 340 000 EUR) au titre de frais de procédure.

III. L’ARRÊT rendu en appel

17. Par un arrêt du 9 juillet 2015, la cour d’appel de Bucarest statua sur les appels formés par le tribunal départemental et le ministère des Finances contre le jugement du 7 octobre 2014 rendu par le tribunal de première instance (paragraphe 11 ci-dessus), ainsi que sur l’appel formé par les requérants contre le jugement avant dire droit du 17 avril 2015 (paragraphe 15 ci-dessus). Concernant les deux premières demandes d’appel, la cour d’appel décida de les accueillir, annula le jugement du 7 octobre 2014 et renvoya l’affaire devant les premiers juges, au motif que le tribunal de première instance n’avait pas statué sur l’action civile. La cour d’appel fixa le montant des honoraires de chacun des requérants à 25 000 RON (soit environ 5 681 EUR).

18. Pour arriver à cette conclusion, la cour d’appel motiva sa décision comme suit :

« (…) [La cour d’appel] constate qu’en l’espèce, tel qu’il a été également confirmé par un jugement avant dire droit antérieur, sont applicables les dispositions de l’article 173 [de l’ancien CPP] et que la représentation des parties civiles par les avocats commis d’office a été légale, les mandats de représentation étant valides (…). En vertu du Protocole du 1er décembre 2008, conclu entre le ministère de la Justice et l’UNBR (…), les honoraires d’un avocat commis d’office sont de 150 RON, mais aucune valeur maximale des montants à verser à titre d’honoraires n’y est mentionnée (…). Il convient de constater que le tribunal de première instance a omis de préciser, dans le dispositif de son jugement, quel était le montant à accorder à chacun des avocats commis d’office pour défendre les parties civiles, et a précisé que les honoraires seraient versés par le ministère de la Justice. Toutefois, il convient d’observer que chacun des avocats commis d’office a représenté environ 2 300 parties civiles, ce qui nous amène à supposer que si des honoraires d’un montant maximal de 150 RON déterminés pour assurer la représentation de chaque partie civile étaient établis, chacun des avocats aurait droit à environ 345 000 RON. Il est évident que les honoraires sollicités par eux en l’espèce sont disproportionnés par rapport à la prestation qu’ils ont fournie, compte tenu du fait que, indépendamment du nombre des parties civiles en l’espèce, la défense et la mission d’assistance juridique ont été les mêmes (…) Après avoir examiné les dispositions des paragraphes 1 et 3 de l’article 82 de la loi no 51/1995, il en résulte d’abord que les honoraires de l’avocat commis office, tels que prévus par les protocoles conclus entre l’UNBR et le ministère de la Justice, sont des honoraires maximaux et sont susceptibles de ne pas être validés par les juridictions, étant soumis à une confirmation par l’organe judiciaire, lequel, en fonction du volume et de la complexité de la mission exercée par l’avocat, ainsi que de la durée, du type et des particularités de l’affaire, peut ordonner le maintien ou la majoration des honoraires initialement fixés.

Ensuite, l’omission de fixer un plafond pour le montant global maximal des honoraires de l’avocat commis d’office dans des situations similaires a été corrigée par le Protocole conclu entre l’UNBR et le ministère de la Justice en juin 2015, étant précisé à l’article 5 d) de ce protocole que lorsque, dans une affaire, il y a plus de cinq parties ayant le même statut, le tribunal doit accorder des honoraires cumulés d’une manière raisonnable, en fonction de la complexité de l’affaire, et dont le montant ne peut dépasser 10 000 RON, indépendamment du nombre de personnes représentées ou assistées.

En suivant la même logique d’honoraires raisonnablement cumulés et en prenant en considération la longue période pendant laquelle les avocats se sont présentés devant le tribunal pour représenter les parties civiles, les efforts qu’ils ont déployé pour réaliser des tableaux contenant les données de toutes les parties civiles, mais aussi le fait que leurs activités ont été identiques, indépendamment du nombre des parties civiles, la cour d’appel juge que la fixation d’honoraires d’un montant raisonnable (soit 25 000 RON) s’impose en l’espèce pour chacun des avocats.

La cour d’appel ne va pas prendre en considération le montant maximal de 10 000 RON prévu par le Protocole de 2015, car celui-ci n’est pas applicable en l’espèce, ayant été conclu après l’exercice des mandats des avocats commis d’office, mais prendra en compte, dans l’appréciation du montant global des honoraires, les motifs d’équité et les critères susmentionnés – la durée considérable de l’assistance juridique, la représentation des parties civiles pendant environ six ans, les efforts déployés par les avocats, leur présence lors des quarante-six audiences (…) »

19. Concernant les appels formés par les requérants contre le jugement avant dire droit du 17 avril 2015, la cour d’appel les jugea recevables avant de les rejeter, considérant qu’ils n’étaient pas fondés. Elle motiva sa décision comme suit :

« (…) en vertu de l’article 408 § 2 du CPP les jugements avant dire droit ne peuvent être frappés d’appel indépendamment des jugements sur le fond, à l’exception des cas où, en vertu de la loi, ils peuvent faire l’objet séparément d’un appel. Ensuite, l’appel formé contre le jugement sur le fond est considéré comme formé aussi contre les jugements avant dire droit.

Quant aux jugements avant dire droit portant sur des erreurs matérielles rendus après le prononcé du jugement sur le fond, il n’existe aucune disposition légale confirmant qu’ils peuvent être frappés d’appel, mais, en l’absence de telles dispositions, trouvent application les dispositions du droit commun, en vertu desquelles les jugements avant dire droit peuvent être frappés d’appel indépendamment des jugements sur le fond.

De surcroit, il est possible que de tels jugements avant dire droit soient prononcés dans un intervalle relativement long après le prononcé du jugement sur le fond et si nous interprétons le texte de loi d’une manière restrictive, de tels jugements pourraient modifier le jugement sur le fond, modifications que les parties ne seraient pas en mesure de contester, faute d’une voie de recours séparée.

En vertu de l’article 409 § 1 du CPP, le témoin, l’expert, l’interprète et l’avocat (peuvent interjeter appel) en ce qui concerne les frais de justice, les honoraires qui leur sont dues et les amendes judiciaires.

Compte tenu du fait que le jugement avant dire droit a été prononcé après le prononcé du jugement sur le fond, soit le 17 avril 2015, la cour d’appel estime, dans ce contexte, que les appels des avocats commis d’office sont recevables et qu’ils ne sont pas tardifs.

Toutefois, les appels sont manifestement mal fondés pour les raisons développées par le tribunal départemental et le ministère des Finances. Ainsi, la cour estime que le fait d’octroyer un montant maximal d’une valeur de 150 RON pour la représentation de chaque partie civile, tel que sollicité par les appelants, est exagéré et qu’un montant global raisonnable s’impose (…) »

20. Les requérants se pourvurent en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel, estimant entre autres que les tribunaux avaient fait une application erronée des dispositions de la loi no 51/1995 (paragraphe 26 ci-dessous) et de celles du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessous). Devant la Haute Cour de cassation et de justice (ci-après « la Haute Cour »), ils soulevèrent une exception d’inconstitutionnalité relative à l’impossibilité légale pour eux de former un pourvoi en cassation contre la décision prononcée en appel portant sur la diminution de leurs honoraires. La Haute Cour saisit la Cour constitutionnelle de l’exception soulevée par les requérants.

21. Du 14 au 28 décembre 2015, chaque requérant se vit verser la somme de 25 000 RON (soit environ 5 681 EUR) à titre d’honoraires en leur qualité d’avocats commis d’office, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 9 juillet 2015 rendu par la cour d’appel de Bucarest (paragraphes 17-19 ci‑dessus).

IV. L’ARRÊT de la cour constitutionelle

22. Le 30 juin 2016, la Cour constitutionnelle rejeta l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par les requérants relativement aux articles 436 § 1, 438 et 440 du nouveau code de procédure pénale (« le nouveau CPP ») (paragraphe 25 ci-dessous). Elle rappela avoir déjà statué, dans un arrêt prononcé le 21 août 2015, que le pourvoi en cassation constituait une voie de recours extraordinaire permettant de contrôler, selon des motifs expressément prévus par la loi, les éventuelles erreurs de droit commises par les cours d’appel. Elle estima que les avocats représentant des parties civiles lors d’une procédure pénale ne faisaient pas partie des titulaires d’une telle voie de recours extraordinaire, leurs droits pouvant être protégés seulement par le biais d’un appel.

V. L’arrÊt DE LA HAUTE COUR du 25 OCTOBRE 2016

23. Par un arrêt du 25 octobre 2016, la Haute Cour déclara irrecevable le pourvoi en cassation formé par les requérants (paragraphe 20 ci-dessus) et le rejeta au motif qu’il ne remplissait pas les conditions prévues à l’article 434 § 1 du nouveau CPP (paragraphe 25 ci-dessous), étant donné qu’un arrêt ayant ordonné une cassation avec renvoi ne pouvait faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Elle précisa également qu’en vertu de l’article 436 § 1 du nouveau CPP les requérants, en leur qualité d’avocats représentant des parties civiles lors de la procédure pénale, ne figuraient pas parmi les personnes pouvant former un pourvoi en cassation (paragraphe 25 ci-dessous). Elle conclut en précisant que les conditions de recevabilité prévues à l’article 440 du nouveau CPP n’étaient pas réunies.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

I. L’ancien code de procédure pénale

24. Les dispositions pertinentes en l’espèce de l’ancien code de procédure pénale (« l’ancien CPP »), telles qu’en vigueur jusqu’au 1er février 2014, se lisaient comme suit :

Article 173

« Le défenseur de la partie lésée, civile ou civilement responsable a le droit d’assister au déroulement de tout acte de poursuite impliquant l’audition ou la présence de la partie qu’il défend, et peut former des demandes ou déposer des mémoires.

Pendant le jugement de l’affaire, le défenseur exerce les droits de la partie qu’il défend.

Lorsque l’organe judiciaire juge que, pour certaines raisons, la partie lésée, civile ou civilement responsable n’est pas en mesure d’assurer sa propre défense, il ordonne d’office, ou sur demande des parties, des mesures afin de leur désigner un défenseur. »

Article 174

« Pendant le jugement de l’affaire, le prévenu, l’inculpé, ainsi que les autres parties peuvent être représentées, à l’exception des cas où la présence du prévenu ou de l’inculpé est obligatoire (…) »

II. Le nouveau code de procédure pénale

25. Les dispositions pertinentes en l’espèce du nouveau CPP, telles qu’en vigueur à compter du 1er février 2014, se lisent comme suit :

Article 408

« 1) Les jugements peuvent être frappés d’appel si la loi ne le prévoit pas autrement.

2) Les jugements avant dire droit ne peuvent être frappés d’appel indépendamment des jugements sur le fond, à l’exception des cas où en vertu de la loi ils peuvent faire l’objet séparément d’une demande d’appel.

3) Un appel formé contre un jugement est présumée dirigée contre des jugements avant dire droit. »

Article 434

« 1) Peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation les décisions prononcées en appel par les cours d’appel et par la Haute Cour de cassation et de justice, à l’exception de celles ayant ordonné une cassation avec renvoi (…) »

Article 436

« 1) Peuvent former un pourvoi en cassation :

a) le procureur, pour ce qui est des volets pénal et civil,

b) l’inculpé, pour ce qui est des volets pénal et civil, contre les décisions à la suite desquelles il a été condamné, ou il a été décidé la renonciation ou le sursis à l’application d’une peine ou la clôture du procès pénal,

c) la partie civile ou la partie civilement responsable, pour ce qui est des volets civil et pénal, seulement dans la mesure où la décision pénale prononcée dans la procédure les concernant a influencé la décision adoptée au civil (…) »

Article 438

« Les décisions peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans les cas suivants :

1) pendant la procédure, lorsque les dispositions relatives à la compétence d’attribution n’ont pas été respectées, ou lorsque le jugement a été rendu par une juridiction inférieure à celle qui en était compétente ;

(…)

7) lorsque l’inculpé a été condamné pour des faits qui n’étaient pas prévus par la loi pénale ;

8) lorsque, d’une manière erronée, il a été ordonné la fin de la procédure pénale ;

(…)

11) lorsque la grâce n’a pas été constatée ou que, par erreur, il a été constaté que la peine appliquée à l’inculpé avait fait l’objet d’une grâce ;

12) lorsque des peines ont été appliquées dans d’autres limites que celles prévues par la loi (…) »

Article 440

« (…)

2) Lorsqu’un pourvoi en cassation est considéré comme tardif ou qu’il n’a pas respecté les dispositions des articles 434, 436 §§ 1, 2 et 6, 437 et 438 ou qu’il est manifestement mal fondé, la juridiction le rejette par un arrêt définitif (…) »

Article 552

« La décision d’appel devient définitive à la date du prononcé lorsque l’appel est accueilli et la procédure prend fin devant la juridiction d’appel (…) »

III. La LOI No 51/1995

26. La loi no 51/1995 sur l’organisation et l’exercice de la profession d’avocat est entrée en vigueur le 9 juin 1995, date de sa publication au Journal officiel. Ses dispositions pertinentes en l’espèce se lisent comme suit :

Article 69

« Dans les affaires dans lesquelles l’assistance juridique d’office est accordée sur demande des tribunaux ou des organes d’enquête, le paiement des honoraires est effectué depuis le compte du ministère de la Justice (…) »

Article 82

« 1. Concernant l’assistance judiciaire fournie, l’avocat désigné a le droit de percevoir des honoraires déterminés par l’organe judiciaire, en fonction de la nature du travail et de son volume, dans la limite des montants fixés par le protocole conclu entre l’UNBR et le ministère de la Justice.

2. Lors de l’octroi de l’assistance judiciaire, l’organe judiciaire établit également la valeur provisoire des honoraires d’avocat.

3. Après que le tribunal a accordé l’assistance judiciaire, l’avocat prépare un rapport sur les prestations juridiques effectives fournies par lui, en utilisant le formulaire approuvé par le département de coordination de l’assistance judiciaire auprès de l’UNBR. Le rapport doit être validé par l’organe judiciaire, lequel, en fonction du volume et de la complexité de la mission accomplie par l’avocat, ainsi que de la durée, du type et de la particularité de l’affaire, peut ordonner le maintien ou la majoration des honoraires initialement fixés (…) »

27. Selon les informations fournies par le barreau de Bucarest au bureau de l’Agent du gouvernement le 20 février 2013, les avocats souhaitant fournir une assistance juridique en leur qualité d’avocat commis d’office suivaient à l’époque des faits une procédure interne qui consistait à déposer une demande écrite formulée auprès du service d’assistance juridique du barreau, à inscrire leurs noms dans un registre établi par ledit service, et enfin à organiser la planification mensuelle de l’assistance juridique.

IV. Le Protocole du 1er décembre 2008

28. Le Protocole fixant les honoraires d’avocat aux fins de l’admission au bénéfice de l’assistance juridique en matière pénale (« le Protocole du 1er décembre 2008 ») entra en vigueur le 1er décembre 2008, date de sa signature par les représentants de l’Union nationale des barreaux de Roumanie (« UNBR ») et du ministère de la Justice. Le Protocole fut disponible au sein de l’UNBR. Il fut en vigueur jusqu’au 6 juin 2015, date à laquelle un nouveau protocole fut signé entre les mêmes parties. Les dispositions pertinentes en l’espèce du Protocole du 1er décembre 2008 se lisaient comme suit :

« (…) 5. (1) Si l’organe de poursuite ou la juridiction considèrent que le prévenu, l’inculpé, la partie lésée ou la partie civile ou celle civilement responsable ne peuvent pas assurer leur défense, ainsi que dans toute autre situation prévue par la loi impliquant la désignation d’un avocat commis d’office, les honoraires d’avocat lorsque l’assistance est obligatoire sont les suivants :

(…)

e) 150 RON pour assurer l’assistance juridique gratuite fournie, pendant les poursuites ou lors de la procédure judiciaire, à la partie lésée, à la partie civile ou à celle civilement responsable. Ce montant est accordé pour chacune des parties si l’une ou plusieurs personnes ont la qualité de partie lésée, de partie civile ou de partie civilement responsable (…) ;

6. Si le mandat de l’avocat commis d’office prend fin conformément à l’article 171 § 5 du code de procédure pénale, en raison de l’intervention d’un avocat choisi, le procureur, par ordonnance, ou selon le cas, le tribunal, par un jugement avant dire droit, ordonne le paiement des honoraires afférents aux prestations précédant la fin du contrat, tout en prenant en considération le temps nécessaire à l’étude du dossier, la complexité de l’affaire, la durée et le nombre d’audiences auquel l’avocat commis d’office a participé. Les honoraires ainsi fixés ne peuvent être réduits de moins de 25% de la valeur des honoraires auxquels l’avocat commis d’office aurait eu droit si la prestation de services juridiques avait été menée à son terme (…) ;

9. (1) L’avocat rédige un rapport sur ses prestations juridiques effectives justifiant le paiement des honoraires, qui doit être confirmé par l’organe judiciaire ayant ordonné le paiement des honoraires ou par la direction de l’autorité devant laquelle la mission d’assistance juridique ou de représentation a été fournie (…) ;

(2) Le rapport prévu au premier alinéa constitue un document justificatif ; il doit être remis au barreau dans un délai maximum de cinq jours après sa confirmation, pour vérification, centralisation, avis et approbation du paiement des honoraires par le Conseil du barreau. (…) ;

(4) Après vérification et validation ou approbation des rapports (…) par le Conseil du barreau, les rapports centralisés sont transmis au département économique, financier et administratif du tribunal, en vue d’effectuer les virements des honoraires par le tribunal sur le compte du barreau, dans les conditions prévues par la loi (…) »

29. Le Protocole du 1er décembre 2008 fut précédé par le Protocole du 23 juin 2005, qui prévoyait l’octroi d’un montant de 800 000 ROL (environ 22 EUR) pour assurer l’assistance de chaque partie civile dans les situations impliquant un avocat commis d’office. Le 11 juin 2015, entra en vigueur un nouveau Protocole régissant la même matière et prévoyant un plafonnement des honoraires à 10 000 RON (soit 2 267 EUR) dans les cas d’assistance d’office de plus de cinq parties civiles par un même avocat.

V. LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTE

30. En décembre 2019, le bureau de l’agent du gouvernement a demandé aux différentes cours d’appel un avis sur la question de savoir si les tribunaux pouvaient valider la réduction des honoraires des avocats commis d’office se trouvant dans des situations similaires à celle des requérants, et si une telle décision pouvait ou non faire l’objet d’un recours.

31. Une partie des juges de la cour d’appel de Bucarest a estimé qu’une fois les avocats engagés dans la procédure judiciaire, les honoraires établis en vertu du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessus) ne pouvaient plus faire l’objet d’une réduction. L’autre partie des juges a soutenu le contraire. Pour ce qui est du recours contre une telle décision, les juges ont majoritairement estimé qu’il n’y en avait aucun. Une partie des juges a considéré toutefois qu’une contestation en annulation ou une demande en rectification pouvaient être exercées.

32. La cour d’appel de Timişoara a informé, entre autres, le bureau de l’agent du Gouvernement d’une pratique plus ancienne en vertu de laquelle certains honoraires octroyés aux avocats commis d’office faisaient l’objet d’une réduction. Aucun exemple de jurisprudence n’a été versé à cet égard. Selon une opinion majoritaire des juges de cette juridiction, il n’y avait aucune voie de recours contre une décision définitive par laquelle la réduction des honoraires des avocats commis d’office avait été validée.

33. La cour d’appel de Ploiesti a précisé d’abord ne pas détenir d’exemples de jurisprudence présentant une situation similaire à celle décrite en l’espèce. Le représentant de la cour d’appel a confirmé qu’une partie des juges de cette juridiction était d’avis que la pratique consistant à réduire les honoraires des avocats commis d’office n’était pas fondée. L’autre partie estimait au contraire qu’en l’absence de base légale les tribunaux pouvaient toutefois procéder à une telle réduction. Les juges ont fourni un exemple de jurisprudence (arrêt du 22 janvier 2019 de la cour d’appel de Ploiesti) dans lequel la juridiction d’appel avait confirmé la réduction des honoraires des avocats commis d’office fixés en vertu du Protocole du 11 juin 2015 (paragraphe 29 ci-dessus). Les juges ont indiqué que la législation interne ne prévoyait aucune voie de recours en la matière, mais ils ont produit un exemple de décision interne adoptée par la juridiction d’appel (arrêt du 28 novembre 2017 de la cour d’appel de Ploiesti) qui avait accueilli une demande en rectification d’une erreur matérielle portant sur la modification du montant des honoraires octroyés à des avocats commis d’office, pour des raisons liées aux modalités de calcul et pour assurer une égalité de traitement entre les avocats impliqués dans la même procédure. Les juges ont estimé que cette voie de recours n’était pas efficace si la décision par laquelle la réduction des honoraires avait été validée était dûment motivée.

34. Le représentant de la cour d’appel de Constanta a exprimé l’opinion des juges de cette juridiction, selon laquelle il était loisible aux tribunaux de valider la réduction des honoraires des avocats commis d’office, en vertu de l’article 451 du code de procédure civile, sans fournir d’exemples de jurisprudence relevant d’une situation similaire à celle des requérants. Selon l’opinion des juges de cette juridiction, il n’y avait aucune voie de recours pour contester la réduction des honoraires d’avocat dans une situation similaire à celle des requérants.

35. Le représentant de la cour d’appel de Bacau a versé au dossier un exemple de jurisprudence (jugement avant dire droit du 1er novembre 2011 de la même cour d’appel) confirmant que le tribunal de première instance avait établi des honoraires inférieurs (150 RON) à ceux auxquels l’avocat commis d’office estimait avoir droit (7 350 RON) pour avoir représenté quarante-neuf parties lésées lors d’une même procédure pénale. Il en ressort de la copie de cet arrêt que la prestation juridique avait été minimale car l’avocat avait « seulement formulé des conclusions en une seule phrase ». Les juges du tribunal de première instance de Piatra Neamt avaient estimé qu’une réduction de ce type d’honoraires était possible en vertu de la loi no 51/1995 (paragraphe 26 ci-dessus). Les juges du tribunal de première instance de Roman étaient d’avis qu’une réduction des honoraires des avocats commis d’office n’avait aucune base objective, car les montants de ces honoraires étaient expressément prévus par le Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessus). Selon eux, la réduction des honoraires des requérants en l’espèce avait été opérée sur la base de critères subjectifs, en méconnaissance de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Selon une opinion majoritaire exprimée par la cour d’appel de Bacau, il n’y avait pas de voie de recours pour contester la décision définitive par laquelle la réduction des honoraires des avocats commis d’office avait été validée.

36. Les juges de la cour d’appel de Brasov ont estimé que la faculté de réduire les honoraires des avocats commis d’office était justifiée dans le cas où un défenseur unique représentait plusieurs parties ayant les mêmes intérêts dans la procédure. Le représentant de cette juridiction a versé un exemple de jurisprudence interne (jugement avant dire droit du 31 juillet 2015 du tribunal départemental de Covasna) confirmant des honoraires établis le 21 juillet 2015, en vertu du Protocole du 11 juin 2015 (paragraphe 29 ci-dessus), qui étaient inférieurs à ceux que l’avocat commis d’office s’attendait à percevoir, car ils étaient plafonnés. Les juges de cette cour d’appel ont également été d’avis qu’il n’y avait aucune voie de recours contre la réduction des honoraires ordonnée en appel.

37. Le représentant de la cour d’appel de Pitesti a estimé que les requérants avaient à leur disposition un recours interne pour contester la décision litigieuse (la nature de cette voie de recours n’a pas été précisée). Il a produit un exemple de jurisprudence (arrêt no 773 du 12 septembre 2012 de la même juridiction) dont il ressort que la cour d’appel avait décidé de confirmer la réduction des honoraires d’office établis en vertu du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessus), tel qu’ordonnée par un tribunal de première instance, en raison de la prestation minimale des avocats commis d’office, qui se résumait à « une défense formulée en trois lignes ». La cour d’appel a fourni une copie d’un autre exemple de jurisprudence (jugement avant dire droit du 13 décembre 2018 de la même juridiction) en application du Protocole du 11 juin 2015 (paragraphe 29 ci-dessus).

38. Le représentant de la cour d’appel de Cluj a informé le bureau de l’agent du gouvernement qu’aucune des juridictions fonctionnant sous sa responsabilité n’a fourni d’exemples de jurisprudence confirmant la possibilité pour les tribunaux de réduire les honoraires des avocats commis d’office dans des situations similaires à celle des requérants. Sept des huit juridictions ont confirmé l’absence de voie de recours pour contester une telle décision.

39. Les requérants ont versé au dossier copie de trois exemples de jurisprudence. Tel qu’il ressort de la copie d’un jugement du 20 janvier 2011 du tribunal départemental de Bucarest, les honoraires des avocats commis d’office se trouvant dans une situation similaire à celle des requérants avaient été calculés, conformément à l’article 5 du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessus), en multipliant le nombre des parties civiles par le montant de 150 RON. Par un jugement avant dire droit du 8 septembre 2011, le tribunal départemental de Bucarest avait accueilli une demande tendant à faire rectifier le dispositif d’un jugement et avait appliqué la même méthode de calcul dans un procès pénal dans lequel deux avocats commis d’office avaient représenté plusieurs centaines de parties civiles. Par un arrêt du 5 mars 2013, la cour d’appel de Bucarest avait ordonné le paiement de 150 RON à titre d’honoraires pour assurer l’assistance juridique de chaque partie civile lors d’une procédure pénale.

EN DROIT

I. sur la JONCTION DES REQUÊTES

40. Eu égard à la similarité de l’objet des requêtes, la Cour juge opportun d’ordonner leur jonction (article 42 § 1 du règlement de la Cour).

II. Sur le point de savoir s’il y a eu en l’occurrence un abus du droit de recours individuel

A. Arguments des parties

41. Le Gouvernement invite la Cour à procéder à la radiation de la requête du rôle pour abus du droit de recours en application de l’article 35 § 3 de la Convention. En se référant à l’affaire Predescu c. Roumanie (no 21447/03, §§ 25-27, 2 décembre 2008), il soutient que les requérants ont essayé d’induire délibérément la Cour en erreur et qu’ils ont ainsi abusé de leur droit de recours individuel en affirmant ne pas avoir perçu les honoraires litigieux et avoir ainsi été obligés d’accomplir leur mission à titre gracieux. À l’appui de sa thèse, il fournit la réponse du barreau de Bucarest confirmant qu’un virement d’un montant de 25 000 RON (soit environ 5 681 EUR) visant le paiement des honoraires d’avocat avait été effectué à chacun des requérants, en conformité avec le dispositif de l’arrêt du 9 juillet 2015 de la cour d’appel de Bucarest (paragraphe 21 ci-dessus). Il ajoute que les intéressés ont omis d’informer la Cour que plusieurs parties civiles s’étaient désistées pendant le déroulement de la procédure pénale, ce qui avait eu pour conséquence de réduire le nombre total des parties civiles devant être représentées par eux.

42. Les requérants contestent la thèse du Gouvernement et soulignent d’abord que leurs griefs, tels que formulés dans le formulaire de requête, portent sur la diminution de leurs honoraires et sur les conséquences de cette diminution quant au respect de leurs droits garantis par la Convention et ne concernent pas le non‑paiement de leurs honoraires. Pour ce qui est de la réduction du nombre total des parties civiles, ils affirment que cet aspect n’a pas été analysé par la cour d’appel et qu’en tout état de cause cela n’avait aucune conséquence sur le paiement de leurs honoraires, car la législation nationale ne prévoyait aucune disposition permettant de réduire les honoraires d’un avocat commis d’office en cas de désistement d’une partie civile.

B. Appréciation de la Cour

43. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 3 a) de la Convention une requête peut être déclarée abusive notamment si elle se fonde délibérément sur des faits controuvés. Une information incomplète et donc trompeuse peut également s’analyser en un abus du droit de recours individuel, particulièrement lorsqu’elle concerne le cœur de l’affaire et que le requérant n’explique pas de façon suffisante pourquoi il n’a pas divulgué les informations pertinentes. Il en va de même lorsque des développements nouveaux importants surviennent au cours de la procédure suivie à Strasbourg et que, en dépit de l’obligation expresse lui incombant en vertu de l’article 47 § 7 (ancien article 47 § 6) du règlement, le requérant n’en informe pas la Cour, l’empêchant ainsi de se prononcer sur l’affaire en pleine connaissance de cause. Toutefois, même dans de tels cas, l’intention de l’intéressé d’induire la Cour en erreur doit toujours être établie avec suffisamment de certitude (Gross c. Suisse [GC], no 67810/10, § 28, CEDH 2014, avec les références qui y sont citées).

44. En l’espèce, la Cour trouve que les informations fournies par le Gouvernement et non communiquées par les requérants ne concernent pas un aspect crucial de l’affaire au sens de la jurisprudence citée au paragraphe qui précède.

45. En effet, les requérants ont saisi la Cour des requêtes portant sur la réduction substantielle de leurs honoraires perçus en leur qualité d’avocats commis d’office, ordonnée par la cour d’appel de Bucarest et sur les conséquences de cette décision quant au respect des droits prévus aux articles 4, 13 et 14 de la Convention et à l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. La Cour observe que, tel qu’il ressort des observations formulées par les requérants après la communication de leurs requêtes, les intéressés ne contestent pas avoir perçu les honoraires en question, mais se plaignent de la décision de la cour d’appel qui a ordonné la réduction de leurs honoraires (paragraphe 49 ci‑dessous). En tout état de cause, ils ont perçu les honoraires en cause seulement après le 25 octobre 2015, date à laquelle ils ont saisi la Cour (paragraphe 21 ci-dessus).

46. Pour ce qui est du nombre des parties civiles ayant renoncé à leurs prestations lors de la procédure pénale, la Cour observe que cette information n’a pas été examinée par les tribunaux internes au moment où ils ont établi les montants afférents aux honoraires des requérants en leur qualité d’avocat. Ni le tribunal de première instance, qui a confirmé le nombre de parties civiles représentées par les requérants, ni la cour d’appel, qui a établi des nouveaux honoraires d’avocat, n’ont estimé nécessaire de prendre en considération le point soulevé par le Gouvernement à l’appui duquel il formule sa demande de radiation pour abus du droit de recours (paragraphes 9 et 17-19 ci-dessus). Dans la mesure où la cour d’appel a justifié la réduction des honoraires des requérants par d’autres critères, la Cour estime que la non-divulgation de cette information par les intéressés ne touche pas au cœur même de leurs griefs. Ces conclusions rendent superflue l’examen de la question de savoir si les requérants ont fourni une explication suffisante quant à leur silence.

47. Dans ces conditions, la Cour constate que les informations invoquées par le Gouvernement ne représentent pas des informations importantes et pertinentes pour l’examen de la présente affaire au sens de la jurisprudence citée au paragraphe 43 ci-dessus (voir, a contrario, Gardean et S.C. Grup 95 SA c. Roumanie (révision), no 25787/04, §§ 20-22, 30 avril 2013).

48. Il y a donc lieu de rejeter cette exception tirée d’un abus du droit de recours individuel soulevée par le Gouvernement.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 du PROTOCOLE No 1 à la Convention

49. Les requérants se plaignent de la réduction substantielle de leurs honoraires en leur qualité d’avocats commis d’office, ordonnée le 9 juillet 2015, qui était selon eux contraire à la législation nationale (l’article 82 § 3 de la loi no 51/1995 et l’article 5 e) du Protocole du 1er décembre 2008, paragraphes 26 et 28 ci-dessus).

Ils allèguent une atteinte à leur droit au respect de leurs biens et invoquent l’article 1 du Protocole no1 à la Convention, qui se lit comme suit :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

A. Sur la recevabilité

50. Le Gouvernement estime que les requérants n’étaient pas titulaires d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Il soutient que le Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 28 ci-dessus) n’était pas en vigueur à la date où les intéressés ont été désignés avocats commis d’office pour assurer la défense des parties civiles, ni au moment où ils sont devenus avocats.

51. Les requérants contestent la thèse du Gouvernement et affirment avoir eu un « bien » car la législation nationale, qui était applicable à tous les avocats commis d’office en Roumanie, prévoyait expressément le montant des honoraires, qui devait leur être versé dans les procédures pénales (paragraphes 26 et 28 ci-dessus). Ils notent également que le juge du fond a validé des rapports justifiant les montants de leurs honoraires (paragraphe 10 ci-dessus).

52. La Cour renvoie aux principes relatifs à la notion de « biens » figurant au premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, tels qu’ils se dégagent de sa jurisprudence, résumée dans l’affaire Béláné Nagy c. Hongrie ([GC], no 53080/13, §§ 72-79, 13 décembre 2016).

53. En l’espèce, la Cour observe que la mission de représentation juridique accomplie d’office par les requérants sur demande du tribunal de première instance (paragraphe 5 ci-dessus) était fondée sur les dispositions légales en la matière, à savoir l’article 82 de la loi no 51/1995 (paragraphe 26 ci-dessus) et les articles 5 et 9 du Protocole du 1er décembre 2008 conclu entre l’UNBR et le ministère de la Justice (paragraphe 28 ci‑dessus). Elle estime que la législation susmentionnée a créé pour les requérants une « espérance légitime », relevant de la notion de « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1, de se voir verser le montant prévu à l’article 5 e) du Protocole du 1er décembre 2008, à condition que leur mandat visant à représenter les parties civiles ne prenne pas fin pendant la procédure (voir, mutatis mutandis, Anželika Šimaitienė c. Lituanie, no 36093/13, § 96, 21 avril 2020). Aux yeux de la Cour, peu importe que le Protocole du 1er décembre 2008 n’était pas en vigueur au moment de la désignation des requérants comme avocats commis d’office (paragraphes 5-7 ci-dessus) ; ce qui compte en l’espèce est que ce même Protocole est entré en vigueur peu après leur désignation et a régi la fixation du montant de leur honoraires jusqu’à la fin de la période allant de mai 2008 à octobre 2014 au cours de laquelle les requérants ont participé au procès en leur qualité de représentants des parties civiles (paragraphe 8 ci-dessus). Les juridictions nationales ont d’ailleurs accepté que le Protocole en question s’appliquait aux requérants. La Cour en conclut que l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention est applicable en l’espèce. Dès lors, elle rejette l’exception du Gouvernement.

54. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, elle le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

55. Les requérants affirment avoir reçu des honoraires substantiellement réduits après avoir assuré, pendant plus de six ans, l’assistance juridique de plusieurs milliers de parties civiles lors d’une procédure pénale. Ils considèrent que cette ingérence n’avait pas de base légale, étant même interdite par l’article 82 § 3 de la loi no 51/1995, qui ne prévoyait qu’une seule exception qui ne revêtait pas un caractère incident en l’espèce (paragraphe 26 ci-dessus). Ils ajoutent que leur mandat a été confirmé par le juge du fond, qui a également validé leurs honoraires (paragraphe 10 ci‑dessus) en conformité avec les dispositions de l’article 5 e) du Protocole du 1er décembre 2008, et que la question de l’application en l’espèce des dispositions dudit Protocole n’était pas sujette à controverse, étant confirmée par la cour d’appel de Bucarest même (paragraphe 18 ci-dessus). Ils indiquent avoir accompli leur mission, ce qui est d’ailleurs confirmée par les procès-verbaux d’audience dressés pendant les six années de procédure (paragraphe 8 ci- dessus).

56. Le Gouvernement considère que l’ingérence dans l’exercice par les requérants de leur droit au respect de leurs biens était prévue par la loi (à savoir, par les articles 69 de la loi no 51/1995 et 5 du Protocole du 1er décembre 2008, cités au paragraphes 26 et 28 ci‑dessus) et nécessaire car le montant des honoraires devait être établi dans les limites du budget du ministère de la Justice. Il soutient que les tribunaux internes n’ont pas réduit le montant des honoraires prévu par le Protocole du 1er décembre 2008, mais l’ont fixé en fonction des différents critères, à savoir la complexité et les particularités de l’affaire, le volume de travail, après avoir jugé que des honoraires excessifs, comme ceux sollicités par les requérants, auraient eu un impact sur le budget de l’État. Se référant aux services juridiques fournis par les requérants, en dehors du caractère pro bono qu’implique la mission d’un avocat commis d’office, le Gouvernement insiste sur le fait qu’après 2011 les intéressés n’avaient pas contribué selon lui de manière substantielle à assurer la défense des parties civiles et que leur prestation, qui était le plus souvent le fruit d’un travail d’équipe, avait consisté principalement dans la rédaction de plusieurs tableaux contenant des données relatives aux parties civiles. Il estime que la situation des intéressés dans la présente espèce est différente de celle du requérant dans l’affaire Van der Mussele c. Belgique (23 novembre 1983, § 39, série A no 70). Il ajoute enfin que le Protocole du 1er décembre 2008 ne prévoyait aucun plafond maximal pour les honoraires des avocats commis d’office, mais que les protocoles conclus ultérieurement en prévoyaient (paragraphe 29 ci-dessus).

2. Appréciation de la Cour

57. La Cour renvoie à sa jurisprudence constante relative à la structure de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et aux trois normes distinctes que cette disposition contient (voir, parmi d’autres, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 78, CEDH 2006-V ; J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd c. Royaume-Uni [GC], no 44302/02, § 52, CEDH 2007-III ; et Vistiņš et Perepjolkins c. Lettonie [GC] (fond), no 71243/01, § 93, 25 octobre 2012).

a) Sur l’existence d’une ingérence

58. La Cour constate que, dans le contexte factuel particulier au cas d’espèce, le fait pour la cour d’appel de Bucarest d’avoir procédé à la réduction des honoraires des requérants (paragraphes 17-19 ci-dessus) s’analyse en une « règlementation de l’usage » des biens, au sens du deuxième paragraphe de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et peut donc passer pour une ingérence dans l’exercice par les intéressés de leur droit au respect de leurs biens. La Cour doit donc rechercher si la privation dénoncée se justifie sous l’angle de cette disposition.

b) Sur la justification de l’ingérence

59. La Cour renvoie aux principes généraux en matière de légalité d’une ingérence dans un droit protégé par l’article 1 du Protocole no 1 tel qu’ils ont été résumés dans l’affaire Vistiņš et Perepjolkins (précité, §§ 95-97) :

« 95. La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 exige qu’une ingérence de l’autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale : la seconde phrase du premier alinéa de cet article n’autorise une privation de propriété que « dans les conditions prévues par la loi ». De plus, la prééminence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique, est une notion inhérente à l’ensemble des articles de la Convention (Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce (fond) [GC], no25701/94, § 79, CEDH 2000‑XII ; et Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, § 147, CEDH 2004-V).

96. Toutefois, l’existence d’une base légale en droit interne ne suffit pas, en tant que telle, à satisfaire au principe de légalité. Il faut, en plus, que cette base légale présente une certaine qualité, celle d’être compatible avec la prééminence du droit et d’offrir des garanties contre l’arbitraire. À cet égard, il faut rappeler que la notion de « loi », au sens de l’article 1 du Protocole no 1, a la même signification que celle qui lui est attribuée par d’autres dispositions de la Convention (voir, par exemple, Špaček, s.r.o., c. République tchèque, no26449/95, § 54, 9 novembre 1999).

97. Il s’ensuit qu’en plus d’être conformes au droit interne de l’État contractant, en ce compris la Constitution (Ex-roi de Grèce et autres (fond) précité, §§ 79 et 82, et Jahn et autres [c. Allemagne, nos 46720/99, 72203/01 et 72552/01], § 81[, ECHR 2005‑VI]), les normes juridiques sur lesquelles se fonde une privation de propriété doivent être suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application (Guiso-Gallisay c. Italie, no58858/00, §§ 82-83, 8 décembre 2005). Quant à la portée de la notion de « prévisibilité », elle dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires (voir, mutatis mutandis, Sud Fondi S.r.l. et autres c. Italie, no75909/01, § 109, 20 janvier 2009). En particulier, une norme est « prévisible » lorsqu’elle offre une certaine garantie contre des atteintes arbitraires de la puissance publique (Centro Europa 7 S.R.L. et di Stefano c. Italie [GC], no38433/09, § 143, 7 juin 2012). De même, la loi applicable doit offrir des garanties procédurales minimales, en rapport avec l’importance du droit en jeu (voir, mutatis mutandis, Sanoma Uitgevers B.V. c. Pays-Bas [GC], no38224/03, § 88, 14 septembre 2010). »

60. Se tournant vers les circonstances de la présente espèce, la Cour observe d’emblée que la cour d’appel de Bucarest a fondé son arrêt du 9 juillet 2015 sur l’article 82 §§ 1 et 3 de la loi no 51/1995 (paragraphe 26 ci‑dessus), qui permettait selon elle aux tribunaux de réduire les honoraires des avocats commis d’office, dont les montants étaient établis par le Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 18 ci‑dessus).

61. Elle observe également que la loi no 51/1995 a été publiée au Journal officiel (paragraphe 26 ci‑dessus) et que le texte du Protocole du 1er décembre 2008 a été disponible au sein de l’UNBR dont les requérants étaient membres (paragraphe 28 ci-dessus ; voir, mutatis mutandis, Špaček, s.r.o., c. République tchèque, no 26449/95, §§ 57‑60, 9 novembre 1999). Elle considère que la réglementation pertinente était accessible aux requérants.

62. La Cour relève ensuite que la cour d’appel de Bucarest a estimé qu’en validant les honoraires des avocats commis d’office, les tribunaux avaient aussi la possibilité de contrôler les montants maximaux des honoraires prévus à l’article 5 du Protocole du 1er décembre 2008, protocole qui ne prévoyait pas de plafond pour les honoraires des avocats commis d’office (paragraphe 18 ci-dessus). Toujours selon la cour d’appel, l’absence de plafond légal fixé pour les honoraires des avocats commis d’office représentait une omission qui a finalement été corrigée par le Protocole du 11 juin 2015, qui en a fixé un en cas de représentation de plusieurs parties civiles par un même avocat commis d’office (paragraphe 28 ci-dessus). En appliquant ce raisonnement au cas d’espèce et après avoir jugé qu’il y avait un écart disproportionné entre la prestation fournie par les requérants – qui consistait en une défense ayant profité à toutes les parties civiles – et les honoraires calculés sur la base du Protocole du 1er décembre 2008, la cour d’appel a décidé de réduire les honoraires de chacun des requérants en déterminant un montant forfaitaire de 25 000 RON (soit environ 5 681 EUR), au lieu de calculer des honoraires en multipliant le nombre des parties civiles par le montant, soit 150 RON, prévu à l’article 5 e) du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe 18 ci‑dessus).

63. En premier lieu, la Cour estime que, bien qu’il appartienne au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et tribunaux, d’interpréter la législation interne (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 149, 20 mars 2018), la justification fournie par la cour d’appel à l’appui de sa décision de réduire les honoraires des requérants n’est pas convaincante. Tout d’abord, force est de constater qu’en vertu de l’article 82 § 3 de la loi no 51/1995, les honoraires d’avocat devaient être validés par le tribunal, en fonction de la nature du travail et de son volume, dans la limite des montants établis par le protocole conclu entre l’UNBR et le ministère de la Justice et que l’autorité judiciaire avait la faculté de maintenir ou d’augmenter le montant des honoraires initialement fixé (paragraphe 26 ci‑dessus). Quant aux dispositions du Protocole du 1er décembre 2008, elle constate qu’il fixait un montant de 150 RON (soit environ 34 EUR) pour assurer la représentation de chaque partie civile lors d’une procédure pénale (paragraphe 28 ci‑dessus). De plus, il en ressort que la base légale invoquée par la cour d’appel ne prévoyait qu’une seule situation dans laquelle les honoraires octroyés à des avocats commis d’office pouvaient être réduits, à savoir l’intervention d’un avocat choisi par la partie civile, qui ne revêtait d’ailleurs pas un caractère incident dans le cas des requérants (paragraphe 28 ci-dessus). Ensuite, bien que la législation applicable au cas d’espèce n’ait pas prévu un plafond pour les honoraires des avocats commis d’office dans une situation similaire à celle des requérants, la cour d’appel a fait une application rétroactive du principe de plafonnement des honoraires fixé par le Protocole du 11 juin 2015 (paragraphe 29 ci‑dessus ; voir, mutatis mutandis, Maurice c. France [GC], no 11810/03, §§ 90-93, CEDH 2005‑IX).

64. S’agissant des services juridiques d’office fournis par les requérants au bénéfice des parties civiles, la Cour observe qu’à partir du 27 mai 2008 (paragraphe 7 ci-dessus) et jusqu’au 7 octobre 2014, date du prononcé du jugement du tribunal de première instance, soit pendant plus de six ans, ceux- ci ont représenté 8 607 parties civiles (paragraphe 10 ci‑dessus), lors des quarante-six audiences qui se sont déroulées devant le tribunal de première instance (paragraphe 8 ci-dessus). Pour ce qui est de l’évaluation faite par la cour d’appel quant aux services fournis par les requérants, la Cour observe qu’elle est contredite par l’évaluation faite par le juge du premier degré devant lequel la procédure pénale s’était déroulée et qui avait décidé de valider et de maintenir, dans les conditions de l’article 82 § 3 de la loi no 51/1995, les honoraires prévus à l’article 5 e) du Protocole du 1er décembre 2008, sans procéder à une quelconque réduction (paragraphe 10 ci-dessus). La Cour note à cet égard, avec les requérants, que les rapports justifiant le paiement des honoraires par le ministère de la Justice n’ont été ni contestés ni annulés par les autorités nationales. Ces constats pourraient suffire pour conclure que les motifs à l’appui de l’arrêt du 9 juillet 2015 de la cour d’appel de Bucarest n’étaient pas en conformité avec les dispositions légales internes et que l’arrêt en question était arbitraire (voir, mutatis mutandis, Anželika Šimaitienė, précité, § 113).

65. En deuxième lieu, la Cour constate que la thèse des requérants est confirmée par les exemples de jurisprudence interne versés par les parties au dossier. Ainsi, parmi les huit cours d’appel destinataires de la demande formulée par le bureau de l’agent du gouvernement seulement deux d’entre elles (les cours d’appel de Bacau et de Pitesti) ont fourni, chacune, un exemple de jurisprudence relevant de la période pendant laquelle le Protocole du 1er décembre 2008 était applicable (paragraphes 35 et 37 ci-dessus). Les autres cours d’appel n’ont produit aucun exemple de jurisprudence à l’appui de leurs opinions, ou ont produit des exemples de décisions qui relevaient de l’application du Protocole du 11 juin 2015, qui est entré en vigueur après la fin du procès au cours duquel les requérants ont prêté leurs services en faveur des parties civiles (paragraphes 31, 32, 33, 34, 36 et 38 ci-dessus).

66. Tel qu’il ressort de l’exemple de jurisprudence fourni par la cour d’appel de Bacau, l’avocat s’était vu reprocher, entre autres, d’avoir fourni une prestation juridique minimale (paragraphe 35 ci-dessus). Quant à l’exemple de jurisprudence fourni par la cour d’appel de Pitesti, la Cour note qu’il s’agissait d’une confirmation de la réduction des honoraires d’avocat décidée par le juge du premier degré, sans toutefois préciser la base légale à l’appui de laquelle cette décision avait été rendue et tout en invoquant une prestation juridique minimale assurée par les avocats commis d’office (paragraphe 37 ci-dessus). Selon la Cour, ces exemples de jurisprudence ne sont pas pertinents car la mission des requérants en l’espèce n’a pas été considérée par les tribunaux comme une prestation juridique minimale, mais comme une mission d’assistance juridique qui a profité à toutes les parties civiles (paragraphe 18 ci-dessus). Qui plus est, à la différence des situations exposées dans les deux exemples de jurisprudence fournis par le Gouvernement, dans la présente espèce la réduction des honoraires est intervenue en appel, après que le juge du premier degré eut confirmé les honoraires calculés en vertu de l’article 5 du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphes 10 et 18 ci-dessus).

67. De surcroit, la Cour constate que les trois exemples de jurisprudence fournis par les requérants indiquent que les tribunaux internes n’ont pas procédé à une réduction des honoraires accordés à des avocats commis d’office ayant assisté, comme les requérants, plusieurs parties civiles, mais ont octroyé le montant prévu à l’article 5 e) du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphe

39 ci-dessus). Une partie des juges des cours d’appel ont soutenu cette jurisprudence en exprimant des avis selon lesquels les honoraires accordés aux avocats commis d’office ne pouvaient pas faire l’objet d’une réduction par les tribunaux (paragraphes 31, 33 et 35 ci‑dessus).

68. La Cour en conclut que ces éléments sont en mesure de confirmer que les arguments à l’appui de l’arrêt du 9 juillet 2015 rendu par la cour d’appel de Bucarest, ayant justifié la réduction des honoraires des requérants, n’étaient pas en conformité avec la législation nationale applicable en la matière, telle qu’interprétée par la jurisprudence interne pertinente et que, de ce fait, les requérants ne pouvaient pas prévoir que leurs honoraires, fixés en vertu de l’article 5 e) du Protocole du 1er décembre 2008, allaient être réduits par les tribunaux internes (voir la jurisprudence citée au paragraphe 59 ci‑dessus).

69. En troisième et dernier lieu, la Cour rappelle qu’une norme est « prévisible » lorsqu’elle offre une certaine garantie contre des atteintes arbitraires de la puissance publique (voir la jurisprudence citée au paragraphe 59 ci-dessus). Cela suppose que toute ingérence dans l’exercice du droit au respect des biens doit, par conséquent, s’accompagner de garanties procédurales offrant à la personne concernée une possibilité raisonnable d’exposer sa cause aux autorités compétentes, de manière à permettre une contestation effective des mesures litigieuses (voir également Stolyarova c. Russie, no 15711/13, § 43, 29 janvier 2015).

70. En l’espèce, la Cour rappelle que l’ingérence dans l’exercice par les requérants de leur droit au respect de leurs biens est intervenue en appel, lors du prononcé de l’arrêt définitif rendu par la cour d’appel de Bucarest en date du 9 juillet 2015 (paragraphe 18 ci-dessus). Certes, par le jugement du 7 octobre 2014, le tribunal de première instance n’a pas précisé le montant exact des honoraires d’avocat auxquels les requérants avaient droit, mais il n’a pas procédé non plus à une réduction de ces honoraires, se limitant seulement à valider les mandats des requérants et à confirmer les montants de ces honoraires dans le respect de l’article 5 e) du Protocole du 1er décembre 2008 (paragraphes 9-10 ci-dessus). La demande des requérants tendant à faire préciser les montants de leurs honoraires dans le dispositif du jugement du 7 octobre 2014 a été définitivement rejetée le 9 juillet 2015, lorsque la cour d’appel a décidé de leur octroyer des honoraires réduits (paragraphes 13-19 ci‑dessus).

71. La Cour note d’ailleurs que la précision relative à l’étape processuelle à laquelle l’ingérence est intervenue est d’autant plus importante en l’espèce car, tel qu’il ressort des éléments du dossier, la législation nationale n’offrait aucune possibilité pour les requérants de contester l’ingérence litigieuse (paragraphe 25 ci-dessus). À ce titre, la Cour prend note des démarches entamées par les requérants devant la Haute Cour pour contester la réduction de leurs honoraires décidée par la cour d’appel de Bucarest, soldées par le rejet de leur pourvoi en cassation déclaré irrecevable (paragraphe 23 ci‑dessus). L’inefficacité de cette voie de recours extraordinaire a été confirmée d’ailleurs par la Cour constitutionnelle qui a précisé que les requérants, en tant qu’avocats des parties civiles, ne pouvaient former un tel recours en cassation (paragraphe 22 ci-dessus). Enfin, l’absence de toute possibilité effective pour les requérants en l’espèce de contester l’ingérence dans leur droit au respect de leurs biens est confirmée par la majorité des cours d’appel consultées à ce sujet (paragraphes 31-36 et 38 ci-dessus). Seul le représentant de la cour d’appel de Pitesti a considéré que les requérants avaient à leur disposition une voie de recours efficace, sans toutefois en préciser la nature (paragraphe 37 ci-dessus). Compte tenu de ces constatations, la Cour estime que les requérants n’ont pas bénéficié des garanties procédurales suffisantes pour défendre leurs intérêts patrimoniaux (voir, mutatis mutandis, Capital Bank AD c. Bulgarie, no 49429/99, §§ 135-140, CEDH 2005‑XII (extraits)).

72. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention pour manque d’une base légale claire et prévisible, entourée de garanties suffisantes contre l’arbitraire, justifiant la mesure de règlementation de l’usage des biens prise à l’encontre des requérants.

73. Pareille conclusion dispense la Cour de rechercher si les autres exigences de l’article 1 du Protocole no 1 ont été respectées en l’espèce, et notamment si la mesure incriminée était conforme à l’intérêt général et si elle a respecté le juste équilibre devant régner en la matière entre un tel intérêt et les exigences de la protection des droits individuels.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

74. Les requérants allèguent ne pas avoir disposé d’un recours effectif pour faire valoir leurs griefs fondés sur l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention relatifs à la réduction de leurs honoraires opérée par la cour d’appel de Bucarest le 9 juillet 2015.

Ils invoquent l’article 13 de la Convention qui est ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

75. Le Gouvernement conteste cette thèse.

76. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

77. La Cour estime toutefois qu’il n’y a pas lieu de l’examiner sur le fond car il se confond avec celui qu’elle a tranché sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 (paragraphes 71-73 ci-dessus).

V. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 4 de la convention

78. Les requérants allèguent que la réduction de leurs honoraires opérée par la cour d’appel de Bucarest le 9 juillet 2015 s’analyse en un travail forcé ou obligatoire au sens de l’article 4 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« 1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.

2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.

3. N’est pas considéré comme « travail forcé ou obligatoire » au sens du présent article :

a) tout travail requis normalement d’une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l’article 5 de la (…) Convention, ou durant sa mise en liberté conditionnelle ;

b) tout service de caractère militaire ou, dans le cas d’objecteurs de conscience dans les pays où l’objection de conscience est reconnue comme légitime, à un autre service à la place du service militaire obligatoire ;

c) tout service requis dans le cas de crises ou de calamités qui menacent la vie ou le bien-être de la communauté ;

d) tout travail ou service formant partie des obligations civiques normales. »

A. Arguments des parties

79. Le Gouvernement soulève une exception de non-épuisement des voies de recours internes. En réponse aux allégations de discrimination formulées par les requérants dans leurs griefs portés devant la Cour, il fait valoir que les intéressés auraient pu saisir le Conseil national de lutte contre la discrimination (CNCD). Sur le fond du grief, il affirme que la situation supposée discriminatoire dénoncée par les requérants ne peut être caractérisée de travail forcé au sens de l’article 4 de la Convention, car les intéressés s’étaient inscrits de leur plein gré sur la liste des avocats commis d’office et avaient exercé les activités juridiques sans la menace d’une quelconque peine. Il souligne les similitudes entre la présente affaire et les affaires Van der Mussele c. Belgique (23 novembre 1983, §§ 32, 34 et 38, série A no 70) et Bucha c. Slovaquie ((déc.), no 43259/07, § 39, 20 septembre 2011).

80. Les requérants contestent la thèse du Gouvernement. Ils soulignent que le CNCD n’a pas pour attribution d’examiner les éventuels effets discriminatoires résultant des décisions de justice et qu’en tout état de cause les éventuels constats faits par cet organe ne sont pas en mesure d’influencer les décisions des tribunaux. Ils demandent en outre à la Cour d’écarter en l’espèce la jurisprudence invoquée par le Gouvernement et affirment avoir accepté de fournir une assistance juridique aux parties civiles dans les conditions établies par des protocoles qui étaient en vigueur à l’époque des faits.

B. Appréciation de la Cour

81. La Cour constate qu’il ne s’impose pas de se pencher sur la question de savoir si les requérants ont épuisé les voies de recours internes, car leur grief est, en tout état de cause, irrecevable, pour les raisons exposées ci‑dessous.

82. La Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente en l’espèce relative à l’article 4 de la Convention, telle qu’elle a été résumée dans l’affaire Chowdury et autres c. Grèce (no 21884/15, §§ 90-91, 30 mars 2017) :

« 90. La Cour rappelle (…) que les termes « travail forcé » évoquent l’idée d’une contrainte, physique ou morale. Quant aux termes « travail obligatoire », ils ne peuvent viser une obligation juridique quelconque. Par exemple, un travail à exécuter en vertu d’un contrat librement conclu ne saurait tomber sous le coup de l’article 4 de la Convention par cela seul que l’un des deux contractants s’est engagé envers l’autre à l’accomplir et s’expose à des sanctions s’il n’honore pas sa signature. Il doit s’agir d’un travail « exigé (…) sous la menace d’une peine quelconque » et, de plus, contraire à la volonté de l’intéressé et pour lequel celui-ci « ne s’est pas offert de son plein gré » (Van der Mussele c. Belgique, 23 novembre 1983, § 37, série A no 70, et Siliadin [c. France, no 73316/01] § 117, [CEDH 2005-VII]). Dans l’arrêt Van der Mussele (précité, § 37), la Cour a constaté « la valeur relative » du critère du consentement préalable et a opté pour une approche qui tient compte de l’ensemble des circonstances de la cause. Elle a en particulier observé que, dans certains cas ou circonstances, un individu « ne saurait passer pour s’être par avance offert de son plein gré » à accomplir certaines tâches. Dès lors, la validité du consentement doit être évaluée à la lumière de l’ensemble des circonstances de la cause.

91. Afin d’éclairer la notion de « travail » au sens de l’article 4 § 2 de la Convention, la Cour précise que tout travail exigé d’un individu sous la menace d’une « peine » ne constitue pas nécessairement un « travail forcé ou obligatoire » prohibé par cette disposition. Il convient en effet de prendre en compte, notamment, la nature et le volume de l’activité en cause. Ces circonstances permettent de distinguer un « travail forcé » de ce qui relève de travaux qui peuvent raisonnablement être exigés au titre de l’entraide familiale ou de la cohabitation. Dans ce sens, la Cour a notamment eu recours, dans l’arrêt Van der Mussele (précité, § 39), à la notion de « fardeau disproportionné » pour déterminer si un avocat stagiaire était soumis à un travail obligatoire lorsqu’il était exigé de lui qu’il assure à titre gracieux la défense de clients en qualité d’avocat commis d’office (C.N. et V. c. France, no 67724/09, § 74, 11 octobre 2012). »

83. Dans la présente affaire, la Cour constate qu’en vertu du droit interne en vigueur à l’époque des faits, lorsqu’il y avait des indices que les parties civiles n’étaient pas en mesure d’assurer seules leur défense, les tribunaux faisaient appel aux services des avocats commis d’office pour les parties en question (paragraphe 24 ci-dessus). Cette règle ne saurait, en soi, être considérée comme étant contraire à la Convention, étant donné que le refus d’offrir aux parties civiles cette possibilité, pourrait, dans certaines circonstances, donner lieu à une violation de l’article 6 § 1 de la Convention pour défaut d’accès à un tribunal (voir, par exemple, Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 26, série A no 32).

84. La Cour note ensuite que les requérants ont choisi librement la profession d’avocat, tout en acceptant l’idée que cela impliquait l’obligation de représenter les clients dans les affaires dans lesquelles ils étaient désignés en tant que défenseurs. La nature et le but de la mission de représentation accomplie par les requérants lors de la procédure pénale qui s’est déroulée devant le tribunal de première instance du deuxième arrondissement de Bucarest ne sortaient pas du cadre des missions normales d’un avocat. Tel qu’il ressort de la pratique interne du barreau de Bucarest, leur désignation dans la procédure pénale en question a eu lieu seulement après que les requérants eurent formulé une demande expresse pour assurer l’assistance juridique d’office (paragraphe 27 ci-dessus). De plus, les requérants n’indiquent pas ne pas avoir pu renoncer aux contrats d’assistance juridique conclus au bénéfice de leurs clients.

85. La Cour rappelle qu’en vertu de la jurisprudence citée au paragraphe 82 ci-dessus, le travail « forcé » évoque l’idée d’une contrainte, physique ou morale, qui assurément a fait défaut en l’espèce. Quant au travail « obligatoire », il ne peut viser une obligation juridique quelconque, par exemple un travail à exécuter en vertu d’un contrat librement conclu, tel que c’était le cas dans la présente affaire.

86. La Cour est d’avis que la situation des requérants se rapproche de celle de l’avocat commis d’office dans l’affaire Bucha (décision précitée, §§ 40‑41), dans laquelle la Cour a déclaré irrecevable un grief tiré du refus par la Cour constitutionnelle slovaque de rembourser à un avocat commis d’office une partie des frais et dépens qui, selon la juridiction constitutionnelle, n’étaient pas nécessairement encourus. En l’espèce, sans devoir se pencher sur les motifs qui ont conduit la cour d’appel à réduire les honoraires des requérants, la Cour estime qu’il ne s’agit pas d’un « fardeau disproportionné » à la charge des requérants et que cette décision ne saurait passer pour avoir imposé aux requérants un travail « forcé ou obligatoire » au sens de la jurisprudence citée au paragraphe 82 ci-dessus (voir, mutatis mutandis, Bucha, décision précitée, §§ 42‑45).

87. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

VI. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 combiné avec l’article 4 § 2 DE LA CONVENTION

88. Les requérants estiment, en substance, avoir subi une discrimination à raison de la réduction de leurs honoraires par l’effet de l’arrêt de la cour d’appel de Bucarest, alors que les avocats commis d’office désignés pour assister les inculpés, ainsi que le personnel du système judiciaire ayant pris part à la même procédure, n’ont pas subi le même traitement. Ils invoquent l’article 14, combiné avec l’article 4 de la Convention.

L’article 14 est ainsi libellé :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (…) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

89. Le Gouvernement constate que les requérants n’ont pas indiqué les personnes qui auraient subi un traitement différent du leur, résultant de la discrimination dont ils estiment avoir été victimes.

90. La Cour rappelle qu’un travail normal en soi peut se révéler anormal si la discrimination préside au choix des groupes ou individus tenus de le fournir. Elle a jugé que l’article 14 combiné avec l’article 4 de la Convention trouve application dans des affaires similaires à celle en l’espèce (voir, mutatis mutandis, Bucha, précité, § 53).

91. Elle note qu’il y a « discrimination », au sens de l’article 14, lorsque l’État fait subir, sans justification objective et raisonnable, un traitement différent à des personnes se trouvant dans des situations analogues (voir, parmi beaucoup d’autres, Thlimmenos c. Grèce [GC], no 34369/97, § 44, CEDH 2000‑IV). Dans chaque affaire portée devant elle sous l’angle de l’article 14, la Cour doit s’assurer, sur la base des éléments de fait et de droit déférés devant elle, si une différence de traitement a vraiment eu lieu et si elle a été opérée en fonction des critères visés par cet article. Une simple supposition ou suspicion de la part des intéressés ne suffit pas à cet effet (Vikoulov et autres c. Lettonie (déc.), no 16870/03, 31 août 2006).

92. En l’espèce, pour ce qui est du premier argument invoqué par les requérants à l’appui de leur grief, à savoir celui selon lequel les avocats ayant représenté les inculpés se seraient vu rembourser leurs honoraires pratiqués aux avocats commis d’office sans appliquer de réduction, la Cour constate que les requérants n’ont fourni aucune preuve pouvant corroborer leurs affirmations. Elle ne détient aucun élément qui lui aurait permis d’apprécier le niveau de rémunération des différents avocats commis d’office ayant assuré la défense des inculpés dans la procédure pénale en question pour rechercher si une éventuelle différence de traitement a vraiment eu lieu en l’espèce. La même conclusion s’impose quant au second argument avancé par les requérants, à savoir la rémunération sans réduction de salaires du personnel judiciaire ayant participé à la même procédure (système de rémunération qui n’est, en tout état de cause, comparable à celui des avocats commis d’office en l’espèce). En résumé, la Cour ne voit dans la présente affaire aucune apparence de discrimination prohibée par l’article 14 de la Convention.

93. Il s’ensuit que ce grief doit être déclaré irrecevable comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

VII. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

94. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

95. Au titre du dommage matériel, les requérants demandent le remboursement de la différence entre les honoraires d’avocat auxquels ils avaient droit en application du Protocole du 1er décembre 2008 et les honoraires déjà payés. Ainsi, la première requérante sollicite 411 200 lei roumains (RON) (soit environ 93 300 euros (EUR)), la deuxième requérante réclame 403 400 (soit environ 91 500 EUR) et le troisième requérant demande 401 450 RON (soit environ 91 000 EUR). Les requérants sollicitent également 10 000 EUR chacun pour la réparation du préjudice moral qu’ils estiment avoir subi à raison de la déception ressentie en voyant leurs compétences professionnelles minimisées par les autorités de l’État.

96. Le Gouvernement invite la Cour à constater que le travail d’assistance juridique fourni par les requérants au bénéfice des parties civiles a représenté un travail commun, alors que leurs demandes tendant à faire réparer les préjudices matériels ont été formulées séparément devant la Cour. Il souligne que les seuls justificatifs produits sont le résultat de calculs élaborés par les intéressés. Pour ce qui est du préjudice moral, le Gouvernement invite la Cour à relever qu’il n’y a aucun lien de causalité entre les préjudices que les requérants estiment avoir subis et les faits à l’origine de leurs requêtes. Il indique que les montants sollicités par eux à ce titre sont excessifs.

97. La Cour estime que les requérants ont subi un préjudice moral du fait de la violation constatée de l’article 1 du Protocole no 1. Statuant en équité, elle juge qu’il y a lieu d’octroyer 5 000 EUR à ce titre à chacun des requérants.

98. En outre, elle rappelle que l’article 465 du nouveau CPP permet la révision d’un procès sur le plan interne lorsque la Cour a constaté la violation des droits et libertés fondamentaux d’un requérant (voir, mutatis mutandis, Mischie c. Roumanie, no 50224/07, § 50, 16 septembre 2014, et Pătraşcu c. Roumanie, no 7600/09, § 58, 14 février 2017) et est d’avis que cela représente en principe un moyen approprié de remédier à la violation constatée en l’espèce. Les requérants peuvent s’en prévaloir, s’ils le souhaitent.

B. Frais et dépens

99. Les requérants ne demandent pas le remboursement des frais et dépens. Dès lors, la Cour n’est pas appelée à statuer sur ce point.

C. Intérêts moratoires

100. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

1. Décide, à l’unanimité, de joindre les requêtes ;

2. Déclare, à la majorité, les griefs relatifs à l’atteinte alléguée au droit de propriété et au droit à un recours effectif recevables et le surplus des requêtes irrecevables ;

3. Dit, par quatre voix contre trois, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;

4. Dit à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le fond du grief formulé sur le terrain de l’article 13 de la Convention ;

5. Dit, par quatre voix contre trois,

a) que l’État défendeur doit verser à chaque requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur ces sommes, qui seront à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement, pour dommage moral ;

a) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette, à l’unanimité, le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 janvier 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Andrea Tamietti                          Yonko Grozev
Greffier                                         Président

___________

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion dissidente commune aux juges Grozev, Kucsko-Stadlmayer et Schukking.

YGR
ANT

OPINION DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES GROZEV,
KUCSKO‑STADLMAYER ET SCHUKKING

(Traduction)

Dans la présente affaire, nous ne pouvons souscrire à l’analyse par la majorité de la recevabilité du grief formulé par les requérants. Selon nous, la somme réclamée par les requérants au titre de leurs honoraires d’avocat ne saurait être qualifiée de « bien actuel » au sens de la jurisprudence de la Cour et ne relève donc pas du champ d’application de l’article 1 du Protocole no 1. Nous avons, par conséquent, voté en faveur d’une déclaration d’irrecevabilité du grief et d’un constat de non-violation de cette disposition de la Convention.

Dans son analyse, la majorité estime que le droit national et les faits propres à l’affaire ont créé pour les requérants une « espérance légitime » relevant de la notion de « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1. Pour ce qui est de la législation interne, la majorité se fonde sur les dispositions légales applicables, à savoir l’article 82 de la loi no 51/1995 et les articles 5 et 9 du Protocole du 1er décembre 2008 conclu entre l’UNBR et le ministère de la Justice. Elle considère que cette base légale et la mission de représentation juridique accomplie d’office par les requérants sur demande du tribunal de première instance, ainsi que l’approbation de leurs rapports par le président de ce tribunal, suffisent à justifier l’applicabilité de l’article 1 du Protocole no 1 (paragraphes 51 et 53 de l’arrêt). Le fait que la cour d’appel de Bucarest, dans son arrêt du 9 juillet 2015 qui constitue la décision définitive sur le fond du grief dans la procédure interne, a jugé qu’en vertu du droit interne les tribunaux pouvaient déterminer le montant à verser au titre des honoraires d’avocat n’a pas été considéré comme décisif en l’espèce.

Nous sommes en désaccord avec cette approche. Nous pensons avant tout que le litige examiné ne porte pas sur la question de savoir si des honoraires d’avocat étaient dus aux requérants pour le travail accompli et si de tels honoraires pouvaient être qualifiés de « biens actuels », mais sur le point de savoir si le montant spécifiquement réclamé par les intéressés pouvait être qualifié de « bien actuel » (paragraphe 10 de l’arrêt). La Cour n’a qu’un rôle limité pour trancher cette question, puisqu’il appartient avant tout aux juridictions internes de se prononcer, conformément au droit interne. Elle s’est penchée à de nombreuses reprises sur cette question dans le cadre de l’article 6 de la Convention et de l’exigence d’un « droit » dont on peut prétendre, au moins de manière défendable, qu’il est reconnu en droit interne, estimant qu’elle ne peut infirmer une interprétation du droit interne donnée par les juridictions nationales que si l’interprétation retenue est « arbitraire ou manifestement déraisonnable ». Ainsi, examinant la réponse donnée par les juridictions internes à l’action en réparation introduite par le requérant dans l’affaire Károly Nagy c. Hongrie, la Cour a jugé que la déclaration d’incompétence de celles-ci n’était ni arbitraire ni manifestement déraisonnable et que le requérant n’avait ainsi jamais possédé de « droit » que l’on pouvait prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne (Károly Nagy c. Hongrie [GC], no 56665/09, §§ 75-77, 14 septembre 2017). Pour ce qui est de l’applicabilité de l’article 1 du Protocole no 1, la jurisprudence de la Cour est également bien établie. Cette disposition ne vaut que pour les biens actuels et ne crée aucun droit d’en acquérir (Anheuser‑Busch Inc. c. Portugal [GC], no 73049/01, § 64, CEDH 2007‑I, Stummer c. Autriche [GC], no 37452/02, § 82, CEDH 2011). Un revenu futur ne peut ainsi être qualifié de « bien » que s’il a déjà été gagné ou s’il fait l’objet d’une créance certaine (Denisov c. Ukraine [GC], no 76639/11, § 137, 25 septembre 2018). On ne peut conclure à l’existence d’une espérance légitime lorsqu’il y a controverse sur la façon dont le droit interne doit être interprété et appliqué et que les arguments développés par le requérant à cet égard sont en définitive rejetés par les juridictions nationales (Kopecký c. Slovaquie [GC], no 44912/98, CEDH 2004‑IX).

En appliquant cette jurisprudence, nous ne voyons, en l’espèce, aucune raison d’admettre que la somme réclamée par les requérants au titre de leurs honoraires pouvait s’analyser en un bien actuel au sens de l’article 1 du Protocole no 1. La législation nationale applicable, à savoir l’article 82 de la loi no 51/1995, prévoit que les juridictions internes doivent déterminer le montant à verser à titre d’honoraires d’avocat en fonction de la nature du travail et de son volume, dans la limite des montants fixés par le protocole conclu entre l’UNBR et le ministère de la Justice. Cette référence claire, dans la législation primaire, à « la nature du travail et de son volume » est ce que la cour d’appel de Bucarest a explicitement appliqué dans son arrêt du 9 juillet 2015 (paragraphe 18 de l’arrêt). Avant cet arrêt, le montant (total) réclamé n’avait jamais été versé et ne faisait pas l’objet d’une « créance certaine ». Comme la majorité elle-même le confirme sur le fond, la législation applicable, dont le Protocole du 1er décembre 2008, n’était pas claire (paragraphe 72 de l’arrêt) et devait être clarifiée par les juridictions internes. Ce que les requérants ont par conséquent reçu après l’arrêt rendu par la cour d’appel était le montant réduit (paragraphes 21 et 41 de l’arrêt). Cette réduction semble plus que justifiée dans une affaire qui est manifestement unique en termes de nombre de parties à la procédure et dans laquelle l’approche standardisée du Protocole conclu entre l’UNBR et le ministère de la Justice était manifestement inadaptée.

En pareilles circonstances, il nous semble impossible de conclure que le fait pour la cour d’appel de Bucarest de s’être fondée sur la législation primaire et sur l’exigence qu’elle comporte de déterminer les honoraires d’avocat sur la base d’une appréciation de « la nature du travail et de son volume » était arbitraire ou manifestement déraisonnable, ou qu’il aurait porté atteinte à une « espérance légitime ». Cette approche nous semble, au contraire, parfaitement raisonnable dans les circonstances de l’espèce. Ce constat est d’ailleurs implicitement confirmé par le fait que la majorité a refusé d’octroyer le montant total des honoraires d’avocat réclamé, alors même que ce montant était le fondement de sa conclusion relative à l’applicabilité de l’article 1 du Protocole no 1. La somme due aux requérants au titre des honoraires d’avocat n’a été déterminée et n’est devenue une « créance certaine » que par la décision définitive de la cour d’appel de Bucarest, et seulement pour le montant déterminé par elle. Pour ces raisons, les requérants n’avaient pas de « bien actuel » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 relativement au reste de la somme réclamée par eux.

____________

ANNEXE

No. Requête No Nom de l’affaire Introduite le Requérant
Année de naissance
Lieu de résidence
Représenté par
1. 54780/15 Dănoiu c. Roumanie 28/10/2015 Daniela Lorelay DĂNOIU
1970
Bucarest
Daniela Lorelay DĂNOIU
2. 55220/15 Agache c. Roumanie 28/10/2015 Carmen Mariana AGACHE
1978
Bucarest
Cosmin-Gabriel SCĂRLĂTESCU
3. 55226/15 Scărlătescu c. Roumanie 28/10/2015 Cosmin-Gabriel SCĂRLĂTESCU
1975
Bucarest
Carmen Mariana AGACHE

Dernière mise à jour le janvier 25, 2022 par loisdumonde

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *