AFFAIRE FAROOQ ET AUTRES c. GRÈCE (Cour européenne des droits de l’homme) Requête nos 4412/18 et 2 autres requêtes – voir liste en annexe

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE FAROOQ ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête nos 4412/18 et 2 autres requêtes – voir liste en annexe)
ARRÊT
STRASBOURG
16 septembre 2021

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Farooq et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

Erik Wennerström, président,
Lorraine Schembri Orland,
Ioannis Ktistakis, juges,
et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 août 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent des requêtes dirigées contre la Grèce et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux différentes dates indiquées dans le tableau joint en annexe.

2. Les requérants ont été représentés par X. Moisidou et C. Lampakis, avocats à Thessaloniki.

3. Les requêtes ont été communiquées au gouvernement grec (« le Gouvernement »).

EN FAIT

4. La liste des requérants et les précisions pertinentes sur les requêtes figurent dans le tableau joint en annexe.

5. Les requérants se plaignent des mauvaises conditions de détention et de l’absence de recours effectif en droit interne.

EN DROIT

I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

6. Compte tenu de la similitude des requêtes, la Cour estime approprié de les examiner conjointement en un seul arrêt.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 3 ET 13 DE LA CONVENTION

7. Les requérants allèguent principalement avoir subi de mauvaises conditions de détention et ne pas avoir disposé d’un recours effectif à cet égard. Ils invoquent les articles 3 et 13 de la Convention, ainsi libellés :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale (…) »

8. La Cour observe que les requérants ont été détenus dans des conditions médiocres. Des précisions à ce sujet sont fournies dans le tableau joint en annexe. La Cour renvoie aux principes énoncés dans sa jurisprudence relative aux mauvaises conditions de détention (voir, par exemple, Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, §§ 96‑101, CEDH 2016). Elle rappelle en particulier qu’un grand manque d’espace dans une cellule de prison est un facteur particulièrement important à prendre en compte aux fins d’établir si les conditions de détention décrites sont « dégradantes » au sens de l’article 3 et peuvent révéler une violation, que ces aspects soient considérés isolément ou en combinaison avec d’autres défaillances (voir Muršić, précité, §§ 122‑41, et Ananyev et autres c. Russie, nos 42525/07 et 60800/08, §§ 149‑59, 10 janvier 2012).

9. Dans l’arrêt de principe Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, 20 octobre 2016, la Cour a conclu à la violation au sujet de questions similaires à celles qui font l’objet de la présente affaire.

10. Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant à la recevabilité et au bien-fondé des griefs en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce les conditions de détention des requérants étaient mauvaises. La Cour note par ailleurs que les requérants n’ont disposé d’aucun recours effectif en ce qui concerne ces griefs.

11. Il s’ensuit que ces griefs sont recevables et révèlent une violation des articles 3 et 13 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

12. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

13. Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence (voir Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, 20 octobre 2016), la Cour estime raisonnable d’allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe.

14. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Déclare les requêtes recevables ;

3. Dit que ces requêtes révèlent une violation des articles 3 et 13 de la Convention en raison des mauvaises conditions de détention et de l’absence d’un recours effectif à cet égard ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 septembre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Viktoriya Maradudina                             Erik Wennerström
Greffière adjointe f.f.                                   Président

____________

ANNEXE

Liste de requêtes concernant des griefs tirés des articles 3 et 13 de la Convention
(les mauvaises conditions de détention et absence de recours effectif à cet égard)

No. Numéro et date d’introduction de la requête Nom du requérant et année de naissance Établissement

Dates de début et de fin

Durée

Surface par détenu Problèmes dénoncés Montant alloué pour dommage moral par requérant

(en euros)[1]

Montant alloué pour frais et dépens par requête

(en euros)

1. 4412/18

12/01/2018

Nazim FAROOQ

1984

Corfou

29/05/2014 à

27/07/2018

4 année(s) et 1 mois et 29 jour(s)

2 détenu(s)

2.5 m²

1 toilette(s)

Cellule moisie ou insalubre, manque ou inadaptation des installations sanitaires, manque de produits d’hygiène, pas d’accès ou accès restreint à l’eau chaude, température inadéquate, manque ou insuffisance de lumière artificielle, tabagisme passif, surpopulation, mauvaise qualité de la nourriture, mauvaise qualité de l’eau potable, manque de soins médicaux adéquats, manque d’air frais, manque ou insuffisance d’activités de loisirs ou éducatives, manque d’intimité dans les toilettes 12 500

 

250
2. 4415/18

12/01/2018

Nektarios DASKALOTHANASIS

1970

Corfou

11/04/2016 à

09/07/2018

2 année(s) et 2 mois et 29 jour(s)

2 détenu(s)

2.5 m²

1 toilette(s)

Cellule moisie ou insalubre, manque d’air frais, manque de produits d’hygiène, manque ou inadaptation des installations sanitaires, manque ou insuffisance d’activités de loisirs ou éducatives, manque ou insuffisance de lumière artificielle, manque ou quantité insuffisante de nourriture, mauvaise qualité de l’eau potable, pas d’accès ou accès restreint à l’eau chaude, pas d’accès ou accès restreint à l’eau potable, surpopulation, tabagisme passif, température inadéquate, manque d’intimité dans les toilettes

 

 

8 900 250
3. 8202/18

07/02/2018

Sokol KALLGO/KALLCO

1972

Corfou

13/01/2017 à

14/03/2018

1 année(s) et 2 mois et 2 jour(s)

2 détenu(s)

2.5 m²

1 toilette(s)

Cellule moisie ou insalubre, manque d’air frais, manque de produits d’hygiène, manque ou inadaptation des installations sanitaires, manque ou insuffisance d’activités de loisirs ou éducatives, manque ou insuffisance de lumière artificielle, mauvaise qualité de la nourriture, mauvaise qualité de l’eau potable, pas d’accès ou accès restreint à l’eau chaude, surpopulation, tabagisme passif, température inadéquate, manque d’intimité dans les toilettes 5 900 250

[1] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.

Dernière mise à jour le septembre 16, 2021 par loisdumonde

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