La présente affaire concerne une procédure pénale au terme de laquelle le requérant a été condamné à une peine d’emprisonnement. Est en jeu l’article 6 de la Convention, sous l’angle de l’équité globale de la procédure et du caractère raisonnable de sa durée. PDF, WORD.
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE BRUS c. BELGIQUE
(Requête no 18779/15)
ARRÊT
Art 6 § 1 (pénal) et Art 6 § 3 c) • Procès équitable • Se défendre avec l’assistance d’un défenseur • Procédure pénale, condamnant le requérant à une peine de prison, considérée dans son ensemble, ne remédiant pas aux lacunes procédurales du stade préliminaire • Pas d’analyse des juridictions internes de l’incidence de l’absence d’un avocat lors des interrogatoires et auditions sur les droits de défense • Condamnation justifiée par la suffisance globale des preuves, sans contrôle de l’équité globale de la procédure
Art 6 § 1 (pénal) • Délai raisonnable • Procédure ayant duré presque 13 ans en raison du comportement des autorités nationales lors de l’instruction et du règlement de la procédure
STRASBOURG
14 septembre 2021
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Brus c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :
Georgios A. Serghides, président,
Paul Lemmens,
Georges Ravarani,
María Elósegui,
Darian Pavli,
Peeter Roosma,
Andreas Zünd, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête (no 18779/15) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant néerlandais, M. Karel Brus (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 14 avril 2015,
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement belge (« le Gouvernement »),
les observations des parties,
la décision du gouvernement néerlandais de ne pas intervenir en tant que tierce partie (article 36 § 1 de la Convention),
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 avril 2021 et le 6 juillet 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
INTRODUCTION
1. La présente affaire concerne une procédure pénale au terme de laquelle le requérant a été condamné à une peine d’emprisonnement. Est en jeu l’article 6 de la Convention, sous l’angle de l’équité globale de la procédure et du caractère raisonnable de sa durée.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1949 et réside à Zaventem. Il est représenté par Me G. Warson, avocat.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agente Mme I. Niedlispacher, service public fédéral de la Justice.
4. Le 11 mai 2001, le parquet de Bruxelles se vit transmettre un rapport établi par l’Office européen de lutte antifraude (« OLAF ») de la Commission européenne qui révélait que le requérant, à l’époque fonctionnaire de la Commission, était impliqué, avec une dizaine d’autres personnes, dans des faits de corruption à propos des conditions d’importation des céréales dans l’Union européenne.
5. Le 30 novembre 2001, l’immunité du requérant fut levée. Le 17 décembre 2001, un juge d’instruction du tribunal de première instance de Bruxelles fut désigné pour instruire l’affaire. Plusieurs devoirs d’enquête furent réalisés entre 2001 et 2006 (écoutes téléphoniques et autres mesures de surveillance, perquisitions, expertises financières et commissions rogatoires) mettant en évidence les liens entre les prévenus et l’existence de filières basées en France et aux Pays-Bas.
6. Entretemps, le 15 octobre 2003, le requérant fut privé de liberté. Conformément au droit interne à l’époque des faits (paragraphe 21 ci‑dessous), le requérant ne fut pas assisté de son conseil durant les auditions et interrogatoires qui furent organisés lors de sa détention préventive et durant toute la phase de l’instruction. Le 17 décembre 2003 un interrogatoire récapitulatif eut lieu, à la demande du requérant. Cette audition se déroula en français et sans la présence de son avocat, pourtant prévue par la loi (ibidem). Le lendemain, le requérant fut libéré sous caution. Plus tard, par un arrêt du 14 juillet 2004, la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles, devant laquelle le requérant avait évoqué des pressions exercées sur lui par les enquêteurs et demandé l’organisation d’un interrogatoire régulier, annula le procès-verbal d’audition en vertu de l’article 31 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire et ordonna que cet interrogatoire soit réitéré. Aucun nouvel interrogatoire récapitulatif ne fut organisé, le requérant ne se trouvant plus en détention. Le 6 décembre 2006, le requérant fut privé de liberté le temps d’une mesure d’instruction à son domicile à laquelle il s’était opposé.
7. En 2007, le requérant tenta à deux reprises, en vain, de récuser le juge d’instruction. Le 23 janvier 2008, le juge d’instruction communiqua le dossier au parquet. Par un arrêt du 31 décembre 2008, la chambre des mises en accusation constata la régularité des techniques particulières de recherche. Le 11 mai 2009, le parquet signa ses réquisitions. La première audience pour le règlement de la procédure, fixée au 4 février 2010, fut reportée en raison de devoirs d’instruction complémentaires demandés notamment par le requérant. La cause fut prise en délibéré à la fin de l’audience du 23 novembre 2010.
8. Par ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles du 11 janvier 2011, le requérant fut renvoyé devant le tribunal correctionnel, principalement pour des faits de violation du secret professionnel et de corruption passive. Cette décision fut confirmée par un arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles du 17 mars 2011. En réponse à la demande du requérant de déclarer les poursuites irrecevables du fait qu’il n’avait pas été procédé à un autre interrogatoire récapitulatif en présence de son avocat, la chambre des mises en accusation considéra qu’aucune violation des droits de la défense ne pouvait en être déduite dès lors qu’il était loisible à l’intéressé et à son conseil de s’expliquer sur les faits devant la juridiction du fond.
9. Le requérant se pourvut en cassation contre cet arrêt. Il fit valoir que la chambre des mises en accusation aurait dû déclarer les poursuites irrecevables pour violation de ses droits de la défense dès lors qu’il n’avait pas été procédé à un nouvel interrogatoire récapitulatif, le privant ainsi de toute possibilité d’être entendu par les enquêteurs en présence de son avocat. Par un arrêt du 1er juin 2011, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. Elle considéra qu’il n’était pas requis, pour que le procès fût équitable, que toutes les auditions se soient déroulées avec l’assistance d’un avocat et que l’équité d’un procès pénal s’appréciait par rapport à l’ensemble de la procédure. En ce qui concerne l’absence d’un avocat lors des interrogatoires, la Cour nota que la chambre des mises en accusation avait statué sur l’appel d’une ordonnance de renvoi correctionnel et qu’elle ne s’était donc pas prononcée sur la culpabilité ou l’innocence du requérant. Il n’apparaissait dès lors pas que l’arrêt avait utilisé, pour fonder une condamnation, une déclaration quelconque faite lors d’un interrogatoire subi sans l’assistance d’un avocat au cours du délai de garde à vue. Quant à l’absence d’un interrogatoire récapitulatif régulier pendant la détention préventive, la Cour de cassation considéra qu’il incombait au juge de constater si les droits de la défense avaient été violés en raison de cette circonstance. En considérant qu’en l’absence de cet interrogatoire, le requérant pourrait s’expliquer devant le tribunal correctionnel sur les faits qui lui étaient reprochés, de sorte que les droits de la défense n’étaient pas violés, la chambre des mises en accusation avait pu légalement justifier sa décision.
10. La cause, impliquant 15 inculpés, fut fixée devant le tribunal correctionnel le 12 octobre 2011, mais reportée à la demande du requérant. Ce dernier ne comparut pas aux audiences fixées en mars et avril 2012, invoquant des raisons médicales qui ne purent être vérifiées. Il comparut personnellement à une des audiences, celle du 7 mai 2012. Par jugement du 27 juin 2012, le tribunal condamna le requérant à une peine de prison de 40 mois, à une amende de 50 000 euros (« EUR »), et à certaines peines accessoires. Ce jugement ne mentionnait aucune objection de la part du requérant quant à la régularité de la procédure.
11. Le recours en opposition formé par le requérant contre ce jugement fut déclaré irrecevable par jugement du tribunal de première instance du 27 septembre 2012, au motif que le jugement contre lequel l’opposition était faite avait été rendu contradictoirement à l’égard du requérant. Ce jugement du 27 septembre 2012 fut confirmé par la cour d’appel de Bruxelles le 31 octobre 2012.
12. Le requérant et le ministère public ayant entretemps fait appel contre le jugement du 27 juin 2012, la cour d’appel de Bruxelles, par un arrêt rendu par défaut à l’égard du requérant le 6 mai 2013, maintint les condamnations prononcées contre lui, sous réserve de la peine de prison qui fut portée à cinq ans. Elle ordonna son arrestation immédiate.
13. Le requérant fut arrêté en février 2014 en Espagne. Il forma aussitôt opposition contre l’arrêt précité du 6 mai 2013.
14. La cour d’appel statua contradictoirement sur l’opposition, par un arrêt du 10 juin 2014. Devant cette cour, le requérant s’était notamment plaint du fait que, contrairement à ce qu’avait ordonné la chambre des mises en accusation par son arrêt du 14 juillet 2004, le procès-verbal de l’interrogatoire récapitulatif du 17 décembre 2003 n’avait pas été retiré du dossier et qu’il n’avait pas été procédé à un nouvel interrogatoire. La cour d’appel rejeta ce moyen considérant que cette problématique avait déjà été soulevée au stade du règlement de la procédure et tranchée par la Cour de cassation statuant le 1er juin 2011 sur le pourvoi du requérant dirigé contre l’arrêt de la chambre des mises en accusation (paragraphe 9 ci-dessus). Elle ajouta qu’en tout état de cause l’interrogatoire récapitulatif était spécifique à la détention préventive, qui avait pris fin immédiatement après l’interrogatoire récapitulatif. Enfin, la simple circonstance que la pièce litigieuse n’eût pas été écartée ne constituait pas, à elle seule, une violation des droits de la défense. Dans le dispositif de son arrêt, la cour d’appel explicitement écarta le procès-verbal de l’interrogatoire récapitulatif.
15. Le requérant s’était également plaint de l’absence de son avocat à l’ensemble des auditions menées durant l’instruction. La cour d’appel admit que ces auditions, hors de la présence d’un avocat, ne pouvaient constituer, en tant que telles, la preuve de la culpabilité du requérant. Elle considéra la plus grande partie des nombreuses préventions établies – 39 préventions établies étaient mentionnées – sur base de preuves qui étaient étrangères aux déclarations du requérant faites au cours de ses auditions. Toutefois, en ce qui concernait six préventions, la cour d’appel se référa « à titre surabondant » à de telles déclarations, par lesquelles il avait reconnu des faits qui lui étaient reprochés – principalement la divulgation de certaines informations et la réception de certains avantages en contrepartie.
16. En ce qui concernait la fixation de la peine, la cour d’appel refusa de constater le dépassement du délai raisonnable et d’appliquer l’article 21ter du titre préliminaire du code d’instruction criminelle (paragraphe 22 ci‑dessous). Elle considéra qu’eu égard aux différentes étapes de la procédure, celle-ci n’avait pas subi de retard anormal : l’enquête n’avait pas été anormalement longue compte tenu des versions données par plusieurs personnes inculpées, lesquelles avaient nécessité de nombreuses vérifications ; les délais pour fixer l’affaire devant les différentes juridictions n’avaient pas été exagérément longs ; le temps pris par ces juridictions pour rendre leur décision n’était pas anormal. En outre, le requérant avait lui-même contribué, par son attitude, à retarder le cours de la procédure. Après sa comparution le 7 mai 2012 devant le premier juge du fond, la procédure n’avait plus subi d’avatars. S’il s’était écoulé deux ans entre cette date et l’arrêt de la cour d’appel sur opposition, il fallait prendre en compte qu’entretemps le requérant ne s’était plus présenté et avait été arrêté.
17. Le requérant fut condamné pour l’ensemble des préventions déclarées établies à une peine de prison de 40 mois, avec sursis pour la moitié de cette peine, à une amende de 50 000 EUR, et à plusieurs peines accessoires. N’ayant pas comparu devant la cour d’appel, son arrestation immédiate fut ordonnée.
18. Par un arrêt du 15 octobre 2014, la Cour de cassation rejeta le pourvoi introduit par le requérant contre l’arrêt précité. Statuant sur un moyen tiré de la violation de l’article 6 § 3 c) de la Convention, du fait que la cour d’appel avait pris en considération, fût-ce à titre surabondant, des auditions faites pendant l’instruction sans l’assistance d’un avocat, la Cour de cassation constata que dans son pourvoi le requérant critiquait ainsi la déclaration de culpabilité pour deux faits, respectivement de corruption et de violation du secret professionnel, visés dans deux préventions spécifiques. Elle considéra que la peine imposée était légalement justifiée par les autres infractions déclarées établies, de sorte que le moyen était irrecevable à défaut d’intérêt.
19. Un autre moyen faisait grief à l’arrêt attaqué de considérer que le requérant ne pouvait soulever devant la cour d’appel les mêmes arguments que ceux qu’il avait invoqués à l’issue de l’instruction quant à la régularité de la procédure dès lors que la chambre des mises en accusation avait statué à cet égard et que le pourvoi en cassation contre cette décision avait été rejeté. Selon le requérant, en statuant ainsi, la cour d’appel avait commis un excès de pouvoir et violé l’article 6 de la Convention. La Cour de cassation rejeta ce moyen notamment pour les motifs suivants :
« De la seule circonstance que la loi limite le droit du prévenu de soulever devant le juge du fond une contestation qui a été tranchée contradictoirement par la juridiction d’instruction lors du règlement de la procédure, il ne saurait se déduire ni une violation de l’article 6 de la Convention ni une méconnaissance des droits de la défense.
Il en va de même du fait qu’une pièce annulée par la juridiction d’instruction n’a pas été matériellement retirée du dossier avant l’examen de la cause devant la juridiction de renvoi alors que les juges d’appel ont réparé cette omission en écartant ladite pièce.
L’équité du procès s’appréciant à la lumière de l’ensemble de la procédure, l’article 6 de la Convention ne saurait davantage être violé en raison du fait que, au cours de la détention préventive, l’interrogatoire récapitulatif devant le juge d’instruction, annulé par un arrêt de la chambre des mises en accusation, n’a pas pu être recommencé, le demandeur ayant été remis en liberté le lendemain. »
20. La Cour de cassation n’accueillit pas davantage un moyen tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et fondé sur le dépassement du délai raisonnable, en estimant que les juges d’appel avaient pu légalement déduire des éléments constatés par eux « que le délai raisonnable dans lequel le [requérant] avait droit à ce que sa cause fût entendue, n’était pas dépassé ».
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
21. Les dispositions pertinentes relatives à l’assistance de l’avocat durant la phase préliminaire du procès pénal à l’époque des faits de l’affaire sont décrites dans Beuze c. Belgique [GC] (no 71409/10, §§ 49-77, 9 novembre 2018). Il est notamment rappelé que, par exception au reste de la phase de l’instruction judiciaire, couverte par le secret de l’instruction et sans possibilité pour l’avocat d’assister aux auditions, l’article 22, alinéa 2, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive prévoyait la possibilité pour l’avocat d’assister à l’interrogatoire récapitulatif devant le juge d’instruction. Cette disposition était ainsi formulée avant sa modification par la loi du 13 août 2011 modifiant le code d’instruction criminelle et la loi relative à la détention préventive, entrée en vigueur le 1er janvier 2012 (dite « loi Salduz ») :
« Sur requête de l’inculpé ou de son conseil, le juge d’instruction convoque l’inculpé dans les dix jours qui précèdent chaque comparution en chambre du conseil ou en chambre des mises en accusation statuant sur renvoi conformément à l’article 31, § 4 pour un interrogatoire récapitulatif ; le greffier notifie immédiatement et par écrit ou par télécopieur la convocation au conseil de l’inculpé et au procureur du Roi, lesquels peuvent assister à cet interrogatoire. »
22. L’article 21ter du titre préliminaire du Code d’instruction criminelle dispose que, si un dépassement du délai raisonnable est constaté au préjudice du prévenu, le juge du fond peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi. Le juge du fond peut aussi prononcer une peine prévue par la loi mais réduite de manière réelle et mesurable par rapport à celle qu’il aurait infligée s’il n’avait pas constaté la durée excessive de la procédure (voir, par exemple, Cass. 25 janvier 2012, P.11.1104.F ; Cass. 18 septembre 2012, P.12.0349.N ; Cass. 30 avril 2013, P.12.1133.N ; Cass. 7 octobre 2014, P.14.0506.N).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION (ÉQUITÉ DU PROCÈS)
23. Le requérant allègue que le fait d’avoir été privé du droit d’accès à un avocat lors de sa détention préventive et durant les auditions et interrogatoires menés durant la phase préalable au procès, notamment durant l’interrogatoire récapitulatif du 17 décembre 2003, a emporté violation de son droit à un procès équitable garanti par l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention. Ces dispositions sont ainsi libellées :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (…) par un tribunal (…) qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…)
(…)
3. Tout accusé a droit notamment à :
(…)
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; »
A. Sur la recevabilité
24. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
25. Le requérant soutient que depuis le début de l’enquête il a été victime de pressions de la part des enquêteurs, dont il a fait part au magistrat instructeur. Étant donné qu’il ne pouvait bénéficier de la présence de son avocat durant les auditions et interrogatoires, qui lui aurait permis de s’exprimer plus librement, de mettre sa défense en perspective et de déjouer lesdites pressions, il a demandé qu’un interrogatoire récapitulatif, seule audition que la loi autorisait de mener en présence du conseil, soit organisé. Si un tel interrogatoire a bien eu lieu, il l’a été en français et sans la présence de son avocat. Or, au cours de cette audition, le requérant, sous la pression, a fait des déclarations qui l’ont incriminé. Il n’a cessé ensuite de demander de procéder à un nouvel interrogatoire en présence de son avocat. La chambre des mises en accusation a sanctionné l’irrégularité de la procédure du point de vue de la loi sur l’emploi des langues en matière judiciaire en annulant le procès-verbal du 17 décembre 2003, mais il n’a jamais été donné suite à cet arrêt. En effet, ce procès‑verbal n’a pas été retiré du dossier et un interrogatoire récapitulatif en néerlandais et en présence d’un avocat n’a pas été organisé. Affirmer qu’il aurait toujours été loisible au requérant de s’exprimer devant les juges du fond, ne tient pas compte de la difficulté de se défendre à propos de faits anciens qui n’ont pas été enquêtés dans le respect des droits de la défense. Il faut aussi tenir compte du refus du juge d’instruction d’effectuer des devoirs complémentaires qui auraient permis au requérant de mettre certains faits dans une perspective plus proche de sa stratégie de défense. En définitive, non seulement le procès-verbal de l’interrogatoire irrégulier est resté dans le dossier jusqu’en appel mais de plus les juges d’appel se sont référés, pour établir plusieurs préventions, aux déclarations faites par le requérant au cours d’auditions menées sans avocat. La mention « à titre surabondant » ne saurait masquer que ces déclarations ont nécessairement eu un impact sur la conviction des juges pour fonder leur décision sur sa culpabilité.
26. Le Gouvernement souligne que le procès-verbal litigieux a été annulé sur la base de la loi sur l’emploi des langues en matière judiciaire et non en raison de l’absence de l’avocat du requérant. Par ailleurs, le requérant a pu exposer ses arguments à ce propos devant les juridictions internes et a obtenu gain de cause puisque la cour d’appel a écarté ledit procès-verbal. Le Gouvernement souligne, en outre, que l’interrogatoire récapitulatif, à la fin de la détention préventive, permet uniquement de reprendre point par point les principaux éléments du dossier et d’acter les observations de l’inculpé à chacun d’eux. Il s’ensuit qu’aucune violation des droits de la défense ne pouvait être déduite du défaut d’organisation d’un nouvel interrogatoire récapitulatif puisque le requérant a ensuite eu la possibilité de s’expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés devant les juridictions du fond. Quant à l’absence d’un avocat au cours de l’interrogatoire récapitulatif du 17 décembre 2003 et d’autres auditions, le Gouvernement fait valoir que ce ne sont pas les déclarations faites pendant l’instruction sans la présence d’un conseil qui ont fondé la décision de culpabilité de la cour d’appel, mais bien l’ensemble des preuves, notamment l’analyse de comptes en banque et de la situation patrimoniale du requérant, les écoutes téléphoniques, les documents saisis, les auditions d’autres accusés et témoins, et les transferts d’argent. Enfin, se référant à l’arrêt de la Cour de cassation du 15 octobre 2014, le Gouvernement constate que, même si on devait considérer que la mention à titre surabondant des déclarations faites sans l’assistance d’un avocat pouvait nuire au caractère équitable du procès, cette circonstance n’avait en l’espèce pas eu d’impact sur la peine, celle-ci étant légalement justifiée par les autres infractions déclarées établies. Les auditions sans l’assistance d’un avocat n’ont donc pas nui à l’équité globale du procès.
2. Appréciation de la Cour
27. Les principes généraux relatifs au droit à l’assistance d’un avocat sont résumés dans Beuze c. Belgique ([GC], no 71409/10, §§ 119-150, 9 novembre 2018), dans lequel la Cour a réaffirmé que sa préoccupation première est d’évaluer l’équité globale de la procédure pénale. La Cour rappelle également que les droits garantis par l’article 6 § 3 ne sont pas des fins en soi : leur but intrinsèque est toujours de contribuer à garantir l’équité de la procédure pénale dans son ensemble. Le respect des exigences d’un procès équitable doit être examiné dans chaque cas au regard de l’évolution de la procédure dans son ensemble et non sur la base d’un examen isolé d’un aspect particulier ou d’un incident particulier (Beuze, précité, §§ 121‑122 et, plus récemment, Sesler c. Russie (déc.), no 67772/10, § 20, 1er septembre 2020).
28. La Cour constate que les restrictions au droit d’accès à un avocat dont il est question en l’espèce ont été d’une ampleur particulière, le requérant n’ayant pas bénéficié de la présence de son avocat au cours des auditions, interrogatoires et autres actes d’instruction auxquels il a été procédé lors de sa détention préventive et durant la phase d’instruction. Elle rappelle également qu’à l’époque des faits, les restrictions litigieuses résultaient du silence de la loi belge et de l’interprétation qui en avait été faite par les juridictions internes, et avaient donc une portée générale et obligatoire.
29. Partant, le Gouvernement n’ayant par ailleurs pas établi l’existence de circonstances exceptionnelles qui auraient pu justifier lesdites restrictions, la Cour constate qu’aucune raison impérieuse ne justifiait en l’espèce les restrictions susmentionnées. Elle doit dès lors évaluer l’équité de la procédure en opérant un contrôle très strict. La charge de la preuve visant à démontrer de manière convaincante que le requérant a néanmoins bénéficié globalement d’un procès pénal équitable pèse sur le Gouvernement (voir, mutatis mutandis, Beuze, précité, §§ 160-165). Pour procéder à cette appréciation, la Cour est guidée par les critères résumés dans Beuze (précité, § 150), dans la mesure où ils sont pertinents en l’espèce.
30. La Cour note tout d’abord que des considérations d’intérêt public justifiaient les poursuites du requérant, celles-ci ayant pour objet des faits de corruption organisée à large échelle.
31. Elle constate ensuite l’absence de vulnérabilité particulière du requérant. Elle relève toutefois que l’exception de nullité soulevée par lui au stade du règlement de la procédure, sur le fondement de l’article 6 de la Convention, en raison de l’irrégularité de l’interrogatoire récapitulatif organisé le 17 décembre 2003 sans la présence de son avocat, trouvait son origine dans des pressions qu’il aurait subies de la part des enquêteurs. Ainsi qu’il l’a exposé dans ses conclusions, son insistance à voir organiser un interrogatoire récapitulatif régulier tenait notamment à la possibilité de s’entretenir sur l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés avec le magistrat instructeur et en présence de son avocat, possibilité qui n’existait pas autrement. Il n’est donc pas possible, comme le soutient le Gouvernement, d’isoler l’argument tiré du défaut d’interrogatoire récapitulatif de la problématique générale de la non-assistance d’un avocat durant la phase préalable du procès.
32. L’exception de nullité des poursuites a été rejetée au stade du règlement de la procédure, à la fin de l’instruction judiciaire, par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles au motif que l’équité du procès devait s’apprécier par rapport à l’ensemble de la procédure et que le requérant disposant encore de la possibilité de s’expliquer sur les faits devant les juridictions du fond, aucune violation des droits de la défense ne pouvait être constatée à ce stade (paragraphe 8 ci‑dessus). À la demande du requérant, au stade du jugement, de réévaluer la problématique de la non-assistance d’un avocat durant l’instruction, combinée à l’absence d’un interrogatoire récapitulatif régulier, la cour d’appel a toutefois ensuite répondu que cette question, prise isolément, avait été tranchée au stade du règlement de la procédure par l’arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2011 (paragraphe 14 ci-dessus). Ce raisonnement a été validé par la Cour de cassation (paragraphes 18-19 ci‑dessus). Aussi, rien ne démontre que les juridictions du fond aient procédé à une analyse de l’incidence de l’absence d’un avocat lors des interrogatoires et auditions sur les droits de défense (Beuze, précité, §§ 174 et 176 ; voir également, parmi d’autres, Olivieri c. France, no 62313/12, § 36, 11 juillet 2019). Par conséquent, la circonstance, invoquée par le Gouvernement, que la cour d’appel ait écarté le procès-verbal de l’interrogatoire récapitulatif irrégulier n’a pas joué un rôle important à cet égard.
33. Sur le point de savoir si les déclarations faites sans avocat par le requérant au stade de l’instruction ont joué un rôle dans les circonstances de l’espèce et si cette lacune procédurale a pu avoir un impact sur la condamnation finalement prononcée à son égard, la Cour note que le dossier pénal du requérant était fondé sur un grand nombre de faits, tous liés par une même intention criminelle, et que 39 préventions furent retenues contre lui. Pour six de ces préventions, la cour d’appel s’est référée à des déclarations qu’il avait faites sans avocat et dans lesquelles il reconnaissait des faits précis de divulgation d’informations et d’avantages reçus en contrepartie. Ainsi que cela ressort de l’arrêt longuement motivé de la cour d’appel, ces déclarations venaient pour la plupart confirmer des éléments recueillis par les enquêteurs avant les interrogatoires et la grande majorité des préventions ont été jugées établies sur la base d’autres éléments issus de l’enquête et non sur lesdites déclarations (paragraphe 15 ci-dessus). De plus, pour les six préventions litigieuses, la cour d’appel s’est montrée prudente en se référant « à titre surabondant » aux déclarations du requérant et en soulignant qu’elles ne pouvaient pas constituer, en tant que telles, la preuve de sa culpabilité. Quant à la Cour de cassation, elle ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé du moyen tiré de la non-assistance d’un avocat, le déclarant irrecevable à défaut d’intérêt, au motif que la peine prononcée par les juges d’appel demeurait légalement justifiée par les autres infractions qu’ils avaient déclarées établies (paragraphe 18 ci-dessus).
34. La Cour constate qu’en concluant de la sorte les juridictions internes ont estimé que la condamnation du requérant était en définitive justifiée par la suffisance globale des preuves, sans toutefois procéder à un contrôle de l’équité globale de la procédure. La Cour ne saurait en effet considérer que l’évaluation des faits ainsi opérée – qui rend d’ailleurs impossible de vérifier si les informations obtenues lors des déclarations faites par le requérant sans la présence physique d’un avocat n’avaient pas permis aux enquêteurs de déceler des éléments qui leur permettaient d’avancer dans leur enquête – ne saurait se substituer à un examen, même ex post, de l’équité globale de la procédure.
35. En conséquence, rappelant qu’en l’absence de raisons impérieuses justifiant les restrictions constatées, elle est appelée à opérer un contrôle très strict, la Cour considère que ces éléments doivent peser lourdement dans son appréciation de l’équité de la procédure dans son ensemble (Beuze, précité, §§ 178-179). Il en va d’autant plus ainsi en l’espèce que le requérant avait été privé d’une information préalable suffisamment claire du droit de garder le silence (Ibrahim et autres c. Royaume-Uni [GC], nos 50541/08 et 3 autres, § 273, 13 septembre 2016, Beuze, précité, §§ 64 et 146, et Olivieri, précité, § 38).
36. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la procédure pénale menée à l’égard du requérant, considérée dans son ensemble, n’a pas permis de remédier aux lacunes procédurales survenues au stade préliminaire de la procédure. La Cour estime important de souligner, comme elle l’a fait dans d’autres affaires relatives à l’article 6 § 1 de la Convention dans lesquelles un examen de l’équité globale de la procédure était en cause, qu’elle ne doit pas s’ériger en juge de quatrième instance (Beuze, précité, § 193). Lors de cet examen, elle est toutefois appelée à examiner soigneusement le déroulement de la procédure au niveau interne, un contrôle très strict s’imposant lorsque la restriction au droit d’accès à un avocat ne repose sur aucune raison impérieuse. En l’espèce, c’est la conjonction des différents facteurs précités et non chacun d’eux pris isolément qui a rendu la procédure inéquitable dans son ensemble.
37. Partant, il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION (DÉLAI RAISONNABLE)
38. Le requérant allègue que la durée de la procédure en cause est incompatible avec l’exigence du « délai raisonnable ». Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…), qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) »
A. Sur la recevabilité
39. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
40. En ce qui concerne le bien-fondé de cette partie de la requête, le Gouvernement ne conteste pas que la période à considérer a débuté le 17 décembre 2001 avec la mise à l’instruction de la cause du chef de corruption à charge du requérant, et qu’elle s’est terminée avec l’arrêt de la Cour de cassation du 15 octobre 2014. La Cour s’en tiendra à la période ainsi délimitée. La procédure a donc duré un peu moins de 13 ans, pour deux phases (instruction judiciaire et fond), chacune devant trois instances.
41. La Cour rappelle que la durée « raisonnable » d’une procédure pénale doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et à l’aide des critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999‑II, et J.R. c. Belgique, no 56367/09, § 59, 24 janvier 2017).
42. L’instruction de l’affaire revêtait certainement, comme le souligne le Gouvernement, une complexité considérable liée notamment à la nature des préventions (criminalité « en col blanc »), au nombre de chefs d’inculpation (une septantaine) et de personnes impliquées (seize prévenus), de la dimension internationale de l’affaire ainsi qu’à la longueur de la période infractionnelle (une douzaine d’années). La Cour note toutefois que le Gouvernement admet que cela ne suffit pas à expliquer pourquoi la procédure dirigée contre le requérant a connu une durée de presque 13 ans.
43. Pour ce qui est du comportement du requérant, le Gouvernement lui reproche notamment d’avoir retardé la procédure tant au niveau de l’instruction (avec notamment des requêtes en récusation du juge d’instruction manifestement irrecevables ou non fondées), qu’au niveau du règlement de la procédure après la fin de l’instruction, c’est-à-dire entre le 23 janvier 2008 et le 1er juin 2011 (avec « un nombre ahurissant d’avatars de procédure forcément chronophages »), et au niveau de l’examen de l’affaire devant les juridictions du fond (avec des demandes de surséance, des non-comparutions, des oppositions et une fuite à l’étranger).
44. La Cour convient que ces éléments attribuables au requérant ont contribué à la durée de la procédure dirigée contre lui. Elle estime toutefois qu’ils n’expliquent pas la totalité de la durée de la procédure.
45. Pour ce qui est du comportement des autorités, la Cour rappelle que l’article 6 § 1 astreint les États contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs cours et tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences, notamment celle du délai raisonnable (J.R. c. Belgique, précité, § 63, et références citées). Or elle constate en particulier que la phase de l’instruction a duré six ans et que cette période a été encore suivie d’une période de presque quatre ans pour le règlement de la procédure et la fixation de l’affaire devant le juge du fond de première instance (paragraphe 10 ci‑dessus). À partir de ce moment, la procédure devant les juridictions du fond, de trois ans, peut être considérée comme n’ayant pas été déraisonnablement longue.
46. Sur la base de l’ensemble des éléments considérés, la Cour réitère que la complexité de l’affaire et le comportement du requérant n’expliquent pas à eux seuls la longueur de la procédure ; la cause majeure de celle-ci réside dans la manière dont les autorités ont conduit l’affaire, en particulier au stade de l’instruction et du règlement de la procédure. Il n’incombe pas à la Cour de déterminer les raisons des délais constatés. C’est sans doute une combinaison de facteurs, tous tenant à l’organisation de la justice dans l’arrondissement de Bruxelles par l’ensemble des acteurs concernés, qui y a contribué.
47. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
48. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
49. Le requérant demande 290 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel subi, soit le montant des impositions réclamées par l’administration fiscale à la suite de sa condamnation pénale. Il réclame également 40 000 EUR au titre du dommage moral subi ainsi que la réouverture de la procédure pénale. Il ne soumet aucune prétention au titre des frais et dépens.
50. Le Gouvernement estime que la satisfaction équitable devrait se limiter, au titre de la durée excessive de la procédure, à un montant de 7 000 EUR.
51. À défaut pour le requérant d’établir un lien de causalité entre la perte ou le préjudice matériel allégué et la violation qu’elle a constatée, la Cour rejette la demande faite au titre du préjudice matériel.
52. La Cour ne doute pas que les carences procédurales à l’origine des violations de l’article 6 § 1 qu’elle a constatées (paragraphes 37 et 47 ci‑dessus) ont causé un dommage moral au requérant. Statuant en équité, la Cour accorde au requérant 14 000 EUR de ce chef, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.
53. Cela étant dit, la Cour rappelle que le constat d’une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention ne permet pas de conclure que l’intéressé a été condamné à tort, et qu’il est impossible de spéculer sur ce qui aurait pu se produire si cette violation n’avait pas existé (Beuze, précité, § 199). Elle rappelle en outre que la possibilité de réouverture de la procédure existe en droit belge, et que la mise en œuvre de cette possibilité sera examinée, s’il y a lieu, par la Cour de cassation au regard du droit interne et des circonstances particulières de l’affaire (Beuze, précité, § 200).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, en ce qui concerne l’équité du procès ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention, en ce qui concerne la durée de la procédure ;
4. Dit,
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 14 000 EUR (quatorze mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 septembre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Olga Chernishova Georgios A. Serghides
Greffière adjointe Président
Document en format: PDF, WORD.
Dernière mise à jour le septembre 14, 2021 par loisdumonde
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