L’affaire concerne principalement l’inexécution d’une créance détenue par la société requérante envers une entreprise de l’État. Dans le cadre du recours indemnitaire interne, la société requérante n’a pas obtenu de constat de violation pour dépassement du délai raisonnable. Devant la Cour, elle se plaint de la période globale d’inexécution sans avoir réintroduit de recours indemnitaire pour la période ultérieure à celle examinée par les tribunaux internes puisqu’elle estime le recours interne ineffectif.
DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE TITAN TOTAL GROUP S.R.L. c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
(Requête no 61458/08)
ARRÊT
Art 6 § 1 (civil) • Accès à un tribunal • Art 1 P1 • Respect des biens • Délai raisonnable d’inexécution d’un peu plus d’un an de décisions de justice définitives rendues en faveur de la société requérante détenant une créance envers une entreprise de l’État
Art 13 • Recours indemnitaire considéré effectif en raison de sa durée non excessive
STRASBOURG
6 juillet 2021
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention . Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Titan Total Group S.R.L. c. République de Moldova,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une Chambre composée de :
Jon Fridrik Kjølbro, président,
Aleš Pejchal,
Valeriu Griţco,
Egidijus Kūris,
Branko Lubarda,
Pauliine Koskelo,
Saadet Yüksel, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu :
la requête (no 61458/08) dirigée contre la République de Moldova et dont une société de droit roumain, Titan Total Group S.R.L. (« la société requérante »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 10 décembre 2008,
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement moldave (« le Gouvernement »),
le souhait du gouvernement roumain de ne pas se prévaloir de son droit d’intervenir dans la procédure, en vertu de l’article 36 § 1 de la Convention,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 juin 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. L’affaire concerne principalement l’inexécution d’une créance détenue par la société requérante envers une entreprise de l’État. Dans le cadre du recours indemnitaire interne, la société requérante n’a pas obtenu de constat de violation pour dépassement du délai raisonnable. Devant la Cour, elle se plaint de la période globale d’inexécution sans avoir réintroduit de recours indemnitaire pour la période ultérieure à celle examinée par les tribunaux internes puisqu’elle estime le recours interne ineffectif.
EN FAIT
2. La société requérante, Titan Total Group S.R.L., est une société à responsabilité limitée de droit roumain ayant son siège social à Bucarest. Elle a été représentée devant la Cour par M. A. Chiriac, avocat exerçant à Strasbourg.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. O. Rotari.
A. Les circonstances de l’espèce
4. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
1. La Genèse de l’affaire
5. Moldtranselectro (« M. ») est une entreprise publique fondée par le Ministère de l’Industrie et l’Énergie de la République de Moldova en charge de l’exploitation du réseau électrique national.
6. Durant l’année 1999, M. acheta de l’énergie à la société nationale roumaine d’électricité, Conel, à laquelle succéda l’entreprise publique Termoelectrica (« T. »). M. accumula ainsi une dette d’environ 33 millions de dollars américains (USD).
7. Le 16 juin 2000, le Gouvernement roumain adopta l’ordonnance d’urgence no 79/2000, afin de compenser la dette de M. envers T. Aucune mesure n’a apparemment été prise pour autant afin de mettre en œuvre cette ordonnance.
8. Confrontée au défaut de paiement de M., T. saisit la cour d’arbitrage commercial international de Bucarest qui, le 23 mars 2004, enjoignit M. de s’acquitter de la somme de 34 315 734 USD au titre des impayés. Le 1er novembre 2005, la cour d’appel économique délivra à T. l’exequatur de cette sentence arbitrale.
9. Le 24 avril 2007, T. fit valoir son titre exécutoire auprès de l’office d’exécution afin de percevoir la somme susmentionnée. L’huissier de justice constata que les comptes de la société débitrice avaient été saisis à la demande de plusieurs autorités et qu’il était impossible d’honorer le titre.
2. L’implication de la société requérante
10. En mars 2008, le directeur de la société requérante présenta une offre écrite à la direction de T. pour racheter une partie de la créance détenue contre M.
11. Le 1er avril 2008, T. et la société requérante conclurent un accord de cession d’une part de 15 millions USD de ladite créance. Aux termes de cet accord, la société requérante devait, en contrepartie, fournir à T. du combustible et des équipements techniques durant une période de deux ans.
12. Par un jugement avant-dire droit du 3 novembre 2008, le tribunal commercial de Chișinău (« tribunal de Chișinău ») reconnut le droit à la substitution de T. par la société requérante en sa qualité de créancière de 15 millions USD. M. ne participa pas aux débats.
13. Le 6 novembre 2008, la société requérante déclara avoir signifié ce jugement à M. par courrier recommandé.
14. Le 24 novembre 2008, la société requérante présenta à l’office d’exécution forcée le titre délivré par le tribunal de Chișinău. L’huissier constata que son exécution était impossible.
15. Le 8 décembre 2008, M. fit appel. Elle soutint n’avoir appris l’adoption du jugement avant-dire droit susmentionné que le 28 novembre 2008, et que le courrier envoyé par le représentant de la société requérante ne contenait aucun jugement mais seulement une brochure de son propre cabinet d’avocats.
16. La cour d’appel, saisie du recours, fixa l’audience pour le 12 janvier 2009.
17. Le jour de l’audience, l’avocat de la société requérante demanda par télégramme le report des débats, au motif qu’il n’en avait pas été informé suffisamment à l’avance et qu’il se trouvait à l’étranger.
18. Le 12 janvier 2009, la cour d’appel rejeta cette demande, accueillit le recours de M. et ordonna le réexamen de l’affaire devant la première instance.
19. Le 22 juin 2010, le tribunal de Chișinău, après réexamen du dossier, fit derechef droit à la demande de la société requérante.
20. Le 17 décembre 2010, la cour d’appel confirma ce nouveau jugement. Cette décision n’étant pas susceptible de recours, elle devint ainsi définitive.
21. Le 24 décembre 2010, la société requérante présenta à nouveau à l’office d’exécution son titre exécutoire.
22. En janvier 2011, M. offrit à la société requérante de lui céder à l’amiable certains immeubles, estimés à une valeur d’environ 3 millions USD. La société requérante refusa l’offre.
23. Le 25 janvier 2011, l’huissier de justice restitua le titre exécutoire à la société requérante, reconfirmant que tous les comptes de M. étaient saisis à la demande de plusieurs autorités.
24. D’autres procédures d’exécution entamées en 2013 et 2014 connurent le même sort.
25. À ce jour, le titre dont il s’agit n’est toujours pas exécuté.
3. L’action de la société requérante contre l’État en vertu de la loi no 87/2011
26. Le 18 novembre 2011, la société requérante, se prévalant de la loi no 87/2011, entama contre l’État de la République de Moldova une action en dédommagement pour l’inexécution des décisions susmentionnées des 1er novembre 2005, 3 novembre 2008 et 22 juin 2010 (paragraphes 8 in fine, 12 et 19 ci-dessus).
27. Par un jugement du 24 février 2012, le tribunal de première instance accueillit partiellement l’action.
28. Les deux parties se pourvurent en appel.
29. La cour d’appel, par un arrêt du 30 mai 2013, cassa le jugement de la première instance et débouta la société requérante de sa demande comme étant mal fondée. Elle statua que la période de non-exécution à prendre en compte s’étalait entre le 24 décembre 2010, date de la présentation du titre exécutoire par la société requérante (paragraphe 21 ci-dessus), et le 18 novembre 2011, date de l’introduction de l’action en dédommagement.
30. La cour d’appel considéra que le montant de la créance revendiquée par la société requérante était conséquent et qu’un retard de paiement de onze mois ne pouvait alors passer pour déraisonnable, sans préjudice à l’obligation de la partie défenderesse de s’acquitter de ce dû en temps utile. De surcroît, la cour d’appel observa que la société requérante avait refusé l’offre du débiteur de lui céder des biens matériels en guise de remboursement partiel (paragraphe 22 ci-dessus), ce qui pourrait s’interpréter comme la manifestation d’un manque d’intérêt de la société requérante dans le recouvrement de sa créance.
31. Le 25 juillet 2013, la société requérante se pourvut en cassation.
32. Par un arrêt définitif du 9 octobre 2013, la cour suprême de justice déclara le pourvoi irrecevable.
4. Le litige relatif à la dissolution du contrat de cession de créance
33. Le 29 mars 2011, T. assigna en justice la société requérante, demandant la dissolution de leur contrat de cession du 1er avril 2008 pour manquement présumé de cette dernière à ses obligations contractuelles.
34. Le 18 novembre 2013, le tribunal de Bucarest rejeta l’action de T., laquelle saisit la cour d’appel de Bucarest.
35. En février 2016, la haute juridiction suspendit l’examen de l’appel de T., car dans l’intervalle la société requérante avait elle-même fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ; aussi tout litige relatif à une créance quelconque dans le chef de la société requérante devait-il être examiné dans le cadre de la procédure de liquidation la concernant.
36. À une date non-précisée, T. tenta de se faire inscrire au tableau des dettes de la société requérante, au motif que l’annulation éventuelle de l’accord de cession litigieuse la rendrait créancière de 15 millions USD.
37. Par une décision définitive du 8 novembre 2016, la cour d’appel de Bucarest exclut la prétendue créance de T., laquelle n’était ni certaine, ni exigible.
38. La procédure de liquidation judiciaire de la société requérante est encore pendante.
LE CADRE JURIDIQUE PERTINENT
39. L’article 1 de l’ordonnance d’urgence no 79, adoptée par le gouvernement de la Roumanie le 16 juin 2000, se lisait comme suit :
Article 1.
« Les obligations de paiement de « Conel » envers l’État (…) sont partiellement éteintes dans la limite (…) d’un montant de 31 928 450 USD (…) par la cessation envers l’État de la créance de C. qui découle du contrat avec M. – République de Moldova. »
40. Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure civile du 30 mai 2003, en vigueur à l’époque des faits, sont résumées dans l’arrêt Grăjdianu et autres c. République de Moldova (nos 10790/11 et autres, § 8, 7 janvier 2020).
41. Le code d’exécution de 24 décembre 2004, en vigueur à l’époque des faits, en sa partie pertinente, était ainsi libellée :
Article 47. Succession de droits dans la procédure d’exécution
« 1. En cas d’exclusion de l’une des parties à la procédure d’exécution (décès de la personne physique, dissolution de la personne morale ou sa réorganisation, cession de la créance, reprise de dette), le tribunal examine la demande de remplacement de cette partie par son successeur en droit selon l’article 70 du Code de procédure civile.
(…) »
42. Les modalités de la voie de recours interne introduite par la loi no 87 sont expliquées dans les arrêts Botezatu c. République de Moldova, (no 17899/08, § 12, 14 avril 2015) et Cristea c. République de Moldova (no 35098/12, § 21, 12 février 2019).
43. Le dispositif réglementaire introduit lors de l’adoption de la loi no 87 susmentionnée inclut des modifications au code de procédure civile afin de réduire le nombre des degrés de juridiction dans les affaires fondées sur ladite loi de trois à deux, excluant ainsi l’appel ordinaire. En mars 2012, cette disposition fut annulée et l’appel, réintroduit.
EN DROIT
I. SUR LE LOCUS STANDI DE LA SOCIéTé REQUéRANTE
44. La Cour observe d’office que la société requérante l’a saisi le 10 décembre 2008. Il ressort du dossier que celle-ci a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire à une date non précisée entre novembre 2013 et février 2016 (paragraphes 34 et 35 ci-dessus), alors que la procédure devant la Cour se trouvait à un stade avancé. Certes, à la suite de la procédure de liquidation, la représentation de la requérante devait légalement appartenir au liquidateur. Cependant, force est pour la Cour de constater que ce dernier n’a jamais manifesté son souhait de se substituer à Me Chiriac. En l’absence d’une telle démarche ou d’une quelconque objection du Gouvernement quant à la poursuite de l’affaire, rien n’empêchait donc la Cour de continuer son examen.
Par conséquent, la Cour est convaincue que le locus standi de la société requérante dans la procédure devant elle est demeurée valide jusqu’à l’adoption de ce présent arrêt (voir, mutatis mutandis, Metalco Bt. c. Hongrie (révision), no 34976/05, §§ 13 et 14, 26 juin 2012).
II. SUR CERTAINES EXCEPTIONS DE PORTÉE GÉNÉRALE SOULEVÉES PAR LE GOUVERNEMENT
A. Le caractère abusif de la requête
45. Dans ses observations complémentaires, le Gouvernement soutient que la requête doit être rejetée comme étant abusive, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Il affirme que la société requérante a sciemment passé sous silence l’adoption par le Gouvernement roumain de l’ordonnance d’urgence no 79/2000 (paragraphe 7 ci-dessus), qui avait annulé la dette détenue par T. contre M. La société requérante aurait ainsi négligé d’indiquer à la Cour un élément capital qui lui aurait permis de considérer comme caduque la créance de la société requérante envers M.
46. De son côté, la société requérante estime que l’ordonnance no 79/2000 n’a aucune pertinence quelconque dans la présente affaire.
47. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 3 a), une requête peut être déclarée abusive notamment si elle se fonde délibérément sur des faits controuvés (voir, parmi beaucoup d’autres, Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, §§ 53-54, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV, et Řehàk c. République tchèque (déc.), no 67208/01, 18 mai 2004).
48. Une information incomplète et donc trompeuse peut également s’analyser en un abus du droit de recours individuel, particulièrement lorsqu’elle concerne le cœur de l’affaire et que le requérant n’explique pas de façon suffisante pourquoi il n’a pas divulgué les informations pertinentes (Hüttner c. Allemagne (déc.), no 23130/04, 9 juin 2006, Predescu c. Roumanie, no 21447/03, §§ 25-26, 2 décembre 2008). Toutefois, même dans de tels cas, l’intention de l’intéressé d’induire la Cour en erreur doit toujours être établie avec suffisamment de certitude (Gross c. Suisse [GC], no 67810/10, § 28, CEDH 2014 et les affaires qui y sont citées).
49. À la lumière de la jurisprudence précitée, il incombe tout d’abord à la Cour de rechercher si l’information non-communiquée par la société requérante revêtait une importance significative évidente pour l’examen de la présente requête.
50. La Cour note que l’ordonnance d’urgence no 79/2000 dispose en effet l’effacement de la dette détenue par T. envers M. par une subrogation du Gouvernement roumain. Toutefois, aucun élément ne permet de conclure que cette mesure ait joué dans les rapports entre les parties impliquées. Lorsque le litige entre T. et M. avait été porté devant la cour internationale d’arbitrage, T. s’est prévalu de la qualité de titulaire de la créance et obtint gain de cause ainsi qu’un exequatur en République de Moldova à son propre nom (paragraphe 8 ci-dessus). En conséquence, les décisions de justice adoptées dans la présente affaire rendirent les dispositions de l’ordonnance en question inopérantes, sinon dépourvues de toute conséquence sur les griefs soulevés par la société requérante.
51. Il s’ensuit que l’exception du Gouvernement tirée du caractère abusif de la requête doit être rejetée.
B. Le caractère prématuré de la requête
52. Toujours dans ses observations complémentaires, le Gouvernement plaide qu’il y aurait devant les tribunaux roumains une procédure toujours pendante concernant la validité de l’accord de cession de créance entre T. et la société requérante et qu’il serait capital d’attendre l’issue de cette procédure. En substance, le Gouvernement excipe du caractère prématuré de la requête.
53. La société requérante rétorque qu’il n’y aurait à l’heure actuelle aucune procédure de cet ordre susceptible de remettre en cause la validité de sa créance.
54. La Cour, en l’absence de précisions plus amples, considère que l’argument du Gouvernement ne saurait viser que la procédure de liquidation judiciaire de la société requérante, à savoir celle qui, selon les informations en sa disposition, est la seule encore pendante devant les juridictions roumaines.
55. Or, force est d’observer que cette procédure est sans incidence directe sur les griefs dont la Cour se trouve saisie, et qui concernent uniquement l’exécution d’une créance dont l’existence a été confirmée par les tribunaux moldaves par une décision définitive du 17 décembre 2010 (paragraphe 20 ci-dessus).
56. Il s’ensuit que la présente requête n’est pas prématurée et qu’il convient de rejeter l’exception du Gouvernement.
57. Cela étant dit à titre liminaire, il y a maintenant lieu de se pencher sur chacun des griefs de la société requérante.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 ET L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION ET DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
58. La société requérante se plaint de la non-exécution des décisions de justice définitives rendues en sa faveur les 1er novembre 2005, le 3 novembre 2008 et le 22 juin 2010. Elle se plaint à cet égard de l’absence d’un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention pour faire valoir ses droits garantis par l’article 6 § 1 de la Convention et d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Ces dispositions, dans leurs passages pertinents en l’espèce, sont ainsi libellées :
Article 6
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Article 1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
(…) »
A. Quant à la recevabilité
59. Le Gouvernement excipe de l’absence de la qualité de victime de la société requérante quant à l’inexécution du jugement rendu en faveur de T. le 1er novembre 2005, vu qu’elle n’a jamais été partie à cette procédure.
60. La société requérante fait valoir sur ce point les dispositions du code de procédure civile et du code d’exécution, en vertu desquelles elle serait habilitée à agir en tant que successeur en droit de T.
61. La Cour observe que la société requérante fonde sa qualité de victime sur les dispositions du droit interne qui lui ont permis de succéder à T. dans la procédure d’exécution (paragraphe 41 ci-dessus). La Cour doit examiner dès lors si cela est suffisant pour que la société requérante puisse être considérée comme étant « victime » au sens de l’article 34 de la Convention.
62. La Cour rappelle que, dans les affaires où les personnes se sont constituées parties à la procédure interne en tant qu’héritiers, ils ont pu se plaindre des défaillances afférentes à celle-ci (voir, par exemple, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 220, CEDH 2006‑V). Pourtant, lorsqu’une personne intervient dans telle ou telle procédure par l’effet d’un rachat de créance, la Cour se doit de vérifier l’existence d’un intérêt légitime à faire constater que l’absence d’exécution de la décision rendue en faveur de la société cédante de la créance a eu lieu en méconnaissance de son droit à un procès équitable et de son droit à la libre jouissance de biens (voir Rousatommet c. Russie (no2), (déc.) 12064/04, 27 novembre 2008, Tunnel Report Limited c. France, no 27940/07, §§ 24-25, 18 novembre 2010, Nassau Verzekering Maatschappij N.V. c. Pays-Bas, (déc.) 57602/09, 4 octobre 2011, § 20).
63. En l’espèce, la Cour remarque que pendant la période d’inexécution qui précéda la conclusion de l’accord de cession, la société requérante ne s’est aucunement manifestée dans la procédure qui, jusqu’alors n’avait concerné que son prédécesseur. Elle observe en outre que la société requérante avait agi en tant qu’entreprise poursuivant son propre intérêt économique lorsqu’elle a saisi l’opportunité de tirer profit de cette cession de créance alors que T. avait échoué à faire exécuter son propre titre de créance envers M. (paragraphe 9 ci-dessus).
64. Dès lors, compte tenu du fait que la société requérante n’a pas justifié un intérêt personnel concernant l’inexécution de la décision de justice rendue en faveur de T., la Cour estime que la société requérante ne saurait se prétendre victime au titre de l’article 34 de la Convention pour la période d’inexécution de l’arrêt daté du 1er novembre 2005 (paragraphe 8 ci-dessus).
65. Hormis cet aspect, la Cour constate que les griefs formulés au titre des articles 6 § 1 et 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 relativement à l’inexécution des décisions de justice définitives des 3 novembre 2008 et 22 juin 2010 ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité.
66. Il convient donc de les déclarer recevables.
B. Quant au fond
1. Arguments des parties
67. La société requérante allègue que le défaut d’exécution des décisions susmentionnées des 3 novembre 2008 et 22 juin 2010 a porté atteinte à ses droits garantis par l’article 6 § 1 de la Convention et par l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
68. Elle invoque d’emblée la durée globale de la période d’inexécution qui s’étale jusqu’à présent et affirme que l’action en dédommagement mise en place par la loi no 87 n’a pas constitué, dans son cas, une voie de recours effective au sens de l’article 13 de la Convention, compte tenu de sa durée inacceptable.
69. Selon le Gouvernement, le jugement de 3 novembre 2008 n’aurait jamais acquis de caractère définitif, car annulé par la cour d’appel, le 12 janvier 2009. Concernant l’arrêt rendu par la cour d’appel le 22 juin 2010, il affirme que la société requérante ne peut théoriquement faire valoir son droit à l’exécution qu’à partir du 17 décembre 2010, date à laquelle cet arrêt était devenu définitif.
70. Or, même dans cette hypothèse, le Gouvernement acquiesce aux motifs retenus par les tribunaux internes dans la procédure entamée en vertu de la loi no 87 et selon lesquels le délai de non-exécution dénoncé en l’occurrence n’était pas déraisonnable. Concernant la période de non-exécution ultérieure à celle examinée par les tribunaux internes dans le cadre du recours indemnitaire, le Gouvernement estime que la société requérante aurait dû emprunter à nouveau cette même voie de droit, en vue de faire constater si le délai de non-exécution avait ou non dépassé, à ce moment donné, la marge de raisonnabilité. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement estime que la société requérante ne disposait pas d’un grief défendable pour faire valoir l’article 13.
2. Appréciation de la Cour
71. La Cour constate que les griefs formulés par la société requérante portent, d’une part, sur les questions liées au caractère raisonnable de la durée d’inexécution et, d’autre part, sur la question de savoir si la voie de recours interne exercée en l’espèce était conforme aux exigences de l’article 13. Elle observe toutefois qu’une conclusion sur l’une de ces questions sur le terrain de l’article 13 pourrait, dans une certaine mesure, préjuger de la conclusion de l’autre. Aussi, la Cour estime-t-elle qu’il convient, dans les circonstances de la présente affaire, d’entamer son examen par la violation alléguée au titre des articles 6 et 1 du Protocole no 1.
a) La violation alléguée de l’article 6 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1
i. Période d’inexécution à considérer
72. La Cour note que le grief tiré de l’inexécution s’appuie sur deux décisions de justice distinctes, soit celle du 3 novembre 2008 et celle du 22 juin 2010. Il convient donc de déterminer un par un les délais d’inexécution observés relativement à chacune de ces décisions.
73. En premier lieu, en ce que concerne le jugement avant-dire droit du 3 novembre 2008, la Cour observe qu’il était devenu exécutoire et que l’huissier de justice a d’ailleurs déclenché une procédure d’exécution le 24 novembre 2008. Le titre d’exécution ayant fait l’objet de cette procédure resta donc en vigueur jusqu’à la date de son annulation par la cour d’appel le 12 janvier 2009.
74. Il s’ensuit que cette période initiale d’environ deux mois durant laquelle le titre resta valable, doit être prise en compte.
75. En deuxième lieu, s’agissant du jugement du 22 juin 2010, la Cour observe que, dans le cadre du recours indemnitaire exercé par la société requérante, en vertu de la loi no 87/2011, les tribunaux internes ont tenu pour acquis une période de onze mois d’inexécution – qu’ils ont du reste estimé raisonnable –, écoulée entre la date à laquelle ce jugement est devenu exécutoire, à savoir le 17 décembre 2010, et la date de l’introduction de l’action en dédommagement, le 18 novembre 2011.
76. Sans préjuger du bien-fondé du grief tiré de la durée de cette procédure, qui sera examiné plus loin (paragraphe 81 et suite ci-dessus), la Cour rappelle qu’elle a déjà jugé que le recours indemnitaire introduit par la loi no 87/2011 apparaissait comme inefficace, dans l’hypothèse où la décision condamnatoire en découlant n’a pu empêcher l’écoulement d’une nouvelle période d’inexécution de l’arrêt principal (Cristea, précité, § 35). En conséquence, elle a estimé qu’il aurait été injuste de demander au requérant d’introduire un nouveau recours sur le fondement de la loi no 87 pour la période écoulée après l’épuisement initial du recours indemnitaire et examina la durée de procédure dans son ensemble (ibidem, § 44).
77. Or, une telle approche ne s’impose pas en l’espèce, dès lors que la première procédure déclenchée par la société requérante sur le fondement de la loi no 87 n’a pas abouti à une décision condamnatoire, faute d’un constat de dépassement du délai raisonnable (paragraphe 75 in fine ci-dessus), et celle-ci ne saurait dès lors entraîner une violation de l’article 6 de la Convention, telle qu’encadrée par la jurisprudence de la Cour en la matière (voir, entre autres, Musci c. Italie [GC], no 64699/01, §116, CEDH 2006‑V (extraits)).
78. Certes, la période d’inexécution qui s’étale jusqu’à présent soulève un problème certain au regard de ce même corpus jurisprudentiel. Toutefois, la société requérante a omis d’introduire un nouveau recours indemnitaire pour dénoncer le délai d’inexécution ultérieur à celui examiné par la cour d’appel (pour une approche similaire, voir Becová c. Slovaquie (déc.), no 23788/06, 18 septembre 2007, et Berková c. Slovaquie, no 67149/01, § 136, 24 mars 2009).
79. Aussi, la Cour estime qu’elle n’est tenue de prendre en considération que la durée d’inexécution du jugement du 22 juin 2010 ayant fait l’objet d’un examen par la cour d’appel, à savoir onze mois (Gattuso c. Italie (déc.), no 24715/04, 18 novembre 2004).
80. Partant, la durée totale d’inexécution à apprécier sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention est de treize mois environ (paragraphes 74 et 79 ci-dessus).
ii. Caractère raisonnable de la durée de la procédure d’exécution
81. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
82. Se rapportant à sa jurisprudence concernant la durée qui serait contraire aux exigences de l’article 6, en matière d’exécution de jugements, la Cour estime que les conclusions de la cour d’appel concernant une période d’inexécution d’une durée inférieure à un an se trouvent justifiées en l’espèce (voir parmi d’autres Grishchenko c. Russie (dec.), no 75907/01, 8 juillet 2004, Osoian c. Moldova (déc.), no 31413/03, 28 février 2006), d’autant plus que la société requérante n’a fait valoir ni devant les juridiction internes, ni devant la Cour aucune circonstance qui aurait requis une diligence particulière des autorités dans la procédure litigieuse (voir, a contrario, Ungureanu c. Moldova, no 27568/02, § 28, 6 septembre 2007).
83. À cet égard, encore faut-il souligner que la créance acquise par la société requérante avait à l’origine la dette historique accumulée par M. Malgré l’échec de l’exécution forcée entamée par T. le 24 avril 2007, le directeur de la société requérante avait sciemment pris le risque inhérent à pareille transaction impliquant une entreprise étatique fortement endettée. En l’occurrence, la Cour ne voit donc pas en quoi l’exécution du jugement aurait légitimement pu revêtir une importance toute particulière pour la société requérante, censée avoir agi selon l’art du commerce en acceptant un accord de cession aussi hasardeux que celui en cause en l’espèce.
84. Compte tenu de sa conclusion au paragraphe 74 ci-dessus, même en considérant que la période d’inexécution, aurait dû prendre en compte l’inexécution du titre émis le 18 novembre 2008, la Cour parvient à la conclusion que le délai d’inexécution dénoncé en l’espèce, soit un peu plus d’un an, ne saurait passer pour déraisonnable (voir, entre autres, Gerasimov et autres c. Russie, nos 29920/05 et 10 autres, § 169, 1er juillet 2014).
85. La Cour conclut donc à l’absence de violation de l’article 6 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 pour ce qui est de l’exécution des jugements rendus le 3 novembre 2008 et le 22 juin 2010.
b) La violation alléguée de l’article 13 de la Convention
86. La Cour rappelle qu’elle s’est déjà prononcée sur le remède introduit par la loi no 87/2011 et elle a tranché qu’il n’était pas ineffectif (voir Balan c. Moldova, précité, Manascurta c. Moldova (déc.), no 31856/07, 14 février 2012).
87. S’agissant de la durée – dont se plaint la société requérante – des procédures fondées sur cette loi, la Cour rappelle qu’elle a déjà statué sur la manière dont celles-ci avaient été organisées, notamment par un délai d’examen de trois mois au fond et l’exclusion de l’appel comme voie de recours, était propre à assurer la célérité voulue (Balan c. Moldova, précité), étant entendu que dans l’intervalle, les dispositions y afférents ont été modifiées afin de réintroduire l’examen en appel (paragraphe 43 ci-dessus).
88. En l’occurrence, la société requérante a, de ce fait, dû parcourir trois degrés de juridiction, ce qui a entrainé un rallongement du délai de la procédure de 12 mois en appel, soit 18 mois au total.
89. La Cour rappelle que les critères applicables à la durée des procédures concernant un recours indemnitaire ne sauraient être ceux adoptés pour évaluer la durée des procédures ordinaires, eu égard notamment au fait que ces premières ne revêtent normalement aucune complexité particulière (voir Gagliano Giorgi c. Italie, no 23563/07, § 69, CEDH 2012 (extraits). Elle a estimé en outre qu’une diligence particulière s’impose aux États afin que la violation soit constatée et redressée dans le plus bref délai et que, sauf circonstances exceptionnelles, ce délai ne pouvait dépasser deux ans et six mois, phase d’exécution comprise (ibidem, § 73).
90. Dans la présente affaire, la procédure engagée sur la loi no 87 n’ayant pas entraîné une durée supérieure à ce délai, l’on ne saurait conclure que le recours a été ineffectif de par sa durée excessive.
91. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 13 de la Convention.
IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
A. Annulation irrégulière d’un jugement ayant autorité de chose jugée
1. Arguments des parties
92. La société requérante allègue que, le 12 janvier 2009, la cour d’appel a indûment examiné le recours de M. (paragraphe 18 ci-dessus), alors que celui-ci aurait dû être écarté comme étant hors délai. En annulant ainsi le jugement avant-dire droit qui était devenu définitif, la cour d’appel aurait enfreint le droit à la sécurité juridique.
93. Le Gouvernement souligne que M. avait introduit son recours dans les délais, compte tenu de la date à laquelle l’arrêt lui avait été signifié. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement considère que l’examen de l’affaire en instance d’appel n’a nullement affecté les droits procéduraux de la société requérante, d’autant que le jugement final lui a été favorable.
2. Appréciation de la Cour
94. La Cour rappelle qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (voir entre autres, Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, § 50, CEDH 1999‑VII). En conséquence, bien que la société requérante ait eu gain de cause à la suite de l’admission du recours de M., cela ne saurait effacer entièrement les conséquences liées à l’annulation du premier titre exécutoire obtenu par la société requérante.
95. Cela étant dit, la Cour rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est en premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et aux tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne. Cela est particulièrement vrai s’agissant de l’interprétation par les tribunaux de règles de nature procédurale telles que les formes et les délais régissant l’introduction d’un recours. Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité des effets de pareille interprétation avec la Convention en général et avec le principe de la sécurité des rapports juridiques en spécial (Platakou c. Grèce, no 38460/97, § 37, CEDH 2001‑I et Dacia S.R.L. c. Moldova, no 3052/04, § 75, 18 mars 2008). La Cour appréciera donc si la cour d’appel, accueillant le recours du M., a agi en méconnaissance du principe de la sécurité juridique.
96. À cet égard, la Cour note que le jugement avant-dire droit favorable à la société requérante a été annulé à la suite de l’admission du pourvoi introduit par M. La loi procédurale en vigueur au moment des faits établissait un délai de quinze jours pour introduire un pourvoi en cassation à compter de la date du prononcé (voir le paragraphe 40 ci-dessus). Dans son recours, introduit le 8 décembre 2008, M. a expliqué à la cour d’appel qu’elle n’avait pas été convoquée devant le tribunal de première instance et que le courrier qui lui avait été envoyé par la partie adverse ne contenait pas le jugement adopté en son absence.
97. La Cour ne voit rien dans le dossier qui puisse remettre en cause cette explication ni donner à penser que la cour d’appel était en possession d’un élément quelconque attestant de la réception effective du jugement avant-dire droit par M., sachant que ce n’était pas le tribunal de jugement qui s’était chargé de sa notification à M.
98. Dans le cas présent, en l’absence d’une telle preuve, la Cour estime que le grief tiré de l’admission irrégulière du recours de M. par la cour d’appel s’avère manifestement mal fondé et doit donc être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
B. Non-convocation à l’audience
1. Arguments des parties
99. La société requérante se plaint du fait qu’elle ne se serait pas vu notifier la date de l’audience du 12 janvier 2009 devant la cour d’appel, au mépris du droit à un procès public.
100. Le Gouvernement conteste cette thèse et précise qu’en tout état de cause, l’affaire avait finalement été renvoyée devant l’instance de jugement pour réexamen, de sorte que les droits de la société requérante ne soient nullement affectés.
2. Appréciation de la Cour
101. La Cour rappelle que le principe de l’égalité des armes exige que chaque partie ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, 27 octobre 1993, § 33, série A no 274). Ce principe serait dépourvu de substance si une partie à une affaire n’était pas informée d’une audience de manière à avoir la possibilité d’y assister (Zagorodnikov c. Russie, no 66941/01, § 30, 7 juin 2007).
102. Pour autant, la Cour rappelle que pour déterminer si l’article 6 de la Convention a été respecté, elle doit aussi tenir compte de la procédure dans son ensemble, y compris les procédures de recours (voir, par exemple, Shtukaturov c. Russie, no 44009/05, § 75, 4 mars 2010).
103. À cet égard, il lui suffit d’observer, à l’instar du Gouvernement, qu’après l’examen du recours de M., la cour d’appel ordonna le renvoi de l’affaire devant le tribunal de première instance. Au cours de cette procédure de réexamen au fond, la société requérante s’est faite représenter, a pu participer aux débats et a eu la possibilité de faire valoir ses arguments devant les juridictions internes.
104. Dans ces conditions, la Cour ne saurait considérer que la société requérante ait été privée d’un procès équitable. Il s’ensuit que ce grief est également dénué de fondement et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 concernant la non-exécution des jugements des 3 novembre 2008 et 22 juin 2010, et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1;
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 de la Convention;
Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 juillet 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley Naismith Jon Fridrik Kjølbro
Greffier Président
Dernière mise à jour le juillet 6, 2021 par loisdumonde
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