AFFAIRE MEHMET ORHAN YÜCEL c. TURQUIE (Cour européenne des droits de l’homme) Requête no 56687/16

La requête concerne le manquement allégué des autorités nationales à assurer le respect du droit du requérant à la protection de sa réputation. Le requérant s’estime victime d’atteintes à ce droit à raison d’articles publiés à son sujet dans la presse.


DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE MEHMET ORHAN YÜCEL c. TURQUIE
(Requête no 56687/16)
ARRÊT
STRASBOURG
29 juin 2021

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Mehmet Orhan Yücel c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

Valeriu Griţco, président,
Egidijus Kūris,
Branko Lubarda, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

Vu la requête (no 56687/16) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Mehmet Orhan Yücel (« le requérant »), a saisi la Cour le 17 août 2016 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Vu la décision de porter à la connaissance du gouvernement turc (« le Gouvernement ») le grief de violation du droit au respect de la vie privée tiré d’articles de presse concernant le requérant et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,

Vu les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 juin 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. La requête concerne le manquement allégué des autorités nationales à assurer le respect du droit du requérant à la protection de sa réputation. Le requérant s’estime victime d’atteintes à ce droit à raison d’articles publiés à son sujet dans la presse.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 1959 et réside à İzmir. Il a été représenté par Me M. Ülkü, avocat à İzmir.

3. Le Gouvernement a été représenté par son agent.

4. À l’époque des faits, le requérant était militaire de carrière. Il était en poste dans le commandement des forces navales turques et avait le grade de colonel.

I. LES ARTICLES DE PRESSE PUBLIÉS DANS LE QUOTIDIEN YENİ ŞAFAK

5. Les 23 et 24 juillet et 29 décembre 2009 et les 30 janvier et 6 février 2010, le quotidien national Yeni Şafak publia une série d’articles, intitulés respectivement comme suit : « Le projet d’assassinat [émane] de deux colonels », « Deux lieutenants encore en détention dans [l’affaire du] projet d’assassinat », « Un colonel fait encore une déposition suite aux allégations d’assassinat ciblant des amiraux », « À [l’affaire] « Poyrazköy » s’ajoute [l’affaire d’]assassinat d’amiraux », « Fichés jusqu’aux versets [du Coran qu’ils lisent] ».

6. Ces articles, dont certains mentionnaient le nom complet du requérant, rapportaient des informations relatives à une enquête pénale menée à l’époque des faits par les autorités, dans laquelle le requérant était l’un des suspects. Sans citer leurs sources, les auteurs des articles alléguaient notamment que le requérant faisait partie d’un groupe criminel composé d’officiers des forces navales, que ce groupe projetait d’assassiner certains amiraux et qu’il était lié à une organisation criminelle dénommée Ergenekon (pour plus d’informations concernant l’affaire Ergenekon et les plans d’action que cette organisation aurait montés, voir la décision Tekin c. Turquie, no 3501/09, §§ 3‑17, 18 novembre 2014). Ils disaient que le requérant dirigeait avec un autre colonel une équipe de tueurs composée de trois lieutenants.

II. L’ACTION EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS INTENTÉE PAR LE REQUÉRANT QUANT AUX ARTICLES DE PRESSE

7. Le requérant intenta une action en dommages et intérêts contre le quotidien concerné. Il soutenait que les articles dont il se plaignait étaient calomnieux et non conformes à la réalité, que les allégations et accusations qu’ils renfermaient portaient atteinte à ses droits de la personnalité, à son honneur et à sa réputation. Il demandait donc réparation pour le dommage moral qu’il estimait avoir subi à raison de ces articles.

8. Le 21 avril 2011, le tribunal de grande instance d’Urla (« le tribunal de grande instance ») donna gain de cause au requérant et condamna la partie défenderesse à lui payer des dommages et intérêts. Il estima à cet égard que, compte tenu de la date à laquelle avait été préparé l’acte d’accusation dans le cadre de l’enquête pénale dirigée contre le requérant, à savoir le 28 janvier 2010, et de la date à laquelle avaient paru les premières publications litigieuses, à savoir le 23 juillet 2009, ces dernières étaient attentatoires au droit de l’intéressé à la présomption d’innocence s’appliquant aux actes d’enquête préparatoire en ce que la source et la véracité des commentaires et expressions étaient controversées. Selon le tribunal de grande instance, si les articles en question semblaient conformes à la réalité apparente, ils outrepassaient d’une manière impardonnable, en réalité, les limites du droit d’informer, eu égard à la façon dont le lecteur ordinaire pouvait les comprendre, à l’équilibre à ménager entre le contenu et la forme et aux principes professionnels et à la déontologie de la presse.

9. Le 4 octobre 2012, la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi en cassation par la partie défenderesse, infirma le jugement du tribunal de grande instance. Elle considéra que, dès lors qu’aux dates de publication des articles litigieux une enquête pour appartenance à une organisation illégale était en cours contre le requérant, que ce dernier avait déposé le 28 décembre 2009 dans le cadre de cette enquête, que les autorités avaient engagé une action publique par la suite et que la procédure pénale était toujours pendante, les articles en question étaient conformes à la réalité apparente. Elle fit observer que, même si le requérant alléguait que la presse avait publié ces articles avant que le tribunal compétent n’eût accepté et rendu public l’acte de mise en accusation, l’enquête en question, parce qu’elle attirait l’attention du public, avait fait l’objet de publications similaires dans plusieurs médias et avait perdu ainsi son caractère confidentiel. Elle estima que la presse pouvait naturellement, dans le cadre du droit d’informer, publier des articles sur une question devenue publique et attirant l’attention de l’opinion publique. Elle jugea que les auteurs des publications avaient ménagé un équilibre entre le contenu et la forme et qu’ils avaient choisi des titres accrocheurs afin d’attirer l’attention du lecteur.

La haute juridiction en conclut qu’une enquête judiciaire en cours concernant le contenu relaté par les articles litigieux était dirigée contre le requérant, que ces articles étaient conformes à la réalité apparente, que certaines expressions employées spécifiquement visaient à attirer l’attention du public en usant d’une certaine technique journalistique et ne changeaient en rien la réalité apparente, que la publication de ces articles répondait à un intérêt public et qu’il existait toujours un lien conceptuel entre le sujet et le style narratif.

10. Le 27 septembre 2013, le tribunal de grande instance se conforma à l’arrêt de la Cour de cassation. À cet égard, il exposa d’abord que le principe de véracité d’un article de presse devait être compris comme signifiant que le contenu d’un article devait être conforme aux faits tels qu’ils se présentaient à la date de sa publication. Il releva ensuite qu’en l’occurrence, aux dates de publication des articles litigieux, une enquête pénale pour appartenance à une organisation illégale, dont le requérant était l’un des suspects, était en cours, que l’intéressé avait déjà déposé dans le cadre de cette enquête, que les autorités avaient engagé à l’issue de l’enquête une procédure pénale qui était toujours pendante et que par conséquent les articles litigieux étaient conformes à la réalité apparente.

11. Le 13 mars 2014, la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi par le requérant, confirma ce dernier jugement du tribunal de grande instance, au motif qu’il était conforme à la procédure et à la loi.

III. LE RECOURS INDIVIDUEL INTRODUIT PAR LE REQUÉRANT

12. Le 16 mai 2014, le requérant saisit la Cour constitutionnelle d’un recours individuel. Il soutenait que les allégations, selon lui infondées et calomnieuses, publiées dans les articles litigieux portaient atteinte à son droit au respect de sa vie privée.

13. Le 17 février 2016, la Cour constitutionnelle déclara le recours individuel du requérant irrecevable pour défaut manifeste de fondement. Elle releva que le requérant se plaignait d’une violation de son droit au respect de sa vie privée à raison des publications litigieuses portant sur les enquêtes pénales en cours à l’époque des faits, et qu’il reprochait aux autorités judiciaires de ne pas avoir redressé cette violation et à l’État de ne pas avoir respecté son obligation positive consistant à établir des mécanismes effectifs en la matière. Étant donné que les autorités judiciaires avaient examiné les demandes du requérant et que l’État avait mis en œuvre un mécanisme effectif, même si la procédure n’avait pas abouti au résultat escompté par l’intéressé, elle considéra qu’en l’espèce l’État avait bien rempli son obligation positive de mettre en place des recours effectifs pour le redressement des violations des droits.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

14. Selon l’article 157 du code de procédure pénale (loi no 5271 du 4 décembre 2004, entrée en vigueur le 1er juin 2005), les actes de procédure pris au stade de l’enquête pénale sont couverts par le secret de l’instruction.

15. Dans sa version en vigueur à l’époque des faits, l’article 285 du code pénal (loi no 5237 du 26 septembre 2004, entrée en vigueur le 1er juin 2005), intitulé « Violation du secret », disposait :

« Quiconque viole publiquement le secret d’une instruction sera puni d’une peine d’emprisonnement de un à trois ans.

(…) »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

16. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint d’un manquement des autorités nationales à protéger son droit au respect de sa vie privée alors qu’avaient été publiés des articles de presse contenant des allégations incriminantes qui, selon lui, étaient infondées et calomnieuses à son égard.

17. Pour les mêmes raisons, il se plaint également d’une violation du droit à un procès équitable.

18. Enfin, sur le terrain de l’article 13 de la Convention, il allègue qu’il n’a disposé d’aucune voie de recours effective pour se plaindre des atteintes portées selon lui à son droit à sa vie privée et à son droit à un procès équitable. À cet égard, il reproche aux autorités judiciaires d’avoir appliqué pour rejeter sa demande de réparation le critère de la « réalité apparente », qui, selon lui, ne correspondait pas aux faits de la cause.

19. La Cour rappelle qu’elle n’est pas tenue par les moyens de droit avancés par un requérant en vertu de la Convention et de ses Protocoles et qu’elle peut décider de la qualification juridique à donner aux faits d’un grief en examinant celui-ci sur le terrain d’articles ou de dispositions de la Convention autres que ceux invoqués par le requérant (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 126, 20 mars 2018).

20. Elle note qu’en l’espèce, par les griefs exposés ci-dessus, le requérant se plaint essentiellement du rejet par les autorités de l’action en dommages et intérêts qu’il avait intentée contre le quotidien qui avait publié des articles de presse renfermant, selon lui, des allégations infondées et incriminantes à son égard. Par conséquent, elle estime que ces griefs portent essentiellement sur le manquement allégué des autorités nationales à protéger le requérant contre les atteintes que, d’après lui, les articles de presse litigieux avaient portées à son droit à la protection de sa réputation. Maîtresse de la qualification juridique des faits, elle considère que, eu égard à la formulation des griefs et aux circonstances de la cause, les faits dont se plaint le requérant doivent être examinés sous le seul angle de l’article 8 de la Convention.

A. Sur la recevabilité

21. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour l’un quelconque des autres motifs énoncés à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

22. Le requérant soutient que, en toute méconnaissance du principe du secret de l’instruction, la presse a publié à son sujet des allégations fausses et calomnieuses alors qu’il n’avait pas encore été mis en accusation, et qu’ainsi, elle a porté une atteinte grave à son honneur, à sa dignité et à sa carrière militaire. Il avance que l’organe de presse concerné a pu publier ces allégations en toute impunité grâce à la complicité de certains policiers et magistrats qui auraient tenté de mettre la main sur l’administration d’État à l’époque des faits et qui auraient fabriqué les éléments à charge en question dans le cadre d’un complot. Il considère que la publication des articles litigieux ne peut être justifiée par la liberté pour la presse d’informer le public en retenant le critère de la « réalité apparente » tel qu’appliqué par les juridictions nationales en l’espèce, et qu’elle s’analyse en une violation du secret de l’instruction, infraction réprimée par l’article 285 du code pénal (paragraphe 15 ci-dessus).

23. Le Gouvernement a informé la Cour qu’il ne souhaitait pas soumettre d’observations dans cette affaire.

2. Appréciation de la Cour

24. La Cour rappelle les principes découlant de sa jurisprudence en matière de protection de la vie privée et de liberté d’expression. Ces principes sont résumés notamment dans les arrêts Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France ([GC], no 40454/07, §§ 83‑93, CEDH 2015 (extraits)), et Tarman c. Turquie (no 63903/10, §§ 36-38, 21 novembre 2017).

25. Elle note qu’en l’espèce le requérant a intenté, concernant un certain nombre d’articles de presse publiés dans un quotidien national, une action en dommages et intérêts. Il soutenait dans le cadre de cette action que la publication à son sujet dans la presse d’allégations graves, telles que l’appartenance à une organisation criminelle qui projetait des attentats contre certains amiraux, s’analysait en une atteinte à sa réputation (paragraphe 7 ci-dessus). La Cour observe ensuite que les tribunaux civils ont débouté l’intéressé de sa demande (paragraphes 8-11 ci-dessus) et que la Cour constitutionnelle a déclaré son recours individuel irrecevable pour défaut manifeste de fondement (paragraphe 13 ci-dessus).

26. La Cour rappelle que, pour apprécier si la mise en balance par les juridictions nationales entre le droit du requérant à la protection de la réputation et le droit de la partie adverse à la liberté d’expression s’est faite dans le respect des critères établis par sa jurisprudence (Tarman, précité, § 38), elle doit essentiellement prêter attention à la motivation retenue par le juge national (ibidem, § 40).

27. Elle observe à cet égard que, dans son arrêt du 4 octobre 2012 par lequel elle a infirmé le jugement du tribunal de grande instance du 21 avril 2011 favorable au requérant, la Cour de cassation a considéré que les articles de presse litigieux, qui portaient sur une enquête pénale en cours à l’époque des faits, étaient conformes à la réalité apparente puisque le requérant était l’un des suspects dans cette enquête et qu’il avait déjà déposé devant les autorités judiciaires dans ce cadre. Elle a jugé que, même si la publication de certains de ces articles avait précédé la mise en accusation officielle du requérant, les informations de l’enquête en question avaient déjà perdu leur caractère confidentiel car elles avaient été publiées par la presse. Elle a également noté que le public réservait un grand intérêt à la question (paragraphe 9 ci-dessus). Le tribunal de grande instance, pour sa part, s’est conformé à cet arrêt. Il a estimé que, l’enquête pénale dont le requérant était l’un des suspects étant en cours au moment de la parution des articles litigieux et une procédure pénale ayant ensuite été engagée contre l’intéressé, ces articles devaient être considérés comme conformes à la réalité apparente (paragraphe 10 ci-dessus). La Cour constitutionnelle, quant à elle, a déclaré irrecevable le recours individuel du requérant, au motif qu’en l’espèce, l’État avait bien rempli son obligation positive consistant à mettre en place des recours effectifs pour le redressement des violations des droits, étant donné que les autorités judiciaires de l’État avaient examiné la demande du requérant et ainsi mis en œuvre un mécanisme effectif, même si la procédure n’avait pas abouti au résultat escompté par l’intéressé (paragraphe 13 ci-dessus).

28. La Cour ne peut que constater, en l’occurrence, que les juridictions nationales se sont bornées à déclarer en substance que les articles litigieux étaient conformes à la « réalité apparente » dès lors qu’une enquête pénale contre le requérant était en cours au moment de leur publication et que leur publication participait à un débat d’intérêt général, sans mettre en balance de façon appropriée le droit du requérant au respect de sa vie privée et la liberté pour la presse d’informer le public conformément à tous les critères établis dans sa jurisprudence en la matière (ibidem, § 38). Elle relève en particulier que les décisions des juridictions nationales n’apportent aucune réponse satisfaisante à la question de savoir si les articles litigieux, qui portaient sur une enquête pénale en cours et qui avaient été publiés avant l’acceptation de l’acte d’accusation, avaient respecté la législation relative au secret de l’instruction, et si les auteurs de ces articles, en publiant ces informations présumées confidentielles et en présentant sous une certaine forme des accusations d’une particulière gravité contre le requérant, avaient respecté les normes d’un journalisme responsable (Pentikäinen c. Finlande [GC], no 11882/10, § 90, CEDH 2015, Stoll c. Suisse [GC], no 69698/01, § 102, CEDH 2007‑V, Giesbert et autres c. France, nos 68974/11 et 2 autres, § 86, 1er juin 2017, et Flux c. Moldova (no 6), no 22824/04, §§ 31‑34, 29 juillet 2008, voir aussi, mutatis mutandis, Sağdıç c. Turquie, no 9142/16, §§ 38-42, 9 février 2021).

29. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que, dans les circonstances de l’espèce, les autorités nationales ne peuvent être considérées comme ayant mis en balance les intérêts en jeu conformément aux critères établis par sa jurisprudence.

30. Partant, elle juge qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention en l’espèce.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

31. Le requérant demande au total 101 433 euros (EUR) pour dommage matériel. Il allègue à cet égard que les publications litigieuses ont mis fin à sa carrière dans les forces armées et lui ont ainsi fait perdre son salaire ainsi que les revenus connexes. Il ne présente aucun justificatif à cet égard. Il réclame en outre 7 484 EUR pour dommage moral. Il sollicite aussi 754 EUR au total pour les frais de procédure devant les juridictions nationales et soumet à cet égard les reçus des frais payés devant différentes juridictions. Il demande enfin 628 EUR pour ses frais d’avocat devant les juridictions nationales, dont 547 EUR pour les frais exposés devant la Cour constitutionnelle et 1 283 EUR pour ceux exposés devant la Cour. Il présente à cet égard un reçu établi par son avocat d’un montant de 1 200 livres turques (soit 769 EUR à la date pertinente) ainsi que le barème tarifaire des barreaux turcs.

32. Le Gouvernement soutient que la demande présentée pour dommage matériel est non étayée et excessive. En ce qui concerne le dommage moral, il avance qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la violation alléguée et la demande formulée par le requérant, que cette demande est en outre non étayée et excessive et qu’elle ne correspond pas aux montants accordés par la Cour dans des affaires similaires. Il fait valoir que le requérant n’a pas produit de contrat conclu entre lui et son avocat. Il soutient que la somme demandée pour les frais de procédure exposés devant la Cour est non étayée et excessive au regard du caractère peu complexe de l’affaire et du nombre limité des questions que celle-ci soulevait. De manière générale, il estime que le montant total demandé au titre des frais et dépens ne reflète pas la réalité. Il allègue à cet égard que ce montant est plus élevé que les sommes accordées dans le cadre de procédures similaires.

33. La Cour ne distingue aucun lien de causalité entre la violation constatée et la demande présentée au titre du dommage matériel, demande qui n’est d’ailleurs nullement étayée. Elle la rejette en conséquence. En revanche, elle octroie au requérant, pour dommage moral, 2 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt. Quant aux frais et dépens, compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, elle juge raisonnable d’allouer au requérant la somme de 1 500 EUR, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare, la requête recevable ;

2. Dit, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

3. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

i. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii. 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 juin 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Hasan Bakırcı                                Valeriu Griţco
Greffier adjoint                                 Président

Dernière mise à jour le juillet 3, 2021 par loisdumonde

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