Di Martino et Molinari c. Italie (Cour européenne des droits de l’homme)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 249
Mars 2021

Di Martino et Molinari c. Italie15931/15 et 16459/15

Arrêt 25.3.2021 [Section I]

Article 6
Procédure pénale
Article 6-1
Procès équitable

Non-audition des témoins à charge par la cour d’appel avant de renverser le verdict d’acquittement prononcé en première instance lors d’une procédure abrégée : non-violation

En fait – Les requérants ont été jugés selon la procédure abrégée (simplifiée), dont ils ont demandé l’adoption en vue d’obtenir une réduction de peine. Le juge de l’audience préliminaire (GUP) a accueilli leur demande, estimant que l’affaire pouvait être tranchée sur la base des éléments du dossier constitué par le parquet au cours des investigations préliminaires, parmi lesquels figuraient les transcriptions des déclarations de plusieurs « repentis ». Par la suite, se prévalant de la possibilité prévue par le code de procédure pénale (CPP), le GUP a ordonné l’audition de B.S., un ancien mafieux, devenu entre-temps collaborateur de justice.

Le GUP a acquitté la requérante et a partiellement acquitté le requérant condamné pour un seul délit. Il a estimé que les éléments de preuve recueillis ne prouvaient pas leur responsabilité pénale. La cour d’appel, quant à elle, a infirmé ce jugement et a déclaré les requérants coupables après avoir donné une nouvelle interprétation de l’ensemble des éléments de preuve, y compris les déclarations de tous les témoins, et les avoir jugés suffisants pour fonder la condamnation.

En droit – Article 6 § 1

a)  Sur l’absence d’audition de trois témoins – La procédure abrégée entraîne des avantages indéniables pour l’accusé : une importante réduction de peine en cas de condamnation et l’impossibilité pour le parquet d’interjeter appel des jugements de condamnation ne modifiant pas la qualification juridique de l’infraction. En revanche, elle est assortie d’un affaiblissement des garanties de procédure offertes par le droit interne : la publicité des débats, la possibilité de demander la production d’éléments de preuve non contenus dans le dossier du parquet et d’obtenir la convocation des témoins.

La possibilité pour un accusé d’obtenir une atténuation des charges ou une réduction de peine à condition qu’il reconnaisse sa culpabilité, ou qu’il renonce avant le procès à contester les faits ou encore qu’il coopère pleinement avec les autorités d’enquête, est chose courante dans les systèmes de justice pénale des États européens.

En sollicitant l’adoption de la procédure abrégée, les requérants, qui étaient assistés d’avocats, ont accepté de baser leur défense sur les pièces recueillies pendant les investigations préliminaires, dont ils avaient pris connaissance, et ont ainsi renoncé sans équivoque à leur droit à obtenir la convocation et l’audition de témoins au procès de façon consciente et éclairée. Ils ont en outre accepté que les juges utilisent les transcriptions des dépositions de « repentis » versées au dossier du parquet. De plus, ils savaient ou auraient dû savoir qu’en cas d’acquittement en première instance la cour d’appel avait la faculté de rejuger l’affaire sur la base de ces mêmes éléments de preuve. Ainsi, leur demande d’être jugés selon la procédure abrégée a déterminé la renonciation aux preuves orales et a eu pour conséquence que leur procès soit fondé sur les preuves documentaires versées au dossier. Dès lors, l’espèce se distingue des précédentes affaires de la Cour dans lesquelles la juridiction de recours n’avait pas satisfait à l’obligation d’interroger directement des témoins qui avaient été auditionnés par le juge de première instance et dont elle s’apprêtait à interpréter les déclarations d’une manière défavorable à l’accusé et radicalement différente pour condamner celui-ci pour la première fois.

Les requérants n’ont pas été privés arbitrairement des avantages qui se rattachent aux principes du procès équitable ayant bénéficié de la réduction de peine découlant de l’adoption de la procédure abrégée. Et l’affaire n’a pas soulevé des questions d’intérêt public s’opposant à une telle renonciation.

Aussi, la Cour de cassation a récemment interprété extensivement le CPP, faisant obligation aux juridictions d’appel d’ordonner même d’office l’audition de témoins décisifs pour la condamnation, aussi bien dans les procédures pénales ordinaires qu’abrégées.

En conclusion, les requérants ne sauraient se plaindre d’une entrave à leur droit à un procès équitable dérivant de la non-audition par la cour d’appel des témoins.

b)  Sur l’absence d’audition d’un témoin – Ce témoin a été convoqué d’office par le GUP, et a donc été interrogé en audience par celui-ci, contrairement aux autres témoins à charge.

La possibilité que le juge déroge aux conditions ordinaires de la procédure abrégée et se procure, même d’office, des éléments de preuve nécessaires à sa décision est expressément prévue par le CPP et ne saurait constituer en soi une atteinte aux principes du procès équitable.

La condamnation des requérants a été fondée sur plusieurs éléments de preuve. Le témoignage du témoin en question n’a donc que confirmé les déclarations des autres témoins et corroboré l’ensemble des preuves à charge. En effet, ni le GUP ni la cour d’appel n’ont accordé un poids déterminant à ce témoignage. De plus, le GUP avait convoqué ce témoin pour juger de la position de l’un des coïnculpés des requérants.

Eu égard à ce qui précède, et notamment à la valeur probante du témoignage en question, et rappelant qu’il revient en principe aux juridictions nationales d’apprécier les éléments rassemblés par elles, l’on ne saurait considérer qu’en ne procédant pas à une nouvelle audition du témoin la cour d’appel a restreint les droits de la défense des requérants.

Conclusion : non-violation (unanimité).

(Voir aussi Hermi c. Italie [GC], 18114/02, 18 octobre 2006, Résumé juridique ; Hany c. Italie (déc.), 17543/05, 6 novembre 2007, Résumé juridique ; Scoppola c. Italie (no 2) [GC], 10249/03, 17 septembre 2009, Résumé juridique ; Lazu c. République de Moldova, 46182/08, 5 juillet 2016, Résumé juridique ; et Murtazaliyeva c. Russie [GC], 36658/05, 18 décembre 2018, Résumé juridique)

Dernière mise à jour le mars 25, 2021 par loisdumonde

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *