Petrella c. Italie (Cour européenne des droits de l’homme)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 249
Mars 2021

Petrella c. Italie24340/07

Arrêt 18.3.2021 [Section I]

Article 6
Procédure civile
Article 6-1
Accès à un tribunal
Droits et obligations de caractère civil

Durée des investigations préliminaires ayant empêché le requérant de se constituer partie civile dans une procédure pénale et de demander réparation du préjudice civil : violation

En fait – Le 22 juillet 2001, un journal publia, en première page, un article intitulé « Trou de mille milliards “signé” Petrella & Co. », accompagné d’une photographie du requérant avocat et président d’une équipe de football. L’article mentionnait entre autres sa responsabilité dans les six ans de saignées du budget de la santé publique locale et régionale. Puis, les trois jours suivants, le journal publia d’autres articles ayant un contenu semblable.

Estimant que ces articles avaient porté atteinte à son honneur et à sa réputation, le requérant porta plainte le 28 juillet 2001 pour diffamation aggravée par voie de presse contre leur auteur et le directeur de ce journal, le président et l’administrateur délégué de la société d’édition. Dans sa plainte, déposée devant le procureur, le requérant précisait qu’il entendait se constituer partie civile dans la procédure et demander cinq millions d’euros de dommages-intérêts. En outre, il indiquait souhaiter être informé d’un éventuel classement de sa plainte.

Le 10 septembre 2001, l’affaire fut déférée au parquet du tribunal. Le 17 janvier 2007, le juge des investigations préliminaires classa la procédure sans suite en raison de la prescription de l’infraction pénale dénoncée.

En droit – Article 6 § 1

a) Applicabilité – Pour entrer dans le champ de la Convention, le droit de faire poursuivre ou condamner pénalement des tiers doit impérativement aller de pair avec l’exercice par la victime de son droit d’intenter l’action, par nature civile, offerte par le droit interne, ne serait-ce qu’en vue d’obtenir une réparation symbolique ou la protection d’un droit de caractère civil, à l’instar par exemple du droit de jouir d’une « bonne réputation ». Dès lors, l’article 6 § 1 s’applique aux procédures relatives aux plaintes avec constitution de partie civile dès l’acte de constitution de partie civile, à moins que la victime ait renoncé de manière non équivoque à l’exercice de son droit à réparation (Perez c. France [GC]). De plus, la Cour a considéré cette disposition applicable à la partie lésée qui ne s’était pas constituée partie civile, dès lors qu’en droit italien, même avant l’audience préliminaire, où une telle constitution peut être présentée, la victime de l’infraction peut exercer les droits et les facultés expressément reconnus par la loi.

En l’espèce, la plainte du requérant visait à faire valoir un droit de caractère civil, à savoir le droit à la protection de sa réputation, dont l’intéressé pouvait, de manière défendable, se prétendre titulaire. Par ailleurs, dans sa plainte, le requérant avait affirmé qu’il entendait se constituer partie civile dans la procédure pénale et réclamer cinq millions d’euros de dommages-intérêts. Il avait également expressément demandé à être prévenu d’un éventuel classement de l’affaire. Par conséquent, le requérant a exercé, au moins, l’un des droits et facultés reconnus par le droit interne à la partie lésée (Arnoldi c. Italie). Ainsi, la Cour rejette l’exception d’incompatibilité ratione materiae soulevée par le Gouvernement.

Conclusion : article 6 applicable.

b) Fond – Le requérant avait fait usage des droits et facultés qui lui étaient ouverts en droit interne dans le cadre de la procédure pénale et qui lui auraient permis, au moment de l’audience préliminaire, de demander réparation du préjudice civil dont il se disait victime. En l’occurrence, c’est exclusivement en raison du retard avec lequel les autorités de poursuite ont traité le dossier et de la prescription de l’infraction dénoncée que le requérant n’a pas pu présenter sa demande de dédommagement et que, par conséquent, il n’a pas pu voir statuer sur cette demande dans le cadre de la procédure pénale. Ce comportement fautif des autorités a eu pour conséquence de priver le requérant de voir ses prétentions de caractère civil tranchées dans le cadre de la procédure qu’il avait choisi de poursuivre et qui était mise à sa disposition par l’ordre juridique interne. En effet, l’on ne saurait exiger d’un justiciable qu’il introduise une action aux mêmes fins en responsabilité civile devant la juridiction civile après le constat de prescription de l’action pénale en raison de la faute de la juridiction pénale. Ceci impliquerait probablement la nécessité de rassembler de nouveau des preuves, que le requérant aurait désormais la charge de produire, et l’établissement de l’éventuelle responsabilité civile pourrait s’avérer extrêmement difficile autant de temps après les faits.

Conclusion : violation (cinq voix contre deux).

Article 41 : 5 200 EUR pour préjudice moral.

La Cour conclut également, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 en raison de la durée excessive de la procédure litigieuse et à la violation de l’article 13 pour l’absence en droit interne d’un recours permettant au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable.

(Voir aussi Perez c. France [GC], 47287/99, 12 février 2004, Résumé juridique ; Sottani c. Italie (déc.), 26775/02, 24 février 2005, Résumé juridique ; Atanasova c. Bulgarie, 72001/01, 2 octobre 2008, Résumé juridique ; et Arnoldi c. Italie, 35637/04, 7 décembre 2017, Résumé juridique)

Dernière mise à jour le mars 18, 2021 par loisdumonde

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