AFFAIRE VOLCHKOVA ET MIRONOV c. RUSSIE (Cour européenne des droits de l’homme) Requêtes nos 45668/05 et 2292/06

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE VOLCHKOVA ET MIRONOV c. RUSSIE
(Requêtes nos 45668/05 et 2292/06)
ARRÊT
(Révision)

Art 41 • Satisfaction équitable • Révision visant à l’octroi d’une somme pour dommage matériel aux héritiers du requérant décédé

STRASBOURG
9 mars 2021

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Volchkova et Mironov c. Russie (demande en révision de l’arrêt du 15 octobre 2019),

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Paul Lemmens, président,
Georgios A. Serghides,
Dmitry Dedov,
Alena Poláčková,
María Elósegui,
Gilberto Felici,
Erik Wennerström, juges,
et de Milan Blaško, greffierde section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 février 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 45668/05 et 2292/06) dirigées contre la Fédération de Russie et dont deux ressortissants de cet État, Mme Tatyana GrigoryevnaVolchkova (« la requérante de la requête no 45668/05 », « la requérante ») et M. Boris PetrovichMironov (« le requérant de la requête no 2292/06 », « le requérant »), ont saisi la Cour respectivement le 9 décembre 2005 et le 30 décembre 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Par un arrêt du 28 mars 2017 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé que l’expropriation des biens des requérants situés à Lyoubertsy avait été effectuée en violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et elle a réservé la question relative aux demandes pour dommage matériel formulées par les intéressés (Volchkova et Mironov c. Russie, nos 45668/05 et 2292/06, 28 mars 2017).

3. Par un arrêt du 15 octobre 2019, la Cour, statuant sur les demandes de dommage matériel présentées par les requérants, a décidé d’allouer 16 700 dollars américains (USD) à la requérante et 42 000 USD au requérant, et arejeté les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.

4. Le 15 janvier 2020, le Gouvernement a informé la Cour qu’il avait appris que le requérant était décédéle 16 février 2019. Il a en conséquence sollicité la radiation du rôle de la requête de ce requérant, par la révision de l’arrêt du 15 octobre 2019, sur le fondement de l’article 80 du règlement de la Cour. Cette demande a été communiquée à l’avocate de M. Mironov. Le 20 février 2020, celle-ci a demandé à la Cour de réviser cet arrêt. À l’appui de sa demande, elle a joint les certificats de succession de M. Mironov au profit de son fils, M. Yuriy BorisovichMironov, et de sa veuve, Mme ZukhraTimurovnaFattakhova, héritiers à parts égales, et elle a indiqué que ceux-ci souhaitaient poursuivre la requête au nom de leur proche décédé afin de pouvoir percevoir la somme de 42 000 USD allouée par la Cour.

5. Le 22 juin 2020, la Cour a examiné les demandes en révision et a décidé d’accorder aux parties un délai de trois mois pour présenter leurs éventuelles observations. Celles-ci sont parvenues à la Cour le 16 septembre (pour le Gouvernement) et le 30 octobre (pour l’avocate de M. Mironov) 2020.

EN DROIT

SUR LA DEMANDE EN RÉVISION

6. Le Gouvernement demande la révision de l’arrêt du 15 octobre 2019, en raison du décès de M. Mironov avant l’adoption dudit arrêt. Il estime que la requête no 2292/06 doit être rayée du rôle, en application de l’article 37 § 1 a) de la Convention. Il argue que ni l’avocate ni les héritiers du défunt n’ont informé la Cour de ce décès en temps utile, alors que la première avait connaissance de l’existence de la procédure devant la Cour et que les seconds vivaient avec le requérant et savaient qu’il avait une requête pendante. Il considère en substance que l’avocate n’a pas fourni de raisons valables justifiant le fait que la Cour n’a pas été informée du décès de M. Mironov en temps utile.

7. L’avocate du requérant indique qu’elle n’a appris le décès de ce dernier qu’en janvier 2020, lorsqu’elle a reçu la lettre de la Cour en ce sens, et que les successeurs légaux de son client ne connaissaient pas l’existence de la procédure devant la Cour et, de ce fait, n’ont pas pensé à informer celle-ci ou elle-même de ce décès.

8. La Cour constate que M. Yuriy BorisovichMironov et MmeZukhraTimurovnaFattakhova sont proches parents et héritiers à parts égales du requérant, décédé après l’introduction de la requête et avant l’adoption de l’arrêt relatif à la satisfaction équitable.

9. Elle rappelle sa jurisprudence constante, selon laquelle elle autorise normalement les proches d’un requérant décédé à poursuivre la procédure devant elle (voir, par exemple, Dyller c. Pologne (révision), no 39842/05, 15 février 2011, FrančiškaŠtefančič c. Slovénie (révision), no 58349/09, 9 octobre 2018, Rodionovc. Russie(révision), no 9106/09, §§ 6-7, 27 août 2019, et Ana Ionescu et autres c. Roumanie (révision), nos 19788/03 et 18 autres, 3 mars 2020). Vu les circonstances de l’espèce, la Cour ne voit pas de raison de procéder autrement, et elle estime que, afin de permettre aux héritiers du requérant de percevoir les sommes allouées à leur proche, il y a lieu de réviser l’arrêt du 15 octobre 2019 en application de l’article 80 de son règlement, qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :

« En cas de découverte d’un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l’issue d’une affaire déjà tranchée et qui, à l’époque de l’arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d’une partie, cette dernière peut (…) saisir la Cour d’une demande en révision de l’arrêt dont il s’agit. (…) »

10. Elle décide en conséquence qu’il y a lieu d’octroyer conjointement à M. Yuriy BorisovichMironov et MmeZukhraTimurovnaFattakhova la somme de 42 000 USD précédemment accordée à M. Mironov.

11. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide d’accueillir la demande en révision de l’arrêt du 15 octobre 2019 formulée par la partie requérante concernée ;

en conséquence

2. Dit

a) que l’État défendeur doit verser conjointement à M. Yuriy BorisovichMironov et MmeZukhraTimurovnaFattakhova, héritiers de M. Boris PetrovichMironov (le requérant de la requête no 2292/06), dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 42 000 USD (quarante-deux mille dollars américains) pour dommage matériel, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 mars 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Milan Blaško                              Paul Lemmens
Greffier                                          Président

Dernière mise à jour le mars 9, 2021 par loisdumonde

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