AFFAIRE CECERE ET AUTRES c. ITALIE – 38084/22 et 5 autres

Les requérants se plaignent de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice internes.


Cour européenne des droits de l’homme
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE CECERE ET AUTRES c. ITALIE
(Requêtes nos 38084/22 et 5 autres – voir liste en annexe)
ARRET
STRASBOURG
18 janvier 2024

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Cecere et autres c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :
Krzysztof Wojtyczek, président,
Lətif Hüseynov,
Ivana Jelić, juges,
et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 décembre 2023,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent des requêtes dirigées contre l’Italie et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux différentes dates indiquées dans le tableau joint en annexe.

2. Les requérants ont été représentés par M. Pagliuca, avocat à Avellino.

3. Les requêtes ont été communiquées au gouvernement italien (« le Gouvernement »).

EN FAIT

4. La liste des requérants et les précisions pertinentes sur les requêtes figurent dans le tableau joint en annexe.

5. Les requérants se plaignent de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice internes. Les requérants tirent également d’autres griefs des dispositions de la Convention.

EN DROIT

I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

6. Compte tenu de la similitude des requêtes, la Cour estime approprié de les examiner conjointement en un seul arrêt.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

7. Les requérants se plaignent principalement de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice internes rendues en leur faveur. Ils invoquent, expressément ou en substance, l’article 6 § 1 de la Convention.

8. La Cour rappelle que l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6. Elle renvoie par ailleurs à sa jurisprudence concernant l’inexécution ou l’exécution tardive de décisions de justice internes définitives (Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, § 40, Recueil des arrêts et décisions 1997‑II).

9. Dans les arrêts de principe Ventorino c. Italie, no 357/07, 17 mai 2011, De Trana c. Italie, no 64215/01, 16 octobre 2007, Nicola Silvestri c. Italie, no 16861/02, 9 juin 2009, et Antonetto c. Italie, no 15918/89, 20 juillet 2000, la Cour a conclu à la violation de l’article 6 de la Convention au sujet de questions similaires à celles qui font l’objet de la présente affaire.

10. Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant à la recevabilité et au bien-fondé des griefs en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce les autorités n’ont pas déployé tous les efforts nécessaires pour faire exécuter pleinement et en temps voulu les décisions de justice rendues en faveur des requérants.

11. Il s’ensuit que ces griefs sont recevables et révèlent une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES RELEVANT D’UNE JURISPRUDENCE BIEN ÉTABLIE

12. Les requérants ont formulé un autre grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 concernant l’inexécution ou de l’exécution tardive des mêmes décisions de justice internes (voir tableau joint en annexe). Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable. Après examen de l’ensemble des éléments en sa possession, elle conclut qu’il révèle également une violation de la Convention, eu égard à ses constats dans l’affaire Ventorino, précitée.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

13. Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence (Ventorino, précitée, De Trana, précitée, et Nicola Silvestri, précitée), la Cour estime raisonnable d’allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe.

14. La Cour constate en outre que l’État défendeur demeure tenu d’exécuter les décisions de justice qui restent exécutoires.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Déclare les requêtes recevables ;

3. Dit que ces requêtes révèlent une violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice internes ;

4. Dit que l’État défendeur doit, dans les trois mois, assurer par des moyens appropriés l’exécution des décisions de justice internes encore pendantes visées dans le tableau joint en annexe ;

5. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 janvier 2024, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Viktoriya Maradudina                 Krzysztof Wojtyczek
Greffière adjointe f.f.                         Président

____________

ANNEXE
Liste de requêtes concernant des griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention
(inexécution ou exécution tardive de décisions de justice internes)

No. Numéro et date d’introduction de la requête Nom du requérant et année de naissance Nom et ville du représentant Décision de justice interne pertinente Date de début de l’inexécution Date de fin de l’inexécution

Délai d’exécution

Injonction des juridictions internes Autres griefs relevant de la jurisprudence bien établie Montant alloué pour dommage par requérant

(en euros)[i]

Montant alloué pour frais et dépens par requête

(en euros)[ii]

1. 38084/22

22/07/2022

(3 requérants)

Christian CECERE

1971

 

Antonio CECERE

1938

 

Simonetta CECERE

1973

 

Pagliuca Mauro

Avellino

Cour d’Avellino, R.G. 5597/2006, 16/07/2010 09/11/2010

 

en cours

Plus de 13 année(s) et 8 jour(s)

 

Municipalité de Mugnano del Cardinale.

Paiement des honoraires d’avocat (avvocato antistatario).

Prot. 1 Art. 1 – absence du ou retard dans le paiement d’une créance de la part des autorités nationales 1 200 250
2. 47073/22

29/09/2022

Claudio RUOCCO

1965

Pagliuca Mauro

Avellino

Court de Avellino, R.G.E. 603/2014, 14/05/2015

 

14/05/2015

 

en cours

Plus de 8 année(s) et 6 mois et 3 jour(s)

 

Municipalité de Avellino.

Paiement des honoraires d’avocat (avvocato antistatario).

Prot. 1 Art. 1 – absence du ou retard dans le paiement d’une créance de la part des autorités nationales 2 350 550
3. 49612/22

14/10/2022

Antonio GALASSO

1973

Pagliuca Mauro

Avellino

Juge de paix de Avellino, R.G.A.C. 7850/2017, 17/09/2019

Juge de paix de Avellino, R.G.A.C. 1697/2016, 13/02/2020

17/09/2019

 

13/02/2020

 

en cours

Plus de 4 année(s) et 2 mois

en cours

Plus de 3 année(s) et 9 mois et 4 jour(s)

 

Municipalité de Avellino.

Paiement des honoraires d’avocat (avvocato antistatario).

 

Prot. 1 Art. 1 – absence du ou retard dans le paiement d’une créance de la part des autorités nationales 1 780 250
4. 51934/22

02/11/2022

Luisa LEONINO

1970

Pagliuca Mauro

Avellino

Tribunal de Avellino, R.G. 4206/2015, 13/10/2017 13/10/2017 en cours

Plus de 6 année(s) et 1 mois et 4 jour(s)

Municipalité de Avellino.

Paiement des honoraires d’avocat (avvocato antistatario).

Prot. 1 Art. 1 – absence du ou retard dans le paiement d’une créance de la part des autorités nationales 3 800 250
5. 52791/22

10/11/2022

Antonio TODISCO

1977

Pagliuca Mauro

Avellino

Cour d’Avellino, R.G. 134/15, 24/09/2020

 

Cour d’Avellino, R.G. 5731/14, 02/10/2020

24/09/2020

 

02/10/2020

 

en cours

Plus de 3 année(s) et 1 mois et 24 jour(s)

 

en cours

Plus de 3 année(s) et 1 mois et 15 jour(s)

Municipalité de Avellino.

Paiement des honoraires d’avocat (avvocato antistatario).

Prot. 1 Art. 1 – absence du ou retard dans le paiement d’une créance de la part des autorités nationales 3 500 250
6. 695/23

19/12/2022

Aniello MELORIO

1975

Pagliuca Mauro

Avellino

Juge de paix de Torre Annunziata, R.G. 1301/18, 19/04/2018

 

Juge de paix de Torre Annunziata, R.G. 3815/18, 12/05/2018

 

Juge de paix de Torre Annunziata, R.G. 9132/18, 18/09/2018

17/07/2018

 

18/09/2018

 

24/01/2019

 

en cours

Plus de 5 année(s) et 4 mois

 

en cours

Plus de 5 année(s) et 1 mois et 30 jour(s)

 

en cours

Plus de 4 année(s) et 9 mois et 24 jour(s)

Agence Sanitaire Locale (ASL) n. 3 Sud Naples.

 

Paiement des honoraires d’avocat (avvocato antistatario).

Prot. 1 Art. 1 – absence du ou retard dans le paiement d’une créance de la part des autorités nationales 1 070 250

[i] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.

[ii] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.

Dernière mise à jour le janvier 18, 2024 par loisdumonde

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