La requérante se plaint de la durée excessive de la procédure civile et du fait qu’elle a été privée de ses biens de façon arbitraire.
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE BERTOLOTTI c. ITALIE
(Requête no 4592/03)
ARRET
STRASBOURG
12 janvier 2023
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Bertolotti c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :
Krzysztof Wojtyczek, président,
Ivana Jelić,
Erik Wennerström, juges,
et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 décembre 2022,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre l’Italie et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 21 janvier 2003.
2. La requérante, Mme Mara Egle Bertolotti, est une ressortissante italienne née en 1946 et résidant à Milan. Elle a été représentée devant la Cour par Me P. Giovine, avocat exerçant à Reggio Calabria.
3. Les griefs que la requérante tirait de l’articles 6 § 1 et l’article 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 ont été communiqués au gouvernement italien (« le Gouvernement »).
EN FAIT
4. Les précisions pertinentes sur la présente requête figurent dans le tableau joint en annexe.
5. À la suite de la communication de la requête, les parties ont informé la Cour que le 26 janvier 2022 la requérante avait conclu dans le cadre de la procédure interne un accord avec l’autorité expropriante.
6. L’accord entraîne, de la part de la requérante, l’acceptation des sommes proposées et la renonciation à toute procédure concernant la part de ses créances non couvertes par l’accord en question.
7. La requérante se plaint de la durée excessive de la procédure civile et du fait qu’elle a été privée de ses biens de façon arbitraire. Elle allègue également la violation d’autres dispositions de la Convention.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
8. La requérante allègue principalement que la durée de la procédure civile en question est incompatible avec l’exigence du « délai raisonnable ». Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) ».
9. La Cour rappelle que la durée « raisonnable » d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et à l’aide des critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000‑VII).
10. Dans l’arrêt de principe Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, CEDH 2006‑V, la Cour a conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée excessive de la procédure.
11. Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à justifier la durée globale de la procédure au niveau national. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
12. Il s’ensuit que ce grief est recevable et révèle une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR LES GRIEFS TIRÉS DE l’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION ET l’article 1 DU PROTOCOLE No 1
13. Invoquant l’article 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1, la requérante se plaint d’avoir été privée de son terrain de façon arbitraire et d’avoir obtenu une indemnité insuffisante.
14. La Cour note que la requérante a accepté une transaction qui a eu pour effet de satisfaire dans une grande mesure les revendications formulées sous l’angle de la Convention et a renoncé à toute autre procédure concernant la part de ses créances non couvertes par l’accord en question (voir, mutatis mutandis, Condominio Porta Rufina N. 48 di Benevento c. Italie (déc.), no 7528/05, § 19, 7 janvier 2014, et Gruppo Cosiac S.p.a. et Sestito Antonio & C. S.a.s. c. Italie (déc.) [comité], nos 26363/14 et 53725/15, 25 novembre 2021).
15. À la lumière de ce qui précède, la Cour considère que, pour cette partie de la requête, le litige a été résolu au sens de l’article 37 § 1 b) de la Convention. Par ailleurs, aucun motif particulier touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses protocoles n’exige la poursuite de l’examen des requêtes en vertu de l’article 37 § 1 in fine.
III. SUR LES AUTRES GRIEFS
16. La requérante se plaint sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention de l’application de la loi no 662 de 1996 en cours de procédure. En outre, invoquant l’article 13 de la Convention, elle soutient de n’avoir pas disposé de voies de recours internes effectives afin de faire valoir la violation de l’article 6 § 1 concernant la durée de la procédure.
17. La Cour a examiné la requête, au vu de l’ensemble des éléments en sa possession, et pour autant que les faits litigieux relèvent de sa compétence, que ces griefs soit ne remplissent pas les critères de recevabilité énoncés aux articles 34 et 35 de la Convention, soit ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses Protocoles.
18. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
19. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
20. Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence (Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, CEDH 2006‑V), la Cour estime raisonnable d’allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de rayer la requête du rôle en ce qui concerne le grief tiré de l’article 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 ;
2. Déclare la requête recevable quant au grief concernant la durée excessive de la procédure civile et irrecevable pour le surplus ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée de la procédure ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 janvier 2023, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Viktoriya Maradudina Krzysztof Wojtyczek
Greffière adjointe f.f. Président
___________
ANNEXE
Requête concernant des griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention
(durée excessive de la procédure civile)
Numéro et date d’introduction de la requête | Nom du requérant et année de naissance | Nom et ville du représentant | Début de la procédure | Fin de la procédure | Durée totale Nombre de degrés de juridiction |
Juridiction interne / numéro de dossier Indemnisation octroyée au niveau interne (en euros) |
Montant alloué pour dommage (en euros)[1] |
Montant alloué pour frais et dépens (en euros)[2] |
4592/03 21/01/2003 |
Mara Egle BERTOLOTTI 1946 |
Giovine Pietro Reggio Calabria |
24/01/1970 | 15/09/2011 | 41 ans 7 mois et 23 jours 2 niveau de juridiction |
Cour d’appel de Catanzaro R.G. 1/2001 (quant à la période de la procédure principale du 24 janvier 1970 au 12 juin 2001) 4 183,30 EUR à titre de dommage moral et 776,75 pour frais et dépens Cour d’appel de Catanzaro R.G. 1312/2011 (quant à la période de la procédure principale du 13 juin 2001 au 1 mars 2011) 7 250 EUR à titre de dommage moral et 600 EUR pour frais et dépens |
700 | 1 000 |
[1] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.
[2] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.
Dernière mise à jour le janvier 13, 2023 par loisdumonde
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