AFFAIRE GUPALO c. UKRAINE (Cour européenne des droits de l’homme) 33705/17

La présente requête porte sur une interdiction de quitter le territoire qui a été imposée au requérant au motif qu’il n’avait pas remboursé des dettes constatées par des décisions de justice.


CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE GUPALO c. UKRAINE
(Requête no 33705/17)
ARRÊT
STRASBOURG
1er décembre 2022

Cet arrêtest définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Gupalo c. Ukraine,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en un comitécomposé de :

Stéphanie Mourou-Vikström, présidente,
Lado Chanturia,
Mykola Gnatovskyy, juges,
et de Martina Keller, greffière adjointede section,

Vu la requête (no 33705/17) dirigée contre l’Ukraine et dont un ressortissant de cet État, M. Oleksandr Anatoliyovych Gupalo (« le requérant »), né en 1966 et résidant à Kiev, représenté par M. Kovalenko, avocat à Kiev, a saisi la Cour le 27 avril 2017en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Vu la décision de porter à la connaissance du gouvernement ukrainien (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. I. Lishchyna, le grief du requérant selon lequel il avait été porté atteinte à son droit à la libre circulation, et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,

Vu les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 novembre 2022,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

OBJET DE L’AFFAIRE

1. La présente requête porte sur une interdiction de quitter le territoire qui a été imposée au requérant au motif qu’il n’avait pas remboursé des dettes constatées par des décisions de justice. Le requérant invoque l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention.

2. Le 16 décembre 2016, le tribunal d’arrondissement de Podilskiy, à Kiev, examina et accueillit la demande dont l’huissier P., du service des huissiers de l’État, l’avait saisi aux fins d’obtenir que le requérant fût frappé d’une interdiction de quitter le territoire jusqu’au paiement intégral de deux dettes qui avaient été constatées par des décisions de justice.

3. Le 13 février 2017, la cour d’appel de Kiev confirma la décision de la juridiction de première instance.

4. Le 24 mars 2017, les informations relatives à l’interdiction de quitter le territoire imposée au requérant furent saisies dans la base de données de la police des frontières.

5. Dans sa dernière communication, en date du 6 mars 2018, le requérant a indiqué que l’interdiction de quitter le territoire dont il fait l’objet est toujours en vigueur.

APPRÉCIATION DE LA COUR

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 4 à LA CONVENTION

6. Le requérant soutient que la restriction apportée à son droit de quitter le territoire ukrainien n’est ni justifiée ni nécessaire.

7. Le Gouvernement estime pour sa part que cette restriction est justifiée et fondée.

8. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

9. Les principes pertinents en l’espèce sont résumés dans l’arrêt Stetsov c. Ukraine (no 5170/15, §§ 25-32, 11 mai 2021), qui porte sur une situation comparable.

10. Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Stetsov (arrêt précité), le requérant a été soumis à des mesures qui n’étaient pas suffisamment justifiées et qui ne pouvaient être ni reconsidérées ni réexaminées avant la date à laquelle le remboursement des dettes serait achevé. La Cour conclut donc que les autorités ukrainiennes ont manqué à l’obligation qui leur incombait en vertu de l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention de veiller à ce que toute atteinte portée au droit d’une personne de quitter son pays soit, dès le départ et pendant toute sa durée, justifiée et proportionnée au regard des circonstances de l’espèce.

Partant, il y a eu violation du droit du requérant à la liberté de circulation garanti par l’article 2 § 2 du Protocole no 4 à la Convention.

APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

11. Le requérant demande 3 200 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il estime avoir subi.

12. Le Gouvernement conteste cette demande, qu’il estime non étayée et excessive.

13. La Cour considère que le requérant a dû subir un dommage moral que le seul constat de violation de la Convention ne suffit pas à réparer. Statuant en équité, elle lui alloue 1 000 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois, pour dommage moral, 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 1er décembre 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Martina Keller                           Stéphanie Mourou-Vikström
Greffière adjointe                               Présidente

Dernière mise à jour le décembre 1, 2022 par loisdumonde

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