AFFAIRE LYDAKIS ET AUTRES c. GRÈCE (Cour européenne des droits de l’homme) 43441/14

Les requérants se plaignent d’une violation des articles 6 et 13 de la Convention en raison de l’exécution tardive de l’arrêt en cause ainsi que de l’absence d’un recours effectif à cet égard.


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE LYDAKIS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no 43441/14)
ARRÊT
STRASBOURG
10 novembre 2022

Cet arrêtest définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Lydakis et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comitécomposé de :
Krzysztof Wojtyczek, président,
Erik Wennerström,
Ioannis Ktistakis, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 43441/14) contre la République hellénique dont quatre ressortissants, la liste desquels figure dans le tableau joint en annexe (« les requérants »), ont saisi la Cour le 5 juin 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision de porter à la connaissance du gouvernement grec (« le Gouvernement »), représenté par les délégués de son agent, K. Georghiades, assesseur auprès du Conseil Juridique de l’État, et Z. Chatzipavlou, auditrice auprès du Conseil Juridique de l’État, les griefs concernant les articles 6 et 13 de la Convention et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 octobre 2022,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

OBJET DE L’AFFAIRE

1. La requête concerne l’exécution tardive de l’arrêt no 256/2008 du tribunal administratif de première instance d’Héraklion, publié le 31 juillet 2008. Par cet arrêt, ledit tribunal a annulé le rejet tacite de l’administration d’ordonner la levée de l’expropriation du terrain appartenant aux requérants et a renvoyé l’affaire à l’administration.

2. Il ressort du dossier que l’arrêt en cause a été exécuté le 20 novembre 2020, par la publication d’un décret présidentiel levant l’expropriation en cause.

3. Les requérants se plaignent d’une violation des articles 6 et 13 de la Convention en raison de l’exécution tardive de l’arrêt en cause ainsi que de l’absence d’un recours effectif à cet égard.

APPRÉCIATION DE LA COUR

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

4. Le Gouvernement soutient que les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours internes car ils n’ont pas introduit de demande devant le comité de trois juges en charge du contrôle de la bonne exécution par l’administration des arrêts des juridictions administratives (« le comité de trois juges »).

5. Les requérants rétorquent que la demande devant le comité de trois juges n’est pas un recours effectif à épuiser.

6. La Cour rappelle qu’après la saisine par l’intéressé du comité de trois juges, celui-ci ne peut que constater le refus de l’administration de se conformer à un arrêt et lui imposer, le cas échéant, le versement d’une indemnité pour cette raison. Elle a déjà considéré qu’il n’est pas suffisant de constater la non-exécution d’un arrêt sans plus et elle a rejeté des exceptions préliminaires similaires (voir, à titre d’exemple, Kanellopoulos c. Grèce, no 11325/06, §§ 17-21, 21 février 2008).

7. La Cour rejette par conséquent l’exception du Gouvernement.

8. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

9. Le Gouvernement soutient que l’affaire en cause était complexe et exigeait du temps pour être résolue. Dans ses observations, il ajoute que la procédure d’exécution était presque finie et que l’administration avait procédé à plusieurs actions afin de se conformer à l’arrêt en cause.

10. Les requérants rétorquent que le Gouvernement ne précise pas en quoi consiste la « complexité » de l’affaire. Ils ajoutent que l’administration aurait pu se conformer à l’arrêt en cause en modifiant le plan d’urbanisme.

11. Les principes généraux concernant l’inexécution ou l’exécution tardive des arrêts des juridictions internes ont été résumés dans les arrêts Bousiou c. Grèce, no21455/10, §§ 18-21, 24 octobre 2013, et Vasiliadouc. Grèce, no 32884/09, §§ 33-37, 6 avril 2017.

12. La Cour note que l’administration a procédé à l’exécution de l’arrêt no 256/2008 du tribunal administratif de première instance d’Héraklion, publié le 31 juillet 2008, douze ans et quatre mois environ après l’arrêt en cause et que rien n’explique ce retard. Il apparaît donc que l’administration a omis de se conformer dans un délai raisonnable à l’arrêt en cause.

13. Partant, il y a eu violation de l’article 6 de la Convention.

II. SUR L’AUTRE VIOLATION ALLÉGUÉE AU SUJET DE LAQUELLE IL EXISTE UNE JURISPRUDENCE BIEN ÉTABLIE

14. Les requérants ont formulé un grief tiré de l’article 13 de la Convention qui soulève lui aussi des questions sur le terrain de la Convention, selon la jurisprudence bien établie de la Cour. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable. Après examen de l’ensemble des éléments en sa possession, elle conclut qu’il fait également apparaître une violation de l’article 13 de la Convention, eu égard à ses constats dans Kanellopoulos, précité, § 33, etPanagiotisGikas et Georgios Gikas c. Grèce, no 26914/07, § 44, 2 avril 2009.

APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

15. Les requérants demandent conjointement 5 000 000 euros (EUR) pour le préjudice matériel qu’ils estiment avoir subi. Ils demandent également 110 000 EUR chacun à titre de préjudice moral et 3 200 EUR conjointement au titre des frais et dépens, sans toutefois produire de facture à l’appui.

16. Le Gouvernement indique que les sommes réclamées sont excessives et injustifiées.

17. La Cour ne distingue aucun lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. Elle rejette donc la demande formulée à ce titre.

18. La Cour octroie conjointement aux requérants figurant dans l’annexe sous les numéros 1, 2 et 4, qui ont la même adresse, 6 000 EUR et à la requérante figurant à l’annexe sous le numéro 3, 6 000 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt. Compte tenu de l’absence de justificatif y relatif, la Cour rejette la demande présentée au titre des frais et dépens.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention;

4. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser, dans un délai de trois mois, 6 000 EUR (six mille euros) conjointement aux requérants figurant dans l’annexe sous les numéros 1, 2 et 4, et 6 000 EUR (six mille euros) à la requérante figurant dans l’annexe sous le numéro 3, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

1. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 novembre 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Liv Tigerstedt                   Krzysztof Wojtyczek
Greffière adjointe                    Président

____________

Appendix

No Prénom NOM Année de naissance Nationalité Lieu de résidence
1. Aristodimos LYDAKIS 1951 grec IrakleioKritis
2. Alkyoni LYDAKI 1977 grecque IrakleioKritis
3. Evdoxia LYDAKI 1956 grecque IrakleioKritis
4. Chrysovalantis-Evaggelos LYDAKIS 1973 grec IrakleioKritis

Dernière mise à jour le novembre 10, 2022 par loisdumonde

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