Yeşiller ve Sol Gelecek Partisi c. Turquie (Cour européenne des droits de l’homme)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 262
Mai 2022

Yeşiller ve Sol Gelecek Partisi c. Turquie – 41955/14

Arrêt 10.5.2022 [Section II]

Article 11
Article 11-1
Liberté d’association

Refus d’autoriser un parti politique à tenir un congrès dans des villes, faute d’y avoir des structures locales suffisantes, pour pouvoir se présenter aux élections législatives : non-violation

En fait – Le Conseil électoral supérieur (CES) a refusé d’autoriser le requérant, un parti politique, à tenir un congrès local respectivement dans les villes d’Ankara, d’Antalya et d’Artvin (les trois villes) pour pouvoir se présenter aux élections législatives. Il ne remplissait pas les critères exigés par la loi à savoir qu’il n’avait pas de structures locales respectivement dans au moins un tiers des communes de ces trois villes.

En droit – Article 11 :

Le refus d’autoriser le requérant à tenir un congrès local respectivement dans les trois villes s’analyse en une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de son droit à la liberté d’association, prévue par la loi et poursuivant les buts légitimes de la défense de l’ordre public ainsi que de la protection des droits et libertés d’autrui.

Le requérant était libre de mener ses activités politiques dans les trois villes et dans les communes de ces villes où il n’avait pas encore de structures ou de représentations locales. Il était libre de faire la propagande de ses idées, en tenant des réunions publiques pacifiques, au sens de l’article 11 de la Convention, pour recruter des adhérents et créer des sections locales dans les communes où il n’était pas représenté. De plus, il ressort des décisions du CES que le requérant a été informé qu’il pouvait réitérer sa demande de tenir un congrès local dans les villes concernées une fois qu’il aurait atteint le quorum légal requis.

L’exercice par l’intéressé de son droit à la liberté d’association, conformément à l’article 11 de la Convention, doit aussi s’envisager à la lumière de son droit de participer aux élections législatives, conformément à l’article 3 du Protocole no 1, domaine dans lequel les États jouissent d’une grande latitude à cet égard. En l’occurrence, les décisions du CES se fondent sur le fait que le législateur national a souhaité apporter des conditions spécifiques pour qu’un parti politique puisse tenir un congrès pour, ensuite, pouvoir se présenter aux élections législatives. Ainsi, la tenue d’un congrès par tout parti politique à l’échelle locale, régionale puis nationale constitue des étapes importantes dans le fonctionnement des partis politiques pour qu’ils puissent à terme se présenter aux élections législatives en ayant une assise nationale entière et pleine. La volonté du législateur était de réguler la représentation des partis politiques sur l’ensemble du territoire à l’échelle nationale – telles les grandes métropoles – comme à l’échelle locale – tels les villages – pour tenir un congrès. Le contrôle opéré par le CES consistait à vérifier si les conditions spécifiques posées par le législateur étaient remplies par le requérant en se fondant sur des faits concrets.

Nonobstant les décisions rendues par le CES, la Cour ne relève aucune autre ingérence des autorités internes pour empêcher ou perturber les activités associatives menées par le requérant pour remplir les conditions exigées par la loi pour tenir un congrès local. La décision du CES rejetant la demande du requérant se fonde sur une appréciation factuelle et objective relative à l’insuffisance de l’implantation des structures du requérant à l’échelle locale dans l’ensemble des communes des villes concernées. La décision du CES n’était pas fondée sur des critères tirés par exemple des activités associatives illégales menées par le requérant et pouvant ainsi porter atteinte à l’intégrité du territoire ou bien sur des activités incompatibles avec l’article 11 ou encore en raison d’une atteinte à l’ordre constitutionnel, d’une manière générale, pouvant ainsi porter atteinte à l’État de droit. Ainsi, le requérant n’a pas été empêché de se livrer à son droit à la liberté d’association ou de mener ses activités politiques conformément à ces statuts et à la loi en vigueur.

En conséquence, les motifs avancés dans les décisions litigieuses ainsi que ceux du législateur ne constituent pas un empêchement pour le requérant d’exercer son droit à la liberté de mener ses activités associatives en sa qualité de parti politique.

À la lumière de ce qui précède, les motifs indiqués par le CES étaient pertinents et suffisants, et l’ingérence était proportionnée au but légitime poursuivi dans une société démocratique.

Conclusion : non-violation (unanimité).

La Cour a aussi conclu à l’unanimité à la non-violation de l’article 13 combiné avec l’article 11 car le requérant a joui d’un recours effectif devant une instance nationale en s’adressant au CES, la plus haute juridiction nationale compétente pour statuer sur de tels litiges selon le droit national en vigueur.

Dernière mise à jour le mai 10, 2022 par loisdumonde

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *