AFFAIRE TERRONE c. ITALIE (Cour européenne des droits de l’homme) 50517/20

À l’origine de l’affaire se trouve la requête dirigée contre l’Italie et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 28 novembre 2014. Le requérant décéda le 13 août 2016. Le 10 novembre 2021, ses héritiers se constituèrent dans la procédure devant la Cour. Le requérant et ses héritiers ont été représentés par Me A.G. Lana, avocat à Rome. Le requérant entama une procédure civile afin d’obtenir réparation du dommage qu’il estimait avoir subi en raison d’infections post‑transfusionnelles.


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE TERRONE c. ITALIE
(Requête no 50517/20)
ARRÊT
STRASBOURG
14 avril 2022

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Terrone c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

Alena Poláčková, présidente,
Raffaele Sabato,
Davor Derenčinović, juges,
et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 mars 2022,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve la requête dirigée contre l’Italie et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 28 novembre 2014.

2. Le requérant décéda le 13 août 2016. Le 10 novembre 2021, ses héritiers se constituèrent dans la procédure devant la Cour. Le requérant et ses héritiers ont été représentés par Me A.G. Lana, avocat à Rome.

3. La requête a été communiquée au gouvernement italien (« le Gouvernement »).

EN FAIT

4. Les informations détaillées concernant le requérant et ses héritiers se trouvent dans le tableau joint en annexe.

5. Le requérant entama une procédure civile afin d’obtenir réparation du dommage qu’il estimait avoir subi en raison d’infections post‑transfusionnelles.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 de la Convention

6. Les héritiers du requérant se plaignent de la durée excessive de la procédure entamée afin d’obtenir réparation du dommage que leur de cujus estimait avoir subi en raison d’infections post-transfusionnelles. Ils invoquent l’article 2 de la Convention, ainsi libellé :

Article 2

« Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (…) »

7. Le Gouvernement soutient que les héritiers du requérant se sont constitués tardivement dans la procédure devant la Cour et qu’ils auraient dû faire part de leur intérêt dans la poursuite de celle-ci dans un délai de six mois à partir de la date du décès de leur de cujus. Le Gouvernement estime donc qu’il ne se justifie plus de continuer l’examen de cette requête, au sens de l’article 37 § 1 c) de la Convention.

8. Les héritiers du requérant contestent cette position, réaffirment leur intérêt à poursuivre cette procédure et font valoir qu’ils n’étaient pas au courant de l’existence de la requête introduite par leur proche jusqu’au moment de la communication de celle-ci.

9. La Cour relève que l’écoulement du temps entre le décès du requérant et la constitution de ses héritiers ne saurait impliquer, à lui seul, un manque d’intérêt de leur part dans la poursuite de cette requête devant la Cour (voir Garbuz c. Ukraine, no 72681/10, §§ 27-30, 19 février 2019 et les références qui y sont citées).

10. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

11. Elle observe ensuite que, dans les arrêts de principe G.N. et autres c. Italie, no 43134/05, 1er décembre 2009 et D.A. et autres c. Italie, nos 68060/12 et 18 autres, 14 janvier 2016, la Cour a conclu à la violation au sujet de questions similaires à celles qui font l’objet de la présente affaire.

12. Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant au bien-fondé du grief en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime que la durée de la procédure en cause a été excessive et que les autorités italiennes, face à un grief défendable tiré de l’article 2 de la Convention, ont manqué d’offrir une réponse adéquate et rapide conforme aux obligations procédurales qui découlent de cette disposition.

13. Il s’ensuit que ce grief révèle une violation de l’article 2 de la Convention, sous son volet procédural.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

14. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

15. Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence (G.N. et autres c. Italie, précité et D.A. et autres c. Italie, précité), la Cour estime raisonnable d’allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe et elle rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

16. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention, sous son volet procédural ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux héritiers du requérant conjointement, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 avril 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Viktoriya Maradudina                              Alena Poláčková
Greffière adjointe f.f.                                   Présidente

__________

ANNEXE
Requête concernant des griefs tirés de l’article 2 de la Convention
(durée excessive de la procédure afin d’obtenir réparation du dommage subi en raison d’infections post-transfusionnelles)

Numéro et date d’introduction de la requête Nom du requérant et années de naissance et de décès Nom et ville du représentant Début et fin de la procédure Durée totale
Nombre de degrés de juridiction
Numéro de dossier devant la juridiction interne Montant alloué pour dommage moral aux héritiers conjointement
(en euros)[1]
Montant alloué pour frais et dépens aux héritiers conjointement
(en euros)[2]
50517/20
28/11/2014
Catello TERRONE
1948 – 2016
Héritiers :
Lucia GAETA
Daniele TERRONE
Alfonso TERRONE
Maria TERRONE
Lana Anton Giulio
Rome
24/01/2002 – 29/05/2014 12 ans et 4 mois pour deux instances Tribunal de Salerne
RG 233/2002
Cour d’appel de Salerne
RG 1448/2007
20 000 250

[1] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.
[2] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.

Dernière mise à jour le avril 14, 2022 par loisdumonde

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