N.B. et autres c. France – 49775/20 (Cour européenne des droits de l’homme)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 260
Mars 2022

N.B. et autres c. France – 49775/20

Arrêt 31.3.2022 [Section V]

Article 3
Traitement dégradant
Traitement inhumain

Rétention administrative durant quatorze jours dans le but d’éloignement d’un enfant étranger âgé de huit ans accompagné de ses parents dans un centre inadapté : violation

Article 34
Entraver l’exercice du droit de recours
Victime

Pas de justification à l’inexécution durant sept jours de la mesure provisoire de faire cesser la rétention d’un enfant étranger dans le but d’éloignement: violation

En fait – Un couple et leur enfant, âgé de huit ans au moment des faits, de nationalité géorgienne, ont été placés en rétention administrative pendant quatorze jours dans le cadre de la mise en œuvre de leur éloignement forcé vers la Géorgie.

Les autorités ne pas les ont pas libérés à la suite de la décision de la Cour accueillant leur demande de mesures provisoires visant à faire cesser la rétention en vertu de l’article 39 de son règlement.

En droit – Article 3 (volet matériel) :

1. En ce qui concerne l’enfant mineur

Le requérant mineur était accompagné de ses deux parents durant la période de rétention. Cette circonstance n’est pas de nature à exonérer les autorités de leur obligation de protéger l’enfant mineur et de prendre des mesures adéquates au titre des obligations positives découlant de l’article 3. La situation de particulière vulnérabilité de l’enfant mineur est déterminante et prévaut sur la qualité d’étranger en séjour irrégulier de son parent.

S’agissant du critère relatif à l’âge de l’enfant, un enfant âgé de huit ans, qui ne peut être considéré comme ayant le discernement suffisant pour comprendre la situation de l’espèce, reste placé dans une situation de particulière vulnérabilité.

S’agissant du critère relatif aux conditions d’accueil, le centre de rétention est habilité à recevoir des familles. Dans l’affaire A.M. et autres c. France, la Cour a déjà relevé que : a) Les annonces du centre diffusées par haut-parleur exposent les personnes retenues à de sérieuses nuisances sonores ; et b) La cour extérieure de la zone de vie dédiée aux familles est uniquement séparée par un simple grillage de la zone réservée aux autres retenus permettant de voir tout ce qui s’y passe. En outre, si des équipements pour enfants et bébés y sont disponibles, le centre de rétention, mitoyen du centre pénitentiaire se caractérise par sa dimension sécuritaire omniprésente.

S’agissant du critère relatif à la durée de la rétention, les autorités nationales ont, dans un premier temps, mis en œuvre toutes les diligences requises pour exécuter au plus vite la mesure de transfert et limiter ainsi la durée de la rétention autant que possible. Le refus des requérants d’embarquer n’est pas déterminant quant à la question de savoir si le seuil de gravité prohibé est franchi à l’égard de l’enfant mineur.

La rétention d’un enfant mineur âgé de huit ans, dans les conditions existantes dans le centre de rétention, qui s’est prolongée pendant quatorze jours est excessive. Au vu de l’ensemble des motifs des ordonnances, alors même que le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et droit d’asile prévoit qu’en la matière « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale », avant d’apprécier la légalité du placement initial et d’ordonner la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt-huit jours dans le cadre du contrôle juridictionnel qu’il leur incombait d’exercer, les juges n’ont pas suffisamment tenu compte de la présence de l’enfant et de son statut d’enfant mineur.

Ainsi, du fait de son jeune âge, des conditions de rétention dans le centre de rétention et de la durée du placement en rétention, les autorités compétentes ont soumis l’enfant mineur, à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3.

Conclusion : violation (unanimité).

La Cour a aussi conclu à l’unanimité à l’absence de violation de l’article 3 concernant les parents car même si elle reconnaît que la rétention administrative des parents avec leur enfant mineur a pu créer un sentiment d’impuissance et leur causer angoisse et frustration, leur grief relatif à leur souffrance n’est pas étayé.

Article 34 :

Le Gouvernement a été informé de la mesure provisoire décidée par la Cour de faire cesser la rétention des requérants pour la durée de la procédure devant la Cour le vendredi 13 novembre 2020. Dès le lundi 16 novembre 2020, la Cour fut avertie que la mesure provisoire indiquée n’avait pas été exécutée. Invité à présenter des commentaires sur ce sujet, le Gouvernement n’informa la Cour que le vendredi 20 novembre 2020 que les requérants avaient été éloignés le jour même, ce qui avait mis fin à leur rétention.

La rétention des requérants n’a pris fin que sept jours après la notification de la mesure provisoire.

En l’absence de toute justification quant à l’inexécution de la mesure provisoire, les autorités n’ont pas satisfait aux obligations qui leur incombaient en vertu de l’article 34.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : 5 000 EUR pour préjudice moral du requérant mineur.

(Voir aussi A.B. et autres c. France, 11593/12, 12 juillet 2016, Résumé juridique ; A.M. et autres c. France, 24587/12, 12 juillet 2016, Résumé juridique ; M.D. et A.D. c. France, 57035/18, 22 juillet 2021)

Dernière mise à jour le avril 28, 2022 par loisdumonde

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