Reyes Jimenez c. Espagne (Cour européenne des droits de l’homme)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 260
Mars 2022

Reyes Jimenez c. Espagne – 57020/18

Arrêt 8.3.2022 [Section III]

Article 8
Obligations positives
Article 8-1
Respect de la vie privée

Rejet injustifié par les tribunaux du recours contre le non-respect de l’exigence légale de recueillir par écrit le consentement à l’une des trois opérations chirurgicales connexes : violation

En fait – Le requérant, mineur au moment des faits, se trouve dans un état de dépendance et d’incapacité totales à la suite de trois opérations chirurgicales qu’il a subies pour enlever une tumeur cérébrale.

Ses parents ont fourni un consentement écrit pour la première et la troisième opérations, ainsi qu’un consentement oral pour la deuxième.

Le requérant s’est plaint sans succès devant les juridictions internes qu’aucun consentement éclairé n’a été recueilli par écrit pour la seconde intervention, alors que la loi prévoit que toute intervention chirurgicale doit être acceptée par écrit par le patient.

En droit – Article 8 :

L’accès aux juridictions internes constitue normalement une réparation suffisante pour ce type de plaintes. La Cour doit examiner si la manière dont celles des parents du requérant ont été traitées peut être considérée suffisante pour satisfaire l’obligation positive de l’État au titre de l’article 8.

Pour les juridictions internes, la seconde intervention était étroitement liée à la première et les parents étaient en contact avec les médecins entre les deux interventions.

Certes, les deux opérations avaient pour même but de retirer la tumeur. Toutefois, la deuxième opération n’est pas intervenue dans la précipitation et a eu lieu près d’un mois après la première, alors qu’une partie de la tumeur cérébrale avait déjà été enlevée et que l’état de santé du requérant n’était plus le même. Dans ces conditions, les juridictions internes ont conclu que le consentement qui aurait été donné verbalement pour la deuxième intervention était suffisant, sans tenir compte des conséquences de la première intervention et sans avoir précisé pourquoi il ne s’agissait pas d’une intervention distincte, qui aurait nécessité le consentement écrit séparé exigé par la loi. Le fait d’avoir considéré que les parents étaient continuellement en contact avec les médecins, en se fondant sur une simple note du médecin traitant dans le dossier médical du requérant (« famille informée ») et la mention « Faites attention aux informations ! » ne saurait suffire à conclure sans ambiguïté que les parents du requérant ont été dûment informés et ont consenti à l’intervention, selon les règles internes. En outre, alors même que la troisième intervention s’est avérée nécessaire pour des motifs d’urgence, à la suite de complications survenues lors de la deuxième intervention, le consentement des parents a été recueilli par écrit.

Même si la Convention elle-même n’établit aucune forme particulière de ce consentement, lorsque le droit interne fixe certaines exigences expresses, celles-ci doivent être respectées pour que l’ingérence soit considérée comme étant prévue par la loi.

Les questions des parents du requérant concernaient l’existence du consentement et la responsabilité éventuelle des professionnels de santé impliqués. Elles n’ont pas été traitées de manière appropriée au cours de la procédure interne qui n’était donc pas suffisamment efficace. Les jugements internes n’ont pas donné de réponse à l’argument spécifique concernant l’exigence du droit d’obtenir un consentement écrit dans des circonstances pareilles. Leur conclusion selon laquelle un accord oral était valable dans les circonstances de l’espèce n’est pas suffisante à la lumière des dispositions spécifiques de la loi, qui exigent le consentement éclairé sous une forme écrite. Si la Convention n’impose en aucune manière que le consentement éclairé soit donné par écrit tant qu’il est fait sans équivoque, la loi exigeait un tel consentement écrit et les tribunaux n’ont pas suffisamment expliqué pourquoi ils ont estimé que l’absence d’un tel consentement écrit n’avait pas enfreint le droit du requérant. Le système national n’a pas apporté une réponse adéquate à la question de savoir si les parents du requérant ont effectivement donné leur consentement éclairé à chaque intervention chirurgicale, conformément au droit interne.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : 24 000 EUR pour préjudice moral. Demandes au titre du dommage matériel rejetées.

(Voir aussi Trocellier c. France (déc.), 75725/01, 5 octobre 2006, Résumé juridique ; Codarcea c. Roumanie, 31675/04, 2 juin 2009, Résumé juridique ; M.A.K. et R.K. c. Royaume-Uni, 45901/05 et 40146/06, 23 mars 2010, Résumé juridique ; Csoma c. Roumanie, 8759/05, 15 janvier 2013 ; G.H. c. Hongrie (déc.), 54041/14, 9 juin 2015 ; et la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo))

Dernière mise à jour le mars 8, 2022 par loisdumonde

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