Les requérants se plaignent de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice internes adoptées au bénéfice des requérants pour des prestations professionnelles effectuées par eux pour le compte du Consortium pour l’assainissement de la vallée Telesina (Consorzio di bonifica della valle Telesina) en Campanie.
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE FERRARA ET AUTRES c. ITALIE
(Requête no 70617/13 et 5 autres – voir liste en annexe)
ARRÊT
STRASBOURG
16 décembre 2021
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Ferrara et autres c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :
Erik Wennerström, président,
Lorraine Schembri Orland,
Ioannis Ktistakis, juges,
et de Viktoriya Maradudina, greffière adjonte de section f.f.,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 novembre 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouvent des requêtes dirigées contre l’Italie et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux différentes dates indiquées dans le tableau joint en annexe.
2. Les requêtes ont été communiquées au gouvernement italien (« le Gouvernement »).
3. Le gouvernement italien s’oppose à l’examen de l’affaire par un comité. Après avoir examiné l’objection, la Cour la rejette.
EN FAIT
4. La liste des requérants et les précisions pertinentes sur les requêtes figurent dans le tableau joint en annexe.
5. Les requérants se plaignent de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice internes adoptées au bénéfice des requérants pour des prestations professionnelles effectuées par eux pour le compte du Consortium pour l’assainissement de la vallée Telesina (Consorzio di bonifica della valle Telesina) en Campanie.
EN DROIT
I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES
6. Compte tenu de la similitude des requêtes, la Cour estime approprié de les examiner conjointement en un seul arrêt.
II. SUR LA RADIATION DU RÔLE DES REQUÊTES NOS 70617/13 ET 4777/16 dans LEURS partieS concernant RESPECTIVEMENT LES REQUÉRANTS GATTI, RUSSO ET FLORIMO
7. Le requérant M. Vincenzo Gatti (requête no 70617/13) et les requérants MM. Jacopo Russo et Michele Florimo (requête no 4777/16) ont indiqué qu’ils souhaitent se désister de leur requête car ils ont obtenu l’exécution des décisions litigieuses.
8. Dans ces conditions, la Cour conclut que les requérants n’entendent plus maintenir leur requête, au sens de l’article 37 § 1 a) de la Convention. Elle estime par ailleurs qu’aucune circonstance particulière touchant au respect des droits garantis par la Convention et ses protocoles n’exige la poursuite de l’examen de ces griefs (article 37 § 1 in fine).
9. Partant, ces parties des requêtes susmentionnées doivent être rayées du rôle.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
10. Les requérants se plaignent de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice internes rendues en leur faveur. Ils invoquent les article 6 et 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 qui sont ainsi libellés en leurs parties pertinentes :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Article 1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général (…) ».
A. Sur la recevabilité
11. Le Gouvernement reconnait que le Consortium est une autorité publique et excipe du non-épuisement des voies de recours internes en raison du fait que les requérants auraient omis d’entamer des procédures d’exécution forcée et en dédommagement.
12. La Cour rappelle qu’il n’est pas opportun de demander à un individu qui a obtenu une créance contre l’État à l’issue d’une procédure judiciaire de devoir par la suite engager la procédure d’exécution forcée afin d’obtenir satisfaction (voir Metaxas c. Grèce, no 8415/02, § 19, 27 mai 2004, et Ventorino c. Italie, no 357/07, § 28, 17 mai 2011).
13. Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter les exceptions du Gouvernement et de déclarer les requêtes recevables.
B. Sur le fond
14. La Cour rappelle que l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6. Elle renvoie par ailleurs à sa jurisprudence concernant l’inexécution ou l’exécution tardive de décisions de justice internes définitives (voir Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, § 40, Recueil des arrêts et décisions 1997‑II).
15. Dans les arrêts de principe Ventorino, précité, De Trana c. Italie, no 64215/01, 16 octobre 2007, Nicola Silvestri c. Italie, no 16861/02, 9 juin 2009, Antonetto c. Italie, no 15918/89, 20 juillet 2000, et De Luca c. Italie, no 43870/04, 24 septembre 2013, la Cour a conclu à la violation au sujet de questions similaires à celles qui font l’objet de la présente affaire.
16. Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant au bien-fondé des griefs en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce les autorités n’ont pas déployé tous les efforts nécessaires pour faire exécuter pleinement et en temps voulu les décisions de justice rendues en faveur des requérants.
17. Il s’ensuit que ces griefs révèlent une violation de l’article 6 § 1.
18. Au vu de ce qui précède, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief formulé par les requérants sous l’angle de l’article 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
19. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
20. Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence (Ventorino, précité, De Trana, précité, Nicola Silvestri, précité, et Antonetto, précité), la Cour estime raisonnable d’allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe.
21. La Cour constate en outre que l’État défendeur demeure tenu d’exécuter les décisions de justice qui restent exécutoires.
22. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Décide de rayer du rôle la requête no 70617/13 en ce qui concerne le requérant M. Vincenzo Gatti et la requête no 4777/16 en ce qui concerne les requérants MM. Jacopo Russo et Michele Florimo ;
3. Déclare les requêtes recevables ;
4. Dit que ces requêtes révèlent une violation de l’article 6 § 1 en raison de l’inexécution ou de l’exécution tardive de décisions de justice internes ;
5. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 de la Convention ;
6. Dit que l’État défendeur doit, dans les trois mois, assurer par des moyens appropriés l’exécution des décisions de justice internes encore pendantes visées dans le tableau joint en annexe ;
7. Dit
a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 décembre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Viktoriya Maradudina Erik Wennerström
Greffière adjointe f.f. Président
_________
ANNEXE
Liste de requêtes concernant des griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention
(l’inexécution ou l’exécution tardive de décisions de justice internes)
No. | Numéro et date d’introduction de la requête | Nom du requérant et année de naissance | Nom et ville du représentant | Décision de justice interne pertinente | Date de début de l’inexécution | Date de fin de l’inexécution
Délai d’exécution |
Montant alloué pour dommage moral par requérant
(en euros)[1] |
Montant alloué pour frais et dépens par requête
(en euros)[2] |
1. | 70617/13
25/10/2013 (3 requérants) |
Silvio FERRARA
1941 Giovanni BEATRICE 1973
Vincenzo GATTI 1973 |
Ferrara Alessandro
Bénévent |
Tribunal de Bénévent, R.G 951/11, (Beatrice), 14/02/2012
Juge de paix de Bénévent, R.G 4063/10, (Ferrara), 12/06/2012
Juge de paix de Bénévent, R.G 2720/12, (Ferrara), 17/10/2012
Juge de paix de Bénévent, R.G 3566/12, (Ferrara), 27/12/2012 Tribunal de Bénévent, R.G 3103/12, (Ferrara), 20/10/2012
Juge de paix de Bénévent, R.G 1331/13 (Ferrara), 20/05/2013
Juge de paix de Bénévent, R.G 1599/13, (Ferrara), 18/06/2013
Juge de paix de Bénévent, R.G 1946/13, (Ferrara), 15/07/2013
Cour d’appel de Naples, R.G 848/13, (Ferrara), 03/07/2013 |
23/03/2012
03/08/2012
24/10/2012
08/01/2013
22/01/2013
17/06/2013
28/06/2013
16/07/2013
08/10/2013
|
en cours
Plus de 9 année(s) et 7 mois et 13 jour(s)
en cours Plus de 9 année(s) et 3 mois et 2 jour(s)
en cours Plus de 9 année(s) et 12 jour(s)
en cours Plus de 8 année(s) et 9 mois et 28 jour(s)
en cours Plus de 8 année(s) et 9 mois et 14 jour(s)
en cours Plus de 8 année(s) et 4 mois et 19 jour(s)
en cours Plus de 8 année(s) et 4 mois et 8 jour(s)
en cours Plus de 8 année(s) et 3 mois et 20 jour(s)
en cours Plus de 8 année(s) et 28 jour(s) |
9 600 (requérant Beatrice) 12 500 |
500 |
2. | 5077/14
04/11/2013 |
Salvatore ZOTTI
1948 |
Gatti Vincenzo
San Giorgio del Sannio |
Tribunal de Bénévent, R.G 4184/04, 04/01/2005 | 30/03/2005
|
en cours
Plus de 16 année(s) et 7 mois et 6 jour(s) |
0 | 0 |
3. | 5134/14
04/11/2013 |
Massimo COLANGELO
1967 |
Dello Iacovo Milena
Bénévent |
Tribunal de Bénévent, R.G 697/10, 20/04/2011
Tribunal de Bénévent, R.G 3390-11C, 30/09/2011
Tribunal de Bénévent, R.G 2642-12C, 21/09/2012 |
20/04/2011
12/12/2011
26/11/2012
|
12/12/2018
7 année(s) et 7 mois et 23 jour(s)
en cours Plus de 9 année(s) et 10 mois et 24 jour(s)
en cours Plus de 8 année(s) et 11 mois et 10 jour(s) |
12 500 | 500 |
4. | 62020/15
10/12/2015 |
Anna MECCARIELLO
1970 |
Tribunal de Bénévent, R.G 7517/06, 08/10/2009 | 08/10/2009
|
en cours
Plus de 12 année(s) et 28 jour(s) |
3 000 | 500 | |
5. | 62166/15
10/12/2015 |
Carmine MASSARO
1950 |
Meccariello Anna
Airola |
Tribunal de Bénévent, R.G 7517/06, 08/10/2009 | 08/10/2009 | en cours
Plus de 12 année(s) et 28 jour(s) |
9 600 | 500 |
6. | 4777/16
22/12/2015 (3 requérants) |
Silvio FERRARA
1941
Jacopo RUSSO 1980
Michele FLORIMO 1978 |
Ferrara Alessandro
Bénévent |
Tribunal de Bénévent, R.G 1143/13, 12/11/2013
Tribunal de Bénévent, R.G 4123/13, 10/06/2014
Tribunal de Bénévent, R.G 5118/13, 09/07/2014 |
12/11/2013
04/07/2014
17/09/2014 |
en cours
Plus de 7 année(s) et 11 mois et 24 jour(s)
en cours Plus de 7 année(s) et 4 mois et 1 jour(s)
en cours Plus de 7 année(s) et 1 mois et 19 jour(s) |
12 500 (requérant Ferrara) |
500 |
[1] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.
[2] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.
Dernière mise à jour le décembre 16, 2021 par loisdumonde
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