AFFAIRE ATHANASIOU ET AUTRES c. GRÈCE (Cour européenne des droits de l’homme) 53576/12

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE ATHANASIOU ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no 53576/12)
ARRÊT
STRASBOURG
25 novembre 2021

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Athanasiou et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

Krzysztof Wojtyczek, président,
Tim Eicke,
Ioannis Ktistakis, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 novembre 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 53576/12) dirigée contre la République hellénique et concernant cent-dix ressortissants de cet État (« les requérants »), dont la Cour a été saisie par ces ressortissants ou leurs auteurs le 26 juillet 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La liste des requérants est jointe en annexe.

2. Les requérants ont été représentés par Mes P. Miliarakis et A. Striberis, avocats au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Apessos, et par la déléguée de son agent, Mme S. Papaioannou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’État.

3. Par une lettre du 15 juillet 2016, l’un des représentants des requérants a informé la Cour que les dénommés G.G., L.K., A.K. et K.P., qui avaient saisi la Cour initialement, étaient décédés à différentes dates après l’introduction de la présente requête et que leurs héritiers (requérants figurant sous les numéros 31, 32, 33, 38, 39, 40, 53, 54, 70, 71 et 72) souhaitaient poursuivre la procédure devant la Cour. Lesdits héritiers ont produit des certificats de décès des de cujus, des certificats d’état civil de ces derniers, des certificats d’hérédité et des pouvoirs de représentation devant la Cour.

4. Les requérants se plaignaient, principalement, de la durée des procédures engagées devant les juridictions civiles, ainsi que de l’absence d’un recours effectif pour dénoncer celle-ci.

5. Le 26 janvier 2017, les griefs tirés de l’article 6 § 1 et l’article 13 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Tout en tenant compte de la situation individuelle des requérants, pour des raisons pratiques et eu égard au nombre de ceux-ci, la Cour les désignera par les numéros qui correspondent à l’énumération de ceux-ci dans l’annexe au présent arrêt.

A. Première procédure

7. Le 30 juin 1995, un groupe de plaignants (« les demandeurs »), composé de G.G., L.K., A.K., K.P. et des requérants dans l’annexe, à l’exception de ceux figurant sous les numéros 31, 32, 33, 38, 39, 40, 53, 54, 70, 71 et 72, tous retraités de la Banque de Grèce, saisirent le tribunal de première instance d’Athènes (« le tribunal de première instance »), siégeant en formation de juge unique, d’une action contre l’établissement bancaire en question aux fins de l’obtention de diverses sommes correspondant à des indemnités de départ à la retraite.

8. Le 30 janvier 1998, le tribunal de première instance fit partiellement droit à cette action (décision no 348/98).

9. À une date non précisée, la cour d’appel d’Athènes infirma la décision attaquée et rejeta l’action des demandeurs au motif qu’elle revêtait un caractère vague (arrêt no 6286/1998).

B. Seconde procédure

10. Le 31 juillet 1998, les demandeurs saisirent le tribunal de première instance d’une nouvelle action en vue d’obtenir les indemnisations sollicitées.

11. Le 25 mai 1999, le tribunal de première instance fit partiellement droit à cette action (décision no 1340/1999).

12. Le 13 juillet 1999 et le 14 juillet 1999, respectivement, la Banque de Grèce et les demandeurs interjetèrent appel contre la décision du tribunal.

13. Le 8 décembre 1999, la cour d’appel d’Athènes (« la cour d’appel ») rejeta les appels (arrêt no 9789/1999).

14. Le 28 février 2000, la banque se pourvut en cassation.

15. Le 14 juin 2001, la Cour de cassation cassa l’arrêt de la cour d’appel et renvoya l’affaire devant cette juridiction (arrêt no 1094/2001).

16. Le 8 juin 2004, les demandeurs sollicitèrent la fixation d’une audience devant la cour d’appel.

17. Le 24 mai 2005, la cour d’appel infirma la décision no 1340/1999 du tribunal de première instance et, se prononçant sur le fond, rejeta l’action comme étant manifestement mal fondée (arrêt no 4197/2005).

18. Le 24 juillet 2006, les demandeurs se pourvurent en cassation.

19. Le 6 mai 2008, la Cour de cassation infirma l’arrêt no 4197/2005 de la cour d’appel et renvoya l’affaire devant cette juridiction (arrêt no 915/2008).

20. Le 29 juillet 2008, les demandeurs sollicitèrent la fixation d’une date d’audience devant la cour d’appel.

21. Le 13 mai 2009, la cour d’appel infirma la décision no 1340/1999 du tribunal de première instance et, se prononçant sur le fond, rejeta l’action comme étant manifestement mal fondée (arrêt no 2621/2009).

22. Le 23 avril 2010, les demandeurs se pourvurent en cassation.

23. Le 23 février 2012, la Cour de cassation rejeta le pourvoi (arrêt no 342/2012). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 10 mai 2012.

EN DROIT

I. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES CONCERNANT CERTAINS REQUÉRANTS

A. En ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 31, 32, 33, 38, 39, 40, 53 et 54

24. La Cour observe que les requérants figurant sous les numéros 31, 32, 33, 38, 39, 40, 53 et 54 sont les héritiers de G.G., L.K. et A.K., qui l’avaient saisie et étaient décédés à différentes dates après l’introduction de la présente requête (paragraphe 3 ci-dessus). Elle note que G.G., L.K. et A.K. étaient parties initiales au litige devant les juridictions internes et que leurs noms figurent dans les arrêts des juridictions internes.

25. Par ailleurs, elle note que les héritiers de G.G., L.K. et A.K. ont exprimé le souhait de poursuivre la procédure devant elle.

26. La Cour rappelle avoir admis à plusieurs reprises que des personnes plus ou moins proches pouvaient se substituer au requérant qui avait suivi toute la procédure interne et qui était mort après avoir introduit une requête devant elle (Malhous c. République tchèque [GC] (déc.), no 33071/96, CEDH 2000-XII, et Hristozov et autres c. Bulgarie, nos 47039/11 et 358/12, § 71, 13 novembre 2012).

27. En l’espèce, la Cour considère que les requérants figurant sous les numéros 31, 32, 33, 38, 39, 40, 53 et 54, héritiers de G.G., L.K. et A.K, décédés après l’introduction de la présente requête, ont un intérêt légitime à poursuivre la requête devant elle (voir, dans ce sens, Malhous, précitée, et Stojkovic c. « L’ex-République yougoslave de Macédoine », no 14818/02, §§ 25-28, 8 novembre 2007).

B. En ce qui concerne les requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72

28. Le Gouvernement allègue que la requête doit être déclarée irrecevable à l’égard des requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72 pour un motif lié à leur qualité de « victime » au sens de la Convention. Selon lui, les documents fournis par lesdites requérantes ne permettent pas de savoir si elles sont toutes les héritières de K.P. et, par conséquent, si elles ont un intérêt légitime à poursuivre la requête devant la Cour après le décès de celui-ci.

29. Lesdites requérantes répliquent qu’elles sont les héritières du défunt K.P. et qu’elles ont un intérêt légitime à poursuivre la requête devant la Cour. Elles produisent à cet égard un certificat de décès de K.P., un certificat d’état civil de ce dernier les désignant comme ses proches parentes (en tant que veuve et enfants), un acte d’acceptation de la succession, ainsi que des pouvoirs de représentation devant la Cour.

30. La Cour rappelle que, dans plusieurs affaires où un requérant était décédé pendant la procédure devant elle, elle a pris en compte la volonté de poursuivre celle-ci exprimée par des héritiers ou proches parents du défunt (voir, par exemple, les arrêts Deweer c. Belgique, 27 février 1980, §§ 37-38, série A no 35, X c. Royaume-Uni, 5 novembre 1981, § 32, série A no 46, Vocaturo c. Italie, 24 mai 1991, § 2, série A no 206-C, X c. France, 31 mars 1992, § 26, série A no 234‑C, et Malhous, précitée).

31. En l’espèce, la Cour constate que ce sont les plus proches parentes du défunt K.P., à savoir sa veuve et ses deux filles, qui ont exprimé le souhait de poursuivre la requête devant elle. Eu égard aux circonstances de l’espèce, la Cour ne peut qu’attacher une importance décisive au fait que les personnes désireuses de maintenir la requête sont des proches parentes de K.P., qui avait lui-même engagé la procédure devant elle et était décédé après l’introduction de la présente requête. En plus, elle observe que K.P. était partie initiale au litige devant les juridictions internes et que son nom figure dans les arrêts des juridictions internes. Il s’ensuit que les requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72 ont un intérêt légitime en tant que proches parentes de K.P. à poursuivre la requête devant la Cour.

32. Dès lors, la Cour rejette l’exception du Gouvernement pour autant qu’elle concerne lesdites requérantes.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE l’ARTICLE 6 § 1 ET l’article 13 DE LA CONVENTION

33. Les requérants allèguent que la durée des procédures litigieuses a méconnu le principe du « délai raisonnable » et qu’il n’existe aucun recours effectif en droit interne leur permettant de se plaindre à cet égard. Ils invoquent l’article 6 § 1 et l’article 13 de la Convention, ainsi libellés :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la … Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A. En ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 1 à 69 et 73 à 110

34. Le 8 septembre 2017, le Gouvernement a présenté une déclaration unilatérale et a invité la Cour à rayer la requête du rôle en application de l’article 37 de la Convention.

35. La déclaration était ainsi libellée :

« Dans l’affaire susmentionnée les parties ont refusé les termes de la proposition de règlement amiable faite en vertu de l’article 62 du Règlement de la Cour.

Le Gouvernement souhaite reconnaître en l’espèce que la durée de la procédure interne n’a pas été compatible avec la ‘durée raisonnable’ requise par l’article 6 § 1 de la Convention tout en constatant qu’à l’époque des faits l’ordre juridique hellénique n’offrait pas un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention.

Le Gouvernement offre de verser les sommes suivantes afin de couvrir tout préjudice moral et matériel ainsi que les frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants ;

– La somme de 1 400 EUR (mille quatre cents euros) à chacun des requérants indiqués sous les numéros 1 à 15, 18 à 30, 34 à 37, 41 à 52, 55 à 69, 73 à 93, 95 à 104, 107 à 110 de l’annexe II qui accompagne l’exposé des faits de la Cour du 26 janvier 2017,

– La somme de 1 400 EUR (mille quatre cents euros) conjointement à Ioannis Charalambidis (no 16), à Poulcheria Charalambidou (no 17) et à Xanthippi Tsavdari Charalambidou (no 94),

– La somme de 1 400 EUR (mille quatre cents euros) conjointement à Anna Giannopoulou (no 31), à Maria Giannopoulou (no 32) et à Nikolaos Giannopoulos (no 33),

– La somme de 1 400 EUR (mille quatre cents euros) conjointement à Aglaia Kallimani (no 38), à Efstathia Kallimani (no 39) et à Vassiliki Kallimani (no 40),

– La somme de 1 400 EUR (mille quatre cents euros) conjointement à Stylianos Kontogiannopoulos (no 53) et à Stavroula-Lida Kontogiannopoulou (no 54),

– La somme de 1 400 EUR (mille quatre cents euros) conjointement à Eleni Vlachou (no 105) et à Maria Vlachou (no 106).

Ces sommes constituent une satisfaction équitable pour les requérants, en tenant compte des circonstances spécifiques de l’affaire en cause, le nombre des requérants (voir affaire Voivoda et autres c. Grèce, no 62547/09, § 59, 21-7-2016, Arvanitaki‑Roboti et autres c. Grèce, no 27278/03, § 36, 15 février 2008), ainsi que de la durée totale de la procédure qui est moins de quatorze (14) ans environ pour cinq (5) instances de juridiction, au moins, concernant deux (2) actions introduites auprès des juridictions civiles (début de la procédure ; a. 29.06.1995 – 1ère action- décision no 348/1998 du tribunal de première instance d’Athènes – arrêt no 6286/1998 de la Cour d’appel d’Athènes – b. 30-7-1998 – 2ème action – décision no 1340/99 du tribunal de première instance d’Athènes – arrêts nos 9789/1999, 4197/2005 et 2621/2009 de la Cour d’appel d’Athènes – arrêts nos 1094/2001, 915/2008, 342/2012 de la Cour de cassation – fin de la procédure 10.05.2012), après déduction des périodes suivantes qui ne sauraient être attribuées aux juridictions internes (voir affaire Thymiatzi c. Grèce, no 35278/11, par. 18, 21, 22, Evropaikai Diakopai – European Holidays A.E c. Grèce, no 44685/09, du 7-4-2016, par. 68, décision Kaggali c. Grèce, no 47444/09, du 25-8-2015, par. 28-29) :

– la période de 2 ans et 8 mois environ, à savoir du 1-10-2001 {prenant en considération un temps raisonnable de plus de deux mois afin que les requérants puissent demander la fixation d’un jour d’audience devant la Cour d’appel d’Athènes après la date (29-6-2001) que l’arrêt 1094/2001 de la Cour de cassation a été mis au net et certifié conforme} au 8-6-2004 (date à laquelle les requérants ont, effectivement, demandé la fixation d’une audience devant la Cour d’appel, voir Annexes 12 et 13 de la requête),

– une période de 3 mois au minimum, à savoir du 23.6.2010 {prenant en considération un temps raisonnable de deux mois environ afin que les requérants puissent demander la fixation d’un jour d’audience de leur pourvoi en cassation après la date (23-4-2010) de son introduction} au 23-9-2010 (date à laquelle les requérants ont, effectivement, produit une copie de leur pourvoi en cassation et ont demandé la fixation d’une audience devant la Cour de cassation, voir Annexes 8 et 16 de la requête).

Ces sommes seront payées dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de radiation du rôle adoptée par la Cour. À défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage. Ce versement vaudra règlement définitif de l’affaire. »

36. Le 24 novembre 2017, la Cour a reçu des requérants concernés une lettre l’informant qu’ils acceptaient les termes de la déclaration du Gouvernement.

37. La Cour estime que, compte tenu de l’approbation expresse par les requérants figurant sous les numéros 1 à 69 et 73 à 110 des termes de la déclaration formulée par le Gouvernement, il convient de considérer qu’un règlement amiable est intervenu entre les parties.

38. Dès lors, la Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties. Elle estime que celui-ci s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses protocoles, et elle n’aperçoit par ailleurs aucun motif justifiant de poursuivre l’examen de la requête.

39. En conséquence, il convient de rayer l’affaire du rôle en ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 1 à 69 et 73 à 110.

B. En ce qui concerne les requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72

1. Sur la recevabilité

40. La Cour note d’emblée que les requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72 considèrent les deux procédures qu’elles ont introduites devant les juridictions civiles comme un ensemble et qu’elles se plaignent de leur durée globale. Toutefois, la Cour ne saurait suivre lesdites requérantes dans leur raisonnement, car les procédures litigieuses portaient sur deux actions distinctes.

41. Dès lors, pour autant que les requérantes susmentionnées se réfèrent à la première procédure devant les juridictions civiles, la Cour note que cette procédure a pris fin à une date non précisée en 1998, avec l’arrêt no 6286/1998 de la cour d’appel d’Athènes, donc plus de six mois avant l’introduction de la présente requête.

42. Il s’ensuit que cette partie des griefs tirés de l’article 6 § 1 et l’article 13 de la Convention est tardive et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

43. Pour ce qui est de la seconde procédure, qui a commencé le 31 juillet 1998 et s’est terminée le 10 mai 2012, constatant que la partie des griefs tirés de l’article 6 § 1 et l’article 13 concernant la durée de cette procédure n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

2. Sur le fond

a) Sur la période à prendre en considération

44. La Cour note que la période à considérer a débuté le 31 juillet 1998, date de l’introduction de la seconde action des demandeurs, et qu’elle s’est terminée le 10 mai 2012, date à laquelle l’arrêt no 342/2012 de la Cour de cassation a été mis au net et certifié conforme. La procédure en cause a donc duré treize ans et plus de dix mois pour trois instances.

b) Sur le caractère raisonnable de la durée de la procédure

45. Les requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72 estiment que la durée de la procédure a été excessive.

46. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, 30 octobre 2012).

47. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant la question de la durée excessive des procédures civiles engagées par des requérants et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir l’arrêt pilote Glykantzi, précité, et les références citées aux paragraphes 71 et 72).

48. En l’espèce, après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que, même si des périodes d’inactivité considérables peuvent être attribuées aux demandeurs, la période restante de la procédure litigieuse demeure excessive. Elle observe que le Gouvernement n’a pas exposé de faits ou d’arguments pouvant justifier la durée de celle-ci.

49. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention, applicable dans son volet civil à cet égard.

50. Quant au grief tiré de l’article 13 de la Convention, la Cour rappelle que cette disposition garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000- XI).

51. Elle rappelle aussi avoir déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux justiciables un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure civile (Glykantzi, précité, § 73, et les références qui s’y trouvent citées).

52. Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure à la violation de l’article 13 de la Convention à raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours interne qui aurait permis auxdites requérantes d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

53. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

54. Les requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72 réclament chacune 1 300 EUR, en tant qu’héritières de K.P., à titre du préjudice qu’elles estiment avoir subi.

55. Le Gouvernement conteste ces prétentions et invite la Cour à les rejeter. Il allègue que la somme de 1 400 EUR allouée conjointement aux requérantes constituerait en l’espèce une satisfaction équitable.

56. La Cour estime qu’il y a lieu d’accorder conjointement aux requérantes la somme de 1 400 EUR au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû par les requérantes à titre d’impôt.

B. Frais et dépens

57. Les requérantes n’ont pas présenté de demande pour frais et dépens. Dès lors, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de leur allouer de somme à ce titre.

C. Intérêts moratoires

58. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 39 de la Convention en ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 1 à 69 et 73 à 110 ;

2. Déclare la partie des griefs tirés de l’article 6 § 1 et l’article 13 de la Convention concernant la procédure ayant commencé le 31 juillet 1998 et ayant pris fin le 10 mai 2012 recevable dans le chef des requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72, et irrecevable pour le surplus ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 et l’article 13 de la Convention dans le chef desdites requérantes ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser, conjointement aux requérantes figurant sous les numéros 70, 71 et 72, dans les trois mois, 1 400 EUR (mille quatre cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 novembre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Liv Tigerstedt                            Krzysztof Wojtyczek
Greffière adjointe                            Président

______________

Appendix

1. Vasilios ATHANASIOU, né en 1940, résidant à Thessalonique

2. Eleni ALMBANI, née en 1945, résidant à Thessalonique

3. Christos ANAGNOSTOPOULOS, né en 1938, résidant à Tripoli

4. Eleni ANASTASIADOU, née en 1953, résidant à Thessalonique

5. Ioannis ANASTASOPOULOS, né en 1943, résidant à Athènes

6. Sevasti ANTONOURI, née en 1949, résidant à Athènes

7. Ioanna ARGYROPOULOU, née en 1953, résidant à Nea Agxialos

8. Panagiota ARLETI, née en 1955, résidant à Athènes

9. Aggelos ARVANITAKIS, né en 1940, résidant à Athènes

10. Nikolaos ASIMOMYTIS, né en 1944, résidant à Mykonos

11. Vasilios BALAMOTIS, né en 1943, résidant à Thessalonique

12. Eleftherios BASIAS, né en 1942, résidant au Pirée

13. Efthymios BILIOS, né en 1941, résidant à Athènes

14. Dimitrios BITHARAS, né en 1944, résidant au Pirée

15. Georgios CHANIOTIS, né en 1945, résidant à Thessalonique

16. Ioannis CHARALAMBIDIS, né en 1977, résidant à Thessalonique

17. Poulcheria CHARALAMBIDOU, née en 1977, résidant à Thessalonique

18. Nikolaos CHARITAKIS, né en 1944, résidant à Volos

19. Georgios CHATZIIOANNOU, né en 1941, résidant à Alexandroupoli

20. Eleftherios CHATZOPOULOS, né en 1944, résidant à Serres

21. Vasilios CHRISTOPOULOS, né en 1945, résidant à Athènes

22. Theodora DARDANIDI, née en 1953, résidant à Athènes

23. Theodoros DIMITRIADIS, né en 1946, résidant à Katerini

24. Aggelos DIMOPOULOS, né en 1944, résidant à Thessalonique

25. Lambros DRANDAKIS, né en 1939, résidant à Athènes

26. Konstantinos EFTHYMIOU, né en 1943, résidant à Athènes

27. Georgios FOUFIS, né en 1944, résidant à Thessalonique

28. Dimitrios FRAGGOUDAKIS, né en 1945, résidant à Athènes

29. Dimitrios GIANNAKOUDAKIS, né en 1942, résidant à Thessalonique

30. Aikaterini GIANNITSANOU, née en 1952, résidant au Pirée

31. Anna GIANNOPOULOU, née en 1953, résidant à Thessalonique

32. Maria GIANNOPOULOU, née en 1977, résidant à Thessalonique

33. Nikolaos GIANNOPOULOS, né en 1981, résidant à Thessalonique

34. Nikolaos GOGGAKIS, né en 1943, résidant à Corfou

35. Lambrini GOUGGOULIA, née en 1954, résidant à Athènes

36. Thomas IOANNIDIS, né en 1943, résidant à Thessalonique

37. Anthousa IOANNIDOU, née en 1941, résidant à Thessalonique

38. Aglaia KALLIMANI, née en 1951, résidant à Athènes

39. Efstanthia KALLIMANI, née en 1975, résidant à Larisa

40. Vasiliki KALLIMANI, née en 1977, résidant à Athènes

41. Spyridon KALOGIROU, né en 1940, résidant à Athènes

42. Alexandra KAPATOU, née en 1953, résidant à Volos

43. Spyridon KARAGIANNIS, né en 1942, résidant à Lamia

44. Georgios KARNAVAS, né en 1940, résidant à Athènes

45. Stamatina GIANNOULI – KARYDI, née en 1956, résidant à Athènes

46. Stylianos KATSADAKIS, né en 1938, résidant à Athènes

47. Georgia KIOUSI, née en 1953, résidant au Pirée

48. Ioannis KLAGGOS, né en 1944, résidant à Corfou

49. Ioannis KOMNINAKIDIS, né en 1940, résidant à Athènes

50. Athanasios KONSOULAS, né en 1939, résidant à Thessalonique

51. Andronikos KONSTANTINIDIS, né en 1942, résidant à Thessalonique

52. Konstantina KONSTANTOPOULOU, née en 1948, résidant à Athènes

53. Stylianos KONTOGIANNOPOULOS, né en 1952, résidant à Athènes

54. Stavroula-Lida KONTOGIANNOPOULOU, née en 1980, résidant à Athènes

55. Vasiliki KORIZI, née en 1953, résidant à Athènes

56. Smaro KOSTIDOU, née en 1950, résidant à Athènes

57. Ioannis KOUNTRIAS, né en 1944, résidant à Volos

58. Michail Georgios KOUROUVAKALIS, né en 1941, résidant à Rhodes

59. Eleni KROKOU, née en 1937, résidant à Athènes

60. Nikiforos KRYOVRYSANAKIS, né en 1942, résidant à Rethymno

61. Georgios KYPRIDIS, né en 1939, résidant à Athènes

62. Zacharoula KYTHREOTI, née en 1954, résidant à Athènes

63. Vasilios LIAMBAS, né en 1944, résidant à Thessalonique

64. Georgios MAKRIDIS, né en 1943, résidant à Athènes

65. Vasilios MAKRIDIS, né en 1943, résidant à Thessalonique

66. Christos MARGARITIS, né en 1940, résidant à Athènes

67. Vasilios MOUROUTSOS, né en 1944, résidant à Athènes

68. Argyrios NOSSIS, né en 1943, résidant à Korinthos

69. Sofia PACHOUMI, née en 1950, résidant à Athènes

70. Eleni PAPAIKONOMOU, née en 1940, résidant à Volos

71. Aikaterini PAPAIKONOMOU, née en 1975, résidant à Volos

72. Maria PAPAIKONOMOU, née en 1973, résidant à Volos

73. Stylianos PAPAMICHAIL, né en 1943, résidant à Thessalonique

74. Kleanthis PAPASTATIS, né en 1967, résidant à Rhodes

75. Michail PAPAVASILIOU, né en 1939, résidant à Igoumenitsa

76. Georgios PAPPAS, né en 1941, résidant à Athènes

77. Georgios PARASKEVAIDIS, né en 1942, résidant au Pirée

78. Georgios PAVLIDIS, né en 1941, résidant à Florina

79. Sakellarios PETALAS, né en 1944, résidant à Rhodes

80. Ikaros PETROPOULOS, né en 1939, résidant à Athènes

81. Georgios PITAROKILIS, né en 1940, résidant à Agios Nikolaos

82. Konstantinos PLATOGIANNIS, né en 1938, résidant à Trikala

83. Georgios POLITIS, né en 1943, résidant à Athènes

84. Georgios PREFTITSIS, né en 1942, résidant à Serres

85. Christos PROTOPAPAS, né en 1940, résidant à Athènes

86. Ioannis SACHINIS, né en 1942, résidant à Rhodes

87. Vasiliki SATLA, née en 1943, résidant à Athènes

88. Ioannis SCHINAS, né en 1941, résidant à Thessalonique

89. Ioannis SISMANIDIS, né en 1942, résidant à Thessalonique

90. Eleftherios SOULIMETSIS, né en 1945, résidant à Athènes

91. Ioannis TERZIDIS, né en 1941, résidant à Portaria

92. Eleni TOULA, née en 1950, résidant à Athènes

93. Maria TOURMOUZI, née en 1954, résidant à Athènes

94. Xanthippi TSAVDARI CHARALAMBIDOU, née en 1950, résidant à Thessalonique

95. Panagiotis TSIAKOS, né en 1943, résidant à Athènes

96. Dimitrios TSIFODIMOS, né en 1942, résidant à Thessalonique

97. Nikolaos TSIOTAS, né en 1943, résidant à Athènes

98. Zoi TSOUKALA, née en 1946, résidant à Athènes

99. Konstantinos TYLIPAKIS, né en 1941, résidant à Athènes

100. Aggeliki TZANETOPOULOU, née en 1954, résidant à Athènes

101. Dimitrios VAMVAKAS, né en 1945, résidant à Poros

102. Christodoulos VAXOVANOS, né en 1940, résidant à Athènes

103. Argyrios VERGIS, né en 1944, résidant à Kilkis

104. Ioannis VERONIS, né en 1935, résidant à Athènes

105. Eleni VLACHOU, née en 1954, résidant à Thessalonique

106. Maria VLACHOU, née en 1976, résidant au Pirée

107. Dimitrios XENOS, né en 1943, résidant à Athènes

108. Petros ZACHARAKIS, né en 1941, résidant à Athènes

109. Andreas ZOLOTAS, né en 1932, résidant à Patras

110. Theodoros ZOLOTAS, né en 1942, résidant à Athènes

Dernière mise à jour le novembre 25, 2021 par loisdumonde

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