La présente affaire concerne le refus par les tribunaux suisses d’appliquer une exception au délai de prescription prévu par le droit interne pour ouvrir une action en constatation de filiation et, par conséquent, le rejet de l’action intentée par la requérante en vue de faire inscrire la paternité biologique dans les registres de l’état civil.
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE LAVANCHY c. SUISSE
(Requête no 69997/17)
ARRÊT
Art 8 • Vie privée • Obligations positives • Refus des tribunaux d’appliquer une exception au délai de prescription d’un an suivant la majorité prévu par le droit interne pour ouvrir une action en constatation de filiation • Absence de « justes motifs » rendent le retard excusable et une restitution du délai possible • Juste équilibre ménagé entre les intérêts pertinents en jeu
STRASBOURG
19 octobre 2021
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Lavanchy c. Suisse,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :
Georges Ravarani, président,
Georgios A. Serghides,
Dmitry Dedov,
María Elósegui,
Darian Pavli,
Peeter Roosma,
Andreas Zünd, juges,
et de Milan Blaško, greffier de section,
Vu :
la requête (no 69997/17) dirigée contre la Confédération suisse et dont une ressortissante de cet État, Mme Christiane Dominique Lavanchy (« la requérante »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 20 septembre 2017,
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement suisse (« le Gouvernement »),
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 septembre 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La présente affaire concerne le refus par les tribunaux suisses d’appliquer une exception au délai de prescription prévu par le droit interne pour ouvrir une action en constatation de filiation et, par conséquent, le rejet de l’action intentée par la requérante en vue de faire inscrire la paternité biologique dans les registres de l’état civil.
EN FAIT
2. La requérante est née en 1964 et réside à Penthalaz. Elle a été représentée par Me A. Bernel, avocat exerçant à Lausanne.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. A. Chablais, de l’Office fédéral de la justice.
4. À sa naissance en 1964, la requérante fut inscrite au registre de l’état civil comme étant de père inconnu et fut placée sous la curatelle du Tuteur Général en vue d’une recherche de paternité. Dans ce cadre, G.Q. fut auditionné en qualité de père présumé.
5. Le 4 août 1965, la requérante et sa mère ouvrirent une action en paternité à l’encontre de G.Q. À l’issue de cette procédure, en 1966, une convention transactionnelle alimentaire disposant que G.Q. verserait une contribution aux frais d’entretien de la requérante jusqu’à ses 18 ans fut approuvée par la Justice de paix.
6. La requérante fut élevée par ses grands-parents maternels jusqu’en août 1967 quand elle fut placée dans un établissement spécialisé, jusqu’à sa majorité en 1984.
7. À la demande de la requérante formulée le 21 décembre 1982, l’assistante sociale auprès de l’Office du Tuteur Général lui indiqua, le 28 décembre 1982, le nom de son père putatif et lui remit une photo de celui-ci ; elle lui raconta également ce qu’elle avait lu sur sa petite enfance. Plus tard, la requérante indiqua devant un tribunal que l’assistante sociale lui avait à l’époque expliqué que sa mère avait eu des relations avec un homme et ouvert une action au tribunal et que cet homme avait payé pour elle. La requérante déclara également n’avoir rien fait de particulier à cette époque-là, puisqu’il lui avait suffi d’avoir un visage et de connaître la vérité quant à ses origines.
8. Ce ne fut que plus tard, à l’âge de 25 ans et lorsqu’elle était déjà mariée, qu’elle ressentit le besoin de faire des recherches pour retrouver son père. Ainsi, le 7 septembre 1990, une rencontre fut organisée entre elle et G.Q. À cette occasion, G.Q. aurait confirmé à la requérante qu’il était son père et lui aurait fait part des démarches effectuées après sa naissance pour la reconnaître, notamment du fait qu’il avait signé une convention devant une autorité judiciaire concernant la pension alimentaire. La requérante aurait alors pensé que la reconnaissance de paternité était déjà intervenue et qu’aucune démarche administrative ou judiciaire n’était nécessaire.
9. La requérante et G.Q. entretinrent de bonnes relations par la suite, s’appelant « papa » et « ma fille » ; la requérante rencontra également l’épouse de G.Q. et leur fille unique. Il ressort du dossier que la requérante ne demanda jamais à G.Q. de se soumettre à une expertise ADN ou de reconnaître sa paternité, par peur de ternir leur relation. Dans ses dernières volontés, G.Q. se serait référé entre autres à ses « enfants » au pluriel, démontrant ainsi qu’il considérait la requérante comme sa fille.
10. Après le décès de G.Q. en septembre 2013, la requérante fut citée à comparaître à la séance d’ouverture du testament et apprit à cette occasion qu’elle n’était pas la fille légitime du défunt. Ayant ensuite découvert l’absence de filiation paternelle inscrite à l’état civil et consulté pour la première fois son dossier personnel, la requérante apprit que la convention alimentaire signée par G.Q. en 1965 ne comportait en réalité qu’une paternité alimentaire sans effet sur la filiation civile, comme le permettait jusqu’en 1978 l’ancien droit de la filiation suisse. Elle obtint ensuite un prélèvement ADN sur le corps de feu G.Q. en vue d’établir un lien de filiation biologique. Le résultat de l’expertise ADN fit état d’une probabilité de paternité de 99,99 %.
11. Le 28 octobre 2014, la requérante intenta une action en constatation de filiation, demandant que G.Q. soit reconnu comme étant son père. Entendue à l’audience du 3 septembre 2015, la requérante déclara notamment n’avoir jamais évoqué avec G.Q. la question de l’enregistrement du lien de filiation à l’état civil, à partir du moment où celui-ci lui avait confirmé qu’il était son père, qu’il l’avait appelée « ma fille » et qu’il lui avait expliqué qu’il avait « payé pour elle ».
12. Par jugement du 30 octobre 2015, le Tribunal civil d’arrondissement admit la demande en constatation de filiation et constata que la requérante était la fille de G.Q. Se fondant notamment sur l’arrêt Laakso c. Finlande (no 7361/05, 15 janvier 2013), le tribunal estima que l’on ne pouvait pas reprocher à la requérante de s’en être remise aux déclarations de G.Q. et d’avoir cru, à tort, être sa fille légitime. Elle était dès lors au bénéfice de justes motifs rendant excusable le fait qu’elle n’avait pas agi dans le délai d’un an qui suivait sa majorité, comme prévu par l’article 263 alinéa 1 du Code civil suisse. En outre, elle avait agi avec toute la célérité requise dès que la cause du retard avait pris fin.
13. Par arrêt du 18 mars 2016, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal admit l’appel de M.C., la fille légitime de G.Q., et réforma le jugement du Tribunal civil d’arrondissement de sorte que la demande en constatation de filiation fut rejetée. Rappelant qu’il convenait d’interpréter strictement la notion de justes motifs, la cour d’appel considéra que la requérante aurait dû agir dès 1982 lorsque le nom de son père présumé lui avait été communiqué, ou qu’elle aurait pu ensuite simplement demander à son père présumé de la reconnaître par une déclaration devant l’officier d’état civil.
14. La requérante contesta l’arrêt rendu en appel par un recours interjeté devant le Tribunal fédéral. Elle fit valoir, entre autres, qu’elle n’avait pas pu agir plus tôt puisqu’elle ignorait le défaut de paternité officielle ainsi que le caractère des déclarations que son père présumé avait faites à sa naissance et qu’elle avait donc été convaincue, jusqu’à la séance d’ouverture du testament, que tout était réglé au plan administratif.
15. Par arrêt du 7 mars 2017, le Tribunal fédéral (5A_423/2016) rejeta le recours de la requérante. Il estimait que les faits avaient été correctement établis ; que l’arrêt Laakso (précité) ne faisait nullement prévaloir la réalité biologique sur des principes juridiques, ce qui au demeurant aurait eu pour conséquence d’admettre, contrairement au principe de la sécurité juridique et à la volonté du législateur, toute action en paternité ouverte à l’issue d’une expertise ADN, sans limite de temps ; que l’action en paternité pouvait être intentée après l’expiration du délai prévu à l’article 263 alinéa 1er du Code civil lorsque de « justes motifs » rendaient le retard excusable ; que pour tenir compte de l’allongement considérable du délai d’ouverture d’action, il convenait d’interpréter strictement la notion de « justes motifs » ; que l’essentiel de l’argumentation reposait sur le fait que, dès lors que la requérante avait connu l’identité de son père en 1982, elle ignorait jusqu’à l’ouverture du testament en 2013 que sa filiation paternelle juridique n’était pas établie et ne disposait pas des informations nécessaires pour être placée en position d’agir ; que la sévérité avec laquelle les circonstances devaient être examinées ne permettaient pas de retenir qu’en l’espèce, la requérante s’était trouvée durant 31 ans dans l’impossibilité d’entreprendre des démarches nécessaires ; que, après avoir été informée de l’identité de son père, alors qu’elle n’entretenait pas de relations personnelles avec lui, la requérante aurait dû et était en mesure de vérifier l’information reçue dans les registres de l’état civil, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une procédure juridique longue et complexe ; que l’on pouvait s’étonner qu’elle n’eût pas pris connaissance de l’absence d’inscription de sa filiation paternelle lorsqu’elle avait eu affaire avec l’office d’état civil lors de son mariage ; que cette méconnaissance ne pouvait pas être constitutive d’un « juste motif » ; que la requérante eût pu demander à G.Q. une reconnaissance de paternité, lui offrant une possibilité extra-judiciaire de faire inscrire sa filiation paternelle à l’état civil ; que s’agissant de la modification du droit de la filiation en 1978, le contexte temporel dans lequel la requérante avait sollicité des renseignements sur son père, notamment auprès de l’assistante sociale, permettait d’envisager que, si elle n’avait pas été informée de ces différents changements législatifs, à tout le moins elle aurait pu l’être. Par ailleurs, la requérante se vit refuser le bénéfice de l’assistance judiciaire au motif que l’issue de la cause avait été prévisible.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
16. Au moment de la naissance de la requérante et jusqu’à l’introduction du nouveau droit de la filiation, le 1er janvier 1978, le Code civil suisse prévoyait deux types de filiation illégitime : le premier n’avait que des effets alimentaires et le second déployait aussi des effets d’état civil. La paternité avec simples effets alimentaires était laissée à la libre disposition des parties et se limitait à des contributions d’entretien du père, sans créer aucun lien familial entre le géniteur et l’enfant ; en cas de décès du premier, le second n’avait aucune vocation héréditaire. La paternité dotée d’effets d’état civil ne pouvait être admise que si l’enfant était reconnu volontairement ou, dans le cas d’un jugement, si le père présumé « avait promis le mariage à la mère ou lorsque la cohabitation a été un acte criminel ou un abus d’autorité ».
17. Ladite distinction a été supprimée avec effet au 1er janvier 1978, seule la paternité dotée d’effets d’état civil subsistant par la suite. En ce qui concerne le droit transitoire, l’article 13a du Code civil déterminait la manière selon laquelle le type de paternité dite « alimentaire » pouvait être transformé en rapport de filiation. Ainsi, en présence d’une convention alimentaire ayant pris naissance avant le 1er janvier 1978 par décision judiciaire ou par convention, seuls les enfants de moins de 10 ans lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi pouvaient, dans les deux ans, ouvrir une action en paternité d’après les dispositions de la nouvelle loi.
18. À compter du 1er janvier 1978, l’article 260 du Code civil dispose que, lorsque le rapport de filiation existe seulement avec la mère, le père peut reconnaître l’enfant par déclaration devant l’officier de l’état civil, par testament ou, lorsqu’une action en constatation de paternité est pendante, devant le juge.
19. En vertu de l’article 261 alinéas 1 et 2 du Code civil, la mère et l’enfant peuvent intenter une action pour que la filiation soit constatée à l’égard du père. Cette action doit en principe être intentée contre le père directement ou, s’il est décédé, contre ses descendants, avant ou après la naissance de l’enfant, mais au plus tard une année après la naissance, lorsque l’action est ouverte par la mère, ou une année après que l’enfant a atteint l’âge de la majorité, lorsque l’action est intentée par celui-ci (article 263 alinéa 1er).
20. L’article 263 alinéa 3 du Code civil dispose que l’action peut néanmoins être intentée après l’expiration dudit délai lorsque de justes motifs rendent le retard excusable. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF 5A_518/2011, ATF 126 III 593, ATF 132 III 1, 129 II 409, 5A_423/2016), si la restitution du délai est en principe admissible de manière illimité dans le temps, il convient d’interpréter strictement la notion de justes motifs. Ainsi, constitue notamment un juste motif susceptible de conduire à la restitution du délai pour ouvrir une action en paternité le fait que l’enfant n’ait eu connaissance de l’identité de son père biologique qu’après l’échéance du délai prévu par l’article 263 alinéa 3, ou qu’il ne puisse prouver l’identité de son géniteur que par une analyse génétique qui ne peut être obtenue qu’à la suite d’une procédure longue et complexe. Toutefois, à partir du moment où l’enfant a connaissance de l’identité de son père (ou la possibilité concrète d’agir), l’article 236 alinéa 3 ne lui accorde aucun délai supplémentaire et il lui incombe donc d’agir avec toute la célérité possible.
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
21. La requérante se plaint que les autorités suisses l’ont empêchée d’établir sa filiation en ne reconnaissant pas, à tort, l’existence d’un juste motif excusant le non-respect du délai pour intenter une action en paternité. Elle invoque l’article 8 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée (…).
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Sur la recevabilité
22. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
a) La requérante
23. La requérante observe qu’il convient en l’espèce d’examiner in concreto si l’on pouvait attendre de sa part d’entreprendre des démarches afin de retrouver son père présumé dès 1982 et de faire ensuite établir leur lien de filiation de manière officielle. Elle souligne à cet égard qu’elle n’a aucune formation juridique et qu’elle n’avait, à l’époque où elle est devenue majeure, puis à l’époque de son mariage, pas de maîtrise particulière des documents d’état civil. Lorsqu’elle a enfin pu nouer des relations personnelles avec son père, elle ne s’est pas focalisée sur les aspects administratifs et n’avait pas de motif particulier de s’en enquérir, d’autant plus que ses éventuelles démarches dans ce sens auraient pu porter préjudice à la relation paternelle fragilement établie. Il a été de surcroît généralement admis qu’elle était la fille de G.Q., c’est pourquoi le juge chargé du traitement du testament de ce dernier l’a convoquée à la séance de lecture de ce document.
24. La requérante soutient qu’elle avait donc de justes motifs de ne pas se préoccuper de l’établissement officiel de son lien de filiation et qu’elle a eu la désagréable révélation de l’absence de celui-ci seulement après le décès de G.Q.
b) Le Gouvernement
25. Citant notamment l’arrêt Phinikaridou c. Chypre (no 23890/02, §§ 51 et s., 20 décembre 2007), le Gouvernement note que la fixation d’un délai de prescription pour intenter une action en recherche de paternité n’est pas en soi incompatible avec la Convention et que plusieurs éléments doivent être pris en considération lors de la mise en balance des intérêts en jeu.
26. En l’occurrence, le rejet de l’action en paternité ouverte par la requérante a constitué une ingérence prévue par la loi, à savoir l’article 263 du Code civil, et visait la protection des droits et libertés d’autrui. L’intérêt vital de la requérante à faire établir sa paternité a bien été pris en compte par les tribunaux mais il a été jugé qu’elle ne pouvait faire valoir aucun juste motif l’ayant empêché de vérifier les informations obtenues en 1982 ou de saisir la justice plus tôt. Si les intérêts de son père présumé n’étaient plus touchés au moment où elle a ouvert son action, puisque celui-ci était déjà décédé, il y avait lieu de tenir compte des intérêts des tiers, en l’occurrence la demi-sœur de la requérante qui s’est fermement opposée à ses tentatives de faire établir le lien de filiation. Enfin, les tribunaux ont également pris en compte l’intérêt général à la sécurité juridique.
27. Le Gouvernement rappelle que, en l’espèce, la requérante a pris connaissance de l’identité de son père présumé dès sa rencontre avec l’assistante sociale en décembre 1982 et, au plus tard, dès sa première rencontre avec G.Q. en septembre 1990. Elle disposait alors de tous les éléments nécessaires pour lui demander d’effectuer une reconnaissance de paternité en application de l’article 260 du Code civil, possibilité extra‑judiciaire ouverte jusqu’à la mort de G.Q., ou pour introduire une action en justice en tentant de faire valoir, dès cette date, l’existence de justes motifs au sens de l’article 263 alinéa 3 du Code civil. Or, elle n’a entrepris aucune démarche juridique pendant 31 ans, sans démontrer en quoi cela aurait constitué pour elle une charge excessive. À cet égard, rien ne permet de penser que si elle avait demandé à l’Office du Tuteur général de la renseigner davantage ou de la conseiller, cette autorité lui aurait refusé son concours. De l’avis du Gouvernement, une telle passivité de la requérante distingue la présente espèce d’autres affaires examinées par la Cour, comme Grönmark c. Finlande (no 17038/04, 6 juillet 2010) ou Phinikaridou (précité). Puis, contrairement à la situation examinée dans l’affaire Laakso c. Finlande (no 7361/05, 15 janvier 2013), le droit suisse prévoit expressément la possibilité d’examiner la présence de justes motifs qui rendraient le non-respect du délai de prescription excusable. Dans la présente affaire, les tribunaux se sont dûment livrés à un tel examen, prenant en compte le fait que la relation entre la requérante et son père présumé était connue de toutes les parties concernées, pesant les différents intérêts concurrents en jeu et aboutissant à un résultat proportionné.
28. Relevant que la requérante était déjà mariée lorsqu’elle a rencontré son père en 1990, le Gouvernement souligne également que, en vue de son mariage, celle-ci a dû nécessairement produire un acte de naissance, document qui contient notamment les noms et prénoms de ses parents, de même que la publication de la promesse de mariage et le registre des mariages qu’elle a signé. À ce moment-là, il ne pouvait donc pas échapper à la requérante qu’aucun nom ni aucune mention ne figurait dans ces documents sous la rubrique « père » ; ensuite, elle aurait pu simplement vérifier la situation auprès de l’officier d’état civil. C’est pourquoi le Tribunal fédéral n’a jamais admis que ce ne fut qu’après le décès de son père en 2013 que la requérante avait appris que celui-ci n’était pas inscrit comme tel aux registres d’état civil. Le Gouvernement considère par ailleurs comme contradictoire que la requérante ait prétendu de ne pas avoir agi du vivant de son père afin de ne pas ternir leur relation (paragraphe 9 ci‑dessus), tout en soutenant n’avoir pris connaissance de l’absence de lien de paternité à l’état civil qu’après le décès de G.Q. Selon lui, il eût été parfaitement possible pour la requérante de procéder à ces démarches entre 1982 et 1990 puisque cela n’aurait pu mettre en péril une relation qui n’existait pas encore. S’il n’est pas possible de spéculer sur les chances de succès qu’auraient eues alors d’éventuelles démarches de la requérante, les autorités judiciaires auraient forcément été amenées à apprécier, au titre de « justes motifs », la diligence dont la requérante aurait fait preuve.
29. Le Gouvernement observe enfin que, ayant transmis à la requérante toutes les informations utiles concernant l’identité de son père présumé et l’ayant autorisée à procéder à une analyse génétique après le décès de celui‑ci, les autorités suisses ont permis à la requérante d’avoir la certitude sur ses origines et n’ont nullement entravé sa relation avec son père. Le fait que le lien de paternité ne puisse plus être inscrit dans les registres d’état civil, faute pour la requérante d’avoir agi en temps utile, ne saurait dès lors constituer une violation de son droit garanti par l’article 8 de la Convention.
2. Appréciation de la Cour
30. La Cour note d’emblée que les faits de la cause, ayant trait à une procédure relative à la paternité, tombent incontestablement sous l’empire de l’article 8 de la Convention, qui reconnaît à chacun le droit de connaître ses origines et de les voir légalement établies (voir Mikulić c. Croatie, no 53176/99, §§ 51 et 54, CEDH 2002‑I, et Pascaud c. France, no 19535/08, § 49, 16 juin 2011). Elle considère également que, même si la requérante n’a pas expressément invoqué ladite disposition dans son recours interjeté devant le Tribunal fédéral suisse, elle y a soulevé ce grief du moins en substance.
31. En l’espèce, la requérante a intenté une action en constatation de filiation civile après le décès de G.Q. qui, d’après ses propres déclarations ainsi que selon le résultat de l’expertise ADN, était son père biologique. Ce dernier n’avait de son vivant établi qu’une paternité dite « alimentaire » à l’égard de la requérante, comme le permettait le droit de filiation suisse en vigueur au moment de la naissance de cette dernière. Cependant, n’ayant pas agi dans le délai d’un an qui suivait sa majorité, comme prévu à l’article 263 alinéa 1er du Code civil, la requérante s’est vu débouter puisque les tribunaux ont conclu à l’absence de « justes motifs » susceptibles de rendre un tel retard excusable et de conduire ainsi à la restitution dudit délai.
32. La Cour n’a point pour tâche de se substituer aux autorités nationales compétentes pour trancher les litiges en matière de paternité, mais il lui incombe d’examiner sous l’angle de la Convention les décisions que ces autorités ont rendues dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (voir, par exemple, Różański c. Pologne, no 55339/00, § 62, 18 mai 2006, et Phinikaridou, précité, § 48). En l’espèce, elle appréciera donc si, en traitant l’action de la requérante, l’État défendeur a respecté son obligation positive d’assurer le droit de celle-ci au respect de sa vie privée. Pour ce faire, la Cour doit rechercher si un juste équilibre a été ménagé dans la pondération des intérêts concurrents, à savoir, d’un côté, le droit de la requérante à établir sa filiation civile à l’égard de G.Q. et, de l’autre, la nécessité de respecter les droits de ce dernier et de sa fille légitime ainsi que l’intérêt général à la protection de la sécurité juridique.
33. En l’occurrence, la Cour est donc appelée à vérifier si la prescription de l’action en paternité telle qu’elle a été appliquée par les tribunaux suisses est compatible avec la Convention (voir Laakso, précité, § 45). Ce faisant, la Cour prend plusieurs éléments en considération, dont le moment précis où un requérant vient à connaître la réalité biologique ; autrement dit, la Cour doit se demander si les circonstances justifiant une demande en recherche de paternité se sont trouvées réunies avant ou après l’expiration du délai de prescription. Il convient également d’examiner s’il existe un autre moyen de redressement dans le cas où la procédure en cause est prescrite, telles des voies de recours internes effectives permettant la réouverture du délai ou des exceptions à l’application d’un délai dans le cas où une personne prend connaissance de la réalité biologique après expiration du délai (voir Laakso, précité, § 47, et Phinikaridou, précité, § 54). La Cour rappelle par ailleurs qu’il faut distinguer entre les affaires dans lesquelles un requérant n’a eu aucune possibilité de connaître les faits et celles où un requérant sait avec certitude ou a des raisons de supposer qui est son père mais, pour des motifs sans rapport avec la loi, ne prend aucune mesure pour engager une procédure dans le délai légal (voir Phinikaridou, précité, § 63).
34. La Cour observe que, en appliquant les principes susmentionnés aux affaires relatives à la paternité, elle fait la distinction entre les situations dans lesquelles les délais prévus par le droit interne pour intenter une action en recherche de paternité sont de nature absolue et rigide, et celles dans lesquelles le droit interne permet de prolonger ces délais, lorsque les faits pertinents n’étaient pas connus avant l’expiration de ceux-ci (voir, entre autres, Çapın c. Turquie, no 44690/09, § 59, 15 octobre 2019).
En ce qui concerne le premier cas de figure, la Cour a conclu à une violation de l’article 8 de la Convention lorsque le délai a été appliqué de manière rigide sans prendre en compte si l’enfant avait ou non eu connaissance des circonstances se rapportant à l’identité de son père (voir Phinikaridou, précité, Backlund c. Finlande, no 36498/05, 6 juillet 2010, et Röman c. Finlande, no 13072/05, 29 janvier 2013). Dans le deuxième cas de figure, après avoir établi que le délai applicable aux requérants n’était pas absolu, la Cour s’est penchée sur la question de savoir si les requérants ont agi avec la diligence requise afin de bénéficier de la possibilité d’intenter l’action en paternité après l’expiration dudit délai (voir Çapın, précité, § 61). Ainsi, dans les affaires Konstantinidis c. Grèce (no 58809/09, § 61, 3 avril 2014) et Silva et Mondim Correia c. Portugal (nos 72105/14 et 20415/15, § 68, 3 octobre 2017), la Cour a constaté une non-violation de l’article 8 de la Convention au motif que les requérants ont fait preuve d’un manque injustifiable de diligence en intentant la procédure. Elle a souligné dans ce contexte que l’intérêt vital qu’avaient les requérants de découvrir la vérité sur leur ascendance ne les dispensait pas de se conformer aux conditions prévues par le droit interne en la matière et de faire preuve de diligence afin que les juridictions internes pussent procéder à une juste appréciation des intérêts concurrents en présence, indépendamment des contraintes juridiques liées à l’existence du délai litigieux.
35. Il convient de relever d’emblée que la présente affaire relève du deuxième cas de figure puisque la législation suisse ne prévoit pas d’application rigide du délai de prescription (voir, a contrario, Laakso, précité, § 55) qui est fixé, par l’article 263 alinéa 1er du Code civil, à une année après que l’enfant a atteint l’âge de la majorité. En vertu de l’article 263 alinéa 3 du Code civil, une restitution de ce délai est en effet possible puisqu’une action en paternité prescrite peut être admise après l’expiration dudit délai lorsque de « justes motifs » rendent le retard excusable. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion de justes motifs doit être interprétée strictement et englobe, entre autres, le fait que l’enfant n’ait eu connaissance de l’identité de son père biologique qu’après l’échéance du délai prévu par l’article 263 alinéa 3 (paragraphe 20 ci‑dessus).
36. Dans la présente affaire, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal, puis, notamment, le Tribunal fédéral suisse ont soigneusement étayé leurs décisions, en prenant en compte la jurisprudence de la Cour, dont l’arrêt Laakso précité. Afin de ménager un juste équilibre entre les droits et intérêts concurrents en jeu, le Tribunal fédéral a dûment examiné la situation particulière de la requérante afin de déterminer si son intérêt à établir la filiation était prépondérant. À l’issue de cet examen, il a constaté l’absence de « justes motifs », considérant que la requérante avait connaissance du lien de filiation depuis 1982, soit 31 ans avant le décès de G.Q., et que le seul fait d’ignorer la nécessité d’entreprendre des démarches afin de faire constater son lien de filiation ne suffisait pas pour conclure qu’elle était pendant toute cette période dans l’impossibilité de le faire (voir, a contrario, Phinikaridou, précité, §§ 62-63). Comme le souligne le Gouvernement dans ses observations, le Tribunal fédéral a également estimé qu’après avoir été informée de l’identité de son père, alors qu’elle n’entretenait pas de relations personnelles avec lui, la requérante aurait dû et était en mesure de vérifier l’information reçue dans les registres de l’état civil, et ce du moins lorsqu’elle avait eu affaire avec l’office d’état civil lors de son mariage.
37. Il en résulte que les tribunaux suisses ne se sont pas en l’espèce limités à constater que le délai prévu pour ouvrir une action en constatation de filiation était écoulé (voir, a contrario, Laakso, précité, § 53) mais qu’ils ont cherché à établir si l’intérêt qu’avait la requérante à faire légalement confirmer ses origines pouvait l’emporter sur les autres intérêts en jeu (voir, a contrario, Çapın, précité, § 79, et Boljević c. Serbie, no 47443/14, §§ 55-56, 16 juin 2020). En tenant compte de la ratio legis des dispositions applicables, ils ont ainsi dûment pesé les divers éléments de fait et procédé à une analyse attentive des motifs qui auraient, selon ses propres dires, empêché la requérante d’agir plus tôt. Il convient de souligner à cet égard que les tribunaux ont relevé plusieurs moments dans la vie de la requérante où celle-ci aurait pu solliciter les informations sur sa filiation inscrites dans les registres de l’état civil et se renseigner sur les démarches nécessaires, fût‑ce après l’expiration du délai de prescription. Ces considérations les ont amenés à considérer l’inactivité de la requérante pendant 31 ans comme injustifiée.
38. Sur ce dernier point, la Cour ne peut que constater que, dans ses observations devant elle, la requérante n’a pas non plus fait valoir de motifs en rapport avec la loi qui l’auraient empêchée de prendre, dans le délai légal ou en tout cas bien avant 2014, des mesures afin de faire inscrire sa filiation dans les registres de l’état civil. Ne saurait à cet égard être considéré comme un motif valable l’argument avancé par la requérante selon lequel elle n’avait pas eu, après avoir noué des relations personnelles avec son père, de raison particulière de s’enquérir des aspects administratifs de la paternité ou ne voulait pas porter préjudice à la relation paternelle fragilement établie (paragraphe 23 ci-dessus). De telles considérations donnent par ailleurs à penser que la requérante n’ignorait pas à l’époque que certaines formalités restaient à régler. De l’avis de la Cour, le retard avec lequel la requérante a introduit son action en constatation de la filiation, tel que relevé par les tribunaux nationaux, ne saurait donc être qualifié de justifiable au sens de la jurisprudence de la Cour (paragraphe 34 ci-dessus).
39. En dernier lieu, la Cour note que si les personnes essayant d’établir leur ascendance ont un intérêt vital, protégé par la Convention, à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle, elles ne sauraient être dispensées de l’obligation de se conformer aux conditions prévues par le droit interne (voir, entre autres, Konstantinidis, précité, § 61). De plus, en l’occurrence, les décisions litigieuses n’ont pas eu pour effet de priver la requérante de ces informations puisque la paternité biologique de G.Q. a été en l’espèce confirmée et par les propos de ce dernier et par l’expertise ADN effectuée après son décès (voir, a contrario, Jäggi c. Suisse, no 58757/00, CEDH 2006‑X).
40. Dans ces circonstances, et tenant compte de la marge d’appréciation dont l’État défendeur dispose dans ce domaine, rien n’indique qu’en statuant comme elles l’ont fait les juridictions suisses aient failli à leur obligation de ménager un juste équilibre entre les intérêts en jeu.
41. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable ;
2. Dit, par cinq voix contre deux, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 octobre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Milan Blaško Georges Ravarani
Greffier Président
____________
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Dedov et Elósegui.
G.R.
M.B.
OPINION DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES DEDOV ET ELÓSEGUI
1. Nous regrettons de ne pouvoir souscrire à la conclusion selon laquelle il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention. La présente affaire nous donne l’occasion de discuter de la question de savoir si le délai de prescription d’un an est un instrument juridique approprié pour interférer avec le droit fondamental au respect de la vie familiale. À notre avis, il y a un problème systémique dans les affaires de paternité : les principes généraux ne sont pas précis, ils ne clarifient pas les valeurs fondamentales sur lesquelles s’orienter dans l’analyse juridique (comme l’intérêt supérieur de l’enfant), et il devient très difficile de les appliquer à l’immense diversité des circonstances factuelles individuelles de chaque cas. Les principes généraux ne sont pas suffisamment clairs pour établir un juste équilibre entre les intérêts concurrents. Inévitablement, la tentation se présente simplement de se prévaloir du droit interne sans procéder à une appréciation critique de celui-ci (« la Cour n’a point pour tâche de se substituer aux autorités nationales compétentes pour trancher les litiges en matière de paternité » (paragraphe 32 du présent arrêt).
Équilibre des intérêts
2. En effet, il est difficile de suivre le raisonnement de la Cour dans sa manière d’appliquer les principes généraux en l’espèce. Le paragraphe 30 du présent arrêt prévoit que « la Cour note d’emblée que les faits de la cause, ayant trait à une procédure relative à la paternité, tombent incontestablement sous l’empire de l’article 8 de la Convention, qui reconnaît à chacun le droit de connaître ses origines et de les voir légalement établies ». Cela signifie que la Cour ne fait que confirmer que le droit de toute personne de connaître ses origines est protégé par l’article 8. En outre, il est indiqué au paragraphe 32 que « la Cour doit rechercher si un juste équilibre a été ménagé dans la pondération des intérêts concurrents, à savoir, d’un côté, le droit de la requérante à établir sa filiation civile à l’égard de G.Q. et, de l’autre, la nécessité de respecter les droits de ce dernier et de sa fille légitime ainsi que l’intérêt général à la protection de la sécurité juridique ». Toutefois, dans la poursuite de son analyse, la Cour n’a pas examiné les intérêts « concurrents ». Elle s’est plutôt concentrée sur la question de savoir si la requérante avait été empêchée de prendre des mesures pour faire inscrire sa filiation au registre de l’état civil après avoir eu connaissance de l’identité de son père (« le retard avec lequel la requérante a introduit son action en constatation de la filiation, tel que relevé par les tribunaux nationaux, ne saurait donc être qualifié de justifiable au sens de la jurisprudence de la Cour », voir le paragraphe 38 de l’arrêt).
3. Il n’est pas expliqué dans l’arrêt les raisons pour lesquelles il était si important pour les parties intéressées que la requérante n’introduise pas d’action en justice et pourquoi l’intéressée ne devait-elle pas simplement profiter des bonnes relations qu’elle avait nouées avec son père qui avait reconnu sa paternité. Dans une telle situation, la requérante avait des raisons légitimes de penser qu’elle pouvait procéder à tout moment si nécessaire à l’enregistrement formel du lien de filiation à l’état civil. En effet, les relations familiales (en raison des liens sociaux et naturels entre les personnes) sont très différentes des autres aspects du droit civil. Si ce n’est pas le cas, alors la loi devrait être suffisamment claire pour prévoir le contraire : par exemple, la priorité appartient aux questions de propriété. Cependant, cette idée n’a aucun appui dans la jurisprudence : si la requérante est la fille de G.Q., elle ne cessera jamais d’être sa fille. Paradoxalement, la Cour a démontré en l’espèce que la réalité pouvait être contraire au statut juridique, même si l’appréciation juridique ne peut jamais changer la réalité.
4. La Cour a limité la portée de la présente affaire à la question de l’établissement des origines. Cependant, la requérante connaissait déjà ses origines depuis de nombreuses années, de sorte que les raisons pour lesquelles elle a été empêchée de faire inscrire sa filiation au registre de l’état civil devaient être très sérieuses et très sensibles d’un point de vue moral et éthique. La Cour n’a pris aucune mesure pour clarifier les intérêts en jeu pour G.Q. et sa fille légitime et n’a pas expliqué pourquoi l’intérêt général de la sécurité juridique devait être protégé.
5. À notre avis, les affaires de paternité ne sont pas simples, elles sont très complexes car elles concernent de nombreuses autres questions en dehors de celle qui consiste à connaître ses origines. La reconnaissance juridique de la paternité a des conséquences très profondes : il existe un complexe de droits et d’obligations familiaux et de propriété qui découlent de la reconnaissance juridique des origines. Encore une fois, il devrait y avoir des raisons très sérieuses de refuser une telle reconnaissance juridique. En l’espèce, ni les juridictions nationales ni la Cour n’ont pris de mesures pour trouver les raisons d’un tel refus. Au contraire, il apparaît que G.Q. a reconnu sa paternité et a maintenu une vie familiale avec la requérante tout au long de son vivant, de sorte que la notion de sécurité juridique n’est pas applicable au père. Quant à sa fille légitime, elle n’a aucun intérêt légitime car il n’est pas nécessaire de créer une vie de famille entre deux demi-sœurs, et elle n’a pas le statut de testatrice. En effet, l’intérêt d’être le seul successeur – afin que d’autres candidats soient empêchés d’avoir des droits de succession – ne pouvait pas être considéré comme un intérêt légitime. Il n’y a pas eu de litige successoral en l’espèce, mais cet aspect ne saurait être exclu de l’examen de la Cour car, en fait, la Cour a soutenu l’instrument juridique qui a permis d’évincer la requérante, enfant illégitime, de ses droits de propriété. Une telle position est contraire à la jurisprudence de la Cour sur la discrimination de l’enfant illégitime (Fabris c. France [GC], no 16574/08, 7 février 2013, Marckx c. Belgique, no 6833/74, 13 juin 1979, série A, no 31).
6. Dans l’arrêt Fabris, précité, la Cour a clairement établi la priorité de son approche :
« 58. La Cour rappelle également que la communauté de vue entre les États membres du Conseil de l’Europe quant à l’importance de l’égalité de traitement entre enfants issus du mariage et enfants nés hors mariage est établie depuis longtemps, ce qui a d’ailleurs conduit aujourd’hui à l’uniformité des législations nationales en la matière – le principe d’égalité faisant disparaître les notions même d’enfant légitime et naturel – ainsi qu’à une évolution sociale et juridique qui entérine définitivement l’objectif d’égalité entre les enfants (paragraphes 28, 34 et 35 ci-dessus).
59. Aussi, seules de très fortes raisons peuvent amener à estimer compatible avec la Convention une distinction fondée sur la naissance hors mariage (Inze, précitée, § 41, Camp et Bourimi c. Pays-Bas, no 28369/95, § 38, CEDH 2000-X, et Brauer, précité, § 40).
(…)
73. À la lumière de toutes ces considérations, la Cour conclut qu’il n’existait pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but légitime poursuivi. La différence de traitement dont le requérant a fait l’objet n’avait donc pas de justification objective et raisonnable. Partant, il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1. »
7. L’intérêt de la requérante est fondamental et fondé. L’intéressée mérite que la paternité de G.Q. soit reconnue, compte tenu du fait que l’expertise ADN a prouvé que G.Q. était son père biologique et qu’elle a établi une vie de famille avec celui-ci, malgré le fait que sa situation était très tragique. Pendant de longues années au cours de son enfance, elle était une personne vulnérable se trouvant entre les mains de l’État. Elle a été abandonnée par sa mère et a été élevée un temps par ses grands-parents mais ils n’ont plus pu s’occuper d’elle. S’agissant des droits des autres membres de la famille, en particulier concernant ceux de sa demi-sœur, celle-ci était d’accord avec elle et l’avait traitée pendant de nombreuses années comme la vraie fille du père qu’elles avaient en commun (l’existence de l’intéressée n’était pas une surprise pour l’ensemble des membres de la famille). Selon le dossier, G.Q. a laissé tout son héritage à sa femme. Ensuite, l’intérêt de la requérante n’est pas économique, mais plutôt celui d’être reconnue comme étant la fille de G.Q., au lieu d’être toute sa vie la fille d’un père inconnu (« la requérante fut inscrite au registre de l’état civil comme étant de père inconnu »). Parce que, même s’il y a finalement une reconnaissance de la paternité biologique, il n’y a aucune conséquence juridique dans la reconnaissance de ses racines et de ses origines. Eu égard aux doutes sur la responsabilité de la requérante de n’avoir pas demandé dans le passé quelle était sa situation réelle en allant consulter l’état civil, en réalité l’enregistrement de la paternité de G.Q. n’aurait nui à personne. Dans cette situation, l’équilibre que les tribunaux ont ménagé aurait dû être « optimal » (selon le principe de Pareto). Comme il s’agissait de raisons équitables d’autoriser l’enregistrement de la filiation, le tribunal de première instance a accueilli l’action en constatation de la filiation introduite par la requérante.
Délai de prescription
8. En effet, le délai de prescription est un mécanisme plus sophistiqué pour radier l’enfant illégitime des droits de succession. Il expire un an seulement après que le demandeur a atteint l’âge de la majorité. Ce délai est suffisamment long pour intenter une action en justice contre le père putatif qui préfère ne pas reconnaître sa paternité. Les circonstances de la présente affaire sont différentes. G.Q. a reconnu sa paternité et il ne s’est pas opposé à assumer ses responsabilités à l’égard de la requérante. Agissant de bonne foi et conformément à la nature même de l’article 8 de la Convention, l’intéressée aspirait à établir une véritable vie de famille avec son père avec lequel elle n’a pas communiqué pendant son enfance.
9. La Cour a souligné dans l’affaire Paradiso et Campanelli c. Italie ([GC], no 25358/12, 24 janvier 2017), que
« 141. (…) [l]e droit au respect d’une « vie familiale » ne protège pas le simple désir de fonder une famille ; il présuppose l’existence d’une famille (…), voire au minimum d’une relation potentielle qui aurait pu se développer, par exemple, entre un père naturel et un enfant né hors mariage (Nylund c. Finlande (déc.), no 27110/95, CEDH 1999-VI). »
Dans ce même arrêt, la Cour a relevé que l’établissement de la vie familiale nécessite une période relativement longue :
« 153. Il serait certes inapproprié de définir une durée minimale de vie commune qui puisse caractériser l’existence d’une vie familiale de facto, étant donné que l’appréciation de toute situation doit tenir compte de la « qualité » du lien et des circonstances de chaque espèce. Toutefois, la durée de la relation à l’enfant est un facteur clé pour que la Cour reconnaisse l’existence d’une vie familiale. Dans l’affaire Wagner et J.M.W.L. [c. Luxembourg (no 76240/01, § 117, 28 juin 2007)], la vie commune avait duré plus de dix ans. Ou encore, dans l’affaire Nazarenko (précitée, § 58) dans laquelle un homme marié avait assumé le rôle paternel avant de découvrir qu’il n’était pas le père biologique de l’enfant, la vie commune s’était étendue sur plus de cinq ans. »
10. De ce point de vue, le délai de prescription d’un an est très court. En outre, ce délai incite tout enfant illégitime à entamer une procédure judiciaire hostile contre un père putatif plutôt que de créer une vie de famille. Évidemment, sur cette base, il ne saurait être conclu que le délai de prescription est compatible avec les valeurs de la Convention à l’égard d’un enfant illégitime agissant de bonne foi.
11. La Cour a suivi les motifs retenus par les autorités nationales selon lesquels la requérante aurait dû être au courant que la reconnaissance juridique de paternité avait eu lieu et que sa demande en constatation de la filiation ne pouvait être protégée par la Convention en raison de son inaction pendant trente et un ans. Cependant, le résultat aurait été tout aussi négatif si elle avait demandé à G.Q. d’effectuer une reconnaissance légale de paternité trois ou cinq ans après l’avoir rencontré. La Cour a déjà eu à examiner une situation similaire dans l’affaire Konstantinidis c Grèce (no 58809/09, 3 avril 2014), où le requérant avait introduit une action en reconnaissance de paternité deux ans après avoir eu connaissance par sa mère de l’identité de son père présumé. En l’espèce, les autorités étaient juridiquement obligées d’appliquer le délai de prescription à compter de la date à laquelle la majorité était atteinte, et non à compter de la date à laquelle le demandeur aurait eu connaissance de l’absence de l’inscription de la paternité au registre de l’état civil.
12. La Cour a déjà eu l’occasion d’exprimer son point de vue sur la rigidité du délai de prescription dans les relations civiles et familiales. Dans l’arrêt Zolotas c. Grèce (no 2), no 66610/09, 29 janvier 2013, elle a déclaré que le délai de prescription devait être appliqué en même temps que d’autres garanties procédurales :
« 53. La Cour rappelle par ailleurs que le principe de la sécurité juridique est implicite dans l’ensemble des articles de la Convention et qu’il constitue l’un des éléments fondamentaux de l’État de droit (Nejdet Şahin et Perihan Şahin c. Turquie [GC], no 13279/05, § 56, 20 octobre 2011). Or, de l’avis de la Cour, l’État a l’obligation positive de protéger le citoyen et de prévoir ainsi l’obligation pour les banques, compte tenu des conséquences fâcheuses que peut avoir la prescription, d’informer le titulaire d’un compte inactif de l’approche de la fin du délai de prescription et de lui donner ainsi la possibilité d’interrompre la prescription en effectuant par exemple une opération sur le compte. N’exiger aucune information de ce type risque de rompre le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la collectivité et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. »
13. L’existence d’un délai de prescription dans les relations familiales impose à l’État de prendre des mesures encore plus prudentes pour assurer le respect de la vie familiale. Après avoir lu attentivement la demande et les observations du Gouvernement ainsi que les réponses de la requérante, nous constatons qu’en l’espèce, les autorités étaient réticentes à remplir leurs obligations positives pour fournir à la requérante des informations juridiques complètes sur sa filiation lorsqu’elle a atteint l’âge de dix-huit ans et qu’elle se trouvait entre les mains de l’État. Le travailleur social l’a informée de l’existence de son père et de la pension que celui-ci lui versait (voir les paragraphes 7 et 27 du présent arrêt), mais les institutions de l’État avaient l’obligation d’être plus claires sur sa situation juridique et sur l’absence d’enregistrement du lien de paternité à l’état civil. Il n’y avait pas seulement une obligation incombant à la requérante d’avoir l’entière charge d’entreprendre toutes les démarches nécessaires lorsqu’elle était sous la tutelle de l’État (l’Office du tuteur général du canton de Vaud, voir le paragraphe 4 de l’arrêt). Il n’est pas possible de demander à une personne âgée de dix-huit ans, même plus tard, et en situation de vulnérabilité de connaître les exigences de la loi.
14. La question factuelle de savoir si la requérante connaissait ou non sa situation juridique n’aurait jamais été soulevée si les obligations positives incombant aux autorités avaient été remplies. Le Gouvernement fait des observations contradictoires en disant que la requérante avait été informée de l’identité de son père, mais en se référant ensuite à l’acte de naissance (considéré comme source d’information pour l’intéressée) qu’elle avait dû produire en vue de son mariage. Dans sa requête, la requérante souligne qu’elle tient pour acquis que l’attribution de la pension alimentaire impliquait l’enregistrement civil de la paternité. Même en supposant qu’elle eût su après le mariage que le lien de filiation n’était pas enregistré, ce fait ne détruit pas la preuve que l’État ne l’a pas informée auparavant de manière claire du fait que le lien de paternité n’était pas officiellement enregistré dans l’état civil. Elle savait ou elle ne savait pas ? Ou encore elle n’en avait pas une connaissance très claire mais en même temps elle ne voulait pas ternir sa relation avec son père, relation récente et fragile (voir le paragraphe 9 de l’arrêt). Toujours en ce qui concerne l’acte de mariage, elle a déclaré qu’à ce moment-là, elle ne connaissait toujours pas son père. Le fait est que la requérante s’est mariée jeune et qu’à ce moment-là, elle n’avait pas encore pris l’initiative de rencontrer son père (elle le fera environ quatre ans plus tard). On ne lui avait pas encore expliqué que des démarches concernant la pension alimentaire versée par son père avaient été entreprises (voir le paragraphe 8 de l’arrêt). On pourrait s’étonner qu’elle n’eût pas relevé au moment de se marier que le nom de son père n’apparaissait pas dans le registre de l’état civil. Toutefois, les juridictions internes n’ont utilisé cet argument qu’à titre d’obiter dicta (voir le paragraphe 15 de l’arrêt).
15. Dans sa requête et ses réponses au Gouvernement et à la Cour, il semble qu’elle ait agi honnêtement et de bonne foi. Après le décès de G.Q., ce n’est qu’après avoir été convoquée par le juge de commune parmi les héritiers de son père que la requérante a découvert, lors de la séance tenue le 17 octobre 2013, que G.Q. n’était pas légalement inscrit comme étant son père à l’état civil. Quoi qu’il en soit, cet obiter dictum du Tribunal fédéral suisse est dénué de pertinence, puisque cette autorité admet elle-même que la requérante n’a appris qu’après le décès de son père que celui-ci n’était pas inscrit comme tel au registre de l’état civil. De plus, il est un fait que le juge en charge du testament de son père l’a appelée à l’ouverture du testament en pensant qu’elle était une des filles légitimes de G.Q. Selon elle, c’est à ce moment-là qu’elle a découvert qu’elle n’était pas reconnue légalement comme fille de son père (voir les paragraphes 10 et 14 de l’arrêt).
16. Dans les affaires concernant la reconnaissance de paternité, la Cour est allée plus loin et a soulevé des préoccupations quant à la compatibilité du délai de prescription avec la Convention. Nous nous référons, en particulier, aux paragraphes 53 à 64 de l’arrêt dans l’affaire Phinikaridou c. Chypre (no 23890/02, 20 décembre 2007), où la Cour a souligné que des obstacles matériels et moraux existent toujours dans un domaine aussi sensible que la paternité :
« 58. Une étude comparée de la législation des États contractants sur l’institution d’actions en recherche de paternité fait apparaître qu’il n’existe pas d’approche uniforme en la matière. Contrairement à ce qu’ils font pour les procédures en reconnaissance ou en désaveu de paternité engagées par des pères (Shofman, précitée, § 37), un nombre important d’États n’instituent pas de délai de prescription pour les actions en recherche de paternité engagées par des enfants. On constate en effet une tendance à protéger davantage le droit de l’enfant à voir établir sa filiation paternelle.
59. Dans les États fixant un délai de prescription pour ces actions, la durée de ce délai varie sensiblement, allant d’un à trente ans. De plus, bien qu’ils appliquent des modes de computation différents, ces États font pour la plupart courir le délai pertinent à partir soit de la majorité de l’enfant, soit de sa naissance, soit du prononcé d’un jugement définitif démentant la paternité bien que l’enfant ait eu connaissance des faits se rapportant à sa filiation paternelle, et ce sans exception. Seuls quelques ordres juridiques semblent avoir mis en place des solutions pour le cas où les circonstances pertinentes deviennent connues seulement après que le délai a expiré ; c’est ainsi que certains prévoient la possibilité d’intenter une action une fois le délai expiré si un obstacle matériel ou moral en a empêché l’introduction dans ce délai ou s’il existait de bonnes raisons à ce retard. »
Intérêt général
17. À notre avis, l’intérêt public est que l’enfant illégitime honnête serait heureux de retrouver ses parents et que les parents seraient protégés contre les demandes abusives de paternité. Cela devrait être clairement indiqué dans la jurisprudence de la Cour.
18. Dans ses observations à la Cour, la requérante a expliqué la sensibilité de sa situation : « Lorsqu’elle a enfin pu nouer des relations personnelles avec son père, elle ne s’est pas focalisée sur les aspects administratifs et n’a pas eu de motif particulier de s’en enquérir, d’autant plus que ses éventuelles démarches dans ce sens auraient pu porter préjudice à la relation paternelle fragilement établie » (paragraphe 23 du présent arrêt). À notre avis, il n’existait pas en l’espèce d’autres circonstances pouvant reconnaître une présomption légale qui prévalait sur la réalité biologique et sociale. La Cour n’a pas utilisé cette approche dans son appréciation comme l’exige le paragraphe 55 de l’arrêt Phinikaridou, précité. Dans cet arrêt, la Cour a établi les priorités en faveur de l’enfant illégitime :
« 64. Il ressort clairement de l’arrêt de la Cour suprême que celle-ci a accordé un plus grand poids à l’intérêt général ainsi qu’aux droits et intérêts concurrents du père présumé et de sa famille qu’au droit de la requérante à découvrir ses origines (paragraphe 14 ci-dessus). La Cour estime toutefois qu’une restriction aussi radicale du droit de la requérante à engager une procédure en recherche de paternité n’était pas proportionnée au but légitime poursuivi. En particulier, il n’a pas été démontré en quoi l’intérêt général qu’il y avait à protéger la sécurité juridique des liens familiaux ou l’intérêt du père présumé et de sa famille l’emportaient sur le droit de la requérante à avoir au moins une chance de faire établir en justice sa filiation paternelle. La Cour rappelle à cet égard que la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 24, série A no 32). »
19. Selon nous, le délai de prescription ne saurait s’appliquer en l’espèce à la situation de la requérante où il n’est pas contesté qu’elle a établi une vie familiale et confirmé des liens naturels avec son père. La reconnaissance juridique de la paternité devient un simple établissement de fait. Ce type de procédure judiciaire n’est généralement couvert par aucun délai de prescription dans de nombreuses juridictions. Dès lors, l’impossibilité d’introduire une action en reconnaissance judiciaire de paternité ne poursuivait pas un but légitime. Rien en l’espèce n’indique que le délai imposé pour les actions concernant la reconnaissance de la paternité visait à protéger les intérêts des pères putatifs contre les vieilles prétentions et à prévenir une éventuelle injustice si les tribunaux étaient tenus de rendre des constatations de fait remontant à de nombreuses années (comparer avec Mizzi c. Malte, no 26111/02, § 83, CEDH 2006-I (extraits), Shofman c. Russie, no 74826/01, § 39, 24 novembre 2005, et, mutatis mutandis, Stubbings e.a. c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, § 51, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV). Par conséquent, nous voudrions que la Cour adopte une approche différente en l’espèce, similaire à celle qu’elle a faite dans l’affaire Laakso c. Finlande (no 7361/05, 15 janvier 2013) avec une conclusion en faveur de la requérante :
« 55. Ainsi, même eu égard à la marge d’appréciation laissée à l’État, la Cour considère que, à l’époque des faits de l’espèce, l’application d’un délai rigide pour l’exercice de l’action en recherche de paternité et, en particulier, l’absence de toute possibilité de mise en balance des intérêts concurrents par les juridictions nationales, portent atteinte à l’essence même du droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention. Compte tenu de ce qui précède, la Cour constate qu’un juste équilibre n’a pas été ménagé en l’espèce entre les différents intérêts en jeu et, partant, qu’il y a eu violation au droit du requérant au respect de sa vie privée. »
Dernière mise à jour le octobre 19, 2021 par loisdumonde
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