Iancu c. Roumanie (Cour européenne des droits de l’homme)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 248
Février 2021

Iancu c. Roumanie62915/17

Arrêt 23.2.2021 [Section IV]

Article 6
Procédure pénale
Article 6-1
Procès équitable

Signature du jugement par la présidente de la juridiction au nom de la présidente de la formation collégiale ayant rendu le délibéré, partie à la retraite : non-violation

En fait – La juge L.D.S., présidente de la formation collégiale de la Haute Cour de cassation et de justice (ci-après « la Haute Cour ») qui a rejeté l’appel de la requérante concernant sa condamnation pour complicité d’escroquerie, fut mise à la retraite juste après le délibéré. De ce fait, l’arrêt de la Haute Cour fut signé en son nom par la juge C.T., Présidente de la Haute Cour, ainsi que par chacun des quatre juges de la formation ayant participé à la procédure. La requérante critique la signature par la juge C.T. externe à la procédure.

En droit – Article 6 § 1 :

La Cour n’a décelé aucune atteinte au principe d’immédiateté lors des étapes du processus décisionnel qui a abouti à l’adoption de l’arrêt de la Haute Cour pour les raisons suivantes.

Le prononcé de l’arrêt a été fait par la même formation de jugement désignée pour statuer sur l’appel de la requérante, ayant examiné ses déclarations et participé à l’analyse directe des preuves.

La rédaction de l’arrêt a été réalisée par un magistrat assistant ayant participé aux audiences et aux délibérations et ayant exposé, au nom de la formation de jugement, les motifs sur lesquels reposait le verdict de condamnation conformément au droit national. Ainsi ni l’intervention de la juge L.D.S. ou son éventuel remplacement par un autre juge ne s’avéraient nécessaires au cours de cette étape. Et la juge C.T. n’est pas intervenue à ce stade.

La Haute Cour a jugé que les preuves versées au dossier justifiaient la condamnation de la requérante et a confirmé l’arrêt rendu par les juges du premier degré après avoir analysé le contenu de cet arrêt et procédé à sa propre appréciation des faits et des éléments de preuve. La motivation de l’arrêt a donc été entourée de garanties.

La juge L.D.S n’était plus en fonctions au moment du dépôt de la motivation l’arrêt et se trouvait donc dans l’impossibilité objective de le signer. La signature a ainsi été réalisée en son lieu et place par la juge C.T. conformément à la législation nationale et à la jurisprudence de la Haute Cour. Aussi, les justiciables disposent d’une voie de recours pour faire contrôler l’existence de cette impossibilité.

La règle de la signature des décisions par tous les membres des formations collégiales est appliquée en dehors de l’impossibilité de signer par la Haute-Cour. Mais ceci n’est pas un standard commun à tous les États membres du Conseil de l’Europe. Si dans certains États les décisions de justice sont signées par le président de la formation de jugement, seul ou avec le greffier, dans d’autres États le juge qui signe la décision de justice à la place du juge absent ne doit pas nécessairement être l’un des juges ayant pris part à la procédure.

En outre, la législation nationale a limité l’admissibilité de la signature par le président de la Haute Cour aux seuls cas où le juge titulaire se trouve dans l’impossibilité de signer la décision, c’est-à-dire à un stade ultérieur aux délibérations et à la rédaction de l’arrêt. La juge C.T. n’a participé ni aux audiences, ni aux délibérations et sa non-participation à la rédaction de l’arrêt est confirmée par sa mention manuscrite apposée en regard de sa signature précisant qu’elle signait pour la juge L.D.S. et non en son nom propre. Ainsi, l’intervention de la juge C.T. n’a eu aucune conséquence concrète sur l’issue de l’affaire. Et il n’y a pas eu de changement dans la composition de la formation d’appel de la Haute Cour.

Enfin, la requérante, assistée de l’avocat de son choix, avait déjà eu la possibilité de faire interroger les témoins dont elle souhaitait une nouvelle audition et les juges du premier degré avaient analysé la preuve en question. Dans ces circonstances, et compte tenu du fait qu’il n’y a pas eu renversement d’un verdict d’acquittement sur la base d’une réévaluation de la crédibilité des témoins (à comparer avec l’affaire Dan c. République de Moldova), les principes du procès équitable ne sauraient exiger une deuxième audition, en appel, de ces mêmes témoins.

Conclusion : non-violation (unanimité).

(Voir aussi Dan c. République de Moldova, 8999/07, 5 juillet 2011 ; Cerovšek et Božičnik c. Slovénie, 68939/12 et 68949/12, 7 mars 2017, Résumé juridique ; Svanidze c. Géorgie, 37809/08, 25 juillet 2019, Résumé juridique)

Dernière mise à jour le février 23, 2021 par loisdumonde

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