AFFAIRE M.M. c. SUISSE (Cour européenne des droits de l’homme) Requête no 59006/18

INTRODUCTION. L’affaire concerne l’expulsion du requérant du territoire suisse pour une durée de cinq ans à la suite de sa condamnation à une peine privative de liberté de douze mois assortie d’un sursis pour avoir commis des actes à caractère sexuel sur une enfant et consommé des stupéfiants.

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE M.M. c. SUISSE
(Requête no 59006/18)
ARRÊT

Art 8 • Vie privée • Raisons solides justifiant l’expulsion pour cinq ans, d’un adulte étranger né en Suisse, suite à sa condamnation pénale, en application d’une loi prévoyant l’expulsion obligatoire • Loi n’introduisant pas un automatisme d’expulsion des étrangers criminels condamnés sans contrôle judiciaire de la proportionnalité de la mesure • Application a priori conforme à la Convention au regard de l’interprétation de la loi par le Tribunal fédéral • Condamnation relativement légère du requérant à une peine de douze mois avec un sursis de trois ans • Graves infractions sexuelles sur mineure non isolées et mépris certain pour l’ordre juridique suisse • Risque de récidive • Pas de perspectives de réinsertion sociale et de volonté d’intégration en Suisse • Existence de liens avec l’Espagne pays de destination • Examen sérieux des juridictions internes de la situation personnelle du requérant et des différents intérêts en jeu

STRASBOURG
8 décembre 2020

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire M.M. c. Suisse,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Paul Lemmens, président,
Georgios A. Serghides,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Darian Pavli,
Anja Seibert-Fohr,
Peeter Roosma, juges,
et de Milan Blaško, greffier de section,

Vu :

la requête susmentionnée (no 59006/18) dirigée contre la Confédération suisse et dont un ressortissant espagnol, M.M. (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 décembre 2018 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement suisse (« le Gouvernement »),

la renonciation du gouvernement du Royaume d’Espagne à exercer son droit d’intervention (article 36 § 1 de la Convention et article 44 § 1 b) du règlement de la Cour),

la décision du président de la section d’accorder d’office l’anonymat au requérant (article 47 § 4 du règlement de la Cour),

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 novembre 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. L’affaire concerne l’expulsion du requérant du territoire suisse pour une durée de cinq ans à la suite de sa condamnation à une peine privative de liberté de douze mois assortie d’un sursis pour avoir commis des actes à caractère sexuel sur une enfant et consommé des stupéfiants.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 1980 en Suisse. Jusqu’à son éloignement du territoire suisse, il était titulaire d’une autorisation d’établissement. Il réside actuellement en Espagne. Il est représenté par Me A. Joseph, avocate.

3. Le Gouvernement est représenté par son agent, M. A. Chablais, de l’Office fédéral de la justice.

4. Le 10 janvier 2018, le tribunal de police de X reconnut le requérant coupable d’avoir commis à deux reprises des actes à caractère sexuel sur une mineure et d’avoir consommé des stupéfiants. Il retint une « culpabilité importante » à l’encontre du requérant et renonça à diminuer sa responsabilité à raison de sa consommation d’alcool et de stupéfiants le jour des faits. Il précisa en outre qu’on avait trouvé sur son téléphone portable des photographies de jeunes filles et des traces de recherches à caractère pédophile. Il lui infligea une amende et une peine privative de liberté de douze mois assortie d’un sursis de trois ans, lequel était subordonné à la poursuite du suivi entrepris au centre de prévention et à l’obligation d’avoir une activité occupationnelle. En revanche, le tribunal de police n’ordonna pas l’expulsion du requérant et son interdiction du territoire suisse. Il ressort par ailleurs du jugement que l’intéressé avait en Espagne des oncles et tantes éloignés qu’il ne connaissait pas.

5. Dans sa déclaration d’appel déposée le 31 janvier 2018, le ministère public conclut à l’expulsion du requérant pour une durée de cinq ans. Il ne contesta pas les autres points du jugement de première instance.

6. Dans son rapport de situation établi le 27 avril 2018, l’Office d’exécution des peines retint que

« Concernant les délits, l’intéressé n’a pas débuté de réelle réflexion. Selon notre appréciation, il semble comprendre sa condamnation au regard des comportements délictueux commis. Il n’a toutefois pas identifié les mécanismes qui l’ont conduit à ses agissements et n’a mis en place aucune stratégie pour gérer les situations à risque, hormis peut-être son abstinence aux drogues dures et la diminution de ses consommations de cannabis et d’alcool. Actuellement, il n’est pas capable d’élaborer [une réflexion] au sujet des délits commis, puisqu’il les explique uniquement par ses consommations de stupéfiants et d’alcool. »

7. Par un arrêt du 12 juin 2018, la cour pénale du tribunal cantonal du canton d’Y accueillit l’appel formé par le ministère public et réforma le jugement de première instance en ce sens qu’elle ordonna l’expulsion du requérant du territoire suisse pour une durée de cinq ans. Elle confirma le jugement du tribunal de police pour le surplus.

8. Saisi d’un recours exercé par le requérant contre la décision ordonnant son expulsion, le Tribunal fédéral le rejeta, par un arrêt 6B_724/2018 du 30 octobre 2018.

9. Il résuma les faits de la procédure cantonale comme suit :

[Afin de protéger les droits de la personnalité de la victime, les passages de l’arrêt du tribunal fédéral décrivant les actes à caractère sexuel que le requérant avait commis sur l’enfant en janvier et février 2017 et le 13 février 2017 n’ont pas été reproduits.]

« De nationalité espagnole, [le requérant] est titulaire d’une autorisation d’établissement. Il a effectué toute sa scolarité dans sa ville natale [en Suisse]. Il y vit seul, dans un appartement de deux pièces payé par l’aide sociale, dont il dépend depuis l’âge de 15 ans. Alors qu’il suivait une formation d’automaticien, le prénommé a eu un accident de voiture et n’a pas pu achever son apprentissage. Lorsqu’il était enfant, il a passé des vacances en Espagne. Il n’a pas de famille connue dans ce pays, en parle imparfaitement la langue et déchiffre celle-ci. Le père [du requérant] est décédé et sa mère vit en Suisse. Celui-ci n’a cependant pas de relations avec cette dernière, non plus qu’avec d’autres membres de sa famille. [Le requérant] a souffert d’un cancer de la lymphe et se trouve en période de rémission. Entre juin 2017 et mars 2018, il a travaillé dans le cadre d’un contrat d’insertion socioprofessionnelle (…).

Le casier judiciaire suisse [du requérant] fait état d’une condamnation, en 2007, pour injure, menaces, délit contre la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (…), d’une condamnation, la même année, pour dommages à la propriété, ainsi que d’une condamnation, en 2015, pour délit contre la loi fédérale sur les armes. »

10. La Cour suprême suisse rappela qu’aux termes de l’article 66a, alinéa 1, lettre h, du code pénal (« le CP » ; paragraphe 21 ci-dessous), le juge devait expulser de Suisse l’étranger qui était condamné notamment pour actes à caractère sexuel commis sur des enfants, quelle que fût la quotité de la peine prononcée contre lui, pour une durée de cinq à quinze ans. Elle précisa qu’en vertu de l’article 66a, alinéa 2, du code pénal, le juge pouvait exceptionnellement renoncer à ordonner une expulsion lorsque celle-ci était de nature à mettre l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportaient pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. Elle ajouta que le juge devait tenir compte de la situation particulière de l’étranger qui était né ou avait grandi en Suisse.

11. Le Tribunal fédéral rappela également que ces dispositions pénales étaient la concrétisation de l’article 121 de la Constitution fédérale, adopté le 28 novembre 2010 à la suite de l’acceptation d’une initiative populaire fédérale par le Peuple suisse et les cantons (paragraphe 19 ci-dessous).

12. Il exposa comme suit la portée et l’application de la « clause de rigueur » prévue à l’article 66a, alinéa 2, du code pénal :

« 2.3.1. L’art. 66a al. 2 CP est formulé comme une norme potestative (« Kannvorschrift »), en ce sens que le juge n’a pas l’obligation de renoncer à l’expulsion, mais peut le faire si les conditions fixées par cette disposition sont remplies. Ces conditions sont cumulatives. Afin de pouvoir renoncer à une expulsion prévue par l’art. 66a al. 1 CP, il faut donc, d’une part, que cette mesure mette l’étranger dans une situation personnelle grave et, d’autre part, que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse (arrêts 6B_296/2018 du 13 juillet 2018 consid. 3.2 ; 6B_1299/2017 du 10 avril 2018 consid. 2.1 ; 6B_506/2017 précité consid. 1.1 et les références citées). Le fait que la clause de rigueur soit une norme potestative ne signifie pas que le juge pénal pourrait librement décider d’appliquer ou non l’exception de l’art. 66a al. 2 CP. Le juge doit faire usage du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par une norme potestative dans le respect des principes constitutionnels. S’il devait refuser de renoncer à l’expulsion alors que les conditions de la clause de rigueur sont remplies, le principe de proportionnalité ancré à l’art. 5 al. 2 Cst. serait violé. Le juge doit ainsi renoncer à l’expulsion lorsque les conditions de l’art. 66a al. 2 CP sont réunies, conformément au principe de proportionnalité.

2.3.2. La loi ne définit pas ce qu’il faut entendre par une « situation personnelle grave » (première condition cumulative) ni n’indique les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition cumulative).

En recourant à la notion de cas de rigueur dans le cadre de l’art. 66a al. 2 CP, le législateur a fait usage d’un concept ancré depuis longtemps dans le droit des étrangers (cf. art. 30 al. 1 let. b ou 50 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers [LEtr ; RS 142.20], ainsi que l’art. 14 de la loi sur l’asile [LAsi ; RS 142.31]). Compte tenu également du lien étroit entre l’expulsion pénale et les mesures du droit des étrangers, il est justifié de s’inspirer, de manière générale, des critères prévus par l’art. 31 al. 1 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA ; RS 142.201) et de la jurisprudence y relative, dans le cadre de l’application de l’art. 66a al. 2 CP. L’art. 31 al. 1 OASA prévoit qu’une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d’extrême gravité. Elle commande de tenir compte notamment de l’intégration du requérant, du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant, de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, de la durée de la présence en Suisse, de l’état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance. Comme la liste de l’art. 31 al. 1 OASA n’est pas exhaustive et que l’expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l’examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (cf. arrêt 6B_371/2018 précité consid. 2.4 et 2.5 et les références citées). En règle générale, il convient d’admettre l’existence d’un cas de rigueur au sens de l’art. 66a al. 2 CP lorsque l’expulsion constituerait, pour l’intéressé, une ingérence d’une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l’art. 8 CEDH (arrêt 6B_371/2018 précité consid. 2.5).

2.3.3. Dans l’appréciation du cas de rigueur, l’art. 66a al. 2 deuxième phrase CP impose expressément de tenir compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

La jurisprudence rendue en droit des étrangers retient que la révocation de l’autorisation d’établissement d’un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse doit se faire avec une retenue particulière, mais n’est pas exclue en cas d’infractions graves ou répétées, même en présence d’un étranger né en Suisse et qui y a passé l’entier de sa vie. On tiendra alors particulièrement compte de l’intensité des liens de l’étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d’origine (ATF [Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse ] 139 I 145] consid. 2.4 p. 149 ; 139 I 16 consid. 2.2.1 p. 19 ss ; 139 I 31 consid. 2.3.1 p. 33 ss). Pour l’étranger issu de la deuxième génération ayant commis plusieurs infractions, mais pour qui les condamnations n’ont pas (encore) constitué un cas de révocation de l’autorisation (cf. art. 62 et 63 LEtr), il est généralement admis qu’un avertissement doit tout d’abord être adressé à celui-ci, afin d’éviter les mesures mettant fin à son séjour en Suisse. Un avertissement peut également être donné lorsque les conditions de révocation sont certes réunies, mais que le retrait de l’autorisation apparaît comme étant une mesure disproportionnée (art. 96 al. 2 LEtr ; ATF 139 I 145 consid. 3.9 p. 154).

Les critères développés en lien avec la révocation de l’autorisation d’établissement d’un étranger issu de la deuxième génération qui a commis des infractions sont pertinents pour interpréter l’art. 66a al. 2 deuxième phrase CP en tant qu’ils concrétisent les exigences du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). Il convient toutefois de garder à l’esprit que l’adoption de l’art. 121 al. 3-6 Cst. puis des art. 66a et ss CP visait à renforcer le régime existant dans ce domaine (arrêt 6B_371/2018 précité consid. 2.5). En toute hypothèse, l’étranger qui est né ou a grandi en Suisse dispose d’un intérêt privé important à rester en Suisse, dont il y a lieu de tenir compte dans le cadre de la pesée des intérêts. »

13. Procédant à une pesée des intérêts en jeu, le Tribunal fédéral estima que la clause de rigueur ne pouvait être appliquée en l’espèce. Il motiva sa décision comme suit :

« 2.5. Au regard des critères énumérés à l’art. 31 al. 1 OASA (cf. consid. 2.3.2 supra), on peut relever que le recourant est né et a toujours résidé en Suisse – étant au bénéfice d’une autorisation d’établissement –, qu’il n’entretient aucun lien social ou familial avec son pays d’origine. Il ne dispose d’aucune formation professionnelle et émarge à l’aide sociale depuis l’âge de 15 ans. On ne distingue, chez l’intéressé, aucune volonté de prendre part à la vie économique suisse. Le recourant n’est par ailleurs pas particulièrement intégré en Suisse, où il ne dispose – selon le jugement attaqué – d’aucune relation familiale ni sociale particulière. Enfin, le respect de l’ordre juridique suisse ne préoccupe guère le recourant, lequel avait déjà fait l’objet de trois condamnations avant la présente cause. Pour le reste, les perspectives de réinsertion sociale du recourant s’avèrent plutôt sombres, dès lors que celui-ci – désormais âgé de 38 ans – n’a jamais exercé d’activité professionnelle et ne jouit d’aucune formation. On voit mal, à cet égard, que l’activité de serveur exercée dans le cadre de l’assistance de probation, non plus que la formation suivie en « permaculture » durant six mois, puisse déboucher sur une véritable insertion professionnelle de l’intéressé.

Les possibilités de réintégration – respectivement d’intégration – dans le pays d’origine apparaissent minces, puisque le recourant n’en maîtrise pas parfaitement la langue, n’y a jamais vécu et n’y dispose d’aucun contact pouvant favoriser son installation. Partant, un renvoi vers l’Espagne placerait celui-ci dans une situation personnelle grave et porterait en outre atteinte au respect de sa « vie privée » au sens de l’art. 8 par. 1 CEDH, de sorte que la première condition cumulative de l’art. 66a al. 2 CP est remplie. Il reste à déterminer si son intérêt privé à demeurer en Suisse pourrait l’emporter sur les intérêts publics présidant à son expulsion. Cet examen implique en particulier de déterminer si la mesure litigieuse respecte le principe de la proportionnalité découlant des art. 5 al. 2 Cst. et 8 par. 2 CEDH (cf. arrêt 6B_371/2018 précité consid. 3.2).

2.6. Il convient tout d’abord de relever que le recourant, qui a émargé sa vie durant à l’aide sociale, ne présente pas une intégration réussie en Suisse (cf. arrêts 2C_972/2017 du 15 juin 2018 consid. 3.2 ; 2C_620/2017 du 14 novembre 2017 consid. 2.3). En outre, bien qu’il soit né et ait vécu dans ce pays, on peine à discerner un élément qui permettrait à l’intéressé de se prévaloir de son droit au respect de sa « vie privée » au sens de l’art. 8 CEDH (cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3 p. 24 ; arrêts 6B_706/2018 du 7 août 2018 consid. 2.2 ; 6B_296/2018 précité consid. 3.1), celui-ci ne pouvant mettre en avant aucun lien social ou professionnel particulier en Suisse. Ainsi, concernant l’intérêt personnel du recourant à demeurer dans ce pays, les éléments à prendre en compte se recoupent largement avec ceux ayant conduit à retenir l’existence d’une situation personnelle grave en cas d’expulsion (cf. consid. 2.5 supra). L’intéressé peut uniquement se prévaloir de sa naissance en Suisse et de son existence passée dans ce pays. Il n’invoque d’ailleurs guère d’autres éléments, hormis l’existence d’un prétendu « cercle social » dont on ignore tout. Pour le reste, on ne saurait considérer que l’activité occupationnelle ou le suivi entrepris auprès du A.________ – auxquels le sursis à l’exécution de la peine privative de liberté a été subordonné – dénoteraient une quelconque volonté d’intégration en Suisse.

À propos des intérêts présidant à l’expulsion du recourant, on peut relever que ses antécédents, s’ils révèlent un mépris certain de l’ordre juridique suisse, ne comprennent pas de condamnation pour des infractions graves. (…) Il s’agit donc en l’occurrence de sa première condamnation entraînant une peine privative de liberté, laquelle, en vertu de la jurisprudence relative à la révocation d’une autorisation d’établissement d’un étranger issu de la deuxième génération, aurait en principe dû conduire à un avertissement (cf. consid. 2.3.3 supra). Le tribunal de première instance a estimé que la culpabilité du recourant était importante. Il a cependant, en tenant compte notamment des regrets exprimés par l’intéressé, de son « parcours de vie chaotique » et du respect des mesures de substitution instaurées, prononcé une peine privative de liberté de 12 mois. Le tribunal de première instance a par ailleurs assorti cette peine d’un sursis à l’exécution, en imposant au recourant un traitement des addictions ainsi qu’une activité occupationnelle. On peine pourtant à percevoir le lien entre les actes d’ordre sexuel commis sur une fillette de 11 ans et la situation socio‑professionnelle – soit l’absence d’activité et la consommation d’alcool et de stupéfiants – du recourant. Il ressort d’ailleurs du jugement de première instance que de nombreuses photographies de jeunes filles, âgées de 10 à 12 ans, ont été trouvées dans le téléphone de celui-ci, l’utilisateur de l’appareil ayant en outre effectué des recherches telles que « ma nièce – oui tonton – Uncle cums in His Niece » (jugement du 10 janvier 2018, p. 5). La cour cantonale a quant à elle estimé, notamment sur la base des éléments précités, que le risque de récidive existait. Saisie d’un appel du ministère public ne portant pas sur la peine ni le sursis à l’exécution, elle ne pouvait cependant revoir ces éléments.

Il convient encore de relever que si la peine privative de liberté à laquelle a été condamné le recourant ne dépasse pas une année – ce qui ne permettrait pas une révocation de son autorisation d’établissement sur la base des art. 62 al. 1 let. b et 63 al. 1 let. a LEtr (cf. l’arrêt publié aux ATF 139 I 145 consid. 2.1 p. 147, selon lequel constitue une « peine privative de liberté de longue durée » au sens de l’art. 62 al. 1 let. b LEtr toute peine dépassant un an d’emprisonnement) –, celui-ci a porté atteinte à un bien juridique particulièrement important, soit l’intégrité sexuelle d’autrui. Dans cette mesure, le recourant attentant de manière très grave à la sécurité et l’ordre public en Suisse (cf. ATF 137 II 297 consid. 3.3 p. 303 s. ; arrêt 2C_89/2018 du 16 août 2018 consid. 4.2.1), son autorisation d’établissement pourrait être révoquée sur la base de l’art. 63 al. 1 let. b LEtr. »

14. Le Tribunal fédéral conclut que compte tenu de la mauvaise intégration du requérant en Suisse, du fait qu’il n’avait pas de liens familiaux, sociaux ou professionnels, de sa persistance à enfreindre l’ordre juridique suisse, de la gravité des faits pour lesquels il avait été condamné et du risque de le voir récidiver, l’intérêt public à son expulsion l’emportait sur son intérêt privé à demeurer en Suisse. Tout en admettant que l’intégration du requérant en Espagne ne serait pas aisée, étant donné qu’il n’avait pas de famille proche sur place et ne maîtrisait qu’imparfaitement la langue, il considéra qu’eu égard à son manque d’intégration en Suisse et de perspectives professionnelles dans ce pays, le requérant ne se trouverait pas dans une situation sensiblement plus défavorable en Espagne et qu’il ne disposerait pas de meilleures chances de réinsertion sociale en Suisse. Il conclut que dans ces conditions l’expulsion du territoire suisse était conforme au principe de proportionnalité.

15. Par une lettre du 14 novembre 2018, le service des migrations du canton de Y impartit au requérant un délai qui expirait le 31 décembre 2018 pour quitter la Suisse.

16. À la mi-juillet 2019, après l’expiration des mesures d’encadrement (aide sociale, programme d’insertion professionnelle, assistance de probation et suivi thérapeutique) qui avaient été décidées à son égard, le requérant quitta la Suisse pour l’Espagne.

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS

I. Le droit interne pertinent

A. Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Recueil systématique de la législation fédérale suisse – RS – 101)

17. Aux termes du deuxième alinéa de l’article 5 de la Constitution fédérale, « [l]’activité de l’État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé. »

18. En vertu de l’article 13, « [t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (…) ».

19. L’article 121 concerne la législation dans le domaine des étrangers et de l’asile. À la suite de l’acceptation, le 28 novembre 2010, de l’initiative populaire fédérale « Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi) » par le Peuple suisse et les cantons, les alinéas 3 à 6 furent ajoutés. La disposition est désormais libellée comme suit :

« 1 La législation sur l’entrée en Suisse, la sortie, le séjour et l’établissement des étrangers et sur l’octroi de l’asile relève de la compétence de la Confédération.

2 Les étrangers qui menacent la sécurité du pays peuvent être expulsés de Suisse.

3 Ils sont privés de leur titre de séjour, indépendamment de leur statut, et de tous leurs droits à séjourner en Suisse :

a. s’ils ont été condamnés par un jugement entré en force pour meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d’une autre nature tel que le brigandage, la traite d’êtres humains, le trafic de drogue ou l’effraction, ou

b. s’ils ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale.

4 Le législateur précise les faits constitutifs des infractions visées à l’al. 3. Il peut les compléter par d’autres faits constitutifs.

5 Les étrangers qui, en vertu des al. 3 et 4, sont privés de leur titre de séjour et de tous leurs droits à séjourner en Suisse doivent être expulsés du pays par les autorités compétentes et frappés d’une interdiction d’entrer sur le territoire allant de 5 à 15 ans. En cas de récidive, l’interdiction d’entrer sur le territoire sera fixée à 20 ans.

6 Les étrangers qui contreviennent à l’interdiction d’entrer sur le territoire ou qui y entrent illégalement de quelque manière que ce soit sont punissables. Le législateur édicte les dispositions correspondantes. »

B. Code pénal du 21 décembre 1937 (« le CP » ; RS 311.0)

20. L’ancien article 55 du code pénal, qui prévoyait la possibilité pour le juge pénal d’expulser l’étranger condamné à la réclusion ou à l’emprisonnement, a été abrogé le 1er janvier 2007. À partir de cette date et jusqu’au 1er octobre 2016, les autorités administratives de police des étrangers avaient exclusivement compétence pour révoquer une autorisation et prononcer le renvoi d’un étranger condamné pénalement, en application de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration (RS 142.20). Les articles 66a à 66d du code pénal, entrés en vigueur le 1er octobre 2016, octroient de nouveau au juge pénal la compétence de prononcer l’expulsion du territoire suisse d’un étranger ayant commis un crime ou un délit.

21. L’article 66a du code pénal prévoit l’expulsion obligatoire de l’étranger condamné pour l’une des infractions ou cumul d’infractions listées à son premier alinéa (lettres a – o). Sa partie pertinente pour le cas d’espèce se lit comme suit :

« 1 Le juge expulse de Suisse l’étranger qui est condamné pour l’une des infractions suivantes, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans :

(…)

h. actes d’ordre sexuel avec des enfants (…), contrainte sexuelle (…), viol (…), actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (…), encouragement à la prostitution (…), pornographie (…) ;

(…)

2 Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

3 Le juge peut également renoncer à l’expulsion si l’acte a été commis en état de défense excusable (…) ou de nécessité excusable (…). »

22. Dans son « Message concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire (mise en œuvre de l’article 121, alinéas 3 à 6, de la Constitution relatif au renvoi des étrangers criminels) » du 26 juin 2013 (FF 2013 5373 5399), le Conseil fédéral fit le rappel suivant :

« Dans de nombreuses situations, le droit en vigueur prévoit qu’une peine de six mois établit la limite entre une criminalité plutôt légère et une criminalité plutôt grave. (…) L’expulsion doit être la règle pour les peines de plus de six mois (…). Le législateur part du principe qu’à partir de plus de six mois, l’expulsion est considérée comme proportionnée. Une exception n’est possible que dans les cas où l’exécution de l’expulsion ne peut être raisonnablement exigée parce qu’elle porterait gravement atteinte aux droits personnels de la personne concernée, qui sont protégés par des garanties des droits de l’homme inscrites dans le droit international. Il ressort de la statistique des condamnations pénales de l’Office fédéral de la statistique (OFS) que des peines inférieures à six mois ne sont quasiment jamais prononcées pour des infractions qualifiées de graves au regard de la peine dont elles sont passibles (par ex. le meurtre ou le viol). »

23. L’entrée en force de chose jugée de l’expulsion pénale obligatoire entraîne la perte de l’autorisation de séjour octroyée jusqu’alors (article 61 alinéa 1 e) de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration).

II. La pratique interne pertinente

24. Dans le cadre de l’application de la clause de rigueur prévue à l’article 66a, alinéa 2, du code pénal, les tribunaux suisses s’inspirent des critères qui président à l’octroi d’une autorisation de séjour dans les cas individuels d’extrême gravité. Ces critères sont définis au premier alinéa de l’article 31 de l’ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (RS 142.201), libellé comme suit :

« 1 Une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d’extrême gravité. Lors de l’appréciation, il convient de tenir compte notamment :

a. de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis [dans la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration] ;

b. (…)

c. de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ;

d. de la situation financière ;

e. de la durée de la présence en Suisse ;

f. de l’état de santé ;

g. des possibilités de réintégration dans l’État de provenance.

2-6 (…) »

25. Ni le message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal (mise en œuvre de l’article 121, alinéas 3 à 6, de la Constitution relatif au renvoi des étrangers criminels ; FF 2013 5423) ni les travaux parlementaires ne proposent de définition de la clause de rigueur prévue à l’article 66a, alinéa 2, du code pénal. Il en ressort essentiellement que le législateur suisse a voulu réglementer de manière restrictive les éventuelles exceptions à l’expulsion et réduire autant que possible le pouvoir d’appréciation du juge pénal dans ce cas particulier.

26. Dans l’intention de parvenir à des pratiques harmonisées, la Conférence des procureurs de Suisse a adopté, le 24 novembre 2016, des recommandations relatives à l’expulsion des personnes étrangères condamnées. Celles-ci prévoient notamment ce qui suit :

2. Expulsion obligatoire – clause de rigueur

« 2.1 L’examen du Ministère public porte sur les critères suivants : l’intégration de l’étranger, sa situation familiale, sa situation financière, sa volonté de travailler ou de suivre une formation, la durée de sa présence en Suisse, son état de santé et les chances de réinsertion dans son pays d’origine.

2.2 En règle générale, l’intérêt privé du prévenu étranger à demeurer en Suisse est présumé supérieur à l’intérêt public à le voir expulsé lorsque :

a. il est titulaire d’un permis d’établissement B, C ou Ci valable

et

b. alors qu’il a commis l’une des infractions du catalogue de l’art. 66a al. 1 CP, le Ministère public n’envisage pas le prononcé d’une peine supérieure à 6 mois de privation de liberté ou à̀ 180 jours-amende à son endroit

et

c. il n’a aucun antécédent en lien avec l’une des infractions du catalogue de l’art. 66a al. 1 CP ni aucune condamnation à une peine de plus de 6 mois en lien avec une autre infraction durant les 5 années qui précèdent la commission de la nouvelle infraction.

2.3 Lorsque ces critères sont réalisés, il n’y a en principe pas lieu de mettre en œuvre une défense obligatoire, le prévenu n’encourant pas concrètement une expulsion puisque son activité délictueuse peut être sanctionnée par une ordonnance pénale.

2.4 En cas de mise en accusation pour une ou plusieurs infractions du catalogue de l’art. 66a al. 1 CP, l’expulsion est en principe requise, sauf :

a. si une peine avec sursis complet n’excédant pas 12 mois est requise contre une personne étrangère ayant des liens étroits avec la Suisse

ou

b. dans les cas de personnes nées en Suisse, y ayant vécu une grande partie de leur existence (…) et au bénéfice d’une autorisation de séjour valable au moment du jugement. Dans ces cas, une pesée des intérêts a lieu de manière particulièrement détaillée.

En règle générale, le sursis complet ou partiel assortissant une peine privative de liberté supérieure à 12 mois n’est pas un critère à prendre en considération. Toutefois lorsque le sursis est accordé pour des motifs étroitement liés aux critères énumérés au chiffre 2.1, il est aussi pris en compte pour l’examen de la question de l’expulsion. »

27. Jusqu’à présent, le Tribunal fédéral a appliqué la clause de rigueur prévue à l’article 66a, alinéa 2, du code pénal dans quelques affaires qui concernaient toutes des ressortissants étrangers nés ou ayant grandi en Suisse. Ces ressortissants étaient soit parents de jeunes enfants (arrêt du 23 novembre 2018 publié dans le Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse (ATF) sous la référence 144 IV 332), soit auteurs de l’une des infractions considérées à l’article 66a alinéa 1 dans un contexte particulier, alors qu’ils étaient encore jeunes (arrêt 6B_627/2018 du 22 mars 2019), soit atteints d’un handicap mental grave (arrêt 6B_908/2019 du 5 novembre 2019).

28. Selon le communiqué de presse diffusé par l’Office fédéral de la statistique le 24 juin 2019, 1702 condamnations d’adultes ont été assorties d’une expulsion du territoire en 2018. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’expulsions obligatoires visant des personnes condamnées pour l’une des infractions énumérées à l’article 66a, alinéa 1, du code pénal. Pour l’ensemble des infractions considérées, le taux d’expulsions obligatoires ordonnées a été de 71 %. Le casier judiciaire n’indique pas les raisons pour lesquelles il arrive aux tribunaux suisses de s’abstenir de prononcer une mesure d’expulsion. Le taux d’application des expulsions obligatoires varie selon les sanctions prononcées : il est de 2 % pour les condamnations à des peines pécuniaires, de 85 % pour les peines privatives de liberté et de 94 % pour les peines d’emprisonnement de plus de deux ans. Plus la durée de la peine augmente, plus la part des condamnations assorties de mesures d’expulsion est élevée. Le taux est de 25 % pour les condamnés titulaires d’autorisation de séjour ou d’établissement, ce qui est nettement moins élevé que pour le reste des étrangers (91 %).

Les Documents du Conseil de l’Europe

29. Le Conseil de l’Europe a adopté de nombreux textes dans le domaine de l’immigration. Il convient notamment de se référer aux Recommandations du Comité des Ministres Rec(2000)15 sur la sécurité de résidence des immigrés de longue durée, Rec(2002)4 sur le statut juridique des personnes admises au regroupement familial ainsi qu’à la Recommandation de l’Assemblée parlementaire 1504(2001) sur la non‑expulsion des immigrés de longue durée (voir, pour les paragraphes pertinents de ces textes, Üner c. Pays-Bas [GC], no 46410/99, §§ 35-38, CEDH 2006-XII).

30. En outre, la Recommandation de l’Assemblée parlementaire 1504 (2001) recommande au Comité des Ministres d’inviter les gouvernements des États membres, notamment :

« 11. ii.

(…)

g) à prendre les mesures nécessaires pour que la sanction d’expulsion soit réservée, pour les immigrés de longue durée, à des infractions particulièrement graves touchant à la sûreté de l’État dont ils ont été déclarés coupables ;

(…) »

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

31. Le requérant soutient que les mesures d’éloignement et d’interdiction d’entrée prises à la suite de sa condamnation pénale portent atteinte à sa vie privée et familiale. Il y voit une violation de l’article 8 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

A. Sur la recevabilité

32. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

a) Le requérant

33. Le requérant argue qu’eu égard au fait qu’il était né en Suisse et qu’il y résidait depuis longtemps son expulsion de ce pays doit s’analyser en une atteinte à son droit au respect de sa vie privée, indépendamment de l’existence ou non dans son chef d’une vie familiale en Suisse.

34. Il ne conteste pas que son expulsion du territoire suisse se fondât sur une base légale suffisante.

35. Il allègue toutefois que la mesure en cause ne poursuivait pas un but légitime au sens de l’article 8 § 2 de la Convention. À cet égard, il plaide qu’il n’y avait aucun risque qu’il récidive, et, partant, qu’il n’y avait donc pas d’intérêt public à l’expulser.

36. De même, il soutient que la mesure n’était pas nécessaire dans une société démocratique. Il indique qu’il n’avait aucun contact avec son pays d’origine, à savoir l’Espagne, dont il ne maîtrisait pas la langue et où il ne connaissait personne et n’était allé en vacances que lorsqu’il était enfant. Il allègue que le principal acte dont il s’est rendu coupable constitue un acte isolé, lié aux problèmes d’addiction dont il souffrait alors. Il convient certes que l’acte commis par lui à l’égard de sa victime mineure « n’est pas anodin », mais il considère qu’il ne doit pas être traité « comme un grand criminel ». Il plaide qu’il s’était bien conduit depuis la commission de la dernière infraction et que son intérêt privé à demeurer en Suisse, où il avait toujours vécu, devait l’emporter sur l’intérêt public, fondé sur un risque, hypothétique selon lui, de récidive, qu’il pouvait y avoir à l’expulser. Dans ces conditions, il estime que les autorités suisses auraient dû faire application de la clause de rigueur prévue à l’article 66a, alinéa 2, du code pénal (paragraphe 21 ci-dessus) et renoncer à prononcer son expulsion.

b) Le Gouvernement

37. À titre liminaire, le Gouvernement indique que les infractions pour lesquelles le requérant a été condamné ne sont pas remises en cause par l’intéressé.

38. Il ne conteste pas que la mesure d’expulsion du requérant s’analyse en une atteinte à son droit au respect de sa « vie privée » au sens de l’article 8 § 1 de la Convention. En revanche, il estime que l’ingérence était prévue par la loi et qu’elle poursuivait des buts légitimes au sens de l’article 8 § 2, soit la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales.

39. De même, il est convaincu que la mesure était également nécessaire dans une société démocratique. En résumé, il estime que le Tribunal fédéral a soigneusement examiné, à la lumière de sa jurisprudence relative à l’article 66a du code pénal et de l’article 8 de la Convention, si l’intérêt privé du requérant à demeurer en Suisse pouvait l’emporter sur l’intérêt public présidant à son expulsion. En outre, il argue que, conformément à la loi, le Tribunal fédéral a dûment tenu compte dans l’arrêt litigieux de la situation particulière du requérant, qui était né et avait grandi en Suisse.

40. Il expose par ailleurs que l’expulsion du requérant n’a été ordonnée que pour cinq ans, soit la durée minimale prévue à l’article 66a, alinéa 1, du code pénal. Il estime en outre que le requérant a un âge auquel il est possible de refaire sa vie dans un autre pays.

41. Rappelant la marge d’appréciation des autorités nationales pour se prononcer sur la nécessité de l’ingérence dans l’exercice d’un droit protégé par l’article 8, le Gouvernement estime que la mise en balance effectuée par les juridictions nationales a respecté les critères établis par la jurisprudence de la Cour.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur l’existence d’une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit protégé par l’article 8

42. Tout d’abord, la Cour rappelle que les États contractants ont, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, y compris la Convention, le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux (voir, parmi beaucoup d’autres et avec références, N.D. et N.T. c. Espagne [GC], nos 8675/15 et 8697/15, § 167, 13 février 2020).

43. La Convention ne garantit pas le droit pour un étranger d’entrer ou de résider dans un pays particulier, et, lorsqu’ils assument leur mission de maintien de l’ordre public, les États contractants ont la faculté d’expulser un étranger délinquant, entré et résidant légalement sur leur territoire (De Souza Ribeiro c. France [GC], no 22689/07, § 77, CEDH 2012). Toutefois, leurs décisions en la matière, dans la mesure où elles porteraient atteinte à un droit protégé par le paragraphe 1 de l’article 8, doivent se révéler nécessaires dans une société démocratique, c’est-à-dire être justifiées par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnées au but légitime poursuivi (voir, par exemple, Boultif c. Suisse, no 54273/00, § 46, CEDH 2001‑IX, et Slivenko c. Lettonie [GC], no 48321/99, § 113, CEDH 2003-X).

44. En outre, la Cour rappelle que c’est en fonction des circonstances de l’affaire portée devant elle qu’elle décidera s’il convient de mettre l’accent sur l’aspect « vie familiale » plutôt que sur l’aspect « vie privée » (Üner, précité, § 59).

45. En l’espèce, la Cour note que l’existence d’une ingérence n’est pas contestée. Elle observe que le requérant, adulte de quarante ans et sans enfants, se prévaut en premier lieu de son intégration dans le pays hôte. Par conséquent, elle est d’avis que sa situation relève de la vie « privée » (I.M. c. Suisse, no 23887/16, § 60, 9 avril 2019, et Hasanbasic c. Suisse, no 52166/09, § 49, 11 juin 2013).

b) Sur la justification de l’ingérence

46. Pareille ingérence enfreint la Convention si elle ne remplit pas les exigences du paragraphe 2 de l’article 8. Il faut donc rechercher si elle était « prévue par la loi », justifiée par un ou plusieurs buts légitimes au regard dudit paragraphe, et « nécessaire, dans une société démocratique ».

i. « Prévue par la loi »

47. Il n’est pas contesté que l’expulsion pénale du requérant et son interdiction du territoire suisse pour une durée de cinq ans étaient prévues par le code pénal (paragraphe 21 ci-dessus).

ii. But légitime

48. Eu égard aux multiples infractions pénales qu’il avait précédemment commises et qui lui avaient valu quatre condamnations, le requérant ne saurait par ailleurs nier que l’ingérence en cause visait des fins pleinement compatibles avec la Convention, à savoir notamment « la défense de l’ordre » et la « prévention des infractions pénales ».

iii. Nécessité de la mesure dans une société démocratique

a) Principes généraux

49. Selon la jurisprudence bien établie de la Cour, dans les cas où la personne censée être expulsée est un adulte sans enfants qui se prévaut en premier lieu de son intégration dans le pays hôte (Üner, précité, §§ 54-55 et §§ 57-58, Maslov c. Autriche [GC], no 1638/03, §§ 68-76, CEDH 2008, Emre c. Suisse, no 42034/04, §§ 65-71, 22 mai 2008, et Saber et Boughassal c. Espagne, nos 76550/13 et 45938/14, § 40, 18 décembre 2018), il convient de prendre en compte les critères suivants :

– la nature et la gravité de l’infraction commise par le requérant ;

– la durée du séjour de l’intéressé dans le pays dont il doit être expulsé ;

– le laps de temps qui s’est écoulé́ depuis l’infraction, et la conduite du requérant pendant cette période ; et

– la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination.

50. L’âge de la personne concernée peut jouer un rôle dans l’application de certains des critères susmentionnés. Par exemple, pour apprécier la nature et la gravité de l’infraction dont le requérant s’est rendu coupable, il y a lieu d’examiner s’il l’a commise alors qu’il était adolescent ou à l’âge adulte (Maslov, précité, § 72, et Saber et Boughassal, précité, § 41).

51. Doivent également être prises en compte, le cas échéant, les circonstances particulières entourant le cas d’espèce, comme les éléments d’ordre médical (Veljkovic-Jukic c. Suisse, no 59534/14, § 45, 21 juillet 2020, K.A. c. Suisse, no 62130/15, § 41, 7 juillet 2020, et Shala c. Suisse, no 52873/09, § 46, 15 novembre 2012).

52. La Cour rappelle également que, dans des affaires récentes concernant la conformité à l’article 8 de l’éloignement d’« immigrés établis », elle a dit que lorsque les juridictions internes ont soigneusement examiné les faits et appliqué la jurisprudence des organes de la Convention et qu’elles ont dûment mis en balance l’intérêt particulier du requérant et l’intérêt public de la collectivité, il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation du fond de l’affaire à celle des autorités nationales compétentes (notamment en ce qui concerne les éléments factuels de la proportionnalité), à moins qu’il n’y ait de bonnes raisons de le faire (Ndidi c. Royaume-Uni, no 41215/14, § 76, 14 septembre 2017, Saber et Boughassal, précité, § 41, et Hamesevic c. Danemark (déc.), no 25748/15, §§ 31-46, 16 mai 2017). Dans les cas où un immigré a passé l’intégralité de sa vie dans le pays d’accueil, il y a lieu d’avancer des raisons très solides pour justifier l’expulsion, surtout lorsque la personne concernée a commis les infractions à l’origine de la mesure d’expulsion pendant son adolescence (Maslov, précité, § 75, et Saber et Boughassal, précité, § 41). L’appréciation des faits pertinents doit être « acceptable » (Saber et Boughassal, précité, § 41).

53. En revanche, si les juridictions internes n’ont pas dûment motivé leur décision et n’ont examiné la proportionnalité de la mesure d’éloignement que de manière superficielle, faisant ainsi obstacle à l’exercice par la Cour de son rôle subsidiaire, la mise à exécution de la mesure emporte violation de l’article 8 (I.M c. Suisse, précité, § 78). Il en va de même lorsque les juridictions internes n’ont pas tenu compte de tous les faits pertinents (Makdoudi c. Belgique, no 12848/15, § 97, 18 février 2020).

b) Application au cas d’espèce des principes susmentionnés

54. À titre liminaire, la Cour note que, dans le domaine des expulsions d’étrangers criminels, l’article 66a du code pénal, qui est la concrétisation du résultat d’une votation populaire (paragraphe 19 ci-dessus), n’introduit pas, malgré son intitulé (« expulsion obligatoire »), un automatisme d’expulsion des étrangers criminels condamnés pour des infractions sans contrôle judiciaire de la proportionnalité de la mesure. Cela serait incompatible avec l’article 8 de la Convention. Elle observe également que l’interprétation donnée par le Tribunal fédéral à la clause de rigueur contenue au deuxième alinéa de l’article 66a du code pénal (paragraphe 21 ci-dessus) permet a priori une application conforme à la Convention. Elle constate par ailleurs qu’en vertu de la deuxième phrase de la clause de rigueur, le juge doit tenir compte, en procédant à la pesée des intérêts, de « la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse ». Il s’ensuit qu’en la matière l’analyse doit se faire au cas par cas selon les critères établis par la Cour.

55. Pour ce qui est de la gravité des infractions commises par le requérant, la Cour observe d’emblée que les infractions dont le requérant, né en 1980, s’est rendu coupable en 2018, n’ont évidemment pas été commises alors qu’il était adolescent.

56. Elle note également que la peine prononcée (douze mois avec un sursis de trois ans) est relativement légère. Elle est cependant plus élevée, par exemple, que celle (cinq mois et demi au total, assortie d’un sursis) qui avait été prononcée dans l’affaire Shala, précitée, § 50. Dans cette dernière affaire, la Cour avait estimé que, malgré la relative faiblesse de la peine prononcée, l’expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans n’avait pas emporté violation de l’article 8 de la Convention (ibidem, § 57). La Cour observe qu’en l’espèce est en jeu l’expulsion du requérant du territoire suisse pour une durée de cinq ans seulement, qui représente la sanction minimale prévue par l’article 66a du code pénal (paragraphe 21 ci-dessus).

57. En l’espèce, la Cour observe que le requérant a passé l’intégralité de sa vie en Suisse. Elle doit donc s’assurer que les tribunaux internes ont avancé des raisons très solides pour justifier l’expulsion (paragraphe 52 ci‑dessus).

58. À cet égard, la Cour note que le Tribunal fédéral a pris en considération le fait que les infractions en question étaient graves, que le requérant avait porté atteinte à un bien juridique particulièrement important, à savoir l’intégrité sexuelle d’une mineure, et qu’il s’était ainsi attaqué de manière très grave à la sécurité et à l’ordre public en Suisse. Le Tribunal fédéral a également considéré que le requérant avait manifesté un mépris certain pour l’ordre juridique suisse, relevant qu’il avait été par le passé condamné à trois reprises. La Cour observe par ailleurs que les juges fédéraux ont également évalué le risque de récidive en tenant compte de l’intérêt du requérant pour les filles prépubères, qui ressortait notamment des nombreuses photographies de jeunes filles âgées de dix à douze ans trouvées sur son téléphone, ainsi que des recherches à caractère pédophile effectuées avec cet appareil.

59. En outre, la Cour observe que le tribunal de police a retenu contre le requérant un degré élevé de culpabilité et qu’il a renoncé à diminuer la responsabilité pénale de celui-ci à raison de sa consommation d’alcool et de stupéfiants le jour des faits (paragraphe 4 ci-dessus). Elle note également que l’intéressé n’est pas parvenu à expliquer les faits commis à l’égard de l’enfant autrement que par sa consommation de stupéfiants et d’alcool (paragraphe 6 ci-dessus). De même, elle constate que selon l’appréciation livrée par les autorités internes le requérant ne semblait pas avoir une réelle volonté d’identifier les mécanismes qui l’avaient conduit à agir de la sorte et ne semblait avoir mis aucune stratégie en place pour gérer les situations à risque (ibidem).

60. La Cour constate que le requérant s’est rendu coupable à deux reprises d’actes à caractère sexuel au préjudice d’une mineure. Partant, contrairement à ce qu’il soutient, on ne saurait parler en l’occurrence d’un « acte isolé ». Il est vrai que ses autres antécédents judiciaires n’ont aucun rapport avec la pédophilie et ne constituent pas des infractions graves, ce que le Tribunal fédéral a également précisé dans son arrêt. Il a toutefois relevé, à juste titre, que les antécédents du requérant révélaient un certain mépris de l’ordre juridique suisse. Enfin, dans la mesure où le requérant plaidait qu’il n’y avait aucun risque de récidive, expliquant qu’il n’avait jamais été prouvé que les photos trouvées sur son téléphone eussent été téléchargées par lui et que cet élément n’avait pas été retenu comme constituant une infraction, il déclara ne pouvoir souscrire à son argumentation. La Cour observe également que le requérant n’a nullement remis en cause ces constatations devant les juridictions nationales et qu’il n’a jamais apporté d’éléments de nature à les remettre en cause.

61. En ce qui concerne le laps de temps écoulé depuis l’infraction et la conduite du requérant pendant cette période, la Cour observe que le Tribunal fédéral a constaté dans son arrêt que le requérant se conduisait plutôt bien depuis la commission des infractions. Il a relevé que le rapport établi le 27 avril 2018 par l’Office d’exécution des peines révélait que l’intéressé respectait les entretiens fixés, qu’il s’investissait dans son activité occupationnelle, qu’il se présentait régulièrement au centre de prévention et qu’il semblait bénéficier d’un cadre adéquat qui lui permettait d’évoluer positivement, même s’il devait encore consentir des efforts.

62. Tout en prenant ces éléments en compte, la Cour note que le Tribunal fédéral a cependant constaté que les perspectives de réinsertion sociale du requérant semblaient plutôt sombres et que l’on ne pouvait voir dans l’activité occupationnelle de l’intéressé ou le suivi entrepris par lui auprès du centre de prévention une quelconque volonté d’intégration en Suisse.

63. Devant la Cour, le requérant réitère, en substance, les éléments déjà soumis par lui aux juridictions cantonales et pris en considération par elles. Il ne fait pas valoir en revanche d’éléments qui auraient été omis par les juridictions nationales ou qui auraient été de nature à modifier leurs conclusions.

64. Quant à la situation familiale du requérant, la Cour observe que celui-ci ne remet pas en question les constatations des juridictions nationales : il est majeur (né en 1980), célibataire, n’a pas d’enfants et vit seul. Son père est décédé. Sa mère vit en Suisse, mais il n’a pas de relations avec elle ni avec d’autres membres de sa famille.

65. De même, la Cour note que le Tribunal fédéral a constaté que le requérant ne pouvait se prévaloir de liens sociaux, culturels, familiaux ou professionnels particuliers. Il a observé que les perspectives de réinsertion sociale du requérant semblaient plutôt sombres dès lors que l’intéressé, alors âgé de trente-huit ans, n’avait jamais exercé d’activité professionnelle et ne disposait d’aucune formation. La cour suprême suisse a d’ailleurs constaté qu’elle voyait mal comment l’activité de serveur exercée par le requérant dans le cadre de l’assistance de probation ou la formation en « permaculture » suivie par lui durant six mois auraient pu déboucher sur une véritable insertion professionnelle. La Cour observe à cet égard que les juges fédéraux ont retenu que l’activité occupationnelle ou le suivi entrepris auprès du centre de prévention ne pouvaient passer pour dénoter une quelconque volonté d’intégration en Suisse.

66. Devant la Cour, le requérant n’apporte aucun élément qui aurait été omis par les juridictions nationales ou qui aurait été de nature à modifier leurs conclusions. Il se contente seulement d’affirmer qu’il a de solides liens sociaux en Suisse, sans toutefois étayer au moins en substance ses allégations. La Cour estime donc que ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations formulées par les juridictions nationales.

67. Pour ce qui est de la solidité des liens du requérant avec l’Espagne, la Cour relève que les juridictions suisses ont constaté que l’intéressé avait une certaine connaissance de la langue espagnole et qu’il avait dans ce pays de la famille éloignée (paragraphe 4 ci-dessus). De l’avis de la Cour, ces constatations relativisent considérablement les allégations du requérant (paragraphe 36 ci-dessus).

68. En ce qui concerne enfin les circonstances particulières de l’affaire, la Cour note que le requérant n’a jamais évoqué devant les juridictions internes des éléments d’ordre médical (Veljkovic-Jukic, précité, § 45, K.A. c. Suisse, précité, § 41, et Shala, précité, § 46) qui auraient pu faire obstacle à son éloignement du territoire suisse.

69. En résumé, la Cour reconnaît que les juridictions cantonales et le Tribunal fédéral ont effectué un examen sérieux de la situation personnelle du requérant et des différents intérêts en jeu. Elles disposaient donc d’arguments très solides (paragraphe 57 ci-dessus) pour justifier l’expulsion du requérant du territoire Suisse pour une durée limitée. Par conséquent, la Cour conclut que l’ingérence était proportionnée au but légitime poursuivi et ainsi nécessaire dans une société démocratique au sens de l’article 8 § 2 de la Convention.

70. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 décembre 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Milan Blaško                                  Paul Lemmens
Greffier                                             Président

Dernière mise à jour le décembre 8, 2020 par loisdumonde

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