Panju c. Belgique (n° 2)

Résumé juridique
Mai 2023

Panju c. Belgique (n° 2) – 49072/21

Arrêt 23.5.2023 [Section II]
Article 13
Recours effectif

Refus d’indemnisation pour la durée excessive de la procédure pénale, constatée par la Cour européenne, le dommage moral ayant été réparé par la décision ultérieure d’irrecevabilité des poursuites : non-violation

En fait – En mai 2011, la chambre du conseil du tribunal de première instance (la chambre du conseil) prononça la nullité de l’ensemble des devoirs d’enquête réalisés après novembre 2002 quant à l’inculpation du requérant pour blanchiment d’argent, avec pour conséquence l’annulation du blocage de ses comptes bancaires et de la saisie de l’or lui appartenant.

Le 28 octobre 2014, la Cour a constaté, dans son arrêt Panju c. Belgique (voir le Résumé juridique), que la durée de l’instruction de la procédure pénale contre le requérant avait dépassé le délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

La chambre des mises en accusation de la cour d’appel déclara ensuite les poursuites menées contre le requérant irrecevables au motif que cette longueur excessive avait pour effet de rendre impossible l’exercice des droits de la défense et qu’il en résultait une atteinte irrémédiable au droit à un procès équitable. Le recours en responsabilité civile contre l’État belge du requérant pour demander la réparation des préjudices subis du fait de la longueur excessive de la procédure fut rejeté par la cour d’appel et la Cour de cassation.

En droit – Article 13 combiné avec l’article 6 § 1 :

Compte tenu de l’arrêt de la Cour et de celui de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel, le requérant avait un grief « défendable ».

Dans le cadre du son recours indemnitaire, après avoir admis la faute de l’État du fait de la longueur excessive de la procédure pénale, la cour d’appel a estimé que le dommage moral avait trouvé sa réparation dans l’irrecevabilité des poursuites. En outre, elle considéra que le dommage matériel ne résultait pas de la longueur de l’instruction pénale mais procédait de la tardiveté des restitutions des avoirs et de l’or saisis à compter de l’ordonnance de la chambre du conseil de mai 2011 constatant l’irrégularité de la procédure.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du requérant, considérant que l’appréciation de la réparation du préjudice relevait de l’appréciation en fait du juge du fond et que le moyen fondé sur le postulat selon lequel l’irrecevabilité des poursuites ne pouvait assurer la réparation intégrale de ce préjudice, manquait en droit.

Au regard de l’article 13 de la Convention, l’irrecevabilité des poursuites peut constituer un mode de redressement adéquat du dépassement du délai raisonnable en ce qu’en droit belge, elle implique la reconnaissance d’une atteinte irrémédiable au droit à un procès équitable et met un terme définitif aux poursuites autant qu’à la longueur dénoncée.

La Cour n’a pas de raisons de remettre en cause l’appréciation de la cour d’appel selon laquelle l’irrecevabilité des poursuites a placé le requérant dans une situation au moins aussi favorable que si le dépassement du délai raisonnable n’avait pas été constaté.

Elle ne peut pas suivre le requérant quand il se plaint que les juridictions étaient tenues de lui accorder, en plus de l’irrecevabilité des poursuites, une réparation pécuniaire. Une telle interprétation de l’article 13 ne peut se déduire de la jurisprudence de la Cour qui repose sur une « option ».

En outre, la Cour a déjà jugé qu’une réduction significative de la peine ou l’annulation de celle-ci par la juridiction de jugement en raison du dépassement du délai raisonnable peut constituer un redressement adéquat et emporter la perte de la qualité de victime du droit à être jugé dans un délai raisonnable. Une même conclusion peut a fortiori s’imposer dans le cas d’une irrecevabilité des poursuites décidée par la juridiction d’instruction.

Par ailleurs, le droit belge ne s’oppose pas à l’octroi d’une indemnisation complémentaire à l’irrecevabilité des poursuites, pour autant que la preuve d’un préjudice que cette irrecevabilité n’aurait pas adéquatement réparé, soit apportée. Dans le cas d’espèce, l’absence d’indemnisation du requérant, ne résultait pas d’une exclusion prévue par les règles du droit national en vigueur mais de l’absence de l’apport d’ une telle preuve conformément avec les règles du droit national. Enfin, le requérant reproche aux juges d’appel de ne pas avoir procédé à une évaluation in concreto du dommage matériel subi en raison de la restitution tardive des avoirs bloqués et de l’or saisi. Pour la cour d’appel, ce préjudice ne découle pas de la durée excessive de l’instruction pénale initiée à l’égard du requérant en 2002, mais résulte du retard à restituer. La cour d’appel a considéré que si le requérant était fondé à critiquer la restitution tardive des avoirs et de l’or saisis à compter de mai 2011, intervenue au début de l’année 2013, il était toutefois resté en défaut de prouver concrètement l’existence de son dommage, faute de produire des pièces de nature à en établir l’existence.

Eu égard aux constats dressés par les juridictions internes, la Cour ne voit aucune raison de considérer que le requérant n’a pas bénéficié d’un recours effectif pour obtenir la réparation des préjudices allégués découlant du dépassement du délai raisonnable, tel que la Cour l’a constaté dans son arrêt du 28 octobre 2014.

Conclusion : non-violation (unanimité).

(Voir aussi Panju c. Belgique, 18393/09, 28 octobre 2014, Résumé juridique)

Dernière mise à jour le mai 23, 2023 par loisdumonde

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *