AFFAIRE D’ADDONA c. ITALIE (Cour européenne des droits de l’homme) 43887/04

À l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre l’Italie et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») à la date indiquée dans le tableau joint en annexe.


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE D’ADDONA c. ITALIE
(Requête no 43887/04)
ARRÊT
STRASBOURG
16 décembre 2021

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire D’Addona c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

Erik Wennerström, président,
Lorraine Schembri Orland,
Ioannis Ktistakis, juges,
et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 novembre 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre l’Italie et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») à la date indiquée dans le tableau joint en annexe.

2. La requête a été communiquée au gouvernement italien (« le Gouvernement »).

3. Le gouvernement italien s’oppose à l’examen de l’affaire par un comité. Après avoir examiné l’objection, la Cour la rejette.

EN FAIT

4. Les précisions pertinentes sur la requête figurent dans le tableau joint en annexe.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

5. La requérante se plaint principalement de l’inexécution de l’arrêt du Tribunal de Bénévent du 18 mars 2005 rendue en sa faveur. Elle invoque, expressément ou en substance, l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »

A. Sur la recevabilité

6. Le Gouvernement fait valoir, tout d’abord, que la requérante n’aurait pas qualité de victime en raison du fait que le 12 décembre 2008 elle a conclu une transaction avec la municipalité de Casalduni concernant l’exécution de l’arrêt litigieux.

7. Ensuite, il excipe du non-épuisement des voies de recours internes en raison du fait que la requérante aurait omis d’entamer des procédures d’exécution forcée et en dédommagement.

8. Quant à la première exception, la Cour note que la transaction prévoit notamment un échelonnement du paiement de la créance et que, en cas de non-respect des délais prévus pour le paiement, la requérante aurait pu entamer à nouveau des procédures afin d’obtenir l’exécution intégrale de l’arrêt. En l’espèce, il ressort du dossier que les paiements n’ont pas été effectués dans les délais prévus par la transaction (le dernier versement aurait dû être payé avant le 30 janvier 2013) et que la requérante n’a pas encore obtenu le paiement intégral de la créance. Dans ces conditions, la Cour estime que la requérante peut encore se prétendre victime de la violation alléguée.

9. Quant à la deuxième exception, la Cour rappelle qu’il n’est pas opportun de demander à un individu qui a obtenu une créance contre l’État à l’issue d’une procédure judiciaire de devoir par la suite engager la procédure d’exécution forcée afin d’obtenir satisfaction (voir Metaxas c. Grèce, no 8415/02, § 19, 27 mai 2004, et Ventorino c. Italie, no 357/07, § 28, 17 mai 2011).

10. Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter les exceptions du Gouvernement et de déclarer la requête recevable.

B. Sur le fond

11. La Cour rappelle que l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6. Elle renvoie par ailleurs à sa jurisprudence concernant l’inexécution ou l’exécution tardive de décisions de justice internes définitives (voir Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, § 40, Recueil des arrêts et décisions 1997‑II).

12. Dans les arrêts de principe Ventorino c. Italie, no 357/07, 17 mai 2011, De Trana c. Italie, no 64215/01, 16 octobre 2007, Nicola Silvestri c. Italie, no 16861/02, 9 juin 2009, Antonetto c. Italie, no 15918/89, 20 juillet 2000, De Luca c. Italie, no 43870/04, 24 septembre 2013, la Cour a conclu à la violation au sujet de questions similaires à celles qui font l’objet de la présente affaire.

13. Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant au bien-fondé du grief en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce les autorités n’ont pas déployé tous les efforts nécessaires pour faire exécuter pleinement et en temps voulu la décision de justice rendue en faveur de la requérante.

14. Il s’ensuit que ce grief révèle une violation de l’article 6 § 1.

II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES RELEVANT D’UNE JURISPRUDENCE BIEN ÉTABLIE

15. La requérante a formulé un autre grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 concernant l’inexécution de l’arrêt du Tribunal de Bénévent (voir tableau joint en annexe). Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable. Après examen de l’ensemble des éléments en sa possession, elle conclut qu’il révèle également une violation de la Convention, eu égard à ses constats dans l’affaire Ventorino, précitée.

16. Au vu de ce qui précède, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief formulé par la requérante sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 concernant la privation de ses biens par une expropriation indirecte en l’absence de dédommagement.

III. SUR LES AUTRES GRIEFS

17. La requérante a également soulevé un grief sous l’angle de l’article 13 de la Convention.

18. La Cour a examiné le grief et constate, au vu de l’ensemble des éléments en sa possession, et pour autant que les faits litigieux relèvent de sa compétence, que ce grief soit ne remplit pas les critères de recevabilité énoncés aux articles 34 et 35 de la Convention, soit ne révèle aucune apparence de violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses Protocoles.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

19. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

20. Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence (Ventorino, précité, De Trana, précité, Nicola Silvestri, précité, Antonetto précité, et De Luca, précité), la Cour estime raisonnable d’allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe.

21. La Cour constate en outre que l’État défendeur demeure tenu d’exécuter la décision de justice qui reste exécutoire.

22. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs concernant l’inexécution de la décision de justice interne et d’autres aspects de la jurisprudence bien établie de la Cour (voir tableau joint en annexe), estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief concernant la privation des biens par une expropriation indirecte en l’absence de dédommagement et déclare la requête irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de l’inexécution d’une décision de justice interne ;

3. Dit qu’il y a eu violation de la Convention et de ses Protocoles en ce qui concerne les autres griefs relevant de la jurisprudence bien établie de la Cour (voir tableau joint en annexe) ;

4. Dit que l’État défendeur doit, dans les trois mois, assurer par des moyens appropriés l’exécution de la décision de justice interne encore pendante visée dans le tableau joint en annexe ;

5. Dit

a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 décembre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Viktoriya Maradudina                                  Erik Wennerström
Greffière adjointe f.f.                                         Président

_________

ANNEXE

Requête concernant des griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention

(l’inexécution ou l’exécution tardive de décisions de justice internes)

Numéro et date d’introduction de la requête Nom du requérant et année de naissance Nom et ville du représentant Décision de justice interne pertinente

 

Date de début de l’inexécution Date de fin de l’inexécution

Délai d’exécution

Autres griefs relevant de la jurisprudence bien établie Montant alloué pour dommage moral

(en euros)[1]

Montant alloué pour frais et dépens

(en euros)[2]

43887/04

25/06/1999

Agata D’ADDONA

1937

Ferrara Silvio

Bénévent

Tribunal de Bénévent no 630/2005, 18/03/2005 18/03/2005 en cours

Plus de 16 année(s) et 7 mois et 18 jour(s)

Prot. 1 Art. 1 – absence du ou retard dans le paiement d’une créance de la part des autorités nationales 9 600 500

[1] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.

[2] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.

Dernière mise à jour le avril 28, 2022 par loisdumonde

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