La requête concerne la violation alléguée du droit du requérant à un procès équitable, au sens de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, à raison de l’impossibilité pour lui de faire interroger un témoin à charge et du défaut de signature de l’arrêt définitif rendu en appel par l’une des juges de la formation de jugement, qui était partie à la retraite.
QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE TARTOUSI c. ROUMANIE
(Requête no 35366/15)
ARRÊT
STRASBOURG
2 novembre 2021
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Tartousi c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :
Gabriele Kucsko-Stadlmayer, présidente,
Iulia Antoanella Motoc,
Pere Pastor Vilanova, juges,
et de Ilse Freiwirth, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête (no 35366/15) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant syrien, M. Mustafa Tartousi (« le requérant ») a saisi la Cour le 15 juillet 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
la décision de porter à la connaissance du gouvernement roumain (« le Gouvernement ») les griefs tirés, sur le terrain de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, de l’impossibilité pour le requérant de faire interroger au cours de la procédure le témoin à charge Y.T. et de l’absence de signature de la motivation d’un arrêt définitif par l’un des trois juges membres de la formation qui avait prononcé ledit arrêt, et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,
les observations des parties,
la décision par laquelle la Cour a rejeté l’opposition partielle du Gouvernement à l’examen de la requête par un comité,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 septembre 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne la violation alléguée du droit du requérant à un procès équitable, au sens de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, à raison de l’impossibilité pour lui de faire interroger un témoin à charge et du défaut de signature de l’arrêt définitif rendu en appel par l’une des juges de la formation de jugement, qui était partie à la retraite.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1961 et réside à Constanța. Il est représenté par Me I. Hașotti, avocat.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, à savoir, en dernier lieu, Mme O. Ezer, du ministère des Affaires étrangères.
4. Le requérant était à l’époque des faits l’administrateur de la société commerciale A., dont l’activité était le transport maritime de marchandises. Il était poursuivi pénalement pour avoir facilité le départ de Roumanie d’O.H., qui faisait l’objet d’une procédure pénale pour des actes terroristes, à bord de l’un des navires gérés par sa société. Le capitaine du navire qui aurait transporté O.H. de Roumanie en Égypte puis en Syrie était Y.T., un cousin du requérant.
I. Les déclarations d’Y.T.
A. L’interrogatoire d’Y.T. au Liban sur commission rogatoire
5. Le 30 octobre 2006, le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice (« le parquet ») sollicita l’aide des autorités libanaises pour localiser et faire interroger Y.T. dans le cadre de l’enquête pénale menée contre le requérant. Il leur demandait aussi de permettre à une équipe d’investigation du parquet d’interroger Y.T. soit au Liban soit au siège de l’ambassade roumaine à Beyrouth.
6. En novembre 2007, les autorités libanaises informèrent les autorités roumaines qu’elles avaient elles-mêmes interrogé Y.T. sur commission rogatoire. Il ressortait des documents qu’elles avaient transmis aux autorités roumaines que, dans une première déposition faite le 18 octobre 2007, Y.T. avait déclaré ignorer les circonstances dans lesquelles O.H. avait quitté le pays. Y.T. signa cette première déposition en qualité de « témoin ». Il fut ensuite placé en état d’arrestation par les autorités libanaises. Il aurait été informé de ses « droits » mais n’aurait pas entendu s’en prévaloir. Réinterrogé, il indiqua d’abord qu’il avait déclaré ignorer les circonstances du départ d’O.H. de Roumanie, mais qu’il était revenu, par la suite, vers les autorités libanaises de son propre gré afin de « leur présenter la vérité ». Dans son dernier récit, il décrivit en détail les relations qui, à sa connaissance, existaient entre le requérant et O.H. et la manière dont le requérant avait facilité, avec son aide, le départ d’O.H. du pays.
7. Y.T. fut ensuite remis en liberté et ses documents de voyage retenus par les autorités libanaises. Il ne ressort pas du dossier que Y.T. ait porté plainte contre les autorités libanaises pour les accuser de mauvais traitements ou de privation illégale de liberté lors de son interrogatoire sur commission rogatoire.
B. La déclaration d’Y.T devant notaire
8. Le 3 décembre 2007, Y.T. fit une déclaration devant notaire à Tripoli dans laquelle il déclara qu’il n’avait fait de déclaration olographe ni devant le Bureau libanais de lutte contre le terrorisme ni devant les autorités judiciaires libanaises. Il exposa que le requérant ne lui avait jamais demandé de transporter des personnes illégalement.
C. La plainte pénale du requérant contre Y.T.
9. Le requérant engagea au Liban une procédure contre Y.T., qu’il accusait d’avoir fait une fausse déclaration à son sujet. Dans sa plainte, il indiquait qu’à la fin de l’année 2007, à la demande des autorités roumaines, Y.T. avait été interrogé comme témoin en raison de sa qualité de commandant du navire. Il reprochait à Y.T. d’avoir fait une fausse déclaration le concernant, en particulier d’avoir affirmé qu’il avait facilité la fuite d’O.H. de Roumanie.
10. Interrogé par le tribunal libanais, le 18 juin 2008, Y.T. avoua avoir fait une déclaration incriminant le requérant afin d’obtenir sa remise en liberté.
11. Par une décision du 19 février 2009, le tribunal pénal de première instance de Tripoli condamna Y.T. au versement d’une amende « pour avoir fabriqué » des preuves matérielles contre le requérant. Il nota que lors de l’audience du 18 juin 2008, Y.T. avait avoué les faits. Comme éléments à charge, il mentionna « la plainte générale, l’enquête préliminaire, l’instruction judiciaire, la totalité des pièces du dossier ». Il jugea qu’« il ressortait avec certitude des éléments de fait et de preuves présentés que [Y.T.] avait fabriqué des preuves matérielles contre [le requérant] » et que « celle-ci [sa déposition] avait été le motif de l’ouverture d’une enquête contre le requérant ». La décision précisait qu’elle était « définitive et irrévocable ».
II. La procédure pénale dirigée contre le requérant
12. Par un réquisitoire du 23 novembre 2007, le parquet renvoya en jugement le requérant devant la cour d’appel de Bucarest (« la cour d’appel ») pour avoir facilité le départ du pays d’un auteur d’actes terroristes, infraction punie par l’article 33 § 1 c) de la loi no 535/2004 concernant la prévention et la lutte contre le terrorisme (« la loi no 535/2004 »). Par le même réquisitoire, O.H. et deux de ses frères furent renvoyés en jugement. Il était reproché au requérant d’avoir facilité, à un certain moment entre le 23 et le 30 juin 2006, le départ illégal du pays d’O.H., à bord d’un navire commandé par Y.T.
A. L’acquittement du requérant en première instance
13. Alors que le procès du requérant était pendant en première instance devant la cour d’appel, le parquet versa au dossier la déposition faite par Y.T., le 18 octobre 2007, sur commission rogatoire (paragraphe 6 ci‑dessus).
14. Le requérant demanda à la cour d’appel de refaire la commission rogatoire de manière à pouvoir interroger Y.T. Il expliqua que la déposition recueillie au moyen de la commission rogatoire avait été versée au dossier par le parquet après l’introduction de l’instance et qu’il n’avait pas pu poser de questions à Y.T. Il ajouta que, lors de son interrogatoire, Y.T. avait fait une première déposition en tant que témoin puis une autre après avoir été placé en état d’arrestation, sans qu’il soit assisté d’un avocat. Il contesta la véracité de la déclaration que Y.T. avait faite en état d’arrestation et versa au dossier la décision rendue le 19 février 2009 par le tribunal pénal de première instance de Tripoli (paragraphe 11 ci-dessus).
15. La cour d’appel rejeta cette demande du requérant au motif que l’interrogatoire était inutile et dénué de pertinence pour l’affaire. Elle accepta d’instruire d’autres preuves proposées par le requérant, par exemple l’interrogatoire d’autres témoins et d’un expert en inspection de navires.
16. Par un arrêt du 8 octobre 2012, la cour d’appel relaxa le requérant au motif que la réalité des faits qui lui étaient reprochés n’avait pas été prouvée. Elle statua ainsi après avoir examiné les éléments du dossier et écarté ceux-ci les uns après les autres. S’agissant des dépositions de témoins, elle indiqua que, sans établir une hiérarchie des preuves, elle avait jugé « importante » la déclaration d’Y.T. faite le 18 octobre 2007 sur commission rogatoire, qui décrivait en détail le départ d’O.H. de Roumanie en application d’un plan élaboré et surveillé par le requérant. Or, elle nota que ce dernier avait versé au dossier la décision du 19 février 2009 par laquelle le tribunal pénal de première instance de Tripoli avait condamné Y.T. pour fabrication de fausses preuves. Se référant à la motivation de cette décision, elle jugea que « concrètement, les preuves matérielles fabriquées contre Tartousi Mustafa [le requérant] étaient celles qui concernaient le départ d’O.H. du territoire roumain à bord du navire (…) ». Par conséquent, elle écarta la preuve constituée par la déclaration de Y.T. donnée sur commission rogatoire comme étant illégalement obtenue.
17. La cour d’appel jugea ensuite qu’une autre catégorie de témoignages qui visaient à prouver que le requérant avait aidé O.H. était celle constituée des dépositions de S.I., B.C.L. et E.H., qui avaient déclaré qu’ils étaient sûrs à 30-40% que la personne qui était montée à bord du navire le 16 juillet 2006 à Alexandrie pour aller à Tartous était O.H. Selon elle, une réponse en pourcentages ne permettait pas d’établir la vérité avec certitude, en raison de quoi elle ne les estima pas utiles et concluants pour l’affaire. S’agissant des dépositions des témoins avec identités protégées A. et R.V. qu’elle avait interrogés, la cour d’appel considéra qu’elles ne renfermaient à elles seules aucun élément qui aurait permis d’éclaircir le fond de l’affaire.
B. La condamnation pénale du requérant par la Haute Cour
18. Le parquet interjeta appel de cet arrêt devant la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour »). Il soutenait principalement que la cour d’appel avait écarté à tort les preuves du dossier, parmi lesquelles la déclaration d’Y.T. faite sur commission rogatoire le 18 octobre 2007. Selon le parquet, la cour d’appel n’avait pas activement exercé son rôle afin d’établir la valeur juridique de la décision libanaise de condamnation de Y.T pour fabrication de fausses preuves, en application de la loi no 302/2004 concernant l’entraide judiciaire internationale en matière pénale. Il ajouta que, de manière à garantir le droit à un procès équitable et de fonder son moyen de recours, il allait adresser aux autorités libanaises une demande d’entraide judiciaire afin qu’elles lui fournissent les documents qui avaient fondé la décision du 19 février 2009.
19. Le parquet ajouta que dans la mesure où la cour d’appel avait décidé de verser au dossier comme preuve extrajudiciaire le jugement étranger qui, selon elle, était en contradiction avec la déclaration d’Y.T. faite sur commission rogatoire, elle aurait dû interroger ce témoin soit directement soit sur commission rogatoire. Il ajouta que l’interrogatoire d’Y.T. avait été réalisé par les autorités libanaises dans le cadre d’une commission rogatoire et que rien n’indiquait qu’il eût été fait usage de la violence ou de la contrainte de sorte que la déclaration aurait été illégalement obtenue.
20. Le parquet soutint aussi que, à tort, la cour d’appel avait considéré que la déclaration d’Y.T. par commission rogatoire ne correspondait pas à la réalité : selon lui, un examen de cette déposition à la lumière des autres preuves du dossier permettait de conclure qu’elle exprimait la vérité. Il souligna le lien familial existant entre le requérant et Y.T. et ajouta qu’il ne fallait pas méconnaître que, au vu de l’ensemble des preuves, la déposition d’Y.T. était « fondamentale » pour la solution de l’affaire.
21. Par la suite, le parquet informa la Haute Cour que les autorités libanaises n’avaient pas donné suite à la demande des autorités roumaines tendant à la communication de l’intégralité des preuves du dossier à la base de la condamnation pénale d’Y.T. pour fabrication de fausses preuves.
22. Le requérant présenta des observations en réponse aux motifs d’appel présentés par le parquet et nia les faits qui lui étaient reprochés. S’agissant de la déposition faite par Y.T. sur commission rogatoire, il estima d’abord que les dispositions de la loi no 302/2004 n’étaient pas pertinentes en l’espèce. Le requérant soutint qu’à son avis la décision du 19 février 2009 du tribunal pénal de Tripoli constituait une pièce à prendre en considération, d’autant plus que lors de la procédure qui avait abouti au prononcé de cette décision, Y.T. avait été assisté par un avocat et avait déclaré avoir fait sa déclaration sur commission rogatoire afin d’être remis en liberté.
23. Le requérant estima par ailleurs que la déclaration d’Y.T. faite sur commission rogatoire pouvait se combiner avec les déclarations mentionnées par le parquet mais qu’elle était dans le même temps contredite par d’autres témoignages dont il donna des exemples.
24. Le requérant demanda à la Haute Cour d’interroger Y.T. soit par commission rogatoire soit par vidéoconférence. Le 17 juin 2014, la Haute Cour rejeta sa demande, au motif que des preuves suffisantes avaient déjà été instruites pour prouver l’élément de fait dont le requérant souhaitait établir ainsi la matérialité.
25. Par un arrêt définitif du 7 octobre 2014, la Haute Cour, dans une formation de jugement composée des juges R.A.P., présidente, M.G. et M.I., et assistés du magistrat assistant V.C., condamna le requérant à une peine de sept ans de prison ferme pour avoir facilité le départ du pays d’un auteur d’actes terroristes. Elle établit les faits reprochés au requérant en se fondant sur les rapports de suivi des terminaux téléphoniques de tiers, sur la déclaration d’Y.T. faite sur commission rogatoire et incriminant le requérant et sur les dépositions de S.I., B.C.L. et E.H.
26. La Haute Cour nota ensuite qu’il ressortait de l’ensemble des éléments de preuve que le requérant était coupable de l’infraction reprochée. Elle expliqua que la cour d’appel avait écarté à tort la déposition faite par Y.T. sur commission rogatoire, étant donné que celle-ci avait été légalement organisée et que le dispositif de la décision rendue le 19 février 2009 par le tribunal pénal de première instance de Tripoli – qui constituait un écrit extrajudiciaire – ne précisait pas les preuves qui auraient été « fabriquées » contre le requérant, par exemple la déclaration faite par Y.T. le 18 octobre 2007 sur commission rogatoire. Elle nota aussi que les documents versés au dossier par le requérant ne représentaient, d’après elle, que le dispositif de la décision étrangère et que bien que les autorités judiciaires roumaines eussent demandé aux autorités libanaises sur commission rogatoire une copie intégrale de ladite décision, celles-ci avaient rejeté la demande. Elle conclut qu’elle devait prendre en considération la déclaration d’Y.T. faite sur commission rogatoire le 18 octobre 2007.
27. La Haute Cour tira de son analyse du contenu de cette déclaration qui incriminait le requérant que celle-ci décrivait très en détail le départ d’O.H. du pays, détails qui, d’après elle, n’auraient pas pu être connus si les faits n’avaient pas été réels. Elle cita ensuite les parties qu’elle jugeait pertinentes de la déclaration d’Y.T. qui décrivait les préparatifs accomplis pour assurer l’embarquement d’O.H. sur le navire et son départ de Roumanie. Elle considéra qu’il convenait de comparer le contenu de la déclaration faite par Y.T. sur commission rogatoire le 18 octobre 2007 avec celle faite par Y.T. le 3 décembre 2007 devant notaire. Elle estima qu’une analyse comparative de ces deux déclarations à la lumière de l’ensemble des pièces du dossier montrait qu’elle devait écarter la déclaration du 3 décembre 2007 au motif qu’elle ne rendait pas compte de la réalité et qu’elle avait été faite dans le but de soustraire le requérant aux poursuites pénales en Roumanie.
28. La Haute Cour indiqua ensuite que la déclaration d’Y.T. faite sur commission rogatoire le 18 octobre 2007 était combinée à d’autres pièces du dossier. Elle donna ensuite des exemples des différentes parties de cette déclaration qui étaient confirmées par les déclarations des témoins A., B.C.L. et E.H. – déclarations qu’elle reproduisit dans les parties qu’elle estimait pertinentes et qui décrivaient différents éléments se rapportant au départ d’O.H. du pays. Elle exposa ensuite que les dépositions de ces derniers témoins se corroboraient entre elles et étaient elles-mêmes confirmées par d’autres témoignages, comme ceux de P.V., S.I., D.M., ou par d’autres preuves (un rapport de la brigade de lutte contre le crime organisé concernant les moyens par lesquels un passager clandestin aurait pu monter à bord d’un navire). Elle indiqua qu’elle avait pris en compte aussi la correspondance écrite d’O.H. à ses frères.
29. Tel qu’il ressort d’une lettre de la Haute Cour du 8 octobre 2019, le texte de son arrêt définitif du 7 octobre 2014 avait été rédigé par V.C., le magistrat assistant qui avait participé aux audiences en appel et au délibéré à une date ultérieure (paragraphe 25 ci-dessus). Le 6 janvier 2015, V.C. avait fini de rédiger la motivation de l’arrêt. La motivation définitive fut achevée le 2 avril 2015 et introduite dans le système ECRIS.
30. Parallèlement, le 19 janvier 2015, la juge M.I. (paragraphe 25 ci‑dessus) partit à la retraite à la suite de la demande qu’elle avait formée le 18 décembre 2014.
31. Le texte définitif de l’arrêt rendu par la Haute Cour fut signé par deux juges de la formation d’appel (R.A.P. et M.G. ; paragraphe 25 ci‑dessus) et par le magistrat assistant. En application de l’article 406 § 4 du code de procédure pénale, la juge R.A.P., qui présidait la formation de jugement, signa l’arrêt au nom de la juge M.I., partie à la retraite, à l’endroit destiné à la signature par celle-ci de l’arrêt.
32. Le 8 avril 2015, le greffe de la Haute Cour communiqua au requérant une copie de l’arrêt qui mentionnait les noms des trois juges de la formation de jugement et celui du juge assistant sans que les signatures n’y figurent.
33. Par un courrier électronique du 18 juillet 2017, se référant à l’arrêt Cerovšek et Božičnik c. Slovénie, le requérant demanda à la Haute Cour des renseignements sur la date à laquelle la juge M.I. avait pris sa retraite et qui était le juge qui avait signé l’arrêt du 7 octobre 2014 à la place de cette dernière. Par une lettre du 10 août 2017, la Haute Cour informa le requérant que la juge M.I. avait pris sa retraite le 19 janvier 2015 et que l’arrêt définitif du 7 octobre 2014 avait été signé à sa place par la présidente de la formation de jugement, comme le permettait l’article 406 § 4 du CPP.
C. La demande en révision de l’arrêt définitif du 7 octobre 2014 de la Haute Cour
34. Entre-temps, en juillet 2013, O.H. fut identifié à l’étranger et renvoyé en Roumanie, où il fut placé en détention pour y purger une peine de prison. Les 11 et 19 novembre 2014, il fut interrogé par le parquet dans le cadre d’autres enquêtes pénales concernant des tiers. Dans ses dépositions, il exposa qu’il avait quitté la Roumanie en 2006 à l’aide de M.Y. et Q.A. par la voie terrestre. Se fondant sur ces déclarations d’O.H., le requérant demanda la révision de la procédure pénale clôturée par l’arrêt du 7 octobre 2014 (paragraphe 25 ci-dessus).
35. Par un arrêt du 30 mars 2017, la cour d’appel d’Oradea rejeta la demande en révision. Elle considéra que la crédibilité d’O.H. était mise en cause par les positions successives différentes qu’il avait exprimées dans l’affaire.
36. Sur appel du requérant, par un arrêt définitif du 22 novembre 2017, la Haute Cour confirma le bien-fondé de l’arrêt du 30 mars 2017.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
37. Le droit, la pratique interne et les éléments de droit comparé concernant la signature des décisions définitives de justice ont été exposés dans l’arrêt Iancu c. Roumanie (no 62915/17, §§ 15-27, 23 février 2021).
EN DROIT
I. SUR LES VIOLATIONs ALLÉGUÉEs DE L’ARTICLE 6 §§ 1 et 3 DE LA CONVENTION
38. Le requérant se plaint de l’impossibilité pour lui de faire interroger, au cours de la procédure, le témoin à charge Y.T. et de l’absence de signature de la motivation d’un arrêt définitif par l’un des trois membres de la formation qui avait prononcé ledit arrêt. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (…), par un tribunal (…) qui décidera, (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…)
3. Tout accusé a droit notamment à :
(…)
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. »
A. Sur la violation alléguée de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention à raison de l’impossibilité de faire interroger le témoin à charge Y.T.
1. Sur la recevabilité
39. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre des motifs visés à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
2. Sur le fond
a) Arguments des parties
40. Le requérant considère que l’impossibilité pour lui de faire interroger le témoin Y.T., dont la déposition a été déterminante dans sa condamnation pénale, a porté atteinte à son droit à un procès équitable. Il souligne que la Haute Cour n’a pas recherché les raisons pour lesquelles Y.T. avait été privé de liberté par les autorités libanaises ni la nature de sa déposition devant celles-ci. Il ajoute qu’aucun motif sérieux n’empêchait l’interrogatoire d’Y.T. soit en personne soit par une autre voie.
41. Le Gouvernement souligne que la Haute Cour a examiné la demande du requérant tendant à faire interroger Y.T. et qu’elle l’a rejetée de manière motivée. Il expose que la déposition d’Y.T. n’était pas la seule preuve qui avait fondé la condamnation pénale du requérant et explique qu’en droit roumain, les moyens de preuve n’ont pas de valeur prédéterminée. Il note ensuite que le requérant a pu présenter des arguments pour remettre en cause la déposition faite par le témoin Y.T. sur commission rogatoire, arguments que la Haute Cour a attentivement analysés. Il soutient enfin que la Haute Cour a abordé avec prudence la déposition d’Y.T. et l’a combinée avec d’autres éléments de preuve aux fins de sa décision.
b) Appréciation de la Cour
42. La Cour renvoie aux principes applicables sur la base desquels apprécier la compatibilité avec l’article 6 de la Convention d’un procès pendant lequel un témoignage a été admis comme preuve alors que l’accusé n’a pas eu la possibilité d’interroger ou de faire interroger le témoin en question, établis en l’affaire Al-Khawaja et Tahery c. Royaume Uni ([GC], nos 26766/05 et 22228/06, §§ 118-147, CEDH 2011) et précisés dans l’affaire Schatschaschwili c. Allemagne ([GC], no 9154/10, §§ 110-131, CEDH 2015).
43. Se tournant vers les faits de la présente affaire, la Cour note que la commission rogatoire du 18 octobre 2007 aux fins de l’interrogatoire d’Y.T. a été réalisée dans le cadre de poursuites pénales sans que le requérant en eût été informé. Par la suite, pendant la procédure judiciaire, Y.T. n’a plus été interrogé, que ce soit devant la cour d’appel ou devant la Haute Cour. Dès lors, à aucun moment de la procédure le requérant n’a pu interroger ce témoin.
i. Sur le point de savoir si la non-comparution du témoin Y.T. au procès se justifiait par des motifs sérieux
44. La Cour note d’emblée que les demandes du requérant tendant à faire interroger Y.T. n’ont pas été rejetées pour des motifs tels que la mort ou la peur, l’absence pour raisons de santé ou du fait que le témoin était introuvable (Schatschaschwili, précité, §§ 119-121, et les références qui y sont citées) ni pour des motifs liés aux particularités de la procédure pénale (voir, par exemple, S.N. c. Suède, no 34209/96, § 47, CEDH 2002‑V). En l’espèce, la Haute Cour a rejeté la demande du requérant tendant à faire interroger Y.T. en indiquant qu’un nouvel interrogatoire de celui-ci n’était pas un élément de preuve nécessaire étant donné que d’autres preuves avaient déjà été instruites (paragraphe 24 ci-dessus) et elle a jugé par la suite que l’interrogatoire sur commission rogatoire en question était valable (paragraphe 26 ci-dessus). La présente affaire ne porte donc pas sur une procédure où le témoin Y.T. était dans l’impossibilité de se présenter afin d’être interrogé.
45. La Cour estime important en l’espèce le fait que le parquet a fondé ses accusations contre le requérant sur la déclaration d’Y.T. (paragraphes 18-20 ci-dessus) et que la Haute Cour s’est basée sur sa déposition afin de condamner pénalement le requérant (paragraphe 27 ci‑dessus). Or, dans une situation où l’accusation s’appuie sur une telle déclaration de témoin et où le tribunal peut s’en servir pour étayer un verdict de culpabilité, l’intérêt de la défense à pouvoir faire interroger le témoin concerné en sa présence doit être présumé et, à ce titre, constitue toute la raison requise pour accéder à une demande de la défense tendant à convoquer ce témoin (Keskin c. Pays-Bas, no 2205/16, §§ 45 et 56, 19 janvier 2021).
46. La Cour note aussi qu’il ne semble pas que la Haute Cour ait tenu compte de la pertinence de la déposition du témoin Y.T. lorsqu’elle a décidé de ne pas accéder aux demandes du requérant tendant à citer ce témoin. En outre, bien que ce dernier n’ait pas eu la possibilité de faire interroger Y.T. au cours de la procédure, la Haute Cour n’a à aucun moment envisagé de prendre des mesures pour offrir à l’intéressé la possibilité de faire interroger ce témoin à charge soit en demandant sa comparution au procès soit par un autre moyen de procédure. À la lumière de l’approche stricte adoptée par elle dans certaines affaires antérieures, la Cour n’est pas convaincue que « toutes les mesures raisonnables » (Al-Khawaja et Tahery, précité, § 120) aient été envisagées par la Haute Cour pour assurer la comparution d’Y.T. au procès et permettre ainsi au requérant de le faire interroger (voir, mutatis mutandis, Rastoder c. Slovénie, no 50142/13, §§ 57-58, 28 novembre 2017).
47. En conséquence, les faits de la présente affaire semblent indiquer une absence de « motifs sérieux » justifiant la non-comparution à l’audience d’Y.T. Néanmoins, l’absence d’un « motif sérieux », si elle constitue un élément de poids s’agissant d’apprécier l’équité globale d’un procès à l’aune des autres considérations pertinentes, n’indique pas à elle seule de façon concluante que la procédure pénale a manqué d’équité (Schatschaschwili, précité, § 113, et Seton c. Royaume-Uni, no 55287/10, § 62, 31 mars 2016).
ii. Sur le point de savoir si la déposition du témoin absent constituait le fondement unique ou déterminant de la condamnation du défendeur ou si elle revêtait un poids certain
48. La Cour observe que dans ses motifs d’appel, le parquet avait indiqué que la déposition d’Y.T. était une preuve « fondamentale » (paragraphe 20 ci-dessus). D’ailleurs, la cour d’appel, qui l’avait écartée du dossier, l’avait elle-même qualifiée d’« importante » (paragraphe 16 ci‑dessus). Elle observe en outre que la déposition d’Y.T. était l’élément qui a servi au raisonnement de la Haute Cour dans l’établissement des faits et elle était la seule preuve qui incriminait directement le requérant (paragraphe 27 ci-dessus). Aucune preuve scientifique ni aucune déclaration de témoin n’avait indiqué expressément que le requérant avait aidé O.H. à quitter le pays. Dès lors, la Cour considère que la déposition d’Y.T. constituait une preuve déterminante de la condamnation du requérant et que son rejet en tant que preuve a posé des difficultés à la défense.
iii. Sur le point de savoir s’il existait des éléments compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense
49. La portée des facteurs compensateurs nécessaires pour que le procès soit considéré comme équitable dépend de l’importance que revêtent les déclarations du témoin absent. Plus cette importance est grande, plus les éléments compensateurs doivent être solides afin que la procédure dans son ensemble soit considérée comme équitable (Schatschaschwili, précité, § 116, Negulescu c. Roumanie, no 11230/12, § 45 in fine, 16 février 2021, et Fikret Karahan c. Turquie, no 53848/07, § 48, 16 mars 2021). Compte tenu du caractère central de la déposition d’Y.T. (paragraphe 48 ci-dessus), la Cour estime que des facteurs compensatoires importants étaient nécessaires pour garantir l’équité de la procédure (Chernika c. Ukraine, no 53791/11, § 66, 12 mars 2020). Elle rappelle qu’elle doit tenir compte des aspects suivants : la façon dont la Haute Cour a abordé la preuve non vérifiée, l’administration d’autres éléments à charge et la valeur probante de ceux-ci, et les mesures procédurales prises en vue de compenser l’impossibilité de contre-interroger directement le témoin Y.T. au procès (Schatschaschwili, précité, § 125-131, et Paić c. Croatie, no 47082/12, § 42, 29 mars 2016).
50. La Cour met tout d’abord en avant le contexte très particulier de l’affaire, où la déposition d’Y.T. qui incriminait le requérant avait été donnée sur commission rogatoire alors que Y.T. était privé de liberté et sans qu’il soit assisté d’un avocat (paragraphe 6 ci-dessus). Par la suite, au cours de la procédure engagée par le requérant contre Y.T., ce dernier avait déclaré qu’il avait fait une fausse déposition contre le requérant afin d’obtenir sa remise en liberté (paragraphe 10 ci-dessus). Compte tenu de cette suite des dépositions d’Y.T. et des contextes très différents dans lesquels elles ont été faites, la Haute Cour aurait dû aborder avec prudence la déclaration d’Y.T., d’autant plus qu’il s’agissait d’une preuve à charge importante (voir, mutatis mutandis, Fikret Karahan, précité, § 53).
51. À cet égard, la Cour rappelle que l’utilisation des déclarations faites par des témoins en échange de l’immunité ou d’autres avantages peut jeter le doute sur l’équité de la procédure contre l’accusé et peut soulever des questions difficiles, dans la mesure où, de par leur nature même, les déclarations sont sujettes à manipulation et peuvent être faites uniquement pour obtenir les avantages offerts en échange ou pour se venger personnellement. Le risque qu’une personne puisse être accusée et jugée sur la base d’allégations non vérifiées qui ne sont pas nécessairement désintéressées ne doit donc pas être sous-estimé (voir, mutatis mutandis, Adamčo c. Slovaquie, no 45084/14, § 59, 12 novembre 2019, et Fikret Karahan, précité, § 51).
52. S’agissant ensuite d’autres facteurs compensateurs (paragraphes 25 et 27 ci-dessus), la Cour observe que la déposition du témoin Y.T. a été énumérée avec les autres éléments à charge, sans que l’arrêt définitif du 7 octobre 2014 ne contienne d’éléments indiquant que la Haute Cour avait estimé réduite la valeur probante de la déposition non vérifiée du témoin absent. En outre, il n’y avait en l’espèce aucun élément de preuve semblable à ceux décrits dans l’arrêt Schatschaschwili (précité, §§ 127-130) permettant de corroborer la déposition non vérifiée, ni aucune autre preuve qui aurait pu offrir des garanties similaires (paragraphes 28 ci-dessus).
53. La Cour note enfin que, au cours de la procédure, le requérant a eu la possibilité de présenter sa propre version des faits en niant les accusations portées contre lui (paragraphe 22 ci-dessus). De même, il a eu la possibilité de mettre en doute la crédibilité du témoin absent en versant au dossier copie des pièces du dossier qui avaient abouti à la condamnation pénale d’Y.T. au Liban et copie de la déclaration devant notaire faite par Y.T. (paragraphes 14 et 22 ci-dessus). La Cour observe que la Haute Cour a analysé la déposition d’Y.T. dans le contexte de la procédure pénale menée contre ce dernier au Liban (paragraphe 26 ci-dessus). Elle a aussi livré une analyse comparative des déclarations d’Y.T. faites sur commission rogatoire et de celle faite devant notaire et a expliqué les raisons pour lesquelles, selon elle, la première déclaration relatait la vérité (paragraphe 27 ci‑dessus).
54. La Cour admet que le requérant a bénéficié de certaines garanties procédurales importantes qui lui permettaient de remettre en cause la crédibilité et la fiabilité de la déposition d’Y.T. Cela dit, compte tenu du poids de la déposition de ce dernier et du contexte particulier dans lequel elle a été obtenue, ainsi que de la gravité de la sanction infligée au requérant (paragraphe 25 ci-dessus), elle estime que ces garanties ne peuvent être considérées comme suffisantes pour compenser les difficultés causées à la défense du requérant (voir, mutatis mutandis, Fikret Karahan, précité, § 55, et Keskin, précité, § 68). Cela est d’autant plus vrai compte tenu de l’absence de « motifs sérieux » pour justifier l’impossibilité pour le requérant de faire interroger Y.T. en personne (paragraphe 47 ci-dessus).
iv. Conclusion
55. Eu égard à tout ce qui précède, la Cour estime que le fait que le requérant n’a pu, à aucun stade de la procédure, interroger ou faire interroger Y.T. a rendu la procédure inéquitable dans son ensemble. Partant, il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention.
B. Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention à raison du défaut de signature de l’un des membres de la formation de jugement
56. Le 31 juillet 2017, le requérant se plaint de ce que la juge M.I., qui avait siégé au sein de la formation de jugement qui avait rendu l’arrêt définitif du 7 octobre 2014, n’ait pas participé à la rédaction de l’arrêt ni signé elle-même ledit arrêt, ce qui aurait porté atteinte à son droit à un procès équitable.
Sur la recevabilité
a) Arguments des parties
57. Le Gouvernement plaide le non-épuisement des voies de recours internes, reprochant au requérant de ne pas avoir introduit une contestation en annulation devant les tribunaux internes. De plus, il excipe implicitement de la tardivité de la requête. Il souligne enfin que, la juge R.A.P. avait signé l’arrêt du 7 octobre 2014 au nom de la juge M.I. en application du droit interne.
58. Le requérant considère que son droit à un procès équitable a été méconnu.
b) Appréciation de la Cour
59. La Cour rappelle qu’elle a déjà examiné et rejeté une exception similaire de non-épuisement des voies de recours internes relative à des griefs similaires à ceux soulevés par le requérant en l’espèce (Iancu c. Roumanie, no 62915/17, §§ 29-35, 23 février 2021). Toutefois, à supposer même que le requérant ait saisi la Cour de son grief dans le délai de six mois prévu par l’article 35 de la Convention, la Cour estime que celui-ci est irrecevable, pour les raisons exposées ci‑dessous.
60. Dans l’affaire Iancu (précitée, §§ 46-60), après avoir analysé les trois étapes du processus décisionnel (le prononcé de l’arrêt, sa rédaction et sa signature), la Cour a jugé que l’intervention du juge ayant signé, conformément à l’article 406 du CPP, l’arrêt en lieu et place d’une juge partie à la retraite juste après le prononcé d’un arrêt, n’avait eu aucune conséquence concrète sur l’issue de l’affaire et qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
61. En l’espèce, la Cour observe que, tout comme dans l’affaire Iancu précitée (§ 47), les juges qui ont prononcé l’arrêt litigieux n’avaient pas été remplacés avant les délibérations et le prononcé dudit arrêt et que la rédaction de cet arrêt a été confiée, conformément à législation nationale, à un magistrat assistant ayant participé à la procédure (Iancu, précité, § 48). De même, la juge M.I. se trouvait dans l’impossibilité de signer l’arrêt litigieux et aucun autre juge n’avait repris l’affaire à sa place, de sorte qu’aucun changement dans la composition de la formation de jugement n’est intervenu, pour ce qui est seulement de la signature de l’arrêt en lieu et place de cette juge partie à la retraite. Même à supposer que le principe d’immédiateté y trouvât application, la Cour constate que le requérant n’a avancé aucun fait ni argument susceptible de la convaincre de parvenir à une conclusion différente dans la présente affaire de celle à laquelle elle était parvenue dans l’affaire Iancu précitée.
62. Partant, la Cour estime que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
63. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
64. Le requérant ne demande ni réparation au titre d’un préjudice subi ni le remboursement de ses frais et dépens.
65. La Cour constate qu’aucune somme ne sera octroyée à ces titres.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare le grief tiré, sur le terrain de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, de l’impossibilité d’interroger un témoin à charge recevable et le surplus de la requête irrecevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 novembre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Ilse Freiwirth Gabriele Kucsko-Stadlmayer
Greffière adjointe Président
Dernière mise à jour le novembre 2, 2021 par loisdumonde
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