AFFAIRE KARTOYEV ET AUTRES c. RUSSIE (Cour européenne des droits de l’homme) Requêtes nos 9418/13 et 2 autres – voir liste en annexe

Les requêtes concernent la publicité et l’équité de la procédure pénale dirigée contre les requérants.


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE KARTOYEV ET AUTRES c. RUSSIE
(Requêtes nos 9418/13 et 2 autres – voir liste en annexe)
ARRÊT

Art 6 § 1 (pénal) • Audience publique • Exclusion du public de l’intégralité du procès pénal contre des terroristes injustifiée • Exclusion non limitée à ce qui était strictement nécessaire pour préserver la confidentialité des documents classés secrets • Existence présumée de membres du groupe armé illégal non arrêtés insuffisante pour justifier la sécurité des parties • Cour suprême ayant aussi examiné l’affaire à huis clos
Art 6 § 1 (pénal) et Art 6 § 3 d) • Procès équitable • Égalité des armes • Témoins • Refus de faire produire des données techniques de rapports d’expertise • Refus de faire interroger des experts de l’accusation et d’accueillir des avis de spécialistes cités par la défense

STRASBOURG
19 octobre 2021

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention . Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Kartoyev et autres c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Georges Ravarani, président,
Georgios A. Serghides,
Dmitry Dedov,
Darian Pavli,
Peeter Roosma,
Andreas Zünd,
Frédéric Krenc, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section,

Vu:

les requêtes (nos 9418/13, 9421/13 et 49007/13) dirigées contre la Fédération de Russie et dont neuf ressortissants de cet État, listés en annexe, (« les requérants ») ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux dates indiquées dans le tableau joint en annexe,

Vu la décision de porter à la connaissance du gouvernement russe (« le Gouvernement ») les griefs concernant la publicité et l’équité du procès pénal dirigé contre les requérants, le droit des intéressés à être jugés par un tribunal indépendant et impartial, l’audition de deux témoins à charge anonymes ainsi que le fait que deux témoins instrumentaires n’aient pas été entendus à l’audience, et de déclarer les requêtes irrecevables pour le surplus,

Vu les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 septembre 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. Les requêtes concernent la publicité et l’équité de la procédure pénale dirigée contre les requérants.

EN FAIT

2. Les noms, années de naissance et lieux de résidence des requérants sont indiqués en annexe. Les intéressés ont été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire. Ils ont été représentés par Mme O. Preobrazhenskaya, juriste à Strasbourg.

3. Le Gouvernement a été représenté initialement par M. M. Galperine, représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, puis par M. V. Vinogradov, son successeur dans cette fonction.

I. L’arrestation des requérants et l’enquête préliminaire

A. Le contexte de l’affaire

4. Le 27 novembre 2009, le train « Nevski Express » circulant entre Moscou et Saint-Pétersbourg fut visé par un attentat à la bombe qui fit vingt-sept morts et deux cent sept blessés. Le 28 novembre 2009, un deuxième attentat à la bombe eut lieu sur la scène d’investigation de l’attentat de la veille. Six personnes présentes sur les lieux, dont le directeur du Service fédéral de sécurité (FSB), furent légèrement blessées.

B. L’arrestation des requérants

5. Le 2 mars 2010, les forces spéciales du FSB et les forces armées russes menèrent une opération commune dans le village d’Ekajevo, en République d’Ingouchie, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L’opération visait à arrêter des individus soupçonnés d’être membres d’un groupe terroriste et d’avoir, notamment, commis les attentats des 27 et 28 novembre 2009. Dans le cadre de cette opération, les forces spéciales du FSB tirèrent sur certains des suspects, qui leur opposaient une résistance. Plusieurs des personnes qui avaient résisté à l’arrestation furent tuées.

6. Tous les requérants furent interpellés à Ekajevo le jour de cette opération. Le même jour, ils furent tous transférés dans la ville de Magas, en République d’Ingouchie, où ils furent conduits dans les locaux du bureau du FSB. Ils y furent soumis, en présence de plusieurs témoins instrumentaires, dont N. et K., soldats dans les forces armées, à des prélèvements d’échantillons de salive, de cheveux et d’ongles, dont le déroulement fut consigné dans des procès‑verbaux. Dans la soirée, ils furent transférés par avion à Moscou.

7. À Moscou, dans la nuit du 2 au 3 mars 2010, ils furent informés que les enquêteurs du comité d’instruction chargés de l’enquête pénale avaient décidé de les arrêter en tant que mis en examen. Ils furent ensuite placés en détention provisoire à la maison d’arrêt no 77/2 de Moscou.

C. L’enquête préliminaire

1. Les perquisitions menées dans le village d’Ekajevo et la déclaration faite par le directeur du FSB

8. Entre le 2 et le 5 mars 2010, des enquêteurs assistés par des agents du FSB procédèrent à des inspections et à des perquisitions dans plusieurs maisons du village d’Ekajevo. Ils trouvèrent notamment des produits explosifs, des armes, des munitions, des composants d’engins explosifs et des téléphones portables.

9. Le 6 mars 2010, le directeur du FSB rencontra le président de la Fédération de Russie et l’informa de l’avancement de l’enquête relative à l’attentat contre le « Nevski Express » et du déroulement de l’opération spéciale du 2 mars 2010. Il rapporta notamment que le FSB avait procédé à des expertises génétiques sur les individus arrêtés lors de cette opération spéciale, afin de déterminer s’ils avaient participé à l’attentat du « Nevski Express », et que les résultats de ces expertises confirmaient leur implication.

2. Les expertises

10. Il ressort des éléments dont dispose la Cour que, dans le cadre de l’enquête préliminaire, les enquêteurs du comité d’instruction commandèrent plusieurs expertises, qui furent toutes réalisées par un bureau d’expertise rattaché au FSB. Les requérants n’en furent pas avisés et ils ne participèrent ni à la formulation des questions aux experts ni au choix du bureau d’expertise. À des dates différentes non précisées dans le dossier, les requérants et leurs avocats prirent connaissance des rapports établis à l’issue de ces expertises.

11. Les rapports d’expertise nos 4/122 du 8 décembre 2009 et 4/121 du 21 décembre 2009 indiquaient notamment que les engins explosifs utilisés lors des attentats des 27 et 28 novembre 2009 contenaient de l’hexogène.

12. Le rapport d’expertise no 4/22 du 29 mars 2010 indiquait notamment que l’on avait trouvé des traces d’hexogène sur certains vêtements des premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième requérants – saisis après le placement des intéressés en maison d’arrêt – et des traces de poudre d’aluminium sur les vêtements du neuvième requérant.

13. Le rapport d’expertise no 4/37 du 6 avril 2010 indiquait notamment que deux des objets saisis lors des perquisitions effectuées entre le 2 et le 5 mars 2010 à Ekajevo étaient des grenades artisanales, et que l’on avait trouvé sur un morceau d’adhésif prélevé sur l’une de ces grenades du matériel biologique provenant du quatrième requérant.

14. Le rapport d’expertise no 9/2/73 du 5 mai 2010 indiquait notamment que l’on avait trouvé sur plusieurs objets saisis lors des perquisitions effectuées à Ekajevo (téléphones portables équipés de fils électriques reliés à un dispositif électronique, détonateurs électriques, sac de sport) du matériel biologique provenant des premier, deuxième, troisième et quatrième requérants.

15. Le rapport d’expertise no 9/2/146 du 18 janvier 2010 indiquait notamment que les échantillons sanguins correspondaient au matériel biologique prélevé sur plusieurs objets saisis sur le lieu de l’explosion du 28 novembre 2009.

16. Plusieurs objets saisis lors des perquisitions effectuées entre le 2 et le 5 mars 2010 à Ekajevo furent également soumis à des expertises. Les rapports de ces expertises révélaient les résultats suivants :

– présence de nitrate d’ammonium et de poudre d’aluminium sur un sac (rapport no 4/50 du 16 avril 2010) ;

– présence d’hexogène sur des piles électriques, du ruban adhésif, des fils électriques, et des chargeurs et batteries de téléphones portables (rapport no 9/2/61-2 du 11 mai 2010) ;

– présence d’hexogène sur un adaptateur pour carte SIM et une enveloppe en papier (rapport no 4/101 du 12 août 2010) ;

– présence d’hexogène sur des kits de cartes SIM pour téléphone portable (rapport no 4/104 du 10 septembre 2010) ;

‒ présence de trinitrotoluène (TNT) sur des tapis (rapport no 4/134 du 21 octobre 2010) ;

‒ présence d’hexogène sur un pantalon et une veste (rapport no 9/2/55 du 22 octobre 2010).

3. Les charges retenues contre les requérants

17. À l’issue de l’enquête préliminaire, tous les requérants furent accusés d’appartenance à un groupe armé illégal, de préparation en bande organisée d’infractions contre des personnes physiques ou morales et d’acquisition et détention illégales en bande organisée d’armes à feu, munitions et explosifs. Les premier, deuxième, troisième et quatrième requérants furent en outre accusés de meurtre aggravé et actes de terrorisme ayant entraîné la mort d’autrui.

18. L’affaire pénale, ouverte contre dix personnes dont les requérants, fut transmise pour examen à la cour régionale de Tver (« la cour régionale »).

II. Le procès pénal et la condamnation des requérants

A. La tenue du procès pénal à huis clos

19. Le 29 août 2011, à l’issue d’une audience préliminaire, la cour régionale adopta une décision dont les parties pertinentes en l’espèce se lisent comme suit :

« Les éléments du dossier pénal contiennent des informations relevant du secret‑défense (сведения, составляющие государственную тайну). Par ailleurs, certains membres du groupe armé illégal et de la bande organisée n’ont pas été arrêtés. En conséquence, l’affaire doit être examinée à huis clos, en vertu de l’article 241 § 2, premier et quatrième alinéas [du code de procédure pénale]. »

20. Selon les requérants, les informations relevant du secret-défense se trouvaient dans le cinquante-huitième des 111 volumes du dossier.

21. Le 27 octobre 2011, à l’issue de l’examen de ce volume, la défense pria la cour régionale de rendre le procès public. Rappelant les termes de l’article 241 § 2, premier et quatrième alinéas, du code de procédure pénale (paragraphe 47 ci‑dessous), la cour régionale rejeta cette demande, au motif que, même si les preuves documentaires avaient déjà été examinées en audience, d’autres éléments de preuve, susceptibles de renfermer eux aussi des informations relevant du secret-défense, seraient peut-être examinés par la suite.

22. Le 28 novembre 2011, la défense réitéra sa demande de publicité du procès. La cour régionale rejeta à nouveau cette demande. Elle motiva ainsi son refus :

« L’affaire pénale no 2-27/2011 ne peut être examinée publiquement, car le dossier pénal renferme des éléments classés secret-défense. De plus, [le huis clos] est nécessaire pour assurer la sécurité des parties à la procédure. »

B. La thèse de l’accusation et la position des requérants

23. À l’appui des charges d’appartenance à un groupe armé illégal et d’acquisition et détention illégales d’armes à feu, l’accusation s’efforça de démontrer que les requérants avaient acquis pour le groupe illégal créé par l’un des individus tués lors de l’opération du 2 mars 2010 des explosifs contenant de l’hexogène ainsi que divers types d’armes, et qu’ils les avaient entreposés dans des maisons situées à Ekajevo.

24. À l’appui des charges de terrorisme et de meurtre aggravé, elle s’efforça de démontrer que les premier, deuxième, troisième et quatrième requérants avaient, après en avoir été chargés par leurs complices, acheté environ neuf kilogrammes d’hexogène ainsi que les composants nécessaires à la fabrication d’un engin explosif et de deux grenades, et que cet engin et ces grenades avaient servi à perpétrer les attentats des 27 et 28 novembre 2009.

25. Elle fondait sa thèse sur divers éléments de preuve, dont les rapports d’expertise mentionnés aux paragraphes 11‑16 ci‑dessus.

26. Les requérants plaidèrent tous « non coupable ».

C. Les démarches entreprises par la défense pour contester les rapports d’expertises

1. À l’audience du 28 novembre 2011

27. Le 28 novembre 2011, la défense pria la cour régionale de verser au dossier pénal un avis, établi à sa demande par un « spécialiste » en chimie et substances explosives (sur la qualité de « spécialiste », voir le paragraphe 46 ci‑dessous), P., sur la validité des rapports d’expertise nos 4/22 du 29 mars 2010, 4/37 du 6 avril 2010 et 9/2/73 du 5 mai 2010 (paragraphes 12‑14 ci‑dessus), et d’interroger P. en audience. Elle précisa qu’à sa demande, le spécialiste avait pris connaissance de ces rapports afin de préparer son avis.

28. La cour régionale rejeta la demande de la défense, au motif que « le domaine dans lequel [P.] était spécialiste n’avait pas été établi ». Elle rappela en outre aux avocats de la défense qu’ils n’étaient pas autorisés à communiquer le contenu des pièces du dossier pénal à des tiers, l’affaire pénale étant classée « secrète ».

2. À l’audience du 19 décembre 2011

29. À l’audience du 19 décembre 2011, la défense pria la cour régionale d’ordonner l’examen en audience des résultats techniques de plusieurs expertises, notamment des électrophorégrammes obtenus dans le cadre de l’expertise no 9/2/146 du 18 janvier 2010 (paragraphe 12 ci‑dessus) et des chromatogrammes obtenus dans le cadre des expertises nos 4/22 du 29 mars 2010, 4/50 du 16 avril 2010, 9/2/61-2 du 11 mai 2010, 4/104 du 10 septembre 2010, 4/101 du 12 août 2010, 4/134 du 21 octobre 2010, et 9/2/55 du 22 octobre 2010 (paragraphes 15‑16 ci‑dessus).

30. À l’audience du 21 décembre 2011, la cour régionale rejeta cette demande (paragraphes 31‑32 ci‑dessous), au motif que les parties à la procédure n’avaient pas de connaissances spéciales en la matière et que les experts avaient répondu à toutes les questions de manière claire et compréhensible.

3. À l’audience du 21 décembre 2011

31. À l’audience du 21 décembre 2011, la cour régionale entendit deux spécialistes en substances explosives : M., à la demande de l’accusation, et K., à la demande de la défense. Les spécialistes répondirent aux questions des parties et des juges sur l’hexogène, ses propriétés et son utilisation.

32. À la même audience, la défense pria la cour régionale de verser au dossier l’avis d’un spécialiste en génétique, T., sur la validité des rapports établis à l’issue des expertises génétiques effectuées pendant l’enquête préliminaire. La cour régionale rejeta cette demande au motif qu’elle était contraire au « principe d’immédiateté de l’examen des preuves en audience judiciaire ».

4. À l’audience du 26 décembre 2011

33. À l’audience du 26 décembre 2011, la défense demanda l’exclusion des rapports d’expertises nos 4/22 du 29 mars 2010, 4/50 du 16 avril 2010, 9/2/61-2 du 11 mai 2010, 4/104 du 10 septembre 2010, 4/101 du 12 août 2010, 4/134 du 21 octobre 2010, et 9/2/55 du 22 octobre 2010, arguant qu’ils ne contenaient ni de chromatogrammes ni d’électrophorégrammes. Le tribunal rejeta cette demande, au motif que la présence de ces éléments dans le dossier pénal n’était pas obligatoire.

5. À l’audience du 23 janvier 2012

34. À l’audience du 23 janvier 2012, la cour régionale entendit à nouveau le spécialiste K., à la demande de la défense. K. déclara que les expertises des substances explosives devaient nécessairement reposer sur des électrophorégrammes et des chromatogrammes, et que ces éléments devaient être joints au rapport d’expertise ou conservés par le bureau d’expertise. Il exposa qu’il n’était pas possible de vérifier la validité des rapports sans avoir accès à ces éléments. La défense pria la cour régionale de donner lecture des rapports d’expertise nos 4/121 et 4/122 (paragraphe 11 ci‑dessus) en présence du spécialiste K. afin que celui‑ci pût commenter le déroulement des expertises et les conclusions des experts. La cour régionale rejeta cette demande au motif qu’un spécialiste n’était pas habilité à se prononcer sur les conclusions d’un expert judiciaire.

35. S’appuyant sur les précisions apportées par le spécialiste K., la défense demanda à nouveau l’examen en audience judiciaire des électrophorégrammes et des chromatogrammes obtenus dans le cadre des expertises litigieuses. La cour régionale rejeta cette demande, au motif que la production de données techniques en audience judiciaire n’était pas obligatoire en vertu du droit interne.

36. À la même audience, la défense pria la cour régionale de l’autoriser à interroger les experts qui avaient réalisé les expertises des substances explosives et de les inviter à présenter les données techniques sur lesquelles leurs rapports étaient fondés. La cour régionale rejeta cette demande, au motif que « les expertises [avaient] été réalisées conformément aux règles de la procédure et [que] les experts [avaient] répondu à toutes les questions ».

37. Toujours à l’audience du 23 janvier 2011, la défense pria la cour régionale de faire verser au dossier les expertises génétiques dont l’existence avait été mentionnée par le directeur du FSB lors sa rencontre avec le président russe le 6 mars 2010. La cour régionale rejeta cette demande, au motif que la défense n’avait pas indiqué les références des rapports à produire. La défense présenta alors une demande de récusation de tous les experts du bureau d’expertise du FSB pour défaut d’indépendance et d’impartialité. Cette demande fut également rejetée.

D. L’audition de témoins anonymes et le refus de convoquer des témoins instrumentaires

38. Le 15 décembre 2011, l’accusation demanda à interroger en audience judiciaire mais hors de la vue des parties deux agents du FSB qui avaient participé à la mise en place de mesures opérationnelles d’investigation concernant les requérants et à l’opération spéciale du 2 mars 2010. Elle pria également la cour régionale d’accorder à ces témoins l’anonymat et d’autoriser la modification technique de leur voix. Malgré l’objection de la défense, la cour régionale accéda à cette demande. Les témoins en question furent interrogés à l’audience du 15 décembre 2011, sous les pseudonymes « Petrov » et « Sidorov ».

39. À l’audience du 19 décembre 2011, la défense pria la cour régionale de convoquer et d’interroger les témoins instrumentaires N. et K., qui étaient présents lors du prélèvement des échantillons de salive des requérants dans les locaux du bureau du FSB de la ville de Magas. La cour régionale rejeta cette demande, au motif que le procès‑verbal du prélèvement était conforme à la procédure pénale et que la demande « visait en substance l’appréciation des preuves ».

E. La condamnation des requérants

1. Le jugement du 22 mai 2012

40. Par un jugement du 22 mai 2012, la cour régionale reconnut tous les requérants coupables d’acquisition et détention illégales en bande organisée d’armes à feu, de munitions et d’explosifs, et d’appartenance à un groupe armé illégal. Les premier, deuxième, troisième et quatrième requérant furent en outre reconnus coupables d’acte de terrorisme ayant entraîné la mort, les charges de meurtre aggravé dirigées contre eux ayant été englobées dans les charges de terrorisme. Tous les requérants furent acquittés des charges de préparation d’une infraction en bande organisée. Les premier, deuxième, troisième et quatrième requérants furent condamnés à la réclusion à perpétuité. Les cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième requérants furent condamnés à des peines allant de sept à huit ans d’emprisonnement.

41. La cour régionale fonda le verdict de culpabilité sur différents éléments de preuve, parmi lesquels les dépositions faites par les premier, deuxième et troisième requérants pendant l’enquête préliminaire, plusieurs témoignages dont ceux des témoins anonymes « Petrov » et « Sidorov », les procès‑verbaux des saisies et perquisitions réalisées à Ekajevo entre le 2 et le 5 mars 2010, et les rapports des expertises effectuées au cours de l’enquête préliminaire, y compris ceux mentionnés aux paragraphes 11‑16 ci-dessus.

2. Le prononcé du jugement (22 mai 2012)

42. Les requérants allèguent que le 22 mai 2012, avant le prononcé du jugement, les juges sortirent de la salle des délibérations avec les procureurs. Il ressort du procès-verbal de l’audience qu’après le prononcé de la partie introductive et du dispositif du jugement, les juges rappelèrent aux requérants leurs droits procéduraux, notamment celui de recourir contre le jugement et celui de contester le procès-verbal, et qu’ils expliquèrent les modalités de délivrance des copies de la version intégrale du jugement.

3. L’appel interjeté par les requérants contre le jugement du 22 mai 2012 et l’arrêt d’appel du 25 février 2012

43. Les requérants interjetèrent appel du jugement du 22 mai 2012. Ils se plaignaient notamment du caractère secret du procès tenu devant la cour régionale, de l’impossibilité dans laquelle ils s’étaient trouvés de contester les rapports d’expertise produits par l’accusation ainsi que de présence alléguée de procureurs dans la salle des délibérations de la cour régionale de Tver avant le prononcé du jugement.

44. Le 25 février 2013, la Cour suprême de la Fédération de Russie, siégeant à huis clos, rejeta l’appel des requérants. Elle fit siennes les conclusions de la cour régionale sur la nécessité d’examiner l’affaire à huis clos. Sans se prononcer expressément sur le respect du principe de l’égalité des armes quant à la possibilité de contester les rapports d’expertise produits par l’accusation, elle nota que les requérants avaient été en mesure d’interroger en audience les spécialistes qu’ils avaient cités à comparaître pour leur défense. Elle indiqua en outre que les allégations des requérants quant à la présence de procureurs dans la salle des délibérations avant le prononcé du jugement du 22 mai 2012 n’étaient pas étayées par des éléments pertinents.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

45. On trouvera dans l’arrêt Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie (nos 11082/06 et 13772/05, §§ 377‑385, 25 juillet 2013) une description générale de la procédure pénale russe.

46. Les dispositions du code de procédure pénale relatives aux preuves, notamment aux rapports d’« experts » et aux avis de « spécialistes », sont décrites dans l’arrêt Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie (no 2) (nos 42757/07 et 51111/07, §§ 372‑384, 14 janvier 2020).

47. Les parties pertinentes en l’espèce de l’article 241 du code de procédure pénale tel qu’en vigueur au moment des faits se lisaient comme suit :

« 1. Devant toute juridiction pénale, le procès est public, sauf dans les cas prévus par le présent article.

2. Le tribunal peut décider par une décision de procédure ou une ordonnance de tenir un procès à huis clos dans les cas où :

1) l’examen judiciaire [de l’affaire pénale] est susceptible de dévoiler des informations relevant du secret-défense ou des informations classées secrètes en vertu de la loi fédérale (государственной или иной охраняемой федеральным законом тайны) ;

(…)

4) il est nécessaire d’assurer la sécurité des parties à la procédure, des membres de leur famille immédiate, y compris leurs parents, ou de leurs proches.

2.1. La décision de procédure ou l’ordonnance par laquelle le tribunal décide de la tenue du procès à huis clos doit indiquer [les] éléments factuels concrets sur lesquels elle repose.

3. L’examen de l’affaire pénale à huis clos se fait dans le respect de toutes les règles de la procédure pénale. La décision de procédure ou ordonnance de huis clos peut concerner tout ou partie du procès pénal. »

EN DROIT

I. JONCTION DES REQUÊTES

48. Eu égard à la similarité de l’objet des requêtes, la Cour juge opportun de les examiner ensemble dans un arrêt unique.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION (PROCÈS PUBLIC ET TRIBUNAL IMPARTIAL)

49. Les requérants soutiennent que l’examen à huis clos de leur affaire pénale tant devant la cour régionale que devant la Cour suprême a emporté violation à leur égard du droit à un procès public. Alléguant que les procureurs étaient présents dans la salle des délibérations avant le prononcé du jugement du 22 mai 2012 de la cour régionale, ils se plaignent également de ne pas avoir été jugés par un tribunal indépendant et impartial. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé en ses parties pertinentes en l’espèce :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (…) par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

A. Sur la recevabilité

1. Sur le défaut allégué d’indépendance et d’impartialité de la cour régionale

50. Le Gouvernement renvoie aux conclusions de la Cour suprême. Il souligne que celle-ci a jugé que les craintes exprimées par la défense quant à la présence supposée des procureurs dans la salle des délibérations avant le prononcé du jugement du 22 mai 2012 de la cour régionale n’étaient pas étayées par les éléments du dossier.

51. Les requérants soutiennent que les délibérations des juges n’ont pas été consignées dans le procès-verbal de l’audience et que, par conséquent, le dossier pénal ne pouvait pas contenir d’éléments susceptibles de confirmer ou d’infirmer les allégations de la défense. Ils arguent que, dans son mémoire d’appel, la défense a décrit en détail les circonstances qui avaient entouré le prononcé du jugement. Ils estiment que la Cour suprême aurait dû prendre des mesures efficaces pour vérifier la réalité des faits allégués et pour dissiper les doutes quant à l’impartialité des juges de la cour régionale, par exemple en interrogeant les procureurs et les avocats de la défense ou encore en demandant aux autorités compétentes de mener une enquête à ce sujet.

52. La Cour observe que, après le prononcé du jugement du 22 mai 2012, les juges ont rappelé aux requérants leurs droits procéduraux, notamment celui de faire appel du jugement et celui de contester le procès‑verbal, et ils ont expliqué les modalités de délivrance des copies de la version intégrale du jugement (paragraphe 42 ci‑dessus). Si les requérants nourrissaient des craintes quant à l’indépendance et à l’impartialité du tribunal en raison de la présence supposée des procureurs dans la salle des délibérations, il ne ressort pas des éléments dont la Cour dispose qu’ils les aient exprimées à l’audience du 22 mai 2012, notamment après le prononcé du jugement, ni qu’ils aient contesté le procès‑verbal de cette audience afin d’étayer leurs allégations. Par conséquent, la Cour estime que le grief relatif à l’indépendance et à l’impartialité de la cour régionale doit être rejeté pour être manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

2. Sur la tenue du procès à huis clos

53. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

54. Les requérants estiment que la tenue du procès pénal à huis clos était une mesure disproportionnée. Ils soutiennent que plus aucun des motifs invoqués par la cour régionale n’était suffisant après l’examen du volume no 58 du dossier pénal pour justifier le maintien de cette mesure. Ils considèrent que la possibilité que fussent examinés d’autres éléments de preuve susceptibles de révéler des informations relevant du secret-défense était purement théorique et que, de même, la thèse selon laquelle les membres du groupe armé illégal n’avaient pas tous été arrêtés n’était qu’une spéculation que n’étayait aucun élément factuel. Ils estiment que seuls les témoins anonymes « Petrov » et « Sidorov » auraient pu éventuellement avoir besoin d’une protection, et soulignent qu’en toute hypothèse, ces témoins ont été interrogés hors de la vue des parties. Dès lors, il aurait été inutile de tenir le procès à huis clos.

55. Le Gouvernement argue que les motifs invoqués par la cour régionale dans sa décision du 29 août 2011 pour tenir le procès pénal à huis clos étaient pertinents et qu’ils n’ont pas perdu leur actualité après l’examen des éléments du dossier classés secret-défense, ce qui justifie selon lui le rejet par la juridiction du fond des nouvelles demandes de publicité du procès introduites par la défense. Il soutient qu’ainsi, la mesure litigieuse était strictement nécessaire dans les circonstances de l’espèce.

2. Appréciation de la Cour

56. La Cour rappelle que la publicité de la procédure des organes judiciaires visés à l’article 6 § 1 de la Convention protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public, et constitue aussi l’un des moyens de préserver la confiance du public dans les cours et tribunaux (Martinie c. France [GC], no 58675/00, § 39, CEDH 2006‑VI, et Yam c. Royaume-Uni, no 31295/11, § 52, 16 janvier 2020).

57. Elle rappelle également que, dans de nombreuses affaires, elle a conclu à la violation de l’article 6 § 1 après avoir constaté que les juridictions internes avaient ordonné l’exclusion du public des débats en motivant cette mesure simplement par la présence de documents classés secrets dans un dossier judiciaire ou par la nécessité d’assurer la sécurité des parties à la procédure, sans évaluer la nécessité de cette exclusion en mettant en balance le principe de la publicité des débats et les impératifs de protection de l’ordre public, de la sécurité nationale ou des intérêts de la justice (Belachev c. Russie, no 28617/03, §§ 79‑88, 4 décembre 2008, Romanova c. Russie, no 23215/02, §§ 152‑160, 11 octobre 2011, Raks c. Russie, no 20702/04, §§ 43‑51, 11 octobre 2011, Pichugin c. Russie, no 38623/03, §§ 185‑192, 23 octobre 2012, Artemov c. Russie, no 14945/03, §§ 43‑51, 3 avril 2014, Sheynoyev c. Russie [comité], no 65783/09, §§ 14‑16, 25 septembre 2018, Izmestyev c. Russie, no 74141/10, §§ 82‑95, 27 août 2019, et Maslennikov c. Russie [comité], no 42301/11, §§ 15‑31, 8 décembre 2020).

58. Eu égard aux éléments dont elle dispose, la Cour estime que le Gouvernement n’a soulevé aucun point de fait ou de droit à même de la convaincre de parvenir à une conclusion différente en l’espèce.

59. En ce qui concerne d’abord la nécessité de protéger les informations relevant du secret-défense, elle considère que, si les autorités pouvaient en principe avoir un intérêt légitime à préserver la confidentialité des documents classés secrets, la cour régionale devait limiter l’exclusion du public des débats à ce qui était strictement nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (Izmestyev, précité, § 93). Elle constate à cet égard que la défense a demandé à la cour régionale de reprendre l’audience publique dès l’issue de l’examen des éléments du dossier classés secret-défense, et que la cour régionale a rejeté cette demande au motif que d’autres éléments de preuve susceptibles de révéler des informations classées secrètes seraient peut-être examinés ultérieurement (paragraphe 21 ci‑dessus). Or rien n’indique qu’il existât d’autres éléments de preuve relevant du secret‑défense, et la possibilité théorique que pareils éléments fussent examinés ne pouvait justifier l’exclusion du public du procès. La Cour note sur ce point que le tribunal n’a pas envisagé de prendre des mesures visant à limiter les effets de l’absence de publicité du procès, telles qu’une restriction ne portant que sur l’accès aux documents relevant du secret‑défense ou la tenue à huis clos de l’audience du 27 octobre 2011 seulement, alors que pareille possibilité était expressément prévue à l’article 241 § 3 du code de procédure pénale (paragraphe 47 ci‑dessus).

60. En ce qui concerne la nécessité d’assurer la sécurité des parties, la Cour observe que, dans sa décision du 29 août 2011, la cour régionale a indiqué que les membres du groupe armé illégal et de la bande organisée n’avaient pas tous été arrêtés au moment du procès (paragraphe 19 ci‑dessus). Elle considère d’abord que cette motivation était trop laconique, en ce qu’elle ne désignait pas de manière suffisamment précise les membres du groupe qui auraient encore été en liberté. À supposer même qu’il y en ait eu, la cour régionale n’a cité aucun élément factuel susceptible de démontrer qu’ils aient représenté un danger réel pour les parties à la procédure, par exemple parce qu’ils auraient menacé les témoins ou les parties lésées (voir, à titre d’exemple, Artemov, précité, § 105). La Cour estime qu’en l’absence de tels éléments, l’existence présumée de membres du groupe armé illégal qui n’auraient pas été arrêtés n’était pas suffisante pour justifier la décision de tenir l’intégralité du procès pénal à huis clos (Belachev, précité, §§ 85‑86, et Raks, précité, §§ 48‑49).

61. Elle considère donc que l’exclusion du public du procès dirigé contre les requérants ne pouvait passer pour justifiée au regard des circonstances de l’espèce.

62. Enfin, la Cour rappelle qu’une juridiction supérieure peut, dans certains cas, effacer le vice ayant entaché la procédure devant le tribunal de première instance (Riepan c. Autriche, no 35115/97, § 40, CEDH 2000‑XII). Il peut ainsi être remédié à un défaut de publicité devant le tribunal de première instance par l’instance d’appel, si cette dernière procède à un réexamen complet de l’affaire de sorte que l’ensemble des preuves soit produit en présence de l’accusé, dans le cadre d’une audience publique et contradictoire (Riepan, précité, § 41, et Krestovskiy c. Russie, no 14040/03, §§ 34‑35, 28 octobre 2010). Or, en l’occurrence, la Cour suprême a également examiné l’affaire pénale à huis clos (paragraphe 44 ci‑dessus). Elle n’a donc pas remédié au défaut de publicité du procès pénal conduit devant la cour régionale.

63. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 et 3 d) DE LA CONVENTION (équité)

64. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants soutiennent que, par différents aspects, la procédure pénale dirigée contre eux n’a pas été équitable. Ils allèguent notamment que, en violation des principes de l’égalité des armes et du contradictoire, ils n’ont pu ni contester les rapports d’expertise produits par l’accusation, la juridiction du fond ayant refusé de faire interroger les experts qui les avaient établis, ni accéder à l’intégralité de ces rapports, ni les communiquer à des spécialistes qui auraient pu témoigner à décharge, les juges ayant également rejeté quasiment toutes les demandes de la défense en ce sens. Ils allèguent qu’aucun des experts cités par l’accusation n’était indépendant et impartial. La Cour rappelle qu’elle est maîtresse de la qualification juridique des faits (voir, parmi d’autres, Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 126, 20 mars 2018). Elle estime qu’il convient d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, qui est ainsi libellé en ses parties pertinentes en l’espèce :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…) qui décidera (…) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

(…)

3. Tout accusé a droit notamment à :

(…)

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; (…) »

A. Sur la recevabilité

65. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

66. Les requérants soutiennent que la cour régionale avait été informée des qualifications professionnelles du spécialiste P. (paragraphe 27 ci‑dessus) et que par ailleurs, l’intéressé, présent au tribunal, pouvait produire ses diplômes. S’appuyant sur les articles 53, 74 et 86 du code de procédure pénale (on trouvera le libellé de ces articles dans l’arrêt Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie (no 2), nos 42757/07 et 51111/07, §§ 372, 374 et 381, 14 janvier 2020), ils soutiennent que la défense avait le droit d’obtenir un avis de spécialiste et de le verser au dossier pénal. Ils ajoutent que la cour régionale n’a pas dûment motivé son rejet de l’avis du spécialiste T., qui aurait selon eux infirmé la validité de plusieurs rapports d’expertise génétique produits par l’accusation (paragraphe 32 ci‑dessus). Ils arguent que le principe de « l’immédiateté » de l’examen des preuves ne pouvait faire obstacle à l’examen de l’avis de T. en audience judiciaire.

67. Les requérants soutiennent encore que le refus d’ordonner l’examen en audience judiciaire de données techniques issues de plusieurs rapports d’expertises et d’exclure ces rapports des preuves à charge les a privés de la possibilité de contester des preuves importantes qui ont servi de fondement à leur condamnation. Ils soulignent qu’alors que le spécialiste K. a été interrogé à l’audience du 23 janvier 2012, les juges ont refusé d’entendre son avis sur la validité de deux rapports d’expertise (paragraphe 34 ci‑dessus). Ils arguent que le refus d’interroger les experts qui avaient établi les rapports contestés par la défense les a privés de la possibilité de contester la validité de ces rapports et de demander, le cas échéant, une contre-expertise. Enfin, ils estiment que les experts chargés d’effectuer les expertises à la demande de l’accusation pendant l’enquête préliminaire n’étaient pas indépendants et impartiaux car les responsables des laboratoires du bureau d’expertise au sein duquel ils travaillaient étaient nommés par le directeur du FSB, qui se serait montré de parti pris à l’égard des accusés. Ils renvoient sur ce point à l’interview du 6 mars 2010, où le directeur du FSB avait affirmé qu’ils étaient complices de l’attentat du « Nevski Express » (paragraphe 9 ci‑dessus).

68. Le Gouvernement argue que c’est à bon droit que le tribunal de première instance a rejeté différentes demandes de la défense (citation d’experts, examen à l’audience de données techniques issues des rapports d’expertise, audition de spécialistes, versement au dossier des avis écrits de spécialistes). Il renvoie à cet égard aux motifs invoqués par la juridiction de première instance. Il avance ensuite que le fait que les experts chargés de diverses expertises travaillaient au sein d’un bureau rattaché au FSB ne pouvait à lui seul justifier une mise en cause de leur indépendance et de leur impartialité. Il indique par ailleurs que, au stade de l’enquête préliminaire, les requérants n’ont pas demandé l’exclusion des rapports établis par ces experts ni allégué un défaut d’indépendance et d’impartialité de leur part.

2. Appréciation de la Cour

a) Le refus de faire produire des données techniques de rapports d’expertise

69. La Cour rappelle que tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l’égalité des armes entre l’accusation et la défense : c’est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable. Le droit à un procès pénal contradictoire implique, pour l’accusation comme pour la défense, la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l’autre partie (Jasper c. Royaume-Uni [GC], no 27052/95, § 51, 16 février 2000, Rowe et Davis c. Royaume-Uni [GC], no 28901/95, § 60, CEDH 2000‑II, Fitt c. Royaume-Uni [GC], no 29777/96, § 44, CEDH 2000‑II, Edwards et Lewis c. Royaume-Uni [GC], nos 39647/98 et 40461/98, §§ 46 et 48, CEDH 2004‑X, et Öcalan c. Turquie [GC], no 46221/99, § 146, CEDH 2005‑IV). De surcroît, l’article 6 exige que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge (Jasper, Rowe et Davis, Fitt et Edwards et Lewis, tous précités).

70. Cela étant, le droit à la divulgation des preuves pertinentes n’est pas absolu. Dans une procédure pénale donnée, il peut y avoir des intérêts concurrents – tels que la sécurité nationale ou la nécessité de protéger des témoins risquant des représailles ou de garder secrètes des méthodes policières de recherche des infractions – qui doivent être mis en balance avec les droits de l’accusé. Dans certains cas, il peut être nécessaire de dissimuler certaines preuves à la défense afin de préserver les droits fondamentaux d’un autre individu ou de sauvegarder un intérêt public important. Toutefois, seules sont légitimes au regard de l’article 6 § 1 les mesures restreignant les droits de la défense qui sont absolument nécessaires. De plus, si l’on veut garantir un procès équitable à l’accusé, toutes difficultés causées à la défense par une limitation de ses droits doivent être suffisamment compensées par la procédure suivie devant les autorités judiciaires (Jasper, précité, § 52, Rowe et Davis, précité, § 61, Fitt, précité, § 45, et Edwards et Lewis, précité, §§ 46 et 48).

71. En l’espèce, la Cour observe que la défense a demandé à accéder à des données techniques issues de plusieurs rapports d’expertise afin de pouvoir contester la validité des conclusions des experts qui avaient conclu à la présence d’hexogène sur différents objets saisis lors des perquisitions et sur des vêtements appartenant aux requérants (paragraphes 29 et 35-36 ci‑dessus). À plusieurs reprises, la cour régionale a rejeté ces demandes au motif que la présence de ces données dans le dossier pénal n’était pas obligatoire (paragraphes 30 et 36 ci‑dessus).

72. La Cour note qu’il n’était pas contesté devant les juridictions internes que ces données techniques existaient (voir, a contrario, M c. Pays‑Bas, no 2156/10, § 68, 25 juillet 2017 (extraits)) et qu’elles étaient détenues par le bureau d’expertise choisi par l’accusation. Elle estime donc que ces données constituaient des « preuves à charge » qui se trouvaient en la possession de l’accusation. Elle note ensuite que la défense a suffisamment motivé ses demandes, notamment en s’appuyant sur l’avis du spécialiste K., selon lequel il n’était pas possible de contester la validité des rapports d’expertise sans avoir accès aux données techniques sur lesquelles ils reposaient (paragraphes 34 ci‑dessus). Il n’a pas été allégué non plus que la divulgation de ces données à la défense serait allée à l’encontre d’intérêts concurrents, tels que la sécurité nationale ou la nécessité de protéger des témoins risquant des représailles ou de garder secrètes des méthodes policières de recherche des infractions (voir, a contrario, Van Wesenbeeck c. Belgique, nos 67496/10 et 52936/12, § 70, 23 mai 2017).

73. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que, même si la présence de ces données techniques dans le dossier pénal n’était pas obligatoire en vertu du droit interne, le principe du contradictoire exigeait que la défense y eût accès. Les demandes de la défense en ce sens ayant été rejetées, l’égalité des armes entre l’accusation et la défense n’a pas été respectée.

b) Sur le refus de faire interroger des experts de l’accusation et le refus d’accueillir des avis de spécialistes cités par la défense

74. La Cour rappelle qu’elle a déjà conclu dans plusieurs affaires que le refus des tribunaux nationaux de faire interroger en audience judiciaire des experts choisis par l’accusation et d’admettre comme éléments de preuve des avis préparés par des spécialistes à la demande de la défense avaient violé le principe de l’égalité des armes et porté atteinte à l’équité de la procédure pénale (Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie, nos 11082/06 et 13772/05, §§ 706‑735, 25 juillet 2013, Pichugin, précité, §§ 31‑38, 6 juin 2017, et Khodorkovskiy et Lebedev (no 2), précité, §§ 481‑499).

75. Eu égard aux éléments dont elle dispose, elle considère que le Gouvernement n’a mis en avant aucun élément de fait ou de droit propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente en l’espèce.

76. Premièrement, elle note que les requérants ont clairement demandé que les experts qui avaient examiné les substances explosives fussent interrogés devant le tribunal, afin que fussent éclaircis un certain nombre de points qui ne pouvaient être tranchés que par des spécialistes. La cour régionale a rejeté cette demande, estimant qu’il n’était pas nécessaire d’interroger les experts (paragraphes 36 ci‑dessus).

77. La Cour rappelle que si l’accusation considère une personne en particulier comme une source d’information pertinente et s’appuie au procès sur son témoignage, qui est ensuite utilisé par le tribunal pour étayer un verdict de culpabilité, il faut présumer qu’il est nécessaire que cette personne comparaisse en personne pour être interrogée, à moins que son témoignage ne soit manifestement non pertinent ou redondant (Khodorkovskiy et Lebedev (no 2), précité, § 484). Elle considère en l’espèce que parmi les éléments de preuve qui ont servi de fondement pour la condamnation des requérants, les rapports d’expertise dont la validité était mise en cause par la défense ont eu un poids considérable : ils n’étaient donc pas manifestement non pertinents ou redondants (paragraphe 41 ci‑dessus). En outre, alors que les requérants n’avaient pas participé au choix des experts ni à la formulation des questions qui leur avaient été posées pendant la phase d’enquête (paragraphe 10 ci‑dessus), la cour régionale n’a pas convoqué ces experts et elle ne les a pas interrogés pendant le procès. Ainsi, elle a fondé ses conclusions sur des témoignages d’experts qui n’avaient jamais été entendus à l’audience (ibidem).

78. Cette omission de la cour régionale était susceptible de porter sensiblement atteinte au droit des requérants à un procès équitable. En particulier, elle allait à l’encontre des principes de la procédure contradictoire et de l’égalité des armes.

79. La Cour observe ensuite que les requérants ont tenté de contester plusieurs rapports d’expertise en s’appuyant sur des avis de spécialistes. Elle rappelle à cet égard qu’elle a déjà dit que pour obtenir une contre‑expertise la défense devait convaincre le tribunal que les rapports présentés par l’accusation étaient incomplets ou déficients, et qu’il pouvait être difficile de contester les conclusions d’un expert sans l’aide d’un autre expert du domaine pertinent (ibidem, § 495). Dans les circonstances de l’espèce, elle estime que pour pouvoir faire valoir effectivement son droit à une contre-expertise, la défense aurait dû avoir la même possibilité que l’accusation de produire un rapport établi par un expert. Elle ne perd pas de vue que le droit en question n’est pas absolu et que les formes selon lesquelles la défense peut demander l’aide d’experts peuvent varier. Elle observe toutefois qu’en l’espèce, la défense a tenté d’apporter la preuve que les rapports produits par l’accusation étaient déficients en soumettant des avis de spécialistes, P. et T., et que, alors que ces avis étaient a priori pertinents, la cour régionale a refusé de les admettre comme preuves (paragraphes 27-28 et 31 ci‑dessus).

80. Elle note également que, si la cour régionale a accepté d’entendre le spécialiste K. relativement à l’usage de l’hexogène, elle a refusé de lui donner la possibilité de commenter des rapports d’expertise, au motif qu’un spécialiste n’était pas habilité à s’exprimer sur les conclusions d’un expert judiciaire (paragraphe 34 ci‑dessus). Elle rappelle qu’une telle déclaration équivaut à un refus général d’accepter toute preuve émanant d’un spécialiste produite dans le but de réfuter un rapport d’expert, ce qui est incompatible avec le principe de l’égalité des armes (ibidem, § 496). Par ailleurs, elle observe que la cour régionale a dit que la défense n’était pas autorisée à communiquer le contenu des pièces du dossier pénal à des tiers, l’affaire pénale étant classée « secrète » (paragraphe 28 ci‑dessus). Cette position de la cour régionale n’a fait qu’entraver davantage la possibilité pour la défense de contester les rapports d’expertise présentés par l’accusation.

81. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que l’approche des juridictions internes quant à la recevabilité des avis de spécialistes établis à la demande de la défense a créé un déséquilibre entre la défense et l’accusation, violant ainsi le principe de l’égalité des armes entre les parties (ibidem, § 499).

c) Sur l’indépendance et l’impartialité des experts

82. La Cour constate que les requérants se plaignent aussi d’un défaut d’indépendance et d’impartialité des experts choisis par l’accusation (paragraphe 67 ci‑dessus). Elle note toutefois qu’elle s’est déjà prononcée sur les parties les plus importantes du même grief, qui porte plus largement sur l’examen des éléments de preuve par les juridictions nationales (paragraphes 74‑81 ci‑dessus). Elle considère par conséquent que cette partie du grief n’appelle pas d’examen distinct.

d) Conclusion quant à l’équité de la procédure

83. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut qu’il y a eu violation des articles 6 §§ 1 et 3 d) à raison d’un défaut d’équité de la procédure pénale dirigée contre les requérants.

IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE LA CONVENTION

84. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 c), d) de la Convention, les requérants se plaignent en outre de ne pas avoir pu bénéficier de l’assistance d’un avocat du 2 au 3 mars 2010, de ce que « Petrov » et « Sidorov » ont témoigné de manière anonyme, et de ce que la défense n’a pas pu interroger en audience judiciaire les témoins instrumentaires N. et K.

85. Constatant que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés ni irrecevables pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour les déclare recevables.

86. Toutefois, eu égard à la conclusion exposée au paragraphe 83 ci‑dessus, elle n’estime pas nécessaire d’examiner quant au fond le restant des griefs formulés sur le terrain de l’article 6 de la Convention.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

87. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

88. Les requérants demandent, pour dommage moral, les sommes suivantes : 30 000 euros (EUR) (premier requérant), 50 000 EUR (deuxième, troisième et quatrième requérants), 25 000 EUR (cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième requérants). Ils sollicitent en outre, au titre du dommage matériel qu’ils estiment avoir subi en raison de la perte de revenus due à leur détention et de leur condamnation à une peine privative de liberté, les sommes suivantes : 40 000 EUR (premier, deuxième, troisième et quatrième requérants), 25 000 EUR (cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième requérants).

89. Le Gouvernement soutient pour sa part estime que les montants demandés par les requérants pour dommage moral sont excessifs et ne correspondent pas à la jurisprudence de la Cour en la matière. Il ajoute que, si leur condamnation était annulée à l’issue d’un réexamen de leur affaire pénale, les juridictions nationales seraient en mesure d’octroyer une indemnisation aux intéressés. Quant aux prétentions que ceux-ci formulent pour dommage matériel, il argue qu’elles ne sont pas étayées par des justificatifs pertinents.

90. La Cour estime, compte tenu des circonstances de la cause, que le constat de violation constitue en l’espèce une réparation suffisante pour le dommage moral subi par les requérants.

91. Elle ne distingue par ailleurs aucun lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. En effet, elle ne saurait spéculer sur le résultat auquel la procédure pénale dirigée contre les requérants aurait abouti si la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention n’avait pas eu lieu (voir, par exemple, Mantovanelli c. France, 18 mars 1997, § 40, Recueil des arrêts et décisions 1997‑II). Il convient donc de rejeter les prétentions formulées par les requérants à ce titre.

B. Frais et dépens

92. Les requérants réclament 15 250 EUR au titre des frais et dépens qu’ils disent avoir engagés aux fins de la procédure menée devant la Cour (15 200 EUR de frais de conseil et 50 EUR de frais postaux). Ils soumettent à cet égard deux conventions d’assistance juridique conclues par un tiers, K., avec une avocate exerçant à Moscou, Me O. Au titre des frais et dépens qu’ils disent avoir engagés dans le cadre de la procédure menée devant les juridictions internes, ils réclament les sommes suivantes : 25 000 EUR (premier, deuxième, troisième et quatrième requérants), 15 000 EUR (cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième requérants).

93. Le Gouvernement ne s’est pas exprimé sur la demande formulée par les requérants quant aux frais et dépens engagés devant la Cour. En ce qui concerne les frais et dépens engagés devant les juridictions internes, il fait valoir que les intéressés n’ont produit aucun justificatif à l’appui de leur demande.

94. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, mutatis mutandis, Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 55, CEDH 2000‑XI).

95. En ce qui concerne la demande portant sur les frais et dépens relatifs à la procédure menée devant elle, la Cour constate que les requérants ont été représentés par Mme O. Preobrazhenskaya après avoir été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, et qu’elle a reçu à ce titre 850 EUR. Elle note que les conventions d’assistance juridique conclues par K. avec Me O. ne liaient pas juridiquement les requérants et que rien ne démontre qu’ils soient tenus de rembourser K. en tant que tiers ayant supporté les frais afférents à leur représentation devant la Cour (voir, a contrario, Ivanova et Cherkezov c. Bulgarie, no 46577/15, § 89, 21 avril 2016). Elle estime donc que les requérants n’ont pas réellement supporté la charge des frais faisant l’objet des conventions d’assistance juridique conclues par K. avec Me O. (Voskuil c. Pays-Bas, no 64752/01, § 92, 22 novembre 2007, et Dudgeon c. Royaume-Uni (article 50), 24 février 1983, § 22 in fine, série A no 59). Les requérants n’ont pas non plus produit de justificatifs de paiement des frais postaux dont ils demandent le remboursement. Partant, la Cour rejette leur demande en ce qui concerne les frais et dépens relatifs à la procédure menée devant elle.

96. Elle constate par ailleurs que les requérants n’ont produit aucun justificatif de paiement des sommes qu’ils réclament en ce qui concerne les frais et dépens relatifs à la procédure interne. Partant, elle rejette également leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Déclare les griefs tirés de l’article 6 §§ 1 et 3 c) et d) de la Convention recevables pour autant qu’ils concernent l’absence de publicité du procès pénal des requérants, la difficulté pour la défense de contester les rapports d’expertise établis à la demande de l’accusation, l’impossibilité de bénéficier de l’assistance d’un avocat, l’interrogatoire de deux témoins à charge anonymes ainsi que l’impossibilité d’interroger en audience judiciaire deux témoins instrumentaires, et le surplus des requêtes irrecevable ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention à raison de l’absence de publicité du procès pénal des requérants ;

4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention à raison du défaut d’équité de la procédure pénale dirigée contre les requérants ;

5. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le reste des griefs formulés sur le terrain de l’article 6 §§ 1 et 3 c) et d) de la Convention ;

6. Dit que le constat de violation constitue en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par les requérants ;

7. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 octobre 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Olga Chernishova                              Georges Ravarani
Greffière adjointe                                    Président

_____________

Appendix

Liste des requérants :

No Requête No Nom de l’affaire Introduite le Requérant
Année de naissance
Lieu de résidence 
Représenté par
1 9418/13 Kartoyev c. Russie 25/01/2013 Murad Mukhazhirovich KARTOYEV
(le premier requérant)
1981
Tver
Oksana Vladimirovna PREOBRAZHENSKAYA
2 9421/13 Aushev c. Russie 25/01/2013 Zelimkhan Yakubovich AUSHEV
(le deuxième requérant)
1985
Ognennyy
Oksana Vladimirovna PREOBRAZHENSKAYA
3 49007/13 Kartoyev et autres c. Russie 22/07/2013 Beslan Umatgireyevich KARTOYEV
(le troisième requérant)
1977
Tver
Tatarkhan Umatgireyevich KARTOYEV
(le quatrième requérant)
1973
Sol-Iletsk 
Beslan Daudovich KARTOYEV
(le cinquième requérant)
1986
Tver 
Idris Alikhanovich KARTOYEV
(le sixième requérant)
1976
Tver 
Ilyas Daudovich KARTOYEV
(le septième requérant)
1976
Tver 
Magomed Mussayevich KARTOYEV
(le huitième requérant)
1979
Tver 
Timur Mukhazhirovich KARTOYEV
(le neuvième requérant)
1977
Tver
Oksana Vladimirovna PREOBRAZHENSKAYA

Dernière mise à jour le octobre 19, 2021 par loisdumonde

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